Sortir de Gaza, le juteux marché du passage avec l'Egypte

Dans cette photo d'archive prise le 31 mai 2021, des femmes passent devant une bannière géante représentant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi au milieu des préparatifs pour recevoir une délégation de renseignement égyptienne en visite dans la ville de Gaza. Des affiches du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi sont diffusées sur un site de la bande de Gaza ravagée par la guerre, où ouvriers et bulldozers s'affairent à reconstruire. Après des années de recul, l'Égypte fait à nouveau sentir sa présence dans l'enclave palestinienne voisine, devenant un donateur clé au lendemain du dernier combat entre le Hamas et Israël en mai. (Photo, AFP)
Dans cette photo d'archive prise le 31 mai 2021, des femmes passent devant une bannière géante représentant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi au milieu des préparatifs pour recevoir une délégation de renseignement égyptienne en visite dans la ville de Gaza. Des affiches du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi sont diffusées sur un site de la bande de Gaza ravagée par la guerre, où ouvriers et bulldozers s'affairent à reconstruire. Après des années de recul, l'Égypte fait à nouveau sentir sa présence dans l'enclave palestinienne voisine, devenant un donateur clé au lendemain du dernier combat entre le Hamas et Israël en mai. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 21 novembre 2021

Sortir de Gaza, le juteux marché du passage avec l'Egypte

  • Dans ce micro-territoire, des Palestiniens payent des centaines, voire des milliers de dollars, à des sociétés privées pour se rendre en Egypte ou rentrer de ce pays, seule issue de l'enclave palestinienne outre Israël
  • «Une heure après ma publication, un membre du Hamas m'a appelé pour me demander de tout effacer, que c'était un sujet hyper sensible pour les Egyptiens et que ça allait nuire aux Palestiniens»

RAFAH, Territoires palestiniens : Dès que Moustafa al-Sawaf a dénoncé sur les réseaux sociaux les "millions" que touchent des sociétés privées pour éviter aux Palestiniens le "chemin de l'humiliation" entre la bande de Gaza et le Caire, semé de tracasseries et d'embûches, son téléphone a sonné.


"Une heure après ma publication, un membre du Hamas m'a appelé pour me demander de tout effacer, que c'était un sujet hyper sensible pour les Egyptiens et que ça allait nuire aux Palestiniens", raconte à l'AFP cet analyste politique gazaoui.


"J'ai donc retiré la publication pour ne pas nuire aux Palestiniens, mais en l'espace d'une heure il y avait déjà près de 80 commentaires pour me soutenir car cette affaire cause beaucoup de souffrance", dit-il.


Moustafa al-Sawaf avait dit publiquement ce que beaucoup pensent tout bas à Gaza. 


Dans ce micro-territoire, des Palestiniens payent des centaines, voire des milliers de dollars, à des sociétés privées pour se rendre en Egypte ou rentrer de ce pays, seule issue de l'enclave palestinienne outre Israël. 


Un juteux commerce devenu aussi l'un des plus grands tabous sur place.


Depuis que les islamistes du Hamas ont pris le pouvoir à Gaza en 2007, l'Etat hébreu impose un blocus à ce territoire.


Le gouvernement israélien accorde des permis de travail, des autorisations d'entrée sur son territoire via le passage d'Erez pour y subir des opérations, et des transits permettant de se rendre en Jordanie via ce passage situé dans le nord de la bande de Gaza. Mais ces procédures peuvent être longues ou ne pas aboutir.  


D'où l'importance de l'autre poste-frontière, celui de Rafah, installé dans le sud, à une centaine de mètres du défunt aéroport international Yasser Arafat de Gaza, inauguré en grandes pompes en 1998 en présence du président américain Bill Clinton, mais détruit au début de la Seconde intifada, le soulèvement palestinien du début des années 2000.


Aujourd'hui, personne ne peut quitter Gaza par les airs, le bâtiment tout en arches a été réduit en un champ de ruines; la piste d’atterrissage recouverte de terre et d'herbe n'est plus foulée que par des chèvres. Et l'enclave ne compte pas de port autre que les ports de pêche.


