ADN et cold-cases: à Bordeaux, des «experts» traquent la «vérité biologique»

« Demain, des analyses dessineront le visage d’une personne avec son âge biologique », prédit le professeur. « On est encore à l’âge de pierre », estime le Pr Doutremepuich à Bordeaux. (Photo, AFP)
« Demain, des analyses dessineront le visage d’une personne avec son âge biologique », prédit le professeur. « On est encore à l’âge de pierre », estime le Pr Doutremepuich à Bordeaux. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 12 novembre 2021

ADN et cold-cases: à Bordeaux, des «experts» traquent la «vérité biologique»

  • Un stylo, un couteau mais aussi un banc public, une voiture... Dans ce laboratoire discret qui s'ouvre à l'AFP, des «objets de la vie quotidienne» défilent sous les yeux et microscopes des biologistes
  • «On doit dire si Monsieur Dupond est sur telle tache de sang, c'est une vérité biologique»

BORDEAUX : "Aujourd'hui, c'est possible": les experts du laboratoire du Pr Doutremepuich à Bordeaux peuvent traquer la "vérité biologique" jusque dans une allumette grâce aux "progrès exponentiels" de l'analyse ADN qui font renouer avec l'espoir de résoudre de vieilles énigmes comme la disparition de Marion Wagon.


Un stylo, un couteau mais aussi un banc public, une voiture... Dans ce laboratoire discret qui s'ouvre à l'AFP, des "objets de la vie quotidienne" défilent sous les yeux et microscopes des biologistes à la recherche de sang, sperme, poils et cellules de contact potentiellement porteurs de traces ADN.


"On doit dire si Monsieur Dupond est sur telle tache de sang, c'est une vérité biologique", résume le professeur Christian Doutremepuich, qui a créé ce laboratoire privé il y a 25 ans, en plein essor de l'analyse génétique dans l'enquête criminelle. La France compte une dizaine de structures privées et publiques de ce type.


Le laboratoire d'hématologie médicale-légale s'est taillé une réputation dans l'analyse de scellés anciens issus d'affaires non résolues, des "cold-cases" souvent médiatisés. Sauf pour le professeur: "je ne lis pas les journaux, c'est une question d'impartialité". 


Dans la pile de dossiers, à côté du lot quotidien d'analyses requises parfois en urgence par les enquêteurs, figurent de vieilles énigmes comme l'affaire Grégory et d'autres histoires criminelles où l'ADN a pu "matcher" dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). 


Pascal Jardin, le meurtrier de Christelle Blétry, l’une des "disparues de l'A6", violée et assassinée en 1996, a ainsi été rattrapé vingt ans après, confondu par une trace de sperme retrouvée sur un pantalon par le laboratoire grâce à la technique de microdissection laser.


Avec les "progrès exponentiels" de la science, le nombre de cellules nécessaires pour établir un profil fiable a beaucoup diminué -une seule peut suffire - même sur des scellés anciens s'ils sont bien préservés de la chaleur et de l'humidité. 


Pour parvenir à cet infiniment petit, le laboratoire a adapté une méthode inspirée de l'oncologie, la microdissection laser, il y a une dizaine d'années. Le principe: isoler par un faisceau laser des profils génétiques sur des scellés pauvres en cellules, "des liens, des munitions, une boucle d'oreille". "Dans une affaire de joggeuse tuée puis brûlée, on a retrouvé un ADN sur une allumette qui ne s'était pas enflammée", illustre Alice Piters, une des quatre expertes du laboratoire. 

«Age de pierre»

Avec cette technique, rechercher des traces en "milieu hostile" - voiture calcinée, objet enterré, ou tissu lavé en machine, est du domaine du "possible". "Il y a toujours quelque part des cellules qui restent", souligne sa collègue experte Audrey Esponda.


D'autres méthodes ont récemment permis d'exhumer des traces sur des scellés déjà expertisés par le passé. Le laboratoire a notamment analysé un matelas ayant appartenu au tueur en série Michel Fourniret, selon la technique exhaustive du quadrillage "centimètre par centimètre".


Grâce à cette méthode plus fine, le laboratoire de Bordeaux a retrouvé en 2020 un ADN partiel d'Estelle Mouzin, disparue en 2003, et une dizaine de traces inconnues sur ce matelas. De quoi relancer l'espoir dans des affaires non résolues, notamment la disparition en 1996 de Marion Wagon, à l'âge de 10 ans. Des analyses sont "en cours" à Bordeaux. 


