Fermiers turcs contre Ferrero: la noisette de la discorde

Plus de 50% de sucre, environ 30% de matière grasse (dont une majorité d'huile de palme), 13% de noisettes et moins de 10% de cacao: la composition nutritionnelle du Nutella est loin de faire l'unanimité parmi les autorités sanitaires européennes. (AFP)
Plus de 50% de sucre, environ 30% de matière grasse (dont une majorité d'huile de palme), 13% de noisettes et moins de 10% de cacao: la composition nutritionnelle du Nutella est loin de faire l'unanimité parmi les autorités sanitaires européennes. (AFP)
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Publié le Mercredi 27 octobre 2021

Fermiers turcs contre Ferrero: la noisette de la discorde

  • Les producteurs de noisettes de Turquie, premier exportateur mondial, dénoncent la mainmise sur leurs récoltes de l'italien Ferrero, accusé de casser les prix
  • «Ferrero et les grands acteurs du marché tirent les prix à la baisse», dénonce le président de la Chambre de commerce locale, qui accuse le géant italien de gonfler les estimations de récoltes pour peser sur les cours

TURQUIE: A perte de vue, les noisetiers déroulent leurs feuilles à peine roussies en ce début d'automne. Mais sous les frondaisons humides, la colère gronde contre le géant de la pâte à tartiner. 


Les producteurs de noisettes de Turquie, premier exportateur mondial, dénoncent la mainmise sur leurs récoltes de l'italien Ferrero, accusé de casser les prix.


"Ils ont le monopole, donc les mains libres. Mais ils achètent encore plus bas que l'an dernier. Cette année, je ne leur vendrai rien", prévient Aydin Simsek, 43 ans, surveillant du coin de l'oeil la douzaine de ramasseurs kurdes accroupis qui enfournent à pleines poignées les noisettes dans de grands sacs de toile.

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«Ils ont le monopole, donc les mains libres. Mais ils achètent encore plus bas que l'an dernier. Cette année, je ne leur vendrai rien», prévient Aydin Simsek, 43 ans. (AFP)


Emmitouflée dans son épais gilet et son châle fleuri, Serife Koyu passe ainsi une douzaine d'heures par jour à Akyazi (nord-est), à genoux dans les feuillages malgré sa grossesse déjà bien visible.


Une journée de travail payée 12 euros pour cette femme venue en famille de Diyarbakir (sud-est) pour les six semaines de récolte. 


Pour Mehmet Sirin, 25 ans, la capuche relevée sur sa casquette pour se garder de la bruine, "c'est de l'exploitation: les noisettes nous reviennent sous forme de Nutella, mais nous, on en tire bien moins de profit qu'eux". 


"Une injustice pure", ajoute-t-il en se remettant à l'ouvrage. 


Selon la FAO, le Fonds pour l'agriculture des Nations unies, la Turquie assure environ 70% de la production mondiale et 82% des exportations, très loin devant l'Italie (20%) et quelques pays qui se partagent les miettes, dont l'Azerbaïdjan, la Géorgie et l'Iran.


Sur les 600 à 700 000 tonnes de noisettes ramassées, environ 300 000 partent à l'export: "Comment se fait-il que seuls les étrangers en tirent profit?" s'insurge le président de la chambre de commerce d'Istanbul, Omer Demir. 


"Bon sang, ils nous les achètent 22 à 23 livres [environ 2 euros] le kilo et les revendent 23 dollars [20 euros]: comment on en arrive là? Il faut leur barrer la route."


Surtout qu'en fournissant outils et engrais aux paysans et en pré-payant leur récolte à un prix fixé à l'avance, les principaux grossistes, comme ceux qui fournissent le groupe italien, "ne laissent aucune chance aux autres", regrette-t-il.


Car c'est vrai, personne ne peut s'aligner. Cabbar Saka le reconnaît, il n'a pas eu le choix: "Que pouvais-je faire? j'avais besoin d'argent pour le mariage de ma fille... J'ai vendu mes 1 600 kg de noisettes au grossiste".


Il a reçu l'argent tout de suite quand le Bureau agricole (TMO, l'autorité publique de régulation) paye lui à tempérament.

Pâtes à tartiner: cinq choses à savoir sur le Nutella et ses alternatives

Plutôt Nutella ou Nocciolata? Avec ou sans huile de palme? Dominante chocolat, noisette... ou cacahuète? Certains en viennent aux mains pour des pots en promotion, tandis qu'en Turquie d'autres s'insurgent sur les prix trop bas payés pour les noisettes. Que savez-vous des pâtes à tartiner?

Les scandales des noisettes...

