En Iran, une polyphonie féminine qui veut faire entendre sa voix

Au départ, c'est Faézé, au "dohol" (tambour à deux peaux), qui chante, seule, accompagnée par Malihé au "pipère", un tambour traditionnel qui se joue à l'aide d'une baguette incurvée, Néguine au "kassère", un autre type de tambour à deux peaux, et Nouchine au luth oriental (oud). (Photo AFP).
Au départ, c'est Faézé, au "dohol" (tambour à deux peaux), qui chante, seule, accompagnée par Malihé au "pipère", un tambour traditionnel qui se joue à l'aide d'une baguette incurvée, Néguine au "kassère", un autre type de tambour à deux peaux, et Nouchine au luth oriental (oud). (Photo AFP).
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Publié le Jeudi 17 septembre 2020

En Iran, une polyphonie féminine qui veut faire entendre sa voix

  • Si le groupe féminin Dingo a pu se produire devant un public mixte, c'est que les règles se sont un peu assouplies depuis quelques années.
  • D'une manière générale, la musique profane est mal jugée par le clergé chiite, qui y un voit un divertissement éloignant les fidèles des préoccupations religieuses

BANDAR ABBAS : Le groupe a fini de chanter et la salle s'est embrasée: applaudissements nourris des hommes et youyous des femmes pour une ovation debout. Le spectacle pourrait sembler banal s'il n'avait lieu en Iran avec un quatuor exclusivement féminin sur scène.

"J'étais vraiment heureux de pouvoir être là et de te voir" jouer et chanter, dira Sassan Heydari à son épouse Néguine, l'une des quatre musiciennes acclamées ce soir-là à Bandar Abbas, à l'issue de la représentation

Avant ce concert, Sassan, marié à Néguine depuis dix ans, n'avait jamais pu assister à un tour de chant de sa femme sur les planches parce qu'un interdit religieux restreint considérablement l'exercice public des vocalises féminines en République islamique d'Iran.

Si le groupe Dingo a pu se produire devant un public mixte, c'est que les règles se sont un peu assouplies depuis quelques années.

Selon Sahar Taati, ancienne directrice du département Musique au ministère de la Culture et de la Guidance islamique (Erchad), aucune loi iranienne n'interdit spécifiquement aux femmes de chanter devant une audience mixte.

Mais une majorité de mollahs estime que le chant féminin est "haram" ("interdit" pour des motifs religieux) en ce qu'il serait à même de stimuler une excitation sensuelle susceptible de jeter les hommes dans le stupre, explique Mme Taati à l'AFP.

D'une manière générale, la musique profane est mal jugée par le clergé chiite, qui y un voit un divertissement éloignant les fidèles des préoccupations religieuses.

Son interdiction, décrétée rapidement après la victoire de la révolution islamique de 1979, a été progressivement levée, mais pas intégralement. Ce fut d'abord l'autorisation de la musique "révolutionnaire", qui permettait de galvaniser les combattants, pendant la guerre entre l'Irak et l'Iran (1980-1988).

Puis l'accent fut mis sur la musique traditionnelle iranienne. Jugée "décadente" par un pouvoir en guerre ouverte contre "l'invasion culturelle", la musique occidentale reste ostracisée ou interdite, selon les époques

Après l'ouverture du président Mohammad Khatami (1999-2005), annulée par le tournant ultraconservateur de son successeur Mahmoud Ahmadinejad, la promotion d'événements musicaux a été un temps facilitée après l'accession à la présidence du modéré Hassan Rohani en 2013

"Accompagnée par un homme"

Les restrictions sont encore légion; tout concert doit être approuvé par Erchad et il reste quasi impossible pour une chanteuse de se produire en soliste - dans un cadre légal - autrement que devant d'autres femmes

Mais "des femmes peuvent chanter devant un auditoire mixte si elles chantent ensemble, à plus de deux, ou si une femme seule chante accompagnée par un homme dont la voix sera toujours au moins aussi forte que la sienne", explique Mme Taati.

C'est ainsi qu'un metteur en scène iranien a pu monter à l'hiver 2018-2019 une adaptation en persan de la comédie musicale "Les Misérables" à Téhéran: les solos féminins y étaient soutenus par la voix d'une autre chanteuse apparaissant dans l'ombre côté jardin.

A Bandar Abbas, grande ville portuaire du Sud, l'aventure du groupe Dingo, auquel a participé Néguine Heydari, 36 ans, a commencé fin 2016.