Et lorsque le poste de Rafah est ouvert, le nombre de passagers pouvant traverser est restreint, d'autant que la région limitrophe, le Sinaï, est le théâtre d'affrontements récurrents entre jihadistes du groupe Etat islamique et les forces égyptiennes.


Pour sortir de Gaza, les voyageurs doivent s'inscrire des semaines à l'avance sur des listes, d'où le recours à des sociétés privées, bénéficiant de liens privilégiés avec l'Egypte, pour entrer et sortir de Gaza, ou simplement ne pas trop souffrir au passage.


L'AFP s'est entretenue avec une dizaine de Gazaouis ayant accepté de témoigner sans que leur nom ne soit cité de crainte, disent-ils, d'être placés sur une "liste noire" égyptienne et ne plus pouvoir sortir ou rentrer à nouveau à Gaza.

4 jours pour 400 km
Ahmed (nom d'emprunt) rentrait du Caire en début d'année. Le trajet par la route prend en théorie environ cinq heures. Il a duré quatre jours.


Parti un mercredi à 04H00 de la capitale égyptienne, il a payé environ 130 dollars un taxi privé pour parcourir les 380 km jusqu'à Rafah.


Tout s'est bien passé jusqu'à l'entrée du canal de Suez. Le point de passage de Mahdiyya était fermé et encombré de taxis. Il a payé un second taxi, partagé avec six personnes et a passé la nuit à dormir dans la voiture, avant de passer au point de contrôle égyptien.


"Les Egyptiens ont ouvert tous mes sacs, ils ont confisqué mon parfum, mes cigarettes, ouvert mes profils Facebook et WhatsApp, regardé mes photos", raconte-t-il à l'AFP.


Après trois contrôles, il reprend la route, passe sans encombres par le checkpoint de Maïdan dans le désert du Sinaï, avant que tout ne se fige à nouveau à Al-Arish, à une cinquantaine de km de Rafah. "Nous sommes arrivés le jeudi vers 16H50, mais ils nous ont dit: +khalas, faites marche arrière+", poursuit Ahmed.


Le taxi s'est replié en ville. Ahmed a loué une chambre, jusqu'à ce que, deux jours plus tard, il reçoive un message lui disant que la route rouvrait. Lui et ses compagnons d'infortune foncent alors vers le checkpoint qui avait bien rouvert... mais pour une heure seulement. 


Désemparé, il dort dans la rue, attend le lendemain pour finalement rejoindre enfin Rafah, la porte d'entrée vers Gaza.


Dormir dans le désert, au pied d'un point de contrôle, Fatima (nom d'emprunt) en garde des sueurs froides. C'était en 2020, elle voyageait avec un petit groupe de femmes, du Caire à Gaza.


Au checkpoint de Maïdan, "nous avons dû dormir par terre dans la rue, je me suis étendue sur un bout de carton et j'ai fait de mon abaya une couverture", raconte-t-elle. "J'avais peur, nous étions dans le désert, il n'y avait pas d'eau, pas de toilettes, nous entendions des bombardements au loin, une des femmes avec nous n'arrêtait pas de crier: +je vais mourir, je vais mourir+".


La nuit suivante, au passage de Balouza, fermé, elle a dormi dans un bus, puis la nuit suivante, à Al-Arish, sous un bus. "Il faisait chaud, il y avait des enfants qui dormaient avec nous et pleuraient sans cesse et j'ai dû demander à des femmes de m'entourer pour aller uriner à côté du bus".

Services VIP
Au total, Ahmed et Fatima ont passé plus de quatre jours pour faire moins de 400 km, pour cette route ponctuée de postes de contrôle en raison, selon l'Egypte, de l'insécurité liée aux menaces islamistes armées.


"Tout ça, cette route, me détruit de l'intérieur (...) C'est comme si nous, gens de Gaza, étions tous considérés comme des terroristes", soupire Ahmed d'autant plus frustré qu'après être enfin arrivé à Gaza, il a appris que des connaissances avaient fait le même trajet en seulement un jour.