"Si l'ADN incrimine, il disculpe surtout", précise le Pr Doutremepuich dont l'une des expertises avait contribué à innocenter un homme suspecté du meurtre de la jeune Britannique Caroline Dickinson en 1996. 


Vingt-cinq ans plus tard, il est possible d'obtenir la couleur des yeux, de la peau et des cheveux à partir d'un simple ADN. 


Encore peu utilisée, cette analyse des "caractères morphologiques apparents" a été mise au point pour la première fois par le laboratoire dans une affaire de viols en série à Lyon en 2013. Elle se présente surtout comme une "aide à l'enquête pour cibler une catégorie de personnes quand un ADN d'une scène de crime ne matche pas avec le Fnaeg", explique Alice Piters. 


Pour le laboratoire, c'est la première marche avant le portrait-robot génétique. "Demain, des analyses dessineront le visage d'une personne avec son âge biologique", prédit le professeur. "On est encore à l'âge de pierre".


L'Assemblée condamne le «massacre» d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris

Des gens regardent les chaussures des manifestants abandonnées après que la police française, sous les ordres du chef de la police parisienne, Maurice Papon, a attaqué une manifestation pacifique rassemblant entre 20 000 et 30 000 partisans du Front de Libération Nationale (Photo, AFP).
Des gens regardent les chaussures des manifestants abandonnées après que la police française, sous les ordres du chef de la police parisienne, Maurice Papon, a attaqué une manifestation pacifique rassemblant entre 20 000 et 30 000 partisans du Front de Libération Nationale (Photo, AFP).
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  • Le vote des députés intervient quelques semaines après l'annonce par l'Elysée d'une visite d'Etat du président algérien, Abdelmadjid Tebboune
  • La proposition de résolution portée par l'écologiste Sabrina Sebaihi et la députée Renaissance Julie Delpech a été approuvée dans un hémicycle clairsemé par 67 députés

PARIS: Un "vote pour l'histoire". L'Assemblée a approuvé jeudi une proposition de résolution condamnant le "massacre" du 17 octobre 1961 à Paris, au cours duquel entre une trentaine et plus de 200 manifestants algériens sont morts selon les historiens.

Le texte, qui a une portée avant tout symbolique, "condamne la répression sanglante et meurtrière des Algériens commise sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon le 17 octobre 1961". Il "souhaite" en outre "l’inscription d’une journée de commémoration (de ce) massacre" à "l'agenda des journées nationales et cérémonies officielles".

La proposition de résolution portée par l'écologiste Sabrina Sebaihi et la députée Renaissance Julie Delpech a été approuvée dans un hémicycle clairsemé par 67 députés, essentiellement issus de la gauche et de Renaissance. Onze ont voté contre, tous membre du Rassemblement national.

A l'origine du texte, Mme Sebaihi a salué par avance un "vote pour l'histoire", représentant la "première étape" du "travail pour la reconnaissance de ce crime colonial, pour la reconnaissance de ce crime d'Etat".

Le terme - "crime d'Etat" - ne figure pas dans la proposition de résolution, issue d'un minutieux travail d'écriture avec le parti présidentiel et l'Elysée pour parvenir à un texte consensuel, sur un sujet toujours hautement inflammable en France comme en Algérie.

La proposition a été "ciselée mot par mot", afin d'être en "cohérence" avec les positions de la France, avait expliqué à l'AFP l'ancien député Renaissance Philippe Guillemard, qui avait travaillé sur ce texte avec Mme Sebaihi avant de passer le relai à Mme Delpech.

Le vote des députés intervient quelques semaines après l'annonce par l'Elysée d'une visite d'Etat du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, "fin septembre-début octobre".

Des corps «jetés dans la Seine»

La ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales Dominique Faure a évoqué dans son discours une manifestation "réprimée dans la violence par les services agissant sous l'autorité du préfet de police de l'époque, Maurice Papon", au cours de laquelle "outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines (de personnes) furent tuées, leurs corps jetés dans la Seine".

"Ayons aujourd'hui à cette tribune une pensée pour ces victimes et leurs familles frappées de plein fouet par l'engrenage de la violence", a-t-elle dit, sous les yeux de représentants des collectifs qui plaident depuis plusieurs années pour cette reconnaissance.

Elle a rappelé le travail de mémoire déjà accompli pour reconnaître le massacre. En 2012, le président François Hollande avait rendu "hommage aux victimes" d'une "sanglante répression" s'étant abattue sur ces femmes et hommes manifestant pour "le droit à l'indépendance".