En Turquie, principal exportateur de noisettes, les ramasseurs accusent Ferrero, propriétaire italien de Nutella, de casser les prix.


Déjà, en avril 2019, une enquête du New York Times révélait les conditions de travail difficiles de réfugiés syriens gagnant à peine de quoi couvrir leurs frais en participant à la récolte. 


Six mois plus tard, la BBC renchérissait avec un reportage montrant des enfants kurdes y travailler.


Ferrero, qui achète environ un tiers de la production turque, notamment par l'intermédiaire de grossistes, s'était alors défendu en affirmant ne pas toucher aux produits "fabriqués avec des pratiques contraires à l'éthique" et en mettant en avant son programme de formation des agriculteurs.


En 2020, le groupe était en mesure d'assurer la traçabilité de 44% des noisettes turques et vise un objectif de 100% d'ici à 2023 malgré un ralentissement lié à la pandémie.

... et de l'huile de palme

Plus de 50% de sucre, environ 30% de matière grasse (dont une majorité d'huile de palme), 13% de noisettes et moins de 10% de cacao: la composition nutritionnelle du Nutella est loin de faire l'unanimité parmi les autorités sanitaires européennes.


L'industrie de l'huile de palme est par ailleurs accusée de contribuer à la déforestation. En juin 2015, la ministre française de l'Environnement, Ségolène Royal, avait dû présenter ses "excuses" pour avoir appelé à cesser de manger du Nutella au nom de la défense des forêts, provoquant la colère du groupe.


Depuis plusieurs années, Ferrero se targue d'être en tête du classement WWF des acheteurs d'huile de palme qui privilégient les filières durables et revendique 100% de traçabilité. A lui seul, le groupe utilise près de 200 000 tonnes d'huile de palme par an, soit environ 0,3% de la production mondiale.

Incontournable

En janvier 2018, les images font le tour du monde: des clients en viennent aux mains pour récupérer des pots de Nutella en promotion dans les supermarchés français Intermarché, qui paieront ensuite 375 000 euros d'amende pour revente à perte.


Il existe une journée mondiale du Nutella (le 5 février) et la marque continue de dominer plus de la moitié du marché mondial de la pâte à tartiner chocolatée, selon Euromonitor International. 


L'héritier de l'empire éponyme, Giovanni Ferrero, est 40e au classement des milliardaires du magazine Forbes, avec une fortune estimée à plus de 35 milliards de dollars. Le groupe Ferrero affichait 15 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2020, mais ne divulgue pas quelle part provient des pâtes à tartiner.

Une multitude de concurrents

Milka, Nestlé, Barilla, Banania, Nocciolata, Bonne Maman... Une multitude d'acteurs tentent de concurrencer le Nutella et de profiter de la croissance du marché des pâtes à tartiner, avec de nouveaux lancements chaque année en Europe qui ont fait légèrement baisser la part de Ferrero, selon des analystes du secteur.


Pour tirer leur épingle du jeu, ses concurrents tablent sur des recettes sans huile de palme, vegan ou sans gluten, avec des prix souvent plus élevés. La part des produits bio n'a, elle, cessé d'augmenter ces dernières années.

L'indétrônable beurre de cacahuètes?

Plus de 300 000 tonnes de Nutella sont consommées chaque année dans le monde, un poids souvent comparé à celui de l'emblématique Empire State Building new-yorkais.


Mais, rien qu'aux Etats-Unis, la consommation de beurre de cacahuète s'élèverait à plus de 630 000 tonnes par an, selon des chiffres compilés par l'American Peanut Council.


Le Nutella aura beau s'immiscer sur les pizzas, dans les makis ou encore dans les pâtisseries orientales, les noisettes se sont pas prêtes de remplacer la cacahuète sur les tartines américaines.


«Pas à ce prix»

Le district d'Akyazi compte 5 500 producteurs déclarés. Devant les maisons, la récolte sèche en plein air sur des bâches, quelques jours pas plus, en surveillant constamment le ciel pour éviter les pluies. 


"Ferrero et les grands acteurs du marché tirent les prix à la baisse", dénonce Sener Bayraktar, le président de la Chambre de commerce locale, qui accuse le géant italien de gonfler les estimations de récoltes pour peser sur les cours.


"Mais la crainte des producteurs, s'ils se plaignent, c'est de ne plus pouvoir vendre", relève-t-il.


"Ferrero a mis en place un système qui ne laisse aucune chance" aux acteurs locaux, assure M. Bayraktar, qui appelle les autorités à soutenir plus franchement les acteurs indépendants et ces derniers à relever leurs prix, pour inciter les producteurs à leur réserver leurs noisettes. 


