Sale temps pour le Printemps arabe

Des manifestants scandent des slogans lors d'une manifestation dans la capitale tunisienne Tunis le 26 septembre 2021, contre les récentes mesures prises par le président Kais Saied pour resserrer son emprise sur le pouvoir. (AFP)
Des manifestants scandent des slogans lors d'une manifestation dans la capitale tunisienne Tunis le 26 septembre 2021, contre les récentes mesures prises par le président Kais Saied pour resserrer son emprise sur le pouvoir. (AFP)
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Publié le Mercredi 03 novembre 2021

Sale temps pour le Printemps arabe

  • «Dix ans dans la vie des peuples c'est rien. Les révolutions, et l'Histoire l'a montré, prennent toujours beaucoup de temps», estime Pascal Boniface
  • Pour Isabelle Werenfels, le Printemps arabe «n'a pas été un succès mais ce n'est pas un échec total non plus»

TUNNIS: En s’emparant du pouvoir au Soudan, les généraux ont porté un nouveau coup aux aspirations démocratiques nées du Printemps arabe, au moment où il vacille déjà dans son berceau tunisien.


Pour certains, ce coup de force est le dernier clou dans le cercueil des révoltes arabes qui ont bouleversé la région à partir de 2010. D’autres estiment qu’il ne faut pas les enterrer trop tôt.

"En Algérie, le hirak patine, au Soudan et en Tunisie, les acquis démocratiques sont en danger. Et je ne parle pas du chaos libyen et irakien…"

Pascal Boniface


"On peut parler d’un échec des printemps et des révolutions arabes parce que finalement de nombreux régimes autoritaires se sont rétablis ou maintenus, au prix du sang et de la destruction d’un pays comme en Syrie, d’une répression aveugle comme en Egypte, de révoltes étouffées comme à Bahreïn, d’une guerre civile doublée d’une catastrophe humanitaire comme au Yémen", estime Pascal Boniface, directeur l'Institut de relations internationales et stratégiques à Paris (IRIS).


"En Algérie, le hirak patine, au Soudan et en Tunisie, les acquis démocratiques sont en danger. Et je ne parle pas du chaos libyen et irakien…", ajoute-t-il.


Premier président de Tunisie après la dictature Ben Ali, redevenu opposant en exil lorsque l'actuel chef d'Etat Kais Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet, Moncef Marzouki incarne d'une certaine manière la grandeur et la décadence du Printemps arabe.


Mais il refuse de parler d'un échec, ni même d'un revers du mouvement pro-démocratie dans le monde arabe.

«Dix ans c'est rien»
"Dix ans dans la vie des peuples c'est rien. Les révolutions, et l'Histoire l'a montré, prennent toujours beaucoup de temps", affirme-t-il à l'AFP depuis Paris, où il avait déjà vécu en exil pendant dix ans à l'époque de Ben Ali.

"On ne peut pas parler d'un échec ou d'un piétinement du Printemps arabe car les facteurs qui l'ont déclenché qui sont l'injustice sociale et la volonté de participation populaire n'ont pas disparu mais se sont au contraire aggravées"

Pascal Boniface


Le coup de force du président Saied dans le pays érigé en symbole du Printemps arabe pour avoir jusqu’ici réussi sa transition démocratique alors que d'autres comme la Syrie sombraient dans la violence ou connaissaient une reprise en main autoritaire à l'instar de l'Egypte, a pourtant apporté de l'eau au moulin des tenants de l'échec des révoltes arabes.


Cette analyse a été confortée par le putsch militaire au Soudan où les généraux ont fait arrêter le 25 octobre la plupart des dirigeants civils avec lesquels ils gouvernaient depuis la destitution du président Omar el-Béchir en 2019 lors de la deuxième vague des révoltes arabes qui a également agité l'Algérie, l'Irak et le Liban.

«Contre-révolutionnaires»
M. Marzouki s'inscrit en faux.


"On ne peut pas parler d'un échec ou d'un piétinement du Printemps arabe car les facteurs qui l'ont déclenché qui sont l'injustice sociale et la volonté de participation populaire n'ont pas disparu mais se sont au contraire aggravées", dit-il.


Pour Isabelle Werenfels, chercheuse à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP), le Printemps arabe "n'a pas été un succès mais ce n'est pas un échec total non plus"


S'ils divergent sur l'opportunité d'acter l'échec du Printemps arabe, experts et acteurs politiques semblent s'accorder sur les raisons qui l'ont plombé, évoquant ingérences étrangères, marasme économique, émergence d'un islam politique qui inquiète en Occident et la crise migratoire de 2015.
M. Marzouki, qui avait cohabité au pouvoir avec le parti d'inspiration islamiste Ennahdha juge que les formations issues de l'islam politique ont "globalement joué un rôle négatif" dans le Printemps arabe tout en défendant leur droit de participer au jeu politique.

