Sortir de Gaza, le juteux marché du passage avec l'Egypte

Dans cette photo d'archive prise le 31 mai 2021, des femmes passent devant une bannière géante représentant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi au milieu des préparatifs pour recevoir une délégation de renseignement égyptienne en visite dans la ville de Gaza. Des affiches du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi sont diffusées sur un site de la bande de Gaza ravagée par la guerre, où ouvriers et bulldozers s'affairent à reconstruire. Après des années de recul, l'Égypte fait à nouveau sentir sa présence dans l'enclave palestinienne voisine, devenant un donateur clé au lendemain du dernier combat entre le Hamas et Israël en mai. (Photo, AFP)
Dans cette photo d'archive prise le 31 mai 2021, des femmes passent devant une bannière géante représentant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi au milieu des préparatifs pour recevoir une délégation de renseignement égyptienne en visite dans la ville de Gaza. Des affiches du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi sont diffusées sur un site de la bande de Gaza ravagée par la guerre, où ouvriers et bulldozers s'affairent à reconstruire. Après des années de recul, l'Égypte fait à nouveau sentir sa présence dans l'enclave palestinienne voisine, devenant un donateur clé au lendemain du dernier combat entre le Hamas et Israël en mai. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 21 novembre 2021

Sortir de Gaza, le juteux marché du passage avec l'Egypte

  • Dans ce micro-territoire, des Palestiniens payent des centaines, voire des milliers de dollars, à des sociétés privées pour se rendre en Egypte ou rentrer de ce pays, seule issue de l'enclave palestinienne outre Israël
  • «Une heure après ma publication, un membre du Hamas m'a appelé pour me demander de tout effacer, que c'était un sujet hyper sensible pour les Egyptiens et que ça allait nuire aux Palestiniens»

RAFAH, Territoires palestiniens : Dès que Moustafa al-Sawaf a dénoncé sur les réseaux sociaux les "millions" que touchent des sociétés privées pour éviter aux Palestiniens le "chemin de l'humiliation" entre la bande de Gaza et le Caire, semé de tracasseries et d'embûches, son téléphone a sonné.


"Une heure après ma publication, un membre du Hamas m'a appelé pour me demander de tout effacer, que c'était un sujet hyper sensible pour les Egyptiens et que ça allait nuire aux Palestiniens", raconte à l'AFP cet analyste politique gazaoui.


"J'ai donc retiré la publication pour ne pas nuire aux Palestiniens, mais en l'espace d'une heure il y avait déjà près de 80 commentaires pour me soutenir car cette affaire cause beaucoup de souffrance", dit-il.


Moustafa al-Sawaf avait dit publiquement ce que beaucoup pensent tout bas à Gaza. 


Dans ce micro-territoire, des Palestiniens payent des centaines, voire des milliers de dollars, à des sociétés privées pour se rendre en Egypte ou rentrer de ce pays, seule issue de l'enclave palestinienne outre Israël. 


Un juteux commerce devenu aussi l'un des plus grands tabous sur place.


Depuis que les islamistes du Hamas ont pris le pouvoir à Gaza en 2007, l'Etat hébreu impose un blocus à ce territoire.


Le gouvernement israélien accorde des permis de travail, des autorisations d'entrée sur son territoire via le passage d'Erez pour y subir des opérations, et des transits permettant de se rendre en Jordanie via ce passage situé dans le nord de la bande de Gaza. Mais ces procédures peuvent être longues ou ne pas aboutir.  


D'où l'importance de l'autre poste-frontière, celui de Rafah, installé dans le sud, à une centaine de mètres du défunt aéroport international Yasser Arafat de Gaza, inauguré en grandes pompes en 1998 en présence du président américain Bill Clinton, mais détruit au début de la Seconde intifada, le soulèvement palestinien du début des années 2000.


Aujourd'hui, personne ne peut quitter Gaza par les airs, le bâtiment tout en arches a été réduit en un champ de ruines; la piste d’atterrissage recouverte de terre et d'herbe n'est plus foulée que par des chèvres. Et l'enclave ne compte pas de port autre que les ports de pêche.