Son successeur Emmanuel Macron a déclaré en octobre 2021 que "les crimes commis le 17 octobre 1961 sous l'autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République".

Mme Faure a cependant émis des réserves quant à l'instauration d'une journée de commémoration, soulignant que trois dates existent déjà pour "commémorer ce qui s'est passé pendant la guerre d'Algérie".

"Beaucoup reste à faire pour écrire cette histoire, mais c'est à mon sens la seule façon de bâtir une réconciliation sincère et durable. Je pense important de laisser l'histoire faire ce travail avant d'envisager une nouvelle journée commémorative spécifique pour les victimes du 17 octobre 61", a-t-elle dit.

Des réserves partagées par les groupes MoDem et Horizons, membres de la majorité, pour qui le "travail historique doit continuer", et qui avaient laissé la liberté de vote à leurs représentants.

L'ensemble des prises de parole ont traduit la volonté des députés de rendre hommage aux victimes du 17 octobre et de reconnaître la responsabilité des autorités dans le massacre, à l'exception notoire de celle du député RN Frank Giletti, qui a fustigé des "accusations unilatérales" et une "repentance à outrance", s'appuyant sur des "mensonges".

"En proposant cette résolution, vous placez vos pas dans ceux d'Emmanuel Macron, lui qui n'a eu de cesse de s'agenouiller devant le gouvernement algérien, lui qui s'attelle à mortifier son propre pays par des repentances continues devenues insoutenables", a-t-il dénoncé. "Scandaleux", a répliqué une voix dans l'hémicycle. Aucun député LR ne s'est exprimé.


JO-2024: dans les transports parisiens, la fracture sociale se fera aussi sentir

Des navetteurs attendent sur un quai de la station de métro Saint-Lazare à Paris le 10 novembre 2022, lors d'une grève. (AFP)
Des navetteurs attendent sur un quai de la station de métro Saint-Lazare à Paris le 10 novembre 2022, lors d'une grève. (AFP)
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  • Pour les usagers du quotidien, les situations sont cependant très contrastées dans la région capitale
  • De nombreuses lignes seront surchargées, voire carrément déconseillées certains jours, au risque de devoir attendre plus de 15 minutes sur des quais bondés avant de monter dans la rame

PARIS: Prendre son vélo, marcher, télétravailler ou carrément partir de Paris: les habitants de la région parisienne sont prévenus, il faudra adapter ses usages pour soulager les transports pendant les Jeux olympiques. Ces injonctions ne s'adressent pourtant qu'aux plus privilégiés, nombre d'usagers n'ayant pas le luxe de ces options.

"Il ne faut pas avoir peur de faire un peu de marche, c'est bon pour la santé". La phrase de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, a soulevé quelques sourcils lundi lors de la présentation du plan de transport détaillé des Jeux olympiques.

A gauche, des élus de la région ont pointé du doigt une forme de déconnexion par rapport aux habitants de la lointaine banlieue, obligés de venir travailler à Paris.

Du côté Mme Pécresse, on défend une parole de bon sens, puisque "un tiers des visiteurs des Jeux auront entre 25 et 35 ans, donc on espère qu'entre 25 et 35 ans, on peut de temps en temps prolonger le trajet à pied".

Pour les usagers du quotidien, les situations sont cependant très contrastées dans la région capitale. De nombreuses lignes seront surchargées, voire carrément déconseillées certains jours, au risque de devoir attendre plus de 15 minutes sur des quais bondés avant de monter dans la rame.

Capharnaüm

La ligne 10 du métro, qui traverse les beaux quartiers parisiens et achève sa course dans ceux chics de Boulogne-Billancourt, est de celle-là. Avec la 9, elle n'est pas dimensionnée pour desservir Roland-Garros et le Parc des Princes simultanément, où se dérouleront des épreuves de tennis, boxe et football.

"J'appréhende beaucoup parce que ça va être un cirque indescriptible", anticipe Arthur Poly, enseignant-chercheur de 36 ans en attente de son métro à la station Motte-Picquet-Grenelle, dans le 15e arrondissement de Paris.

Il sera contraint de travailler pendant la période de compétition (26 juillet au 11 août). Sa solution pour éviter le "capharnaüm" annoncé? "Plutôt la marche, je peux avoir des horaires que je décide, donc je peux me permettre de prendre du temps et marcher, ce qui me fera du bien", concède cet habitant du 5e arrondissement.

