A Calais, le père Philippe Demeestère en grève de la faim contre «l'intolérable»

Un groupe de 80 migrants monte sur l'un des canots pneumatiques pour traverser la Manche en direction de l'Angleterre dans la nuit, près de Wimereux, dans le nord de la France, le 16 octobre 2021. (AFP)
Un groupe de 80 migrants monte sur l'un des canots pneumatiques pour traverser la Manche en direction de l'Angleterre dans la nuit, près de Wimereux, dans le nord de la France, le 16 octobre 2021. (AFP)
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Publié le Mercredi 27 octobre 2021

A Calais, le père Philippe Demeestère en grève de la faim contre «l'intolérable»

  • M. Demeestère en est convaincu: «Les exilés sont une chance.» En risquant «leur peau» pour changer de vie, «ils nous sortent de notre sujétion»
  • Dans cette ville frontalière, il vit d’abord dans un meublé puis rapidement dans une maison où il loge des exilés

CALAIS: Face au "harcèlement quotidien" des migrants à Calais, Philippe Demeestère, prêtre jésuite de 72 ans, voulait "marquer un coup d'arrêt". L'aumônier du Secours catholique, qui a passé sa vie auprès des sans-abris, est en grève de la faim depuis 17 jours.


M. Demeestère doit rencontrer mercredi Didier Leschi, le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), envoyé par le gouvernement pour une mission de médiation.


L'homme est assis seul sur l'une des chaises en bois de l'importante église Saint-Pierre. En polaire, manteau et bonnet, il le répète, après plus de deux semaines de grève de la faim, il "va bien". 


"Question de décence", par "pudeur pour tous les gens dehors qui ne jouissent pas des conditions formidables que j'ai moi ici", soutient cet homme aux yeux clairs. "Je fais partie des riches même si je n’ai pas un sou en poche." 


Philippe Demeestère est arrivé à Calais en février 2016 quelques mois avant le démantèlement de "la grande Jungle". Ce fut pour lui un "lieu de renaissance". 


Dans cette ville frontalière, il vit d’abord dans un meublé puis rapidement dans une maison où il loge des exilés. "On a vécu plusieurs mois à 17 l'hiver dernier", se rappelle-t-il. Sous sa légère barbe blanche, il sourit: "Les rythmes de vie sont différents, ce sont des jeunes !" 

Aux côtés d'Orban en Hongrie, Marine Le Pen fustige l'UE et la «submersion migratoire»

Contre "l'asservissement" de l'UE et la "submersion migratoire", Marine Le Pen a fait bloc mardi à Budapest avec le dirigeant ultraconservateur hongrois Viktor Orban, à l'occasion de leur premier tête-à-tête.


C'était pour la candidate du Rassemblement national (RN) un rendez-vous très attendu, un mois après la visite du polémiste Eric Zemmour, son rival potentiel mais non encore déclaré à la présidentielle française de 2022, et de sa nièce Marion Maréchal.


Escorte policière, tapis rouge, déjeuner en petit comité et conférence de presse "officielle": Mme Le Pen s'est dite "honorée" de l'accueil que M. Orban lui a réservée au monastère des Carmélites, aujourd'hui bureau du Premier ministre, surplombant le Danube. 


M. Zemmour n'avait eu, lui, droit qu'à un entretien privé.


Menacée d'être écartée dès le premier tour de la présidentielle d'avril 2022 selon certains sondages récents, Marine Le Pen a cherché à asseoir sa stature en s'affichant aux côtés du Premier ministre hongrois, défenseur des valeurs "illibérales" en Europe.


Interrogé sur le scrutin à venir, Viktor Orban s'est cependant gardé de "prendre position", "la décision revenant au peuple français".

«Brutalité idéologique»
Devant la presse, tous deux ont martelé leur message souverainiste, à quelques mois d'élections nationales délicates pour elle, très serrées pour lui.


A l'unisson de M. Orban, Marine Le Pen a vivement critiqué la "brutalité idéologique" de l'Union européenne, refusant tout principe de primauté du droit européen en référence au récent bras de fer polonais.


Et de fustiger un "pouvoir centralisé bruxellois enivré de sa propre existence, de sa puissance et de son omnipotence",  une "volonté d'asservissement" de l'Union européenne.


Dans ce contexte, les deux figures souverainistes ont prôné une alliance des nations.