Et lorsque le poste de Rafah est ouvert, le nombre de passagers pouvant traverser est restreint, d'autant que la région limitrophe, le Sinaï, est le théâtre d'affrontements récurrents entre jihadistes du groupe Etat islamique et les forces égyptiennes.


Pour sortir de Gaza, les voyageurs doivent s'inscrire des semaines à l'avance sur des listes, d'où le recours à des sociétés privées, bénéficiant de liens privilégiés avec l'Egypte, pour entrer et sortir de Gaza, ou simplement ne pas trop souffrir au passage.


L'AFP s'est entretenue avec une dizaine de Gazaouis ayant accepté de témoigner sans que leur nom ne soit cité de crainte, disent-ils, d'être placés sur une "liste noire" égyptienne et ne plus pouvoir sortir ou rentrer à nouveau à Gaza.

4 jours pour 400 km
Ahmed (nom d'emprunt) rentrait du Caire en début d'année. Le trajet par la route prend en théorie environ cinq heures. Il a duré quatre jours.


Parti un mercredi à 04H00 de la capitale égyptienne, il a payé environ 130 dollars un taxi privé pour parcourir les 380 km jusqu'à Rafah.


Tout s'est bien passé jusqu'à l'entrée du canal de Suez. Le point de passage de Mahdiyya était fermé et encombré de taxis. Il a payé un second taxi, partagé avec six personnes et a passé la nuit à dormir dans la voiture, avant de passer au point de contrôle égyptien.


"Les Egyptiens ont ouvert tous mes sacs, ils ont confisqué mon parfum, mes cigarettes, ouvert mes profils Facebook et WhatsApp, regardé mes photos", raconte-t-il à l'AFP.


Après trois contrôles, il reprend la route, passe sans encombres par le checkpoint de Maïdan dans le désert du Sinaï, avant que tout ne se fige à nouveau à Al-Arish, à une cinquantaine de km de Rafah. "Nous sommes arrivés le jeudi vers 16H50, mais ils nous ont dit: +khalas, faites marche arrière+", poursuit Ahmed.


Le taxi s'est replié en ville. Ahmed a loué une chambre, jusqu'à ce que, deux jours plus tard, il reçoive un message lui disant que la route rouvrait. Lui et ses compagnons d'infortune foncent alors vers le checkpoint qui avait bien rouvert... mais pour une heure seulement. 


Désemparé, il dort dans la rue, attend le lendemain pour finalement rejoindre enfin Rafah, la porte d'entrée vers Gaza.


Dormir dans le désert, au pied d'un point de contrôle, Fatima (nom d'emprunt) en garde des sueurs froides. C'était en 2020, elle voyageait avec un petit groupe de femmes, du Caire à Gaza.


Au checkpoint de Maïdan, "nous avons dû dormir par terre dans la rue, je me suis étendue sur un bout de carton et j'ai fait de mon abaya une couverture", raconte-t-elle. "J'avais peur, nous étions dans le désert, il n'y avait pas d'eau, pas de toilettes, nous entendions des bombardements au loin, une des femmes avec nous n'arrêtait pas de crier: +je vais mourir, je vais mourir+".


La nuit suivante, au passage de Balouza, fermé, elle a dormi dans un bus, puis la nuit suivante, à Al-Arish, sous un bus. "Il faisait chaud, il y avait des enfants qui dormaient avec nous et pleuraient sans cesse et j'ai dû demander à des femmes de m'entourer pour aller uriner à côté du bus".

Services VIP
Au total, Ahmed et Fatima ont passé plus de quatre jours pour faire moins de 400 km, pour cette route ponctuée de postes de contrôle en raison, selon l'Egypte, de l'insécurité liée aux menaces islamistes armées.


"Tout ça, cette route, me détruit de l'intérieur (...) C'est comme si nous, gens de Gaza, étions tous considérés comme des terroristes", soupire Ahmed d'autant plus frustré qu'après être enfin arrivé à Gaza, il a appris que des connaissances avaient fait le même trajet en seulement un jour.


La différence? "Ils ont utilisé le service VIP. Au final, en comptant les taxis, l'hôtel pourri, j'ai presque payé la même somme qu'eux et ça m'a pris presque cinq jours", peste-t-il, accusant les services de sécurité égyptiens de rendre la vie dure aux voyageurs gazaouis pour les pousser à recourir à des compagnies privées.