La différence? "Ils ont utilisé le service VIP. Au final, en comptant les taxis, l'hôtel pourri, j'ai presque payé la même somme qu'eux et ça m'a pris presque cinq jours", peste-t-il, accusant les services de sécurité égyptiens de rendre la vie dure aux voyageurs gazaouis pour les pousser à recourir à des compagnies privées.


Dans la bande de Gaza, des compagnies locales proposent des services VIP (enregistrements, papiers, taxis privés) à 1.000 dollars pour faire les 400 km entre Rafah et le Caire, et 600 dollars pour le retour, une véritable fortune pour une population paupérisée.


Or ces compagnies locales ont des "licences" de la société égyptienne Abnaa Sinaï (Les fils du Sinaï) pour vendre ces services, indique à l'AFP un responsable de l'industrie requérant l'anonymat, une information confirmée de sources officielles dans la bande de Gaza. La société Abnaa Sinaï n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette affaire.   


"Pour les Palestiniens, c'est une catastrophe. Dans les faits, c'est le business de la frontière. On parle de jusqu'à 175.000 dollars par jour", souligne un responsable d'une compagnie de Gaza offrant ces services VIP. 


"Côté égyptien, ils font des pressions pour rendre le retour à Gaza pénible et ainsi pousser les gens à payer le service VIP la fois suivante", dit-il. La société Abnaa Sinaï n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette affaire. 


"A cause de ce problème de frontière, je ne suis pas retournée à Gaza pendant des années. J'avais trop peur de ce trajet, de la route à partir du Caire", confie Hiba (nom d'emprunt), une Gazaouie vivant à l'étranger qui s'est finalement résolue à retourner dans l'enclave cette année pour y retrouver sa famille. 


"Aux postes de contrôle, ils (les gardes) nous regardent avec des yeux qui veulent dire: +on vous déteste+", ajoute-t-elle. Si Hiba n'a pas payé le service VIP pour rentrer à Gaza, elle se dit prête à débourser 1.000 dollars pour en ressortir et rêve du jour où elle pourra entrer et sortir de l'enclave sans frais et sans encombres.

Sous Suez
Au cours des derniers mois, des responsables palestiniens ont demandé à l'Egypte de faciliter le transit des Gazaouis. Président de la chambre de commerce de Gaza, Walid al-Hosari a abordé récemment cet enjeu lors de réunions au Caire.


"Les Egyptiens nous ont informés que le nombre de voyageurs de la bande de Gaza vers l'Egypte allait augmenter (...) et qu'ils pourront passer par les tunnels sous le canal de Suez", actuellement interdits aux voyageurs palestiniens, ce qui facilitera le périple, dit-il à l'AFP.


"Ils promettent, promettent, mais on ne sait jamais si cela va se concrétiser", lance un haut responsable du Hamas, disant ne pas vouloir épiloguer sur ce sujet "très sensible" pour les Egyptiens.


Pour l'économiste palestinien Omar Shaban, qui suit de près les enjeux commerciaux avec le voisin égyptien, l'idée de faire payer une fortune à des familles de Gaza pour sortir de l'enclave ne peut tenir longtemps à l'heure où l'Egypte a décidé de s'engager pour la reconstruction de ce territoire ravagé par les guerres.


Le "business" de la frontière est une "affaire de gros sous", mais les Egyptiens ne peuvent à la fois "s'engager dans la reconstruction de Gaza et empêcher la population de Gaza de rentrer en Egypte", dit-il. 

A Gaza, le retour de l'Egypte par la porte de la reconstruction

GAZA : Affiche géante du président Abdel Fattah al-Sissi souriant, travailleurs au volant de bulldozers: après des années de retrait, l'Egypte fait son retour dans la bande de Gaza pour s'imposer sur le terrain de la reconstruction après la dernière guerre entre Israël et le Hamas.


Dans les semaines suivant ces affrontements, en mai, des travailleurs égyptiens sont arrivés dans l'enclave palestinienne sous blocus israélien pour construire une route sur le bord de mer et un nouveau quartier à Beit Lahya (nord).


