Sortir de Gaza, le juteux marché du passage avec l'Egypte

Dans cette photo d'archive prise le 31 mai 2021, des femmes passent devant une bannière géante représentant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi au milieu des préparatifs pour recevoir une délégation de renseignement égyptienne en visite dans la ville de Gaza. Des affiches du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi sont diffusées sur un site de la bande de Gaza ravagée par la guerre, où ouvriers et bulldozers s'affairent à reconstruire. Après des années de recul, l'Égypte fait à nouveau sentir sa présence dans l'enclave palestinienne voisine, devenant un donateur clé au lendemain du dernier combat entre le Hamas et Israël en mai. (Photo, AFP)
Dans cette photo d'archive prise le 31 mai 2021, des femmes passent devant une bannière géante représentant le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi au milieu des préparatifs pour recevoir une délégation de renseignement égyptienne en visite dans la ville de Gaza. Des affiches du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi sont diffusées sur un site de la bande de Gaza ravagée par la guerre, où ouvriers et bulldozers s'affairent à reconstruire. Après des années de recul, l'Égypte fait à nouveau sentir sa présence dans l'enclave palestinienne voisine, devenant un donateur clé au lendemain du dernier combat entre le Hamas et Israël en mai. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 21 novembre 2021

Sortir de Gaza, le juteux marché du passage avec l'Egypte

  • Dans ce micro-territoire, des Palestiniens payent des centaines, voire des milliers de dollars, à des sociétés privées pour se rendre en Egypte ou rentrer de ce pays, seule issue de l'enclave palestinienne outre Israël
  • «Une heure après ma publication, un membre du Hamas m'a appelé pour me demander de tout effacer, que c'était un sujet hyper sensible pour les Egyptiens et que ça allait nuire aux Palestiniens»

RAFAH, Territoires palestiniens : Dès que Moustafa al-Sawaf a dénoncé sur les réseaux sociaux les "millions" que touchent des sociétés privées pour éviter aux Palestiniens le "chemin de l'humiliation" entre la bande de Gaza et le Caire, semé de tracasseries et d'embûches, son téléphone a sonné.


"Une heure après ma publication, un membre du Hamas m'a appelé pour me demander de tout effacer, que c'était un sujet hyper sensible pour les Egyptiens et que ça allait nuire aux Palestiniens", raconte à l'AFP cet analyste politique gazaoui.


"J'ai donc retiré la publication pour ne pas nuire aux Palestiniens, mais en l'espace d'une heure il y avait déjà près de 80 commentaires pour me soutenir car cette affaire cause beaucoup de souffrance", dit-il.


Moustafa al-Sawaf avait dit publiquement ce que beaucoup pensent tout bas à Gaza. 


Dans ce micro-territoire, des Palestiniens payent des centaines, voire des milliers de dollars, à des sociétés privées pour se rendre en Egypte ou rentrer de ce pays, seule issue de l'enclave palestinienne outre Israël. 


Un juteux commerce devenu aussi l'un des plus grands tabous sur place.


Depuis que les islamistes du Hamas ont pris le pouvoir à Gaza en 2007, l'Etat hébreu impose un blocus à ce territoire.


Le gouvernement israélien accorde des permis de travail, des autorisations d'entrée sur son territoire via le passage d'Erez pour y subir des opérations, et des transits permettant de se rendre en Jordanie via ce passage situé dans le nord de la bande de Gaza. Mais ces procédures peuvent être longues ou ne pas aboutir.  


D'où l'importance de l'autre poste-frontière, celui de Rafah, installé dans le sud, à une centaine de mètres du défunt aéroport international Yasser Arafat de Gaza, inauguré en grandes pompes en 1998 en présence du président américain Bill Clinton, mais détruit au début de la Seconde intifada, le soulèvement palestinien du début des années 2000.


Aujourd'hui, personne ne peut quitter Gaza par les airs, le bâtiment tout en arches a été réduit en un champ de ruines; la piste d’atterrissage recouverte de terre et d'herbe n'est plus foulée que par des chèvres. Et l'enclave ne compte pas de port autre que les ports de pêche.