Selon Malihé Chahinzadé, 34 ans, et Faézé Mohseni, 31 ans, tout est parti d'une discussion sur la plage. Les deux jeunes femmes, déjà musiciennes, décident "de commencer à jouer des instruments" traditionnels

Il faut alors monter un groupe. Rapidement Néguine, qui a grandi dans le même quartier, les rejoint. Via Instagram, Nouchine Youssefzadé, 26 ans, vient s’ajouter au trio.

Dohol, pipère, kassère et oud

"Dingo" - mot qui en dialecte bandari évoque les premiers pas fragiles d'un nourrisson - est né.

Au départ, c'est Faézé, au "dohol" (tambour à deux peaux), qui chante, seule, accompagnée par Malihé au "pipère", un tambour traditionnel qui se joue à l'aide d'une baguette incurvée, Néguine au "kassère", un autre type de tambour à deux peaux, et Nouchine au luth oriental (oud).

Mais cette configuration contraint les quatre musiciennes à se produire uniquement devant des femmes. Jusqu'au jour où elles prennent conscience qu'en chantant à plusieurs, elles pourraient se présenter devant des auditoires mixtes.

Le groupe tente sa chance, mais les complications bureaucratiques sont immenses. 

Un documentaire récent, "No Land’s Song", décrit le parcours kafkaïen d’une compositrice iranienne, Sara Najafi, décidée à organiser un concert où plusieurs femmes chanteront tantôt en chœur, tantôt en solo devant des hommes et des femmes.

Il lui faudra un an et demi d'efforts pour venir à bout des "oubliez, c'est impossible" renvoyés par les fonctionnaires d'Erchad. Le concert finit par se tenir mais l'autorisation n'est obtenue qu'au dernier moment.

Refusant de s’étendre sur les difficultés rencontrées par Dingo pour se produire devant un public mixte, Néguine Heydari confie simplement: la plupart du temps, "on abandonnait".

Elles parviennent néanmoins à jouer et chanter ensemble devant des hommes et des femmes lors du Festival du oud de Chiraz (Sud) en juillet 2018.

Et lorsqu'elles apprennent qu'un "Festival international de musique du golfe Persique" - tout ce qu'il y a de plus officiel - se tiendra dans leur ville en avril 2019, les quatre musiciennes de Dingo posent leur candidature.

Elles n'obtiennent confirmation de leur sélection que quelques jours avant le concert, ce qui contraint le quatuor à des journées de répétitions forcenées "pour parvenir à chanter en choeur", raconte Malihé Chahinzadé.

Sur scène ce soir-là, les Dingo, en costume traditionnel, mettent toute leur énergie au service du répertoire de la musique bandari: rythmes effrénés soutenant des paroles de chansons populaires transmises de génération en génération. Le public est séduit facilement et le jury leur discerne un prix. 

 "Enfin vues"

"On a le sentiment d'avoir été enfin vues (...) par une nouvelle frange de la société", dit à l'AFP Nouchine, à l'issue de la représentation.

"Toutes ces répétitions ont fini par payer", ajoute-t-elle. La griserie de se produire devant un public mixte - occasion qui ne s’est pas représentée depuis - fait oublier les moments d'angoisses des jours précédents: peur de ne pas être à la hauteur, peur, jusqu'à la dernière minute, d'une annulation.

Les femmes de Dingo (elles sont aujourd'hui deux sur quatre à travailler) se voient volontiers comme des "pionnières" et s'estiment heureuses d'avoir été pleinement soutenues par leurs familles, plutôt aisées.

Depuis le concert d'avril 2019, Néguine a quitté le groupe. On évoque des "différends artistiques". Une guitariste, Mina Molaï, a pris sa place. Si elle interdit jusqu'à nouvel ordre tout concert, l'épidémie de Covid-19 fait germer de nouveaux projets.

"Jusqu'à présent, nous ne faisions que reprendre des pièces du répertoire folklorique bandari, mais maintenant nous pensons créer des morceaux originaux", dit Malihé.

Clefs USB

Malgré toutes les difficultés, des chanteuses iraniennes continuent d'enchanter des oreilles pas seulement féminines dans le pays et circuler en taxi à Téhéran peut être un moyen de s'en convaincre.

Vous pourriez croiser ce chauffeur qui ne se gêne pas pour écouter pleins tubes et fenêtres ouvertes du Gougoush, la grande diva de la pop d'avant la Révolution qui fit son grand retour à la chanson en 2000 en Amérique du Nord après 21 ans d'un silence - subi - dans son propre pays.