"Les instructions du président sont de reconstruire la bande de Gaza. Nous sommes environ 70 ingénieurs, fonctionnaires, chauffeurs routiers, mécaniciens et ouvriers", résume l'un d'eux sur place, taisant son nom mais se disant "heureux d'aider la Palestine".


Pendant la guerre de 11 jours entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza, l'Egypte s'était activée en coulisses pour favoriser un cessez-le-feu et avait promis une enveloppe de 500 millions de dollars pour la reconstruction de l'enclave.


Issu de la mouvance des Frères musulmans, le Hamas n'avait pas de bonnes relations avec l'Egypte depuis la destitution en 2013 par l'armée de l'ancien président Mohamed Morsi, issu de cette même confrérie, au profit d'Abdel Fattah al-Sissi, qui avait d'ailleurs fermé le consulat égyptien à Gaza.

Qatar vs Egypte ?
Selon l'économiste palestinien Omar Shaban, "il était inattendu, inimaginable" que l'Egypte de Sissi investisse des millions dans les terres du Hamas et de voir des travailleurs égyptiens dans les rues de Gaza. 


"L'Egypte et le Hamas ne sont pas amis, mais ils ont des intérêts communs. L'Egypte veut maintenir le cessez-le-feu en s'engageant dans la reconstruction après-guerre", explique-t-il.


Le Hamas a besoin de l'aide étrangère pour reconstruire et de bonnes relations avec l'Egypte, qui contrôle l'une de ses deux frontières, celle de Rafah, stratégique pour faire entrer dans l'enclave du matériel pour la reconstruction.


De son côté, l'Egypte a "compris qu'elle n'avait pas beaucoup d'options (à Gaza)" où, près de 15 ans après avoir ravi le pouvoir au Fatah de Mahmoud Abbas et en dépit de quatre guerres avec Israël, le Hamas est toujours en place, ajoute M. Shaban.


Ces dernières années, le Qatar, émirat du Golfe lié à la mouvance des Frères musulmans comme le Hamas, avait été le premier donateur étranger à Gaza. Mais depuis la guerre de mai, le pays n'a pu déverser son aide mensuelle comme à l'habitude.


Le Qatar a versé une dizaine de millions de dollars en aide aux familles pauvres, mais un différend demeure avec Israël sur le moyen de versement des salaires aux employés du gouvernement du Hamas.


L'Etat hébreu s'oppose à des paies versées en liquide par crainte que ces sommes ne soient détournées à des fins militaires.


Le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid a ainsi exhorté l'Egypte et les Emirats arabes unis, deux pays qui entretiennent des relations diplomatiques officielles avec Israël, à s'engager dans la reconstruction et le développement de Gaza.

«Coordination»
Sur place, le gouvernement du Hamas chiffre à au moins "479 millions de dollars" les dommages directs liés à la dernière guerre, qui s'ajoutent aux "600 millions de dollars" de travaux liés aux guerres passées et qui n'ont pas encore été réalisés, explique à l'AFP Naji Sarhan, directeur général du ministère gazaoui des Travaux publics. 


Et c'est sans compter les besoins en développement (électricité, eau, infrastructures) de Gaza, un des territoires les plus pauvres du Moyen-Orient.


"L'aide du Qatar est la bienvenue, celle de l'Egypte aussi... Et nous faisons la coordination entre les pays", dit M. Sarhan. 


D'ailleurs, le Qatar a annoncé le 17 novembre un accord conjoint avec l'Egypte pour fournir du carburant et des matériaux de construction à la bande de Gaza.


La route que les Egyptiens construisent joindra celle financée par le Qatar, pour ainsi former un corridor routier du sud au nord de l'enclave, le long de la mer. Elle traversera le camp de réfugiés d'Al-Shati, où des masures seront réduites en poussière.


"Ils nous ont dit que nous devrons quitter les lieux, que nous aurons une nouvelle maison", souffle Roya al-Hassi, 83 ans, assise sur une chaise bringuebalante.