Et lorsque le poste de Rafah est ouvert, le nombre de passagers pouvant traverser est restreint, d'autant que la région limitrophe, le Sinaï, est le théâtre d'affrontements récurrents entre jihadistes du groupe Etat islamique et les forces égyptiennes.


Pour sortir de Gaza, les voyageurs doivent s'inscrire des semaines à l'avance sur des listes, d'où le recours à des sociétés privées, bénéficiant de liens privilégiés avec l'Egypte, pour entrer et sortir de Gaza, ou simplement ne pas trop souffrir au passage.


L'AFP s'est entretenue avec une dizaine de Gazaouis ayant accepté de témoigner sans que leur nom ne soit cité de crainte, disent-ils, d'être placés sur une "liste noire" égyptienne et ne plus pouvoir sortir ou rentrer à nouveau à Gaza.

4 jours pour 400 km
Ahmed (nom d'emprunt) rentrait du Caire en début d'année. Le trajet par la route prend en théorie environ cinq heures. Il a duré quatre jours.


Parti un mercredi à 04H00 de la capitale égyptienne, il a payé environ 130 dollars un taxi privé pour parcourir les 380 km jusqu'à Rafah.


Tout s'est bien passé jusqu'à l'entrée du canal de Suez. Le point de passage de Mahdiyya était fermé et encombré de taxis. Il a payé un second taxi, partagé avec six personnes et a passé la nuit à dormir dans la voiture, avant de passer au point de contrôle égyptien.


"Les Egyptiens ont ouvert tous mes sacs, ils ont confisqué mon parfum, mes cigarettes, ouvert mes profils Facebook et WhatsApp, regardé mes photos", raconte-t-il à l'AFP.


Après trois contrôles, il reprend la route, passe sans encombres par le checkpoint de Maïdan dans le désert du Sinaï, avant que tout ne se fige à nouveau à Al-Arish, à une cinquantaine de km de Rafah. "Nous sommes arrivés le jeudi vers 16H50, mais ils nous ont dit: +khalas, faites marche arrière+", poursuit Ahmed.


Le taxi s'est replié en ville. Ahmed a loué une chambre, jusqu'à ce que, deux jours plus tard, il reçoive un message lui disant que la route rouvrait. Lui et ses compagnons d'infortune foncent alors vers le checkpoint qui avait bien rouvert... mais pour une heure seulement. 


Désemparé, il dort dans la rue, attend le lendemain pour finalement rejoindre enfin Rafah, la porte d'entrée vers Gaza.


Dormir dans le désert, au pied d'un point de contrôle, Fatima (nom d'emprunt) en garde des sueurs froides. C'était en 2020, elle voyageait avec un petit groupe de femmes, du Caire à Gaza.


Au checkpoint de Maïdan, "nous avons dû dormir par terre dans la rue, je me suis étendue sur un bout de carton et j'ai fait de mon abaya une couverture", raconte-t-elle. "J'avais peur, nous étions dans le désert, il n'y avait pas d'eau, pas de toilettes, nous entendions des bombardements au loin, une des femmes avec nous n'arrêtait pas de crier: +je vais mourir, je vais mourir+".


La nuit suivante, au passage de Balouza, fermé, elle a dormi dans un bus, puis la nuit suivante, à Al-Arish, sous un bus. "Il faisait chaud, il y avait des enfants qui dormaient avec nous et pleuraient sans cesse et j'ai dû demander à des femmes de m'entourer pour aller uriner à côté du bus".

Services VIP
Au total, Ahmed et Fatima ont passé plus de quatre jours pour faire moins de 400 km, pour cette route ponctuée de postes de contrôle en raison, selon l'Egypte, de l'insécurité liée aux menaces islamistes armées.


"Tout ça, cette route, me détruit de l'intérieur (...) C'est comme si nous, gens de Gaza, étions tous considérés comme des terroristes", soupire Ahmed d'autant plus frustré qu'après être enfin arrivé à Gaza, il a appris que des connaissances avaient fait le même trajet en seulement un jour.


La différence? "Ils ont utilisé le service VIP. Au final, en comptant les taxis, l'hôtel pourri, j'ai presque payé la même somme qu'eux et ça m'a pris presque cinq jours", peste-t-il, accusant les services de sécurité égyptiens de rendre la vie dure aux voyageurs gazaouis pour les pousser à recourir à des compagnies privées.