Dans la bande de Gaza, des compagnies locales proposent des services VIP (enregistrements, papiers, taxis privés) à 1.000 dollars pour faire les 400 km entre Rafah et le Caire, et 600 dollars pour le retour, une véritable fortune pour une population paupérisée.


Or ces compagnies locales ont des "licences" de la société égyptienne Abnaa Sinaï (Les fils du Sinaï) pour vendre ces services, indique à l'AFP un responsable de l'industrie requérant l'anonymat, une information confirmée de sources officielles dans la bande de Gaza. La société Abnaa Sinaï n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette affaire.   


"Pour les Palestiniens, c'est une catastrophe. Dans les faits, c'est le business de la frontière. On parle de jusqu'à 175.000 dollars par jour", souligne un responsable d'une compagnie de Gaza offrant ces services VIP. 


"Côté égyptien, ils font des pressions pour rendre le retour à Gaza pénible et ainsi pousser les gens à payer le service VIP la fois suivante", dit-il. La société Abnaa Sinaï n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette affaire. 


"A cause de ce problème de frontière, je ne suis pas retournée à Gaza pendant des années. J'avais trop peur de ce trajet, de la route à partir du Caire", confie Hiba (nom d'emprunt), une Gazaouie vivant à l'étranger qui s'est finalement résolue à retourner dans l'enclave cette année pour y retrouver sa famille. 


"Aux postes de contrôle, ils (les gardes) nous regardent avec des yeux qui veulent dire: +on vous déteste+", ajoute-t-elle. Si Hiba n'a pas payé le service VIP pour rentrer à Gaza, elle se dit prête à débourser 1.000 dollars pour en ressortir et rêve du jour où elle pourra entrer et sortir de l'enclave sans frais et sans encombres.

Sous Suez
Au cours des derniers mois, des responsables palestiniens ont demandé à l'Egypte de faciliter le transit des Gazaouis. Président de la chambre de commerce de Gaza, Walid al-Hosari a abordé récemment cet enjeu lors de réunions au Caire.


"Les Egyptiens nous ont informés que le nombre de voyageurs de la bande de Gaza vers l'Egypte allait augmenter (...) et qu'ils pourront passer par les tunnels sous le canal de Suez", actuellement interdits aux voyageurs palestiniens, ce qui facilitera le périple, dit-il à l'AFP.


"Ils promettent, promettent, mais on ne sait jamais si cela va se concrétiser", lance un haut responsable du Hamas, disant ne pas vouloir épiloguer sur ce sujet "très sensible" pour les Egyptiens.


Pour l'économiste palestinien Omar Shaban, qui suit de près les enjeux commerciaux avec le voisin égyptien, l'idée de faire payer une fortune à des familles de Gaza pour sortir de l'enclave ne peut tenir longtemps à l'heure où l'Egypte a décidé de s'engager pour la reconstruction de ce territoire ravagé par les guerres.


Le "business" de la frontière est une "affaire de gros sous", mais les Egyptiens ne peuvent à la fois "s'engager dans la reconstruction de Gaza et empêcher la population de Gaza de rentrer en Egypte", dit-il. 

A Gaza, le retour de l'Egypte par la porte de la reconstruction

GAZA : Affiche géante du président Abdel Fattah al-Sissi souriant, travailleurs au volant de bulldozers: après des années de retrait, l'Egypte fait son retour dans la bande de Gaza pour s'imposer sur le terrain de la reconstruction après la dernière guerre entre Israël et le Hamas.


Dans les semaines suivant ces affrontements, en mai, des travailleurs égyptiens sont arrivés dans l'enclave palestinienne sous blocus israélien pour construire une route sur le bord de mer et un nouveau quartier à Beit Lahya (nord).


"Les instructions du président sont de reconstruire la bande de Gaza. Nous sommes environ 70 ingénieurs, fonctionnaires, chauffeurs routiers, mécaniciens et ouvriers", résume l'un d'eux sur place, taisant son nom mais se disant "heureux d'aider la Palestine".