"Moi ça ne me dérange pas de partir, pour autant que je retrouve une chambre, une salle de bain et une pièce pour préparer le thé", ajoute-t-elle.


De l'autre côté de la route, Maher al-Baqa, un entrepreneur d'une trentaine d'années, supervise les travaux d'un vaste café-restaurant qu'il fait construire sur le bord de mer.


La nouvelle corniche "va attirer du monde", espère-t-il. "Mais bon, ça reste Gaza et on ne sait jamais quand la guerre va reprendre".


Soudan: craintes de la poursuite des exactions à El-Facher

Des enfants et des familles déplacés d'El-Fasher dans un camp où ils se sont réfugiés pour échapper aux combats entre les forces gouvernementales et le RSF, à Tawila, dans la région du Darfour. (UNICEF via AP)
Des enfants et des familles déplacés d'El-Fasher dans un camp où ils se sont réfugiés pour échapper aux combats entre les forces gouvernementales et le RSF, à Tawila, dans la région du Darfour. (UNICEF via AP)
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  • Des massacres se poursuivent à El-Facher, dernière grande ville du Darfour tombée aux mains des Forces de soutien rapides (FSR) après 18 mois de siège
  • La situation est décrite comme « apocalyptique » par les diplomaties allemande et britannique, tandis que l’ONU réclame des enquêtes rapides sur les atrocités et que plus de 65 000 civils ont fui la ville, désormais en ruines

Port-Soudan: De nouvelles images satellites et l'ONG Médecins sans frontières (MSF) suggèrent samedi la poursuite des massacres dans la ville soudanaise d'El-Facher, près d'une semaine après sa prise par les paramilitaires.

Alors que les informations sur des violences contre les civils se multiplient, les chefs de la diplomatie allemande et britannique ont alerté sur une situation "absolument apocalyptique" et "véritablement terrifiante" sur le terrain.

Après 18 mois de siège, les Forces de soutien rapides (FSR, paramilitaires) de Mohamed Daglo ont pris dimanche El-Facher, dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait encore à leur contrôle dans leur guerre contre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane.

Selon le Laboratoire de recherche humanitaire de l'université de Yale, qui analyse des vidéos et des images satellites, les dernières images datant de vendredi ne "montrent aucun mouvement à grande échelle" à El-Facher, ce qui suggère que la majorité de sa population est "morte, capturée ou cachée".

Le laboratoire a identifié au moins 31 groupes d'objets correspondant à des corps humains entre lundi et vendredi, dans différents quartiers, sur des sites universitaires et des sites militaires. "Les indices montrant que les massacres se poursuivent sont clairement visibles", conclut-il.

- "Tuées, retenues, pourchassées" -

MSF a lui aussi dit craindre samedi qu'un "grand nombre de personnes" y soient toujours "en grave danger de mort" et que les civils soient empêchés par les FSR et leurs alliés "d'atteindre des zones plus sûres" comme Tawila.

Des milliers de personnes ont déjà fui El-Facher pour cette ville située à environ 70 km à l'ouest, et où les équipes de MSF se sont préparées à faire face à un afflux massif de déplacés et de blessés.

Des survivants ont raconté à l'ONG que les personnes ont été séparées selon leur sexe, âge ou identité ethnique présumée, et que beaucoup sont toujours détenues contre rançon. Un survivant a rapporté des "scènes horribles" où des combattants écrasaient des prisonniers avec leurs véhicules.

"Le nombre de personnes arrivées à Tawila est très faible (...) Où sont toutes les personnes manquantes, qui ont déjà survécu à des mois de famine et de violence à El-Facher?" s'interroge Michel-Olivier Lacharité, responsable des opérations d'urgence chez MSF. "D'après ce que nous disent les patients, la réponse la plus probable, bien qu'effrayante, est qu'elles sont tuées, retenues et pourchassées lorsqu'elles tentent de fuir", relate-t-il.

Au total, plus de 65.000 civils ont fui El-Facher, où des dizaines de milliers de personnes sont encore piégées, selon l'ONU. Avant l'assaut final des paramilitaires, la ville comptait environ 260.000 habitants.