«Volcans»

"Il faut reconnaître qu’ils ont inquiété sur le plan des libertés de nombreuses populations et qu’ils n’ont pas su démontrer leurs capacités de gestion", abonde M. Boniface.


Pour Isabelle Werenfels, chercheuse à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP), le Printemps arabe "n'a pas été un succès mais ce n'est pas un échec total non plus".


"Pour les peuple arabes, cela a changé l'horizon du possible", estime-t-elle. "Il est difficile, surtout dans le cas de la Tunisie, de priver les gens de la liberté une fois qu'ils y ont goûté".


"La démocratisation ne peut pas fonctionner complètement sans prospérité économique. Le vote libre ne fait pas vivre les gens", avance-t-elle pour expliquer le chemin cahoteux de la transition démocratique.


Autre difficulté selon Mme Werenfels, les mouvements pro-démocratie ne peuvent plus compter que sur un soutien timide des Européens qui, échaudés par la crise migratoire de 2015 en provenance de Syrie "mettent plus l'accent sur la stabilité et la sécurité que sur la démocratisation".


Malgré les écueils, M. Marzouki reste optimiste.


"Je préfère le terme +volcans arabes+ au +Printemps arabe+ et quand un volcan entre en éruption une première fois, il y aura toujours une deuxième", dit-il. 


Liban: l'Italie souhaite maintenir sa présence militaire après le départ de la force de l'ONU

L'Italie est le deuxième pays contributeur à la force de maintien de la paix de la FINUL dans le sud du Liban. (AFP/Archives)
L'Italie est le deuxième pays contributeur à la force de maintien de la paix de la FINUL dans le sud du Liban. (AFP/Archives)
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  • L’Italie confirme qu’elle maintiendra une présence militaire au Liban même après le retrait progressif de la Finul à partir du 31 décembre 2026
  • Rome met en avant le rôle clé des forces armées libanaises pour la stabilité du Liban et de la région, et appelle à des résultats concrets pour éviter toute exploitation de l’instabilité

ROME: L'Italie souhaite maintenir sa présence militaire au Liban, après le départ des Casques bleus de l'ONU qui commence le 31 décembre 2026, a indiqué lundi le ministère italien de la Défense.

"Même après" le départ de la force de maintien de la paix dans le sud du Liban (Finul) de l'ONU, l'Italie continuera à jouer son rôle soutenant avec conviction la présence internationale" dans ce pays, selon les propos du ministre de la Défense Guido Crosetto sur X.

Interrogé par l'AFP pour savoir si cela signifiait une "présence militaire" italienne, un porte-parole du ministère a confirmé que oui.

M. Crosetto a également souligné "le rôle fondamental" des forces armées libanaises "pour garantir la stabilité non seulement au Liban mais dans toute la région".

Le ministre a en outre assuré que Rome œuvrait à ce que les discussions en cours dans la région se traduisent par "des résultats concrets et que personne ne puisse tirer des avantages d'une situation d'instabilité dans le sud du Liban".

L'Italie est, avec 1.099 militaires, le deuxième contributeur de la Finul, derrière l'Indonésie (1.232) et cinq généraux italiens ont été parmi les chefs des Casques bleus au cours des 20 dernières années.


Un mort dans des frappes israéliennes au Liban (ministère)

Une photographie montre l'épave d'un véhicule visé par une frappe aérienne israélienne sur la route reliant le village frontalier d'Odeisseh, dans le sud du Liban, à Markaba, le 16 décembre 2025. (AFP)
Une photographie montre l'épave d'un véhicule visé par une frappe aérienne israélienne sur la route reliant le village frontalier d'Odeisseh, dans le sud du Liban, à Markaba, le 16 décembre 2025. (AFP)
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  • Des frappes israéliennes dans le sud du Liban ont fait un mort et un blessé, Israël affirmant viser des membres du Hezbollah malgré le cessez-le-feu de novembre 2024
  • Sous pression internationale, le Liban s’est engagé à désarmer le Hezbollah au sud du Litani, mais Israël accuse le mouvement de se réarmer, une accusation relayée par le sénateur américain Lindsey Graham

BEYROUTH: Des frappes israéliennes dans le sud du Liban ont fait un mort et un blessé dimanche, a annoncé le ministère libanais de la Santé, tandis que l'armée israélienne a déclaré avoir visé des membres du Hezbollah.

Israël continue à mener régulièrement des frappes au Liban et affirme viser le mouvement islamiste soutenu par l'Iran, malgré un cessez-le-feu qui a mis fin le 27 novembre 2024 à plus d'un an d'hostilités, en marge de la guerre dans la bande de Gaza.

Israël maintient également des troupes dans cinq positions frontalières du sud du Liban qu'il estime stratégiques.

Selon le ministère libanais de la Santé, deux frappes israéliennes ont touché dimanche un véhicule et une moto dans la ville de Yater, à environ cinq kilomètres de la frontière avec Israël, tuant une personne et en blessant une autre.