Sollicité par l'AFP, le géant italien se défend: "Nous n'achetons pas directement aux producteurs, nous passons par un réseau d'acheteurs et de fournisseurs spécialisés (...) en respectant les lois du marché et sa dynamique", explique un porte-parole du siège, qui rappelle que Ferrero est présent en Turquie depuis plus de 35 ans.


L'approvisionnement turc en matière première étant indispensable à la production du Nutella et des rochers, le groupe a créé en 2014 une filiale locale, Ferrero Findik (noisettes, en turc) qui gère six usines de traitement (lavage, décoquillage et torréfaction) et un site de production de Nutella.


En 2014, le groupe a aussi racheté le roi de la noisette, Oltan, ce qui a fini de lui assurer le contrôle du marché et des cours. 


Pour soutenir les producteurs de noisettes - 76 500 enregistrés - le ministère de l'Agriculture les pousse à se lancer eux-mêmes dans la transformation du produit au lieu de vendre seulement leur matière première, ce qui leur assurerait un meilleur revenu.


L'an dernier, Aydin Simsek avait vendu toute sa récolte à Ferrero. Cette année, il prévoit de la réserver intégralement, 15 tonnes espère-t-il, au TMO. "Quand Ferrero agira de bonne foi, je serai ravi moi aussi de manger du Nutella. Mais pas à ce prix."


Bercy veut qu'EDF "rouvre" le dossier de la vente d'une pépite technologique à un Américain

Cette photo aérienne montre la centrale à charbon d'EDF à Cordemais, dans l'ouest de la France, le 3 juin 2025. (AFP)
Cette photo aérienne montre la centrale à charbon d'EDF à Cordemais, dans l'ouest de la France, le 3 juin 2025. (AFP)
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  • Le ministère français de l'Economie a demandé à EDF de "rouvrir" le dossier de la vente de sa pépite technologique Exaion, spécialisée dans les supercalculateurs, au groupe américain Mara

PARIS: Le ministère français de l'Economie a demandé à EDF de "rouvrir" le dossier de la vente de sa pépite technologique Exaion, spécialisée dans les supercalculateurs, au groupe américain Mara, a-t-il indiqué vendredi à l'AFP.

"On demande à EDF de rouvrir le sujet et de le réévaluer", affirme Bercy, soulignant que "le dossier n'est pas clos", confirmant une information des Echos.

"C'est comme si on suspendait la procédure avec Mara (une entreprise américaine spécialisée dans les technologies liées aux actifs numériques) le temps de se réinterroger", a précisé le ministère de l'Economie, ajoutant que le dossier est entre les mains d'EDF, détenu par l'Etat à 100%, et de l'Agence des participations de l'Etat (APE).

EDF a officialisé le 11 août la signature d'un accord prévoyant l'acquisition par Mara de 64% dans Exaion pour 168 millions d'euros,  soulevant des critiques sur la vente d'actifs stratégiques français à des pays étrangers.

La société, filiale de l'énergéticien français, développe des centres de données de calcul de haute performance.

"Allons-nous brader les pépites tech souveraines qui grandissent en France?", a notamment apostrophé dimanche sur le réseau X l'ancien ministre de l'Economie, Antoine Armand.

Il y a en tout état de cause "un certain nombre d'autorisations préalables avant d'aboutir à la cession effective", affirme Bercy selon qui il y a désormais trois scénarios: soit EDF décide de ne pas céder Exaion, soit il cherche un autre investisseur notamment européen, soit la vente à Mara se poursuit. Dans ce cas, une procédure de contrôle des investissements étrangers (IEF) serait déclenchée par le Trésor dont un potentiel blocage devrait être motivé.

"Quand on dit que la direction du Trésor est sur le dossier, derrière c'est l'Etat", a souligné auprès de l'AFP une source proche du dossier selon qui "rien n'est définitif" à ce stade.

"Exaion opère des activités qui ne sont pas stratégiques ou souveraines comme EDF ou une entreprise de la défense, mais porte des technologies qui peuvent être extrêmement importantes à l'avenir et pour lesquelles on pourrait avoir un intérêt à garder une part de souveraineté ou une souveraineté complète", précise le ministère.

"Du point de vue d'EDF, c'est une bonne nouvelle qu'ils se mettent d'accord avec Mara", a aussi reconnu Bercy, à l'heure où la France veut se montrer attractive pour les investisseurs étrangers.

"L'accord d'investissement dans la filiale Exaion entre Mara et EDF Pulse Ventures est soumis à plusieurs conditions suspensives, dont le contrôle des investissements étrangers en France", a sobrement réagi vendredi EDF dans un communiqué.