- "Apocalyptique" -

Depuis dimanche, plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux montrent des hommes en uniforme des FSR procédant à des exécutions sommaires à El-Facher, les paramilitaires affirmant que plusieurs de ces enregistrements ont été "fabriqués" par des sites liés à l'armée.

Les paramilitaires ont affirmé jeudi avoir arrêté plusieurs de leurs combattants soupçonnés d'exactions lors de la prise d'El-Facher, l'ONU réclamant vendredi des enquêtes "rapides et transparentes" après des "témoignages effroyables" d'atrocités dans cette localité.

S'exprimant en marge d'une conférence à Bahreïn, le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a décrit samedi la situation à El-Facher comme "absolument apocalyptique", évoquant comme l'ONU la "pire crise humanitaire du monde". "Les FSR se sont publiquement engagés à protéger les civils et devront rendre compte de leurs actions", a-t-il ajouté.

"Les informations qui nous parviennent du Darfour ces derniers jours sont véritablement terrifiantes", a déclaré son homologue britannique Yvette Cooper, évoquant les "atrocités commises, exécutions de masse, famine et le viol comme arme de guerre".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle l'est et le nord du pays, et les FSR, désormais maîtres de l'ensemble du Darfour, une région vaste comme la France métropolitaine.

Les pourparlers en vue d'une trêve, menés depuis plusieurs mois par un groupe réunissant les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, sont dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, selon des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient toute implication.


Le président libanais accuse Israël de répondre à son offre de négociations en intensifiant ses attaques

Le président libanais Joseph Aoun a accusé vendredi Israël de répondre à son offre de négociation en intensifiant ses frappes aériennes, dont la dernière a tué un homme à moto dans le sud du Liban. (Reuters/File)
Le président libanais Joseph Aoun a accusé vendredi Israël de répondre à son offre de négociation en intensifiant ses frappes aériennes, dont la dernière a tué un homme à moto dans le sud du Liban. (Reuters/File)
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  • Le président libanais Joseph Aoun accuse Israël d’avoir répondu à son offre de négociations par une intensification des frappes, qui ont tué deux personnes dans le sud du Liban
  • En visite à Beyrouth, le ministre allemand Johann Wadephul appelle à un retrait israélien du sud du Liban et à un désarmement du Hezbollah, condition jugée essentielle pour la reprise du dialogue

BEYROUTH: Le président libanais, Joseph Aoun, a accusé Israël de répondre à l'offre de négociations du Liban par une intensification de ses frappes, les dernières ayant tué vendredi deux hommes dans le sud du pays selon Beyrouth.

"Le Liban est prêt à des négociations pour mettre fin à l'occupation israélienne, mais toute négociation (...) a besoin d'une volonté réciproque, ce qui n'est pas le cas", a affirmé M. Aoun à l'issue d'un entretien avec le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul.

Le chef de l'Etat s'était déjà prononcé le 13 octobre pour des négociations entre les deux pays voisins, toujours formellement en état de guerre, et qui ont émergé en novembre dernier d'un an de conflit meurtrier entre Israël et le Hezbollah libanais.

Israël "répond à cette option en menant davantage d'attaques contre le Liban (...) et en intensifiant la tension", a déploré M. Aoun

Selon le ministère de la Santé libanais, deux personnes ont été tuées vendredi lors de deux frappes israéliennes dans le sud du pays.

L'Agence nationale d'information libanaise (Ani, officielle) a indiqué qu'un drone avait notamment visé un homme à moto dans le village de Kounine.

L'armée israélienne a affirmé avoir tué un "responsable de la maintenance du Hezbollah", qui oeuvrait selon elle à rétablir des infrastructures du mouvement pro-iranien.

La veille, une unité israélienne s'était introduite dans le village frontalier de Blida, où les soldats ont tué un employé municipal.

M. Aoun a demandé à l'armée de "faire face" à toute nouvelle incursion israélienne en territoire libanais.

- "Condition sine qua non" -

Malgré le cessez-le-feu ayant mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce dernier continue de mener des frappes régulières au Liban disant viser des cibles du mouvement chiite, et a intensifié ses raids ces derniers jours.

