En Afghanistan, la crainte d'une reprise en main des médias par les talibans

Le gouvernement taliban a publié dimanche une série de « directives religieuses » destinées aux médias, la première tentative de régulation du secteur par les talibans depuis leur reprise du pouvoir mi-août. (Photo/AFP)
Le gouvernement taliban a publié dimanche une série de « directives religieuses » destinées aux médias, la première tentative de régulation du secteur par les talibans depuis leur reprise du pouvoir mi-août. (Photo/AFP)
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Publié le Mercredi 24 novembre 2021

En Afghanistan, la crainte d'une reprise en main des médias par les talibans

  • Des journalistes et ONG afghanes ont dénoncé mardi les nouvelles règles imposées par le régime taliban aux télévisions afghanes, craignant un musèlement progressif des médias en Afghanistan
  • Les nouvelles directives stipulent également que femmes journalistes portent « le voile islamique » à l'écran, sans préciser qu'il s'agit d'un simple foulard, déjà habituellement porté à la télévision afghane, ou d'un voile plus couvrant

KABOUL : Le début d'une reprise en main ? Des journalistes et ONG afghanes ont dénoncé mardi les nouvelles règles imposées par le régime taliban aux télévisions afghanes, craignant un musèlement progressif des médias en Afghanistan.

Ils ont reçu le soutien de l'ONG Human Rights Watch (HRW), qui a accusé les talibans de vouloir "faire taire toute critique" contre leur régime, en dénonçant des menaces et pressions, notamment sur les femmes.

Le gouvernement taliban a publié dimanche une série de "directives religieuses" destinées aux médias, la première tentative de régulation du secteur par les talibans depuis leur reprise du pouvoir mi-août.

Il a notamment appelé les médias à éviter les programmes "opposés aux valeurs islamiques et afghanes".

"Imaginez à quoi pourront ressembler les médias avec ces nouvelles directives: un journaliste homme avec une épaisse barbe commençant son article avec quelques mots en arabe et le finissant par des louages" au régime des taliban, a twitté Zaki Daryabi, patron de l'Etilaat Roz ("Jour d'info"), l'un des principaux quotidiens afghans.

M. Daryabi est aujourd'hui ben exil, comme des centaines de journalistes afghans qui ont fui le pays depuis cet été par peur de représailles des talibans.

Ces derniers demandent également aux télévisions afghanes de ne plus diffuser de séries "montrant des femmes", comme les très populaires feuilletons et séries à l'eau de rose produits notamment en Inde et en Turquie, et indispensables à l'équilibre économique de nombreuses chaînes.

Si elles sont appliquées, ces directives "vont provoquer la fermeture d'une partie des médias, notamment des télévisions", a prévenu Hujatullah Mujadidi, un des fondateurs de la Fédération des journalistes afghans, en réclamant aux talibans un compromis, pouvoir diffuser les séries mais en coupant certaines scènes par exemple.

"Des millions d'Afghans meurent de faim mais oui, réduisons encore plus la liberté d'expression des médias, ça résoudra les problèmes de l'Afghanistan", a ironiquement twitté Shaharzad Akbar, présidente en exil de la Commission afghane indépendante des droits de l'Homme (AIHRC), très remontée.

"Mais à quoi pensez-vous, les talibans?", a-t-elle poursuivi. "Quand commencerez-vous vraiment à gouverner le pays et à le servir, plutôt que restreindre, détruire et réprimer ?"

« L'ennemi »

Les nouvelles directives stipulent également que femmes journalistes portent "le voile islamique" à l'écran, sans préciser qu'il s'agit d'un simple foulard, déjà habituellement porté à la télévision afghane, ou d'un voile plus couvrant.

"Ces directives menacent la liberté des médias" et réduiront "la présence de femmes journalistes", a twitté Zan TV, la première chaîne de télévision afghane dont les producteurs et reporters étaient exclusivement des femmes.

Les femmes journalistes "se sentiront davantage menacées", a abondé auprès de l'AFP Aslia Ahmadzai, journaliste indépendante dans le nord-ouest afghan.

Sous couvert d'anonymat, un journaliste afghan en exil y voit "le premier pas vers une interdiction de toutes les télévisions, comme dans les années 90".

Le gouvernement taliban, lui, se défend de toute censure. Mais ses dernières déclarations sur le sujet n'ont guère rassuré les médias afghans et ONG.

Dimanche dernier, Qari Abdul Sattar Saeed, chargé des médias auprès du Premier ministre taliban, avait désigné sur Twitter les médias comme des relais de la "propagande" de "l'ennemi".

Jusqu'ici, a-t-il estimé, "nous avons eu beaucoup de patience" en tolérant "la plupart de la propagande diffusée par tout le monde". "Mais lorsque nous voyons le comportement de l'ennemi, on ne peut ni les pardonner ni les tolérer. Ils doivent être traités comme ils le méritent, durement."

Sous leur premier règne, de 1996 à 2001, les talibans avaient interdit la télévision, et toutes les formes de divertissement jugées immorales. Après leur renversement en 2001, le paysage médiatique afghan a explosé et des dizaines de stations de radios et chaînes de télévision privées sont apparues, avec le soutien des Occidentaux notamment.

Après le retour au pouvoir des talibans, de nombreux médias ont fermé en raison de l'exil de leurs journalistes, du tarissement de l'aide internationale ou des recettes publicitaires.

Parmi les journalistes qui n'ont pas fui, certains ont arrêté de travailler, à commencer par les femmes. D'autres ont été frappés ou arrêtés par les talibans, notamment ceux qui couvraient des manifestations "non autorisées" de femmes contre le pouvoir.

Et selon HRW, de nombreux autres vivent dans la peur car menacés par les talibans ou sommés de publier des informations qui leur sont favorables.


Gaza: les Etats-Unis font pression pour l'adoption de leur résolution à l'ONU lundi

Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
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  • Les États-Unis poussent pour l’adoption par le Conseil de sécurité de leur résolution soutenant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza
  • Malgré des réticences de certains membres et un texte concurrent présenté par la Russie, Washington met en avant un large soutien arabe et occidental et avertit qu’un rejet ouvrirait la voie à la poursuite du conflit

NATIONS UNIES: Les Etats-Unis ont mis la pression vendredi pour convaincre de la nécessité d'adopter leur projet de résolution endossant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, qui sera mis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU lundi.

La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).

Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans.

"Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune.

Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.

Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain.

Et le Conseil se prononcera lundi à 17H00 (22H00 GMT) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.

Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...

- Conflit perpétuel" -

La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP.

Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza.

"Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU.

La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.

Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post.

"Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.

La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels.

Plus de 69.185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
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  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
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  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.