Le festival du shopping dynamise l’économie et le tourisme à Asir

Le 26e festival du shopping d'Abha est un pilier économique essentiel de la saison estivale d'Asir. (SPA)
Le 26e festival du shopping d'Abha est un pilier économique essentiel de la saison estivale d'Asir. (SPA)
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  • Son attrait large souligne le rôle clé du festival dans la stimulation de l’activité économique et de la demande locale
  • Le festival propose des programmes de formation ciblés pour les jeunes de la région, développant leurs compétences et fournissant des talents locaux qualifiés au marché du travail

​​​​​​RIYAD : La 26e édition du Festival du shopping d’Abha constitue un pilier économique majeur de la saison estivale à Asir, attirant des visiteurs venus de toutes parts grâce à une offre variée mêlant commerce, culture et divertissement.

Son fort pouvoir d’attraction souligne l’importance du festival dans la dynamisation de l’activité économique et de la consommation locale, rapporte mercredi l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Le festival offre également des programmes de formation ciblés à destination des jeunes de la région, permettant de développer leurs compétences et de fournir au marché du travail des talents locaux qualifiés.

Il comprend cinq halls commerciaux présentant une large gamme de produits, allant des articles ménagers aux vêtements, parfums, confiseries et autres produits essentiels.

Au-delà du commerce, le festival favorise aussi le tourisme dans la région d’Asir, en associant activité économique et richesse culturelle.

Les visiteurs peuvent profiter des séances de shopping tout en assistant à des spectacles artistiques et folkloriques, des soirées culturelles, des animations et un parc d’attractions dynamique.

Ces activités renforcent l’attractivité touristique de la région, incitant à des séjours plus longs et à une hausse des dépenses, selon la SPA.

Ce dynamisme crée un cercle économique vertueux qui bénéficie à l’hébergement, à la restauration et aux transports, tout en préparant le terrain pour de nouveaux investissements dans les infrastructures touristiques et commerciales.

Des pavillons représentant l’Inde, la Chine, les Philippines, le Maroc, le Pakistan, l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, le Koweït, le Kenya et le Sénégal enrichissent l’expérience des visiteurs, ajoutant une touche internationale aux marchés et produits exposés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’Arabie saoudite lève 1,42 milliard de dollars via une émission de sukuk en août

Les sukuk sont des instruments conformes à la charia qui confèrent aux investisseurs une propriété partielle des actifs sous-jacents, offrant ainsi une alternative populaire aux obligations conventionnelles. (Shutterstock)
Les sukuk sont des instruments conformes à la charia qui confèrent aux investisseurs une propriété partielle des actifs sous-jacents, offrant ainsi une alternative populaire aux obligations conventionnelles. (Shutterstock)
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  • Le Centre national de gestion de la dette saoudien a levé 1,42 milliard de dollars en août via une émission de sukuk, poursuivant la hausse entamée depuis plusieurs mois
  • L’Arabie saoudite reste le leader du marché primaire de la dette dans le Golfe, représentant plus de la moitié des émissions de la région au premier semestre 2025

RIYAD : Le Centre national de gestion de la dette d’Arabie saoudite a levé 5,31 milliards de riyals (1,42 milliard de dollars) via son émission de sukuk libellés en riyals pour le mois d’août, soit une hausse de 5,8 % par rapport à juillet.

Le Royaume avait levé 5,02 milliards de riyals en juillet, contre 2,35 milliards en juin et 4,08 milliards en mai.

Les sukuk sont des instruments financiers conformes à la charia, accordant aux investisseurs une propriété partielle d’actifs sous-jacents. Ils constituent une alternative populaire aux obligations traditionnelles.

L’émission d’août a été répartie en quatre tranches : 755 millions de riyals arrivant à échéance en 2029, 465 millions en 2032, 1,12 milliard en 2036, et 2,97 milliards en 2039.

Dans un communiqué, le Centre a déclaré que cette opération s’inscrivait dans les efforts continus de diversification des sources de financement et de renforcement du marché local de la dette.

Un rapport récent du Kuwait Financial Centre (Markaz) indique que l’Arabie saoudite a dominé le marché primaire de la dette dans le Golfe au premier semestre 2025, avec 47,9 milliards de dollars levés via 71 opérations de sukuk et d’obligations — soit 52,1 % du total du CCG.

L’agence de notation S&P a également souligné le rôle moteur du Royaume dans la finance islamique, estimant que les émissions mondiales de sukuk pourraient atteindre entre 190 et 200 milliards de dollars en 2025, dont jusqu’à 80 milliards en devises étrangères.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com