Pendant la guerre de 11 jours entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza, l'Egypte s'était activée en coulisses pour favoriser un cessez-le-feu et avait promis une enveloppe de 500 millions de dollars pour la reconstruction de l'enclave.


Issu de la mouvance des Frères musulmans, le Hamas n'avait pas de bonnes relations avec l'Egypte depuis la destitution en 2013 par l'armée de l'ancien président Mohamed Morsi, issu de cette même confrérie, au profit d'Abdel Fattah al-Sissi, qui avait d'ailleurs fermé le consulat égyptien à Gaza.

Qatar vs Egypte ?
Selon l'économiste palestinien Omar Shaban, "il était inattendu, inimaginable" que l'Egypte de Sissi investisse des millions dans les terres du Hamas et de voir des travailleurs égyptiens dans les rues de Gaza. 


"L'Egypte et le Hamas ne sont pas amis, mais ils ont des intérêts communs. L'Egypte veut maintenir le cessez-le-feu en s'engageant dans la reconstruction après-guerre", explique-t-il.


Le Hamas a besoin de l'aide étrangère pour reconstruire et de bonnes relations avec l'Egypte, qui contrôle l'une de ses deux frontières, celle de Rafah, stratégique pour faire entrer dans l'enclave du matériel pour la reconstruction.


De son côté, l'Egypte a "compris qu'elle n'avait pas beaucoup d'options (à Gaza)" où, près de 15 ans après avoir ravi le pouvoir au Fatah de Mahmoud Abbas et en dépit de quatre guerres avec Israël, le Hamas est toujours en place, ajoute M. Shaban.


Ces dernières années, le Qatar, émirat du Golfe lié à la mouvance des Frères musulmans comme le Hamas, avait été le premier donateur étranger à Gaza. Mais depuis la guerre de mai, le pays n'a pu déverser son aide mensuelle comme à l'habitude.


Le Qatar a versé une dizaine de millions de dollars en aide aux familles pauvres, mais un différend demeure avec Israël sur le moyen de versement des salaires aux employés du gouvernement du Hamas.


L'Etat hébreu s'oppose à des paies versées en liquide par crainte que ces sommes ne soient détournées à des fins militaires.


Le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid a ainsi exhorté l'Egypte et les Emirats arabes unis, deux pays qui entretiennent des relations diplomatiques officielles avec Israël, à s'engager dans la reconstruction et le développement de Gaza.

«Coordination»
Sur place, le gouvernement du Hamas chiffre à au moins "479 millions de dollars" les dommages directs liés à la dernière guerre, qui s'ajoutent aux "600 millions de dollars" de travaux liés aux guerres passées et qui n'ont pas encore été réalisés, explique à l'AFP Naji Sarhan, directeur général du ministère gazaoui des Travaux publics. 


Et c'est sans compter les besoins en développement (électricité, eau, infrastructures) de Gaza, un des territoires les plus pauvres du Moyen-Orient.


"L'aide du Qatar est la bienvenue, celle de l'Egypte aussi... Et nous faisons la coordination entre les pays", dit M. Sarhan. 


D'ailleurs, le Qatar a annoncé le 17 novembre un accord conjoint avec l'Egypte pour fournir du carburant et des matériaux de construction à la bande de Gaza.


La route que les Egyptiens construisent joindra celle financée par le Qatar, pour ainsi former un corridor routier du sud au nord de l'enclave, le long de la mer. Elle traversera le camp de réfugiés d'Al-Shati, où des masures seront réduites en poussière.


"Ils nous ont dit que nous devrons quitter les lieux, que nous aurons une nouvelle maison", souffle Roya al-Hassi, 83 ans, assise sur une chaise bringuebalante.


"Moi ça ne me dérange pas de partir, pour autant que je retrouve une chambre, une salle de bain et une pièce pour préparer le thé", ajoute-t-elle.


De l'autre côté de la route, Maher al-Baqa, un entrepreneur d'une trentaine d'années, supervise les travaux d'un vaste café-restaurant qu'il fait construire sur le bord de mer.


La nouvelle corniche "va attirer du monde", espère-t-il. "Mais bon, ça reste Gaza et on ne sait jamais quand la guerre va reprendre".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.