Ancienne alliée de l'Otan, la Turquie d'Erdogan devient son fardeau

La doctrine de la patrie bleue lève le voile sur une Turquie qui transgresse les droits de la mer relatifs aux îles, droits internationalement reconnus, et qui revendique l’usage exclusif d’une partie importante de la mer Égée et de la Méditerranée. (Getty images/Archives).
La doctrine de la patrie bleue lève le voile sur une Turquie qui transgresse les droits de la mer relatifs aux îles, droits internationalement reconnus, et qui revendique l’usage exclusif d’une partie importante de la mer Égée et de la Méditerranée. (Getty images/Archives).
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Publié le Vendredi 25 septembre 2020

Ancienne alliée de l'Otan, la Turquie d'Erdogan devient son fardeau

  • La Turquie est devenue une force imprévisible, dangereuse, vecteur d'instabilité dans la région, et semble avoir des intérêts qui divergent grandement de ceux de ses «alliés» de l’Otan
  • Les riches gisements de gaz récemment découverts dans l’est de la Méditerranée pourraient expliquer la nouvelle doctrine navale d’Ankara

MISSOURI: Patrie bleue. Ces mots qui courent les rues, ou plutôt les eaux, telles une rumeur, sont devenus le mot d’ordre de la philosophie derrière la politique navale de la Turquie.

Développée par l'ancien contre-amiral turc Cem Gürdeniz, la doctrine de la patrie bleue lève le voile sur une Turquie qui transgresse les droits de la mer relatifs aux îles, droits internationalement reconnus, et qui revendique l’usage exclusif d’une partie importante de la mer Égée et de la Méditerranée.

La nouvelle doctrine des eaux territoriales turques ne laisserait rien aux Chypriotes grecs, et encerclerait la plupart des îles grecques de la mer Égée.

Les riches gisements de gaz récemment découverts dans l’est de la Méditerranée pourraient expliquer la nouvelle doctrine navale d’Ankara, et qui l’oppose à la Grèce, à Chypre, à l’Égypte et à Israël.

La France a dépêché des navires de guerre en Méditerranée pour soutenir la Grèce et les autres pays, alors qu'une valse dangereuse de diplomatie aux tons de canonnières et d'exercices navals se joue parallèlement aux navires d'exploration de gaz dans les eaux contestées.

La France et la Grèce sont bien entendu également membres de l’Otan, mais cela n'a pas empêché le déluge d'échanges venimeux entre les deux pays et la Turquie sur le sujet des frontières maritimes de la Méditerranée.

Alors que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avertit la France «de ne pas provoquer la Turquie», le président français, Emmanuel Macron, déclare que les Turcs «respectent les actions plutôt que les mots» et qu'il a «établi des lignes rouges à l’intention de la Turquie».

Les relations n'ont pas toujours été aussi tendues entre la Turquie et ses alliés de l’Otan. Pendant les cinquante années qui ont suivi son admission à l’Otan en 1952, la Turquie a joué un rôle clé et fait figure d’enfant modèle dans l'alliance.

Collée à la Géorgie et à l'Arménie qui faisaient partie de l'Union soviétique à l’époque, ayant le contrôle du détroit du Bosphore jusqu'à la mer Noire, les Turcs ont offert à l'alliance des avantages inestimables, ainsi que la deuxième plus grande armée terrestre de l’Otan.

En échange, les Turcs ont reçu la protection de l'Otan contre les Russes, eux qui constituaient depuis le XIXe siècle la plus grande menace extérieure de la Turquie, ainsi que le matériel et l’expertise militaires de pointe de l’Otan.

Au cours de ces années, une Turquie résolument laïque a consenti des sacrifices importants au nom de l'alliance de l’Otan. Une base de radar stratégique de l’Otan est construite à Kurecik, dans l'est de la Turquie, auxquelles s’ajoutent les bases aériennes majeures, communes à l’Otan et la Turquie, à Konya et à Incirlik.

La Turquie a également fourni des troupes à la guerre dans la péninsule coréenne au début des années 1950, à la guerre du Golfe de 1991, aux opérations de l’Otan dans les Balkans au cours des années 1990, et à la guerre de 2002 contre les talibans en Afghanistan.

Dans le cas de la guerre du Golfe, la coopération de la Turquie avec ses alliés de l’Otan lui a coûté cher sur le plan économique. Bien que l’Irak ait été un partenaire commercial majeur de la Turquie et une source importante d'importations de pétrole, le Premier ministre turc à l’époque, Turgut Ozal, s'était aligné avec les États-Unis et les autres alliés de l’Otan, en appliquant les sanctions contre Saddam Hussein et en mettant fin à ce commerce.

Depuis leur adhésion à l’Otan en 1952, les officiers militaires turcs ont été formés dans des académies militaires aux États-Unis