L'armée israélienne a déclaré avoir "frappé un terroriste du Hezbollah dans la zone de Yater" et ajouté peu après avoir "frappé un autre terroriste du Hezbollah" dans la même zone.

Dimanche également, l'armée libanaise a annoncé que des soldats avaient découvert et démantelé "un dispositif d'espionnage israélien" à Yaroun, une autre localité proche de la frontière.

Sous forte pression américaine et par crainte d'une intensification des frappes israéliennes, le Liban s'est engagé, comme prévu par l'accord de cessez-le-feu, à désarmer le Hezbollah et à démanteler d'ici la fin de l'année toutes ses structures militaires entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres plus au nord.

Israël a mis en doute l'efficacité de l'armée libanaise et accusé le Hezbollah de se réarmer, tandis que le mouvement chiite a rejeté les appels à abandonner ses armes.

En visite en Israël dimanche, le sénateur américain Lindsey Graham a lui aussi accusé le mouvement de se réarmer. "Mon impression est que le Hezbollah essaie de fabriquer davantage d'armes (...) Ce n'est pas un résultat acceptable", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Plus de 340 personnes ont été tuées par des tirs israéliens au Liban depuis le cessez-le-feu, selon un bilan de l'AFP basé sur les chiffres du ministère libanais de la Santé.


Un sénateur américain réclame une action militaire contre le Hamas et le Hezbollah s'ils ne désarment pas

Le sénateur Lindsey Graham entre dans la salle du Sénat à Washington, DC, le 11 décembre 2025. (AFP)
Le sénateur Lindsey Graham entre dans la salle du Sénat à Washington, DC, le 11 décembre 2025. (AFP)
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  • Le sénateur américain Lindsey Graham appelle au désarmement du Hamas et du Hezbollah, menaçant d’une action militaire s’ils refusent, et conditionne toute paix durable à cette étape
  • Malgré des cessez-le-feu fragiles à Gaza (octobre) et avec le Hezbollah (novembre 2024), les tensions persistent, Israël poursuivant des frappes et les médiateurs poussant vers une phase 2 du plan de paix

Jérusalem: L'influent sénateur américain Lindsey Graham a réclamé dimanche une action militaire contre le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais si ces deux mouvements ne démantelaient pas leur arsenal.

Après deux années d'une guerre dévastatrice dans la bande de Gaza, un fragile cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est observé depuis octobre dans le territoire palestinien, bien que les deux parties s'accusent mutuellement de le violer.

Une trêve avec le Hezbollah est également entrée en vigueur en novembre 2024, après deux mois d'une guerre ouverte. Mais Israël continue de mener des frappes en territoire libanais, disant cibler le mouvement islamiste.

Concernant ses deux ennemis, alliés de l'Iran, Israël fait du démantèlement de leur arsenal militaire l'une des principales conditions à toute paix durable.

"Il est impératif d'élaborer rapidement un plan, d'impartir un délai au Hamas pour atteindre l'objectif du désarmement", a affirmé le sénateur républicain lors d'une conférence de presse à Tel-Aviv.

Dans le cas contraire, "j'encouragerais le président (Donald) Trump à laisser Israël achever le Hamas", a-t-il dit.

"C'est une guerre longue et brutale, mais il n'y aura pas de succès où que ce soit dans la région, tant que le Hamas n'aura pas été écarté du futur de Gaza et tant qu'il n'aura pas été désarmé", a estimé M. Graham.

Depuis le cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre à Gaza, les médiateurs appellent à accentuer les efforts pour passer à la prochaine phase d'un plan de paix américain.

Celle-ci prévoit le désarmement du Hamas, le retrait progressif de l'armée israélienne de tout le territoire, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale.

"La phase deux ne pourra pas réussir tant que le Hamas n'aura pas été désarmé", a martelé M. Graham.

- "Grand ami d'Israël" -

Tout en se disant "optimiste" sur la situation au Liban où le gouvernement s'est engagé à désarmer le Hezbollah, M. Graham a brandi la menace d'une "campagne militaire" contre le mouvement.

"Si le Hezbollah refuse d'abandonner son artillerie lourde, à terme nous devrions engager des opérations militaires", a-t-il estimé, allant jusqu'à évoquer, en coopération avec le Liban, une participation des Etats-Unis aux côtés d'Israël.

Plus tôt dimanche, le sénateur a été reçu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a salué en lui "un grand ami d'Israël, un grand ami personnel".

Samedi, les Etats-Unis et les garants du cessez-le-feu --Egypte, Qatar et Turquie-- ont appelé Israël et le Hamas à "respecter leurs obligations" et à "faire preuve de retenue" à Gaza.

Le Hamas appelle de son côté à stopper les "violations" israéliennes du cessez-le-feu.

Vendredi, six personnes, dont deux enfants, ont péri dans un bombardement israélien sur une école servant d'abri à des déplacés, d'après la Défense civile à Gaza, un organisme de secours dépendant du Hamas.