Ou tel ou tel autre qui s'autorise les mélodies, stockées sur des clefs USB de Hayedeh ou de sa soeur, Mahasti, deux autres reines de la scène pop et traditionnelle d'avant 1979, enterrées en Californie.

Vous pourriez aussi entendre la voix de Gelareh Sheibani, représentante peu connue de la jeune génération de la variété persane active à Los Angeles et dont l'Internet fait résonner le timbre jusque dans son pays d'origine.

À moins que votre chauffeur ne préfère la chanteuse lyrique Darya Dadvar, installée à Paris. Aussi à l'aise dans le répertoire baroque que dans le jazz ou la musique traditionnelle iranienne, cette soprano est l'une des très rares femmes à avoir chanté en solo devant un parterre mixte depuis la Révolution, au début de la décennie 2000. 

 

 


L'artiste saoudienne Bdour Al-Maliki peint avec passion et douleur

Un portrait du prince héritier Mohammed bin Salman par l'artiste Bdour Al-Maliki. (Photo Fournie)
Un portrait du prince héritier Mohammed bin Salman par l'artiste Bdour Al-Maliki. (Photo Fournie)
(Photo Fournie)
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  • Bdour Al-Maliki a parlé avec optimisme de l'état de la scène artistique saoudienne, notant qu'elle est témoin d'un boom sans précédent grâce aux initiatives de Saudi Vision 2030 en faveur de la culture et des arts.
  • "Aujourd'hui encore, j'ai l'impression que chaque tableau sur lequel je travaille porte une partie de son esprit artistique", a-t-elle déclaré. 

LA MECQUE : L'artiste visuelle saoudienne Bdour Al-Maliki s'est imposée comme une voix distincte sur la scène artistique locale, transformant sa douleur personnelle et son expérience vécue en œuvres colorées.

L'enfance de Bdour Al-Maliki a été façonnée par son père artiste, qui a nourri sa conscience visuelle dès son plus jeune âge. 

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"Le fait que mon père soit un artiste a eu un impact profond sur mes premières années", dit-elle. "Je le regardais peindre avec passion, maniant les couleurs et les outils avec amour. Cela m'a permis de comprendre que la peinture n'est pas seulement un passe-temps, mais une forme d'expression et un mode de vie".

Son père ne lui a pas imposé l'art, souligne-t-elle. Au contraire, sa présence inspirante l'a poussée à se tourner naturellement vers l'art, comme s'il faisait partie de son identité : "Aujourd'hui encore, j'ai l'impression que chaque tableau sur lequel je travaille porte une partie de son esprit artistique", a-t-elle déclaré. 

(Photo Fournie)

Je m'inspire de l'environnement, des histoires et des sentiments que nous éprouvons, et j'essaie de les exprimer à ma manière. Mon art porte l'esprit du lieu auquel j'appartiens. Bdour Al-Maliki, artiste visuel saoudien

La peinture, qui était un compagnon d'enfance pour Al-Maliki, est devenue la quête de toute une vie. 

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"La première fois que j'ai réalisé que la peinture n'était pas un simple passe-temps, c'est lorsque j'ai vu comment mes tableaux touchaient les émotions des gens", a-t-elle déclaré. "À partir de ce moment-là, j'ai su que c'était ma passion et ma façon de m'exprimer.

Mme Al-Maliki est convaincue que l'art a le pouvoir profond de toucher l'âme, ce qui alimente son sens des responsabilités dans les œuvres qu'elle crée. Elle explique qu'elle a tendance à explorer des sujets tristes et douloureux, en particulier des histoires humaines qui "secouent le cœur des gens". Elle estime que ces émotions sont porteuses d'une énergie qui mérite d'être transmise aux gens par l'art. 

Mme Al-Maliki explique qu'elle ne suit pas une école artistique spécifique, mais qu'elle s'efforce de créer son propre style dans chaque tableau - un style qui sert les émotions de l'histoire et transmet le sentiment dans sa forme la plus authentique, même s'il change d'une œuvre à l'autre. "L'expression est plus importante que l'adhésion à une école artistique", dit-elle. "Mon identité saoudienne est présente dans mes sentiments avant tout. Je m'inspire de l'environnement, des histoires et des sentiments que nous avons vécus, et j'essaie de les exprimer à ma manière. Mon art porte l'esprit de l'endroit auquel j'appartiens".