M. Orban, dont le parti a quitté en mars le groupe PPE (droite) au Parlement européen, a expliqué être "en quête de partenaires pour coopérer dans cette nouvelle ère". Et le camp de Marine Le Pen est "incontournable", a-t-il dit, saluant son "soutien" inébranlable au fil des ans.


Au sujet de cette alliance des nations, la visite n'a toutefois donné lieu à aucune annonce concrète.


"Je pense que tant que les forces patriotes et souverainistes ne sont pas alliées au sein du Parlement européen, elles ont évidemment moins de poids que si nous arrivons à constituer ce grand groupe que nous appelons de nos voeux depuis déjà un certain nombre de temps", a-t-elle insisté ensuite devant la presse.


Le sujet n'a guère avancé depuis la publication, en juillet, d'une "déclaration commune" entre la candidate du RN et une quinzaine d'alliés en Europe, dont le Premier ministre hongrois.

Pas des «clones»

En attendant, Marine Le Pen a pris soin de gommer les divergences, mettant plutôt en avant la "question de l'immigration", chère aux deux responsagles.


Elle a ainsi étrillé "ce fléau dont nos nations doivent impérativement se préserver" et la "submersion migratoire que veut organiser l'UE".


Sur le reste, M. Orban est, comme Eric Zemmour et Marion Maréchal, plus libéral sur le plan économique, et plus conservateur sur le plan des valeurs sociétales que Mme Le Pen. 


Une proximité idéologique affichée par le trio fin septembre, prompt à brandir la "théorie du grand remplacement" (théorie complotiste d'un remplacement de la population européenne par une population immigrée, NDLR) sur la scène d'un "sommet de la démographie" à Budapest.


A six mois de la présidentielle, ces différences paraissent secondaires au regard de son "besoin de regonfler son image à elle", et "de dire à cet électorat tenté par Eric Zemmour que question autoritarisme, elle a aussi quelques galons", commente l'historien Nicolas Lebourg, auteur d'un essai sur "Les droites extrêmes en Europe".

«Intellectuel de terrain»
Depuis le début de sa grève de la faim, le 11 octobre, il dort sur un lit de camp dans l'église avec deux militants associatifs. En pleine campagne électorale "où la pression sur les exilés s’accentue", c'était pour lui "le bon moment" pour "marquer un coup d'arrêt", "dire ça suffit". 


"On fait des exilés un enjeu électoral et ici à Calais on s’habitue à l’intolérable. Il y a une routine des pratiques policières et les associations courent après les dommages que causent ces policiers", tance le retraité, à l'origine ces deux dernières années de l'ouverture de lieux d’accueil hivernaux pour les réfugiés.


Il en est convaincu : "Les exilés sont une chance." En risquant "leur peau" pour changer de vie, "ils nous sortent de notre sujétion".


C'est une personne "libre", un "intellectuel de terrain", "très généreux", décrit Juliette Delaplace, l'une de ses proches chargée de mission pour le Secours Catholique à Calais. 


"Entièrement mobilisé", "sans cesse auprès des plus précaires", Philippe Demeestère "a des valeurs profondes qu'il continue à cultiver", lisant beaucoup pour "réfléchir", "prendre du recul", "enrichir nos actions", ajoute-t-elle. 


Il a d'ailleurs apporté un sac de lectures en retard, mais il n'a eu le temps de relire qu'une douzaine de pages de "La Pédagogie des opprimés" de Paulo Freire.

Migrants: reprendre la «route des Balkans» pour fuir la Grèce inhospitalière

En Grèce depuis cinq ans, Mohamed Bilal n'a plus d'espoir: comme lui, de nombreux migrants et réfugiés lassés des restrictions croissantes au droit d'asile cherche à repartir, en direction de l'Europe du nord via "la route des Balkans".


"Quand je suis arrivé en Grèce en 2016, j'avais 15 ans et après toutes ces années, je n'arrive toujours pas à être régularisé", se désole ce Pakistanais de 20 ans.


Sans papiers, comme son frère, il campe près d'Idomeni, poste-frontière avec la Macédoine du Nord, à une heure de route du port de Thessalonique, la deuxième ville de Grèce dans le nord du pays.


Sa demande d'asile a été récemment rejetée comme celles de milliers d'autres migrants après le tour de vis appliqué aux politiques migratoires par le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis, au pouvoir depuis deux ans. 


