Le ministère afghan de la Défense s'est engagé dimanche à enquêter sur des «allégations» selon lesquelles 12 civils auraient été tués la veille, lors d’une frappe aérienne visant des combattants talibans dans la province de Kunduz au nord du pays.
Cette promesse fait suite à des informations contradictoires sur le nombre de victimes, alors que le groupe d’insurgés affirme n’avoir perdu aucun combattant dans l'attaque.
«Les talibans constituait la cible (de la frappe, NDLR), et 30 d'entre eux ont été tués. Les rapports préliminaires indiquent que les civils n’ont subi aucun dommage, mais nous examinons les signalements d’habitants qui font état de victimes civiles. Les forces nationales de défense et de sécurité afghanes prennent ces allégations au sérieux, et elles feront l'objet d'une enquête », a déclaré Fawad Aman, porte-parole du ministère de la Défense à Kaboul, à Arab News.
« Le ministère partagera tous les détails sur les victimes civiles une fois l’enquête terminée. », poursuit-il.
Si elle est confirmée, la frappe aérienne de samedi dans le district de Khan Abad, situé à près de 350 km de Kaboul et principalement contrôlé par les talibans, serait la dernière dans une série de raids aériens qui ont tué des civils dans plusieurs régions du pays.
Cette frappe survient une semaine après le début, samedi dernier, de négociations intra-afghanes décisives entre le gouvernement et les responsables talibans réunis à Doha, au Qatar, pour mettre fin à la guerre interminable et établir une feuille de route pour la paix en Afghanistan.
Des rapports contradictoires ont émané de civils ainsi que de députés locaux au sujet de l'incident. Deux membres du conseil provincial, Ghulam Rabbani Rabbani et Sayed Yusuf, affirment qu’au moins 12 civils sont morts lors du raid aérien de samedi.
Selon Rabbani, «comme la zone est sous contrôle taliban, nous n’avons pas été en mesure d’établir avec certitude comment les civils ont été tués».
Pendant ce temps, Nilofar Jalali, députée de Kunduz, a offert une version différente de l'attaque, qui, selon elle, «a frappé une zone résidentielle avant l’aube, alors que les gens dormaient encore».
«On compte des femmes et des enfants parmi les morts, et 18 civils ont également été blessés. J'en ai informé le ministre de la Défense. Il m’a répondu qu'il vérifierait et me recontacterait, mais il ne l'a pas fait », déclare-t-elle à Arab News. Cependant, le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, a démenti dimanche ces informations dans un communiqué et affirmé qu'«aucun combattant du groupe n'a été tué», avant de chiffrer le nombre de morts parmi les civils à 23.
Kunduz et d'autres régions du pays voient une multiplication des attaques provenant autant du gouvernement que des talibans ces dernières semaines, malgré la participation de leurs négociateurs aux pourparlers au Qatar dans le cadre d’un processus facilité par les États-Unis, après dix-neuf ans de conflit dans le pays – la plus longue guerre de l’histoire menée par Washington.
Les discussions au Qatar reposent sur un accord historique signé entre Washington et les talibans en février dernier, qui ouvre la voie entre autres au retrait complet des troupes américaines du pays au printemps prochain. Cela se ferait en échange d'un engagement des talibans à ne plus utiliser l'Afghanistan comme tremplin pour nuire aux intérêts des pays étrangers, y compris ceux des États-Unis.
Alors que les négociateurs de Kaboul au Qatar poussent vers un cessez-le-feu, les talibans estiment que c’est un point négociable, mais que les deux parties doivent d’abord déterminer «la véritable cause» de la guerre.
Certains analystes estiment que si les délégués ont du mal à s'entendre sur les modalités ainsi que sur l'ordre du jour des pourparlers au Qatar, leurs combattants en Afghanistan «se concentrent sur des tactiques militaires pour s’approprier des territoires» afin de pouvoir les utiliser comme «monnaie d'échange» à la table des négociations.
Shafiq Haqpal, analyste et ancien professeur d'université, explique à Arab News: «les deux parties pensent que l’accumulation des territoire conquis serait un atout qui leur permettrait de faire valoir leur cause et d’être en position de force pour négocier pendant les pourparlers».
«Les parties ne se sont pas encore entendues sur le mécanisme des pourparlers du Qatar qui ont débuté le 12 septembre. Politiquement, c'est une indication que les choses ne vont pas dans le bon sens et que les deux parties tentent leur chance sur le terrain.»
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com