L'armée israélienne se maintient aussi dans cinq positions dans le sud du Liban.

Selon un bilan de l'AFP basé sur des données du ministère de la Santé, au moins 25 personnes, dont un Syrien, ont été tuées en octobre.

L'ONU avait indiqué mardi que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le chef de la diplomatie allemande a apporté son soutien au président libanais, affirmant qu'il exhorterait son homologue israélien, Gideon Saar, à retirer l'armée israélienne du sud du Liban.

"Il doit y avoir un retrait des troupes israéliennes. Je comprends qu'Israël ait besoin de sécurité (...) Mais nous avons maintenant besoin d'un processus de confiance mutuelle. Et je m'engage à ce que les deux parties se parlent", a dit le ministre allemand.

Il a également "encouragé le gouvernement libanais à veiller à ce qu'un processus crédible, compréhensible et rapide de désarmement du Hezbollah soit mis en place", une "tâche colossale" mais, a-t-il estimé, "la condition sine qua non" pour régler les relations avec Israël.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour que le mouvement chiite livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.


Israël a rendu à Gaza 30 corps de Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages 

Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza. (AFP)
Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza. (AFP)
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  • "Les corps de 30 prisonniers palestiniens ont été reçus de la partie israélienne dans le cadre de l'accord d'échange", a précisé l'hôpital, situé à Khan Younès
  • Au total, en échange de 15 dépouilles d'Israéliens, 225 dépouilles de Palestiniens ont été rendues conformément aux termes de l'accord de cessez-le feu en vigueur depuis le 10 octobre

GAZA: Israël a rendu vendredi à l'hôpital Nasser les corps de 30 Palestiniens en échange de deux dépouilles d'otages israéliens restituées la veille par le mouvement islamiste palestinien Hamas, a indiqué à l'AFP cet établissement du sud de la bande de Gaza.

"Les corps de 30 prisonniers palestiniens ont été reçus de la partie israélienne dans le cadre de l'accord d'échange", a précisé l'hôpital, situé à Khan Younès.

Les otages avaient été enlevés lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui avait déclenché la guerre dans la bande Gaza.

Au total, en échange de 15 dépouilles d'Israéliens, 225 dépouilles de Palestiniens ont été rendues conformément aux termes de l'accord de cessez-le feu en vigueur depuis le 10 octobre.

Depuis cette date, le Hamas a également rendu deux dépouilles d'otages non-israéliens, un Thaïlandais et un Népalais.

Le mouvement islamiste a jusqu'à présent restitué les restes de 17 des 28 corps qui se trouvaient encore à Gaza et auraient dû être rendus au début de la trêve, assurant que localiser les autres dépouilles est "complexe" dans le territoire dévasté par deux ans de guerre.

Des équipes égyptiennes autorisées à entrer dans le territoire palestinien par Israël participent aux recherches avec des engins de chantiers.

Lundi soir, le Hamas avait rendu à Israël les restes d'un otage, identifié comme étant ceux d'Ofir Tzarfati, dont une partie de la dépouille avait déjà été récupérée en deux fois.

Les retards successifs dans la remise des corps des otages ont provoqué la colère du gouvernement israélien, qui a accusé le Hamas de violer l'accord de trêve. Et les familles des otages ont exigé des mesures plus sévères pour contraindre le groupe palestinien à se conformer à l'accord.

Dix corps d'otages du 7-Octobre seraient encore à Gaza, ainsi que celui d'un soldat mort durant une guerre en 2014. Tous sont israéliens sauf un Tanzanien et un Thaïlandais.

Par ailleurs, à deux reprises depuis le 10 octobre, Israël a mené des bombardements massifs sur Gaza en représailles à des tirs qui ont tué trois de ses soldats. Le 19 octobre, les bombardements israéliens avaient fait au moins 45 morts et mardi 104.

Le Hamas, qui dément avoir tiré sur les soldats israéliens, a accusé Israël de violer le cessez-le-feu.