Marie-Claude, retraitée de 73 ans et usagère régulière de la 10, se rendra dans sa maison de vacances. Quant à Coline, qui travaille dans la cyber-sécurité, "c'est le télétravail qui nous est recommandé", assure-t-elle. "Il faudra peut-être en faire un peu plus que d'habitude", mais elle se réserve la possibilité d'aller travailler en dehors de Paris, "si j'en ai marre d'être chez moi".

Supporter et subir

Plus au nord, l'ambiance change radicalement sur la 13, éternelle ligne malade et surchargée du réseau. Elle dessert des quartiers populaires de Seine-Saint-Denis, au nord de Paris, et surtout, le Stade de France, qui se remplira et se videra jusqu'à trois fois par jour pendant les JO. Là aussi les travailleurs du quotidien sont invités à éviter de l'emprunter.

"Quitter Paris pendant les JO? Mais pour aller où?", s'étonne Christian Boukassa lorsqu'on lui pose la question sur le quai de la station La Fourche. Cet ouvrier du bâtiment de 43 ans habite en lointaine banlieue, et met 45 minutes tous les jours pour se rendre sur son chantier, à Saint-Denis.

Ni télétravail, ni marche à pied ou vélo ne sont envisageables, sans parler d'une hypothétique résidence secondaire. Pour éviter les désagréments, "je vais taper sur mon GPS et changer d'itinéraire", suppose-t-il.

"Déjà sans les JO, la ligne 13 est bondée", se résigne Nafi Olouchy, 62 ans et infirmière à l'hôpital. Elle non plus n'a d'autre choix que de travailler pendant les Jeux, car les fonctionnaires de l'hôpital publics sont fortement incités à ne pas poser leurs congés sur cette période. "Je vais devoir supporter et subir le trafic pendant la période des JO, et tous mes collègues aussi d'ailleurs", précise-t-elle.

Yaya Fofana, préparateur de colis habitant Saint-Ouen, est résigné: "ça va être compliqué", glisse-t-il. Pour autant, ce sera "une grande fête", veut-il retenir. "Moi j'adore les Jeux olympiques", lance-t-il avant de s'insérer difficilement avec son fils en poussette dans une rame bondée.


Voile à l'école: plainte et vague d'indignation après le départ d'un proviseur menacé de mort

Les élèves arrivent au lycée Maurice Ravel à Paris, le 1er septembre 2015, pour la rentrée. PHOTO AFP / KENZO TRIBOUILLARD (Photo par KENZO TRIBOUILLARD / AFP)
Les élèves arrivent au lycée Maurice Ravel à Paris, le 1er septembre 2015, pour la rentrée. PHOTO AFP / KENZO TRIBOUILLARD (Photo par KENZO TRIBOUILLARD / AFP)
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  • Le proviseur «a tout simplement fait son travail» en demandant «à une jeune femme d'appliquer la loi, c'est-à-dire de retirer son voile dans l'établissement scolaire», a souligné Attal
  • Un jeune homme de 26 ans, originaire des Hauts-de-Seine, a été arrêté et doit être jugé le 23 avril à Paris pour avoir menacé de mort le chef d'établissement sur internet

PARIS: L'annonce du départ du proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel, menacé de mort après une altercation avec une élève pour qu'elle enlève son voile, a suscité une vague d'indignation, jusqu'au Premier ministre qui a annoncé mercredi une plainte pour "dénonciation calomnieuse" contre la jeune femme.

"L'Etat, l'institution, sera toujours aux côtés de ses agents, de ceux qui sont en première ligne face à ces atteintes à la laïcité, face à ces tentatives d'entrisme islamiste dans nos établissements scolaires", a affirmé Gabriel Attal sur TF1, après avoir reçu dans l'après-midi le proviseur avec sa ministre de l'Education Nicole Belloubet.

"J'ai décidé que l'Etat allait porter plainte contre cette jeune femme pour dénonciation calomnieuse", a-t-il déclaré. "Il ne faut rien laisser passer", selon le Premier ministre qui a rappelé les morts de Dominique Bernard et Samuel Paty, deux enseignants tués dans des attentats islamistes.

Le proviseur "a tout simplement fait son travail" en demandant "à une jeune femme d'appliquer la loi, c'est-à-dire de retirer son voile dans l'établissement scolaire", a encore souligné Gabriel Attal, en vertu de la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l'école de 2004.