A gauche, la peur de passer à côté de l'électorat populaire

Omar, un résident des Mureaux, s'occupe du jardin communal. (AFP).
Omar, un résident des Mureaux, s'occupe du jardin communal. (AFP).
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Publié le Vendredi 05 novembre 2021

A gauche, la peur de passer à côté de l'électorat populaire

  • Aux Mureaux, Anne Hidalgo a axé son début de campagne sur des fondamentaux pour l'émancipation des habitants: "l'école, les salaires, et l'écologie sociale"
  • Côté écologiste, Marine Tondelier, élue de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devrait piloter une mission au sein d'EELV sur la manière de militer auprès des milieux défavorisés, détournés des urnes ou tentés par le vote d'extrême droite

PARIS: Entre travail de conviction des abstentionnistes et discours liant l'écologie à l'amélioration des conditions de vie, Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Anne Hidalgo (PS) espèrent réconcilier la gauche et l'électorat populaire à la présidentielle.


Depuis plusieurs semaines, les éléments de langage des entourages de Yannick Jadot et Anne Hidalgo convergent: quand ils parlent d'écologie, le "social" vient tout de suite après.


Car les deux candidats savent que leurs succès récents proviennent d'électorats moins larges que celui d'une présidentielle: les européennes de 2019 et la primaire écolo de septembre pour Yannick Jadot, sa réélection à la mairie de Paris en 2020 pour Anne Hidalgo.


D'ailleurs, la proposition récente, par cette dernière, de baisser les taxes sur le prix des carburants peut être vue comme une manière de remédier à son image d'écologiste parisienne.


"Notre écologie sera sociale: non, les classes populaires ne vont pas être punies parce qu'elles utilisent leur voiture", explique à l'AFP Dieynaba Diop, l'une des porte-parole d'Anne Hidalgo. 


Selon cette élue et professeure de la ville populaire des Mureaux (Yvelines), les classes populaires ont toujours été décisives pour les victoires de la gauche. Anne Hidalgo a donc axé son début de campagne sur des fondamentaux pour leur émancipation: "l'école, les salaires, et l'écologie sociale".


Côté écologiste, Marine Tondelier, élue de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devrait piloter une mission au sein d'EELV sur la manière de militer auprès des milieux défavorisés, détournés des urnes ou tentés par le vote d'extrême droite.


Parmi les mesures défendues par son candidat Yannick Jadot, elle cite pêle-mêle la rénovation thermique financée par l'Etat au profit des plus précaires, le développement des transports en commun et ferroviaires dans des zones qui en manquent ou encore la lutte contre les pollutions.

- Dépendance -Sur ce dernier point, remarque-t-elle, les "cartes de la qualité de l'air et du bruit" correspondent aux "cartes des revenus". Cela montre, selon elle, que les plus riches "ont les moyens de se prémunir des nuisances" et que l'écologie ne doit pas avoir peur de renouer avec un discours de classe: "le réchauffement climatique, ce n'est pas les pauvres, mais Total", résume Marine Tondelier dans une formule.


Les Insoumis, eux, misent sur le travail militant sur le terrain, qui vient d'être renforcé via des "caravanes populaires" sillonnant les banlieues et les zones rurales délaissées.


Dans de récentes réunions de circonscription, "on me dit +Vous êtes les seuls à être là et à traiter des thèmes comme le logement indigne+", rapporte le député de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel. 


Il critique chez Anne Hidalgo et Yannick Jadot un "langage fait uniquement pour les élections", tandis que les Insoumis auraient "un net coup d'avance" depuis la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2017.


L'historienne du socialisme et du monde ouvrier Marion Fontaine, enseignante à Sciences Po, et le sociologue à l'EHESS Cyril Lemieux ont coordonné un numéro de la revue Germinal sur "les politiques des classes populaires", à paraître en novembre.


Pour la première, il faut avant tout pour la gauche comprendre les raisons de la désaffection des classes populaires, si elle veut la résoudre. Elle la date des années 70 et 80 avec la désindustrialisation, "l'individualisation croissante" et la "fracturation" du monde ouvrier et des "référents de gauche".


"Ce n'est pas avec quelques mesures de pouvoir d'achat qu'on va y répondre", souligne la chercheuse à l'AFP.


"La gauche ne peut pas se passer des classes populaires, non pas simplement d'un point de vue électoral, mais aussi de sa conception de la société", analyse Cyril Lemieux.


Il note une amélioration depuis quelques temps: "Ils se sont aperçus qu'une certaine présentation de l'écologie ne marchait pas. La voiture est un objet de liberté pour beaucoup de gens. En revanche, des passages peuvent leur être frayés vers l'écologie via, par exemple, la santé des enfants" mise en danger par les pollutions et l'agro-industrie.


Pour le sociologue, les candidats de gauche pourraient s'appuyer davantage sur les leçons de la crise Covid, qui a montré "la dépendance des autres classes aux métiers des classes populaires".


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".