"Je risque chaque jour d'être arrêté et renvoyé dans mon pays, donc j'ai décidé de me rendre dans un autre pays européen", poursuit le jeune homme.


En mars 2016, Idomeni était devenu un cul-de-sac pour les migrants quand Skopje et les pays européens ont décidé de fermer les frontières. Athènes avait alors créé des camps pour y cantonner les milliers de migrants bloqués.


Cinq ans après, les migrants y sont de retour: dans la forêt proche d'Idomeni, des jeunes demandeurs d'asile syriens se chauffent autour d'un feu de camp, se protégeant du froid avec des couvertures et sacs de couchage.


"On veut aller s'installer aux Pays-Bas ou en France (...) trouver un travail et continuer notre vie", explique Mezit, 26 ans, originaire de Deir ez-Zor en Syrie.


Arrivé en Turquie en 2017, Mezit a été travailleur agricole puis est reparti en raison de la situation économique dégradée et il a franchi la rivière Evros pour passer en Grèce le mois dernier. Il a l'air exténué, sans presque rien à manger.

Va-et-vient constant 
A Idomeni, la voie ferrée est jonchée des boîtes de conserve, de bouteilles d'eau vides, de vêtements et de chaussures. 


"Chaque jour, des migrants se déplacent dans cette zone. Les traversées ne s'arrêtent jamais", assure un vigile embauché par la gare d'Idomeni.


Ce sont en majorité des hommes jeunes qui "ne sont rattrapés que lorsque, épuisés après des jours à tenter de traverser la frontière, ils se rendent aux autorités", dit-il.


Le gouvernement grec, de son côté, met en avant une réduction importante du nombre de migrants et réfugiés ces deux dernières années.


Pour y parvenir, le pays s'est barricadé: un mur équipé de caméras et de drones a été construit à la frontière terrestre avec la Turquie (nord-est) et les patrouilles se sont intensifiées au large des îles en mer Egée, face à la Turquie, avec l'aide de l'Agence européenne de surveillance des frontières, Frontex.


Avec comme mot d'ordre "la sécurité", Athènes a aussi durci la législation sur le droit d'asile et déclaré la Turquie comme "pays sûr" pour le renvoi des déboutés d'asile, au grand dam des ONG soutenant que les droits de l'homme n'y sont pas respectés.


Plusieurs médias ont documenté une stratégie de refoulement illégal des migrants par des unités spéciales de la police grecque, que dément Athènes. La Commission européenne a toutefois demandé une enquête sur ce sujet.


Une trentaine d'organisations humanitaires ont aussi accusé les autorités grecques d'exclure certains migrants de l'aide alimentaire dans les camps mais le ministère des Migrations a expliqué que la distribution de l'aide ne concernait pas les déboutés du droit d'asile qui "doivent quitter" les camps.


En juin, six pays de l'UE, dont la France, l'Allemagne et les Pays-Bas, ont adressé une lettre à la Commission chiffrant à plus de 17.000 les réfugiés ayant obtenu l'asile en Grèce mais repartis pour un autre pays européen faute de logement décent et du minimum vital pour vivre. 


La Grèce ne cesse de répéter que sa contribution à l'accueil des réfugiés est "substantielle" et que le fardeau doit être partagé par tous en Europe.

«Peu cadrable»
Né d'un père agent d’assurance et d'une mère au foyer, l'aumônier est le "petit dernier" d’une famille de trois. Il a grandi à Halluin, dans le Nord, à la frontière belge.


"Je suis un privilégié. Je suis parti de chez moi les mains dans les poches et je savais que j’étais armé pour la vie, indépendamment de toute richesse financière. Je me considère éternellement débiteur de tout ce que j’ai reçu", témoigne le nordiste pas avare en digressions.


Le bac en poche en 1969, "après l'avoir raté deux fois" se souvient-t-il en riant, il part deux ans en coopération militaire à Azazga, en Algérie, comme instituteur. "Peu cadrable, je ne me voyais pas revêtir l’uniforme, j’avais trouvé cette échappatoire." 


En rentrant en France, il rejoint la Compagnie de Jésus. "Je voulais travailler pour que les gens qui n’ont pas de place dans la société en trouvent une". En parallèle d'une vie aux côtés des sans-abri entre Paris, Marseille ou Nancy, il travaille comme déménageur et chauffeur de car scolaire.   