Dans la bande de Gaza, des compagnies locales proposent des services VIP (enregistrements, papiers, taxis privés) à 1.000 dollars pour faire les 400 km entre Rafah et le Caire, et 600 dollars pour le retour, une véritable fortune pour une population paupérisée.


Or ces compagnies locales ont des "licences" de la société égyptienne Abnaa Sinaï (Les fils du Sinaï) pour vendre ces services, indique à l'AFP un responsable de l'industrie requérant l'anonymat, une information confirmée de sources officielles dans la bande de Gaza. La société Abnaa Sinaï n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette affaire.   


"Pour les Palestiniens, c'est une catastrophe. Dans les faits, c'est le business de la frontière. On parle de jusqu'à 175.000 dollars par jour", souligne un responsable d'une compagnie de Gaza offrant ces services VIP. 


"Côté égyptien, ils font des pressions pour rendre le retour à Gaza pénible et ainsi pousser les gens à payer le service VIP la fois suivante", dit-il. La société Abnaa Sinaï n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette affaire. 


"A cause de ce problème de frontière, je ne suis pas retournée à Gaza pendant des années. J'avais trop peur de ce trajet, de la route à partir du Caire", confie Hiba (nom d'emprunt), une Gazaouie vivant à l'étranger qui s'est finalement résolue à retourner dans l'enclave cette année pour y retrouver sa famille. 


"Aux postes de contrôle, ils (les gardes) nous regardent avec des yeux qui veulent dire: +on vous déteste+", ajoute-t-elle. Si Hiba n'a pas payé le service VIP pour rentrer à Gaza, elle se dit prête à débourser 1.000 dollars pour en ressortir et rêve du jour où elle pourra entrer et sortir de l'enclave sans frais et sans encombres.

Sous Suez
Au cours des derniers mois, des responsables palestiniens ont demandé à l'Egypte de faciliter le transit des Gazaouis. Président de la chambre de commerce de Gaza, Walid al-Hosari a abordé récemment cet enjeu lors de réunions au Caire.


"Les Egyptiens nous ont informés que le nombre de voyageurs de la bande de Gaza vers l'Egypte allait augmenter (...) et qu'ils pourront passer par les tunnels sous le canal de Suez", actuellement interdits aux voyageurs palestiniens, ce qui facilitera le périple, dit-il à l'AFP.


"Ils promettent, promettent, mais on ne sait jamais si cela va se concrétiser", lance un haut responsable du Hamas, disant ne pas vouloir épiloguer sur ce sujet "très sensible" pour les Egyptiens.


Pour l'économiste palestinien Omar Shaban, qui suit de près les enjeux commerciaux avec le voisin égyptien, l'idée de faire payer une fortune à des familles de Gaza pour sortir de l'enclave ne peut tenir longtemps à l'heure où l'Egypte a décidé de s'engager pour la reconstruction de ce territoire ravagé par les guerres.


Le "business" de la frontière est une "affaire de gros sous", mais les Egyptiens ne peuvent à la fois "s'engager dans la reconstruction de Gaza et empêcher la population de Gaza de rentrer en Egypte", dit-il. 

A Gaza, le retour de l'Egypte par la porte de la reconstruction

GAZA : Affiche géante du président Abdel Fattah al-Sissi souriant, travailleurs au volant de bulldozers: après des années de retrait, l'Egypte fait son retour dans la bande de Gaza pour s'imposer sur le terrain de la reconstruction après la dernière guerre entre Israël et le Hamas.


Dans les semaines suivant ces affrontements, en mai, des travailleurs égyptiens sont arrivés dans l'enclave palestinienne sous blocus israélien pour construire une route sur le bord de mer et un nouveau quartier à Beit Lahya (nord).


"Les instructions du président sont de reconstruire la bande de Gaza. Nous sommes environ 70 ingénieurs, fonctionnaires, chauffeurs routiers, mécaniciens et ouvriers", résume l'un d'eux sur place, taisant son nom mais se disant "heureux d'aider la Palestine".