M. Al-Maliki a parlé avec optimisme de l'état de la scène artistique saoudienne, notant qu'elle connaît un essor sans précédent grâce aux initiatives de Saudi Vision 2030 en faveur de la culture et des arts, qui ont offert aux artistes de plus grandes possibilités de réaliser leur potentiel. À ses débuts, avant que de telles initiatives ne soient mises en place, Mme Al-Maliki a estimé qu'il y avait un manque notable de soutien pour les artistes. 

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Mais elle a transformé ces défis - ainsi que des défis personnels, dont son divorce - en carburant pour sa créativité, considérant chaque peinture qu'elle réalise comme une victoire sur l'adversité.

Mme Al-Maliki prépare actuellement une exposition internationale d'œuvres qui, selon elle, reflètent son identité et son histoire.

"Ma prochaine ambition est que le monde entende ma voix à travers mon art", a-t-elle déclaré. "L'art est ma voix et ma patrie. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Forum des Arts de la Calligraphie Arabe s’ouvre à Djeddah

Le deuxième Forum des Arts de la Calligraphie Arabe a débuté à Djeddah, avec la participation de calligraphes arabes et internationaux, ainsi que d’artistes visuels. (SPA)
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  • Le forum s’inscrit dans le cadre de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, dans le cadre d’une initiative nationale en faveur des arts visuels, un pilier de l’identité culturelle du Royaume

DJEDDAH : Le deuxième Forum des Arts de la Calligraphie Arabe a débuté à Djeddah, avec la participation de calligraphes arabes et internationaux, ainsi que d’artistes visuels.

L’événement, qui se tient jusqu’au 28 août, vise à mettre en lumière la beauté et la diversité de cet art ancien, tout en soutenant les artistes et en valorisant la culture de la calligraphie arabe.

Saud Khan, coordinateur du forum, a souligné qu’il s’agissait de l’un des événements les plus prestigieux de son genre, avec 138 œuvres exposées, réalisées par 105 calligraphes venus de 13 pays, dont un groupe d’élite de calligraphes saoudiens.

Un comité de maîtres calligraphes a supervisé un processus de sélection rigoureux afin de garantir la qualité des œuvres présentées.

Le programme comprend également des performances artistiques en direct et des ateliers spécialisés destinés à accompagner les jeunes talents.

Le forum s’aligne sur la Vision 2030 du Royaume, en tant qu’initiative nationale visant à promouvoir les arts visuels, essentiels à l’identité culturelle saoudienne.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'Anglaise doyenne de l'humanité fête ses 116 ans

La supercentenaire et sa famille sont "reconnaissants pour tous les gentils messages et l'intérêt manifesté à son égard". (AFP)
La supercentenaire et sa famille sont "reconnaissants pour tous les gentils messages et l'intérêt manifesté à son égard". (AFP)
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  • Née le 21 août 1909 dans un village du Hampshire, dans le sud de l'Angleterre, Ethel Caterham est devenue la doyenne de l'humanité début mai après le décès de la nonne brésilienne Inah Canabarro Lucas à l'âge de 116 ans
  • "Ethel a une nouvelle fois choisi de ne pas accorder d'interviews, préférant passer la journée tranquillement avec sa famille pour qu'elle puisse en profiter à son rythme"

LONDRES: La doyenne du monde, la Britannique Ethel Caterham, fête jeudi ses 116 ans, a annoncé la maison de retraite dans laquelle elle vit.

Née le 21 août 1909 dans un village du Hampshire, dans le sud de l'Angleterre, Ethel Caterham est devenue la doyenne de l'humanité début mai après le décès de la nonne brésilienne Inah Canabarro Lucas à l'âge de 116 ans.

Elle vit dans une maison de retraite du Surrey, un comté au sud de Londres.

"Ethel a une nouvelle fois choisi de ne pas accorder d'interviews, préférant passer la journée tranquillement avec sa famille pour qu'elle puisse en profiter à son rythme", a indiqué un porte-parole de la maison de retraite.

La supercentenaire et sa famille sont "reconnaissants pour tous les gentils messages et l'intérêt manifesté à son égard", a précisé la même source.

Ethel Caterham est le dernier sujet vivant du roi Édouard VII, dont le règne s'est achevé en 1910. Elle est aussi la Britannique la plus âgée de tous les temps, selon la base de données Oldest in Britain.

L'année dernière, elle avait reçu une lettre du roi Charles III la félicitant d'avoir atteint cette "étape remarquable".