Le 1er novembre, premier jour de la trêve hivernale, Philippe Demeestère "constatera" l'arrêt ou non des expulsions de campements, l'une de ses principales revendications. Il n'en dira pas plus, mais il confesse déjà avoir "une autre cartouche".


La France rapatrie treize femmes et enfants depuis les camps en Syrie, une première depuis deux ans

La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
La Française Emilie Konig marche dans le camp Al-Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021, où elle est détenue avec d'autres personnes soupçonnées d'être des proches de membres présumés du groupe Daesh. (AFP)
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  • La France a rapatrié dix enfants et trois femmes détenus dans des camps jihadistes en Syrie, marquant la première opération du genre depuis deux ans
  • Deux femmes ont été placées en garde à vue, et une troisième présentée à un juge antiterroriste

PARIS: La France a rapatrié tôt mardi matin dix enfants et trois femmes âgées de 18 à 34 ans qui étaient détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est de la Syrie, une première depuis deux ans.

Parmi les femmes, "deux ont été placées en garde à vue, sur commission rogatoire du juge d'instruction", a annoncé le Parquet national antiterroriste (Pnat) dans un communiqué.

"Une autre femme, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, sera présentée à un juge d'instruction dans la journée" en vue d'une possible mise en examen, a-t-il ajouté.

"Les mineurs sont pris en charge dans le cadre de procédures d'assistance éducative sous la responsabilité du parquet" de Versailles, a indiqué le Pnat, qui "assurera le suivi centralisé des mineurs concernés, en lien avec les parquets territoriaux".

"La France remercie les autorités syriennes de transition ainsi que l'administration locale du Nord-Est syrien qui a rendu possible cette opération", a déclaré de son coté le porte-parole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Cette opération est une première depuis juillet 2023 en France, où ces retours restent une question sensible, dix ans après la vague d'attentats jihadistes sur le sol national.

Au total, 179 enfants et 60 femmes adultes ont été rapatriées depuis 2019, précise une source diplomatique.

Mais ces opérations avaient cessé à l'été 2023, faute de volontaires selon les autorités, et ce malgré des condamnations internationales dont celle de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2022.

- "Arbitraire" -

"Pour les familles qui attendaient leurs petits-enfants, neveux et nièces depuis plus de six ans, c'est un immense et indescriptible soulagement", a déclaré l'avocate des femmes rapatriées, Marie Dosé, dans un communiqué transmis à l'AFP.

Mais "la France laisse derrière elle 110 autres enfants français, toujours détenus dans le camp Roj", l'un des camps contrôlés comme d'autres centres et prisons par les forces kurdes, depuis plus de six ans, dénonce-t-elle.

Des dizaines de milliers de personnes, d'une cinquantaine de nationalités et soupçonnées de liens avec l'organisation jihadiste État islamique, sont retenues dans ces camps.

En juin, quelque 120 enfants et une cinquantaine de femmes françaises y étaient encore retenus, selon le Collectif des Familles unies, qui rassemble leurs proches.

Après ce rapatriement nocturne, ce collectif a rediffusé sur X mardi matin son message habituel dénonçant la détention sur place d'enfants "coupables de rien" dans "des conditions indignes".

Car pour ces familles, rien n'est encore réglé. "Une nouvelle fois, la France fait le choix de l'arbitraire", regrette Marie Dosé.

"La France, qui refusait de rapatrier des enfants tant que leurs mères n'avaient pas donné leur accord, refuse aujourd'hui leur retour alors qu'ils sont devenus majeurs. Ce faisant et plus que jamais, la France décide donc de faire payer à ces enfants le choix de leurs parents", estime-t-elle aussi.

Elle dénonce également le sort de femmes sans enfant ou dont les enfants sont décédés, et que la France refuse désormais de rapatrier, ainsi que d'enfants nés en France et "conduits de force en Syrie" avant de pouvoir acquérir la nationalité, ou de jeunes majeurs enfermés dans d'autres lieux de détention syriens.

Pour Matthieu Bagard, responsable du pôle expertise Syrie de l'ONG Avocats sans frontières France, "ce rapatriement démontre une nouvelle fois que la France a la possibilité d'organiser ces opérations". Mais il déplore lui aussi la situation des femmes et jeunes majeurs toujours "illégalement détenus".

En février, l'administration kurde a annoncé, en coordination avec l'ONU, son intention de vider d'ici fin 2025 les camps du nord-est de la Syrie des déplacés syriens et irakiens, y compris les proches présumés de jihadistes.


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.