Pendant la guerre de 11 jours entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza, l'Egypte s'était activée en coulisses pour favoriser un cessez-le-feu et avait promis une enveloppe de 500 millions de dollars pour la reconstruction de l'enclave.


Issu de la mouvance des Frères musulmans, le Hamas n'avait pas de bonnes relations avec l'Egypte depuis la destitution en 2013 par l'armée de l'ancien président Mohamed Morsi, issu de cette même confrérie, au profit d'Abdel Fattah al-Sissi, qui avait d'ailleurs fermé le consulat égyptien à Gaza.

Qatar vs Egypte ?
Selon l'économiste palestinien Omar Shaban, "il était inattendu, inimaginable" que l'Egypte de Sissi investisse des millions dans les terres du Hamas et de voir des travailleurs égyptiens dans les rues de Gaza. 


"L'Egypte et le Hamas ne sont pas amis, mais ils ont des intérêts communs. L'Egypte veut maintenir le cessez-le-feu en s'engageant dans la reconstruction après-guerre", explique-t-il.


Le Hamas a besoin de l'aide étrangère pour reconstruire et de bonnes relations avec l'Egypte, qui contrôle l'une de ses deux frontières, celle de Rafah, stratégique pour faire entrer dans l'enclave du matériel pour la reconstruction.


De son côté, l'Egypte a "compris qu'elle n'avait pas beaucoup d'options (à Gaza)" où, près de 15 ans après avoir ravi le pouvoir au Fatah de Mahmoud Abbas et en dépit de quatre guerres avec Israël, le Hamas est toujours en place, ajoute M. Shaban.


Ces dernières années, le Qatar, émirat du Golfe lié à la mouvance des Frères musulmans comme le Hamas, avait été le premier donateur étranger à Gaza. Mais depuis la guerre de mai, le pays n'a pu déverser son aide mensuelle comme à l'habitude.


Le Qatar a versé une dizaine de millions de dollars en aide aux familles pauvres, mais un différend demeure avec Israël sur le moyen de versement des salaires aux employés du gouvernement du Hamas.


L'Etat hébreu s'oppose à des paies versées en liquide par crainte que ces sommes ne soient détournées à des fins militaires.


Le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid a ainsi exhorté l'Egypte et les Emirats arabes unis, deux pays qui entretiennent des relations diplomatiques officielles avec Israël, à s'engager dans la reconstruction et le développement de Gaza.

«Coordination»
Sur place, le gouvernement du Hamas chiffre à au moins "479 millions de dollars" les dommages directs liés à la dernière guerre, qui s'ajoutent aux "600 millions de dollars" de travaux liés aux guerres passées et qui n'ont pas encore été réalisés, explique à l'AFP Naji Sarhan, directeur général du ministère gazaoui des Travaux publics. 


Et c'est sans compter les besoins en développement (électricité, eau, infrastructures) de Gaza, un des territoires les plus pauvres du Moyen-Orient.


"L'aide du Qatar est la bienvenue, celle de l'Egypte aussi... Et nous faisons la coordination entre les pays", dit M. Sarhan. 


D'ailleurs, le Qatar a annoncé le 17 novembre un accord conjoint avec l'Egypte pour fournir du carburant et des matériaux de construction à la bande de Gaza.


La route que les Egyptiens construisent joindra celle financée par le Qatar, pour ainsi former un corridor routier du sud au nord de l'enclave, le long de la mer. Elle traversera le camp de réfugiés d'Al-Shati, où des masures seront réduites en poussière.


"Ils nous ont dit que nous devrons quitter les lieux, que nous aurons une nouvelle maison", souffle Roya al-Hassi, 83 ans, assise sur une chaise bringuebalante.


"Moi ça ne me dérange pas de partir, pour autant que je retrouve une chambre, une salle de bain et une pièce pour préparer le thé", ajoute-t-elle.


De l'autre côté de la route, Maher al-Baqa, un entrepreneur d'une trentaine d'années, supervise les travaux d'un vaste café-restaurant qu'il fait construire sur le bord de mer.


La nouvelle corniche "va attirer du monde", espère-t-il. "Mais bon, ça reste Gaza et on ne sait jamais quand la guerre va reprendre".


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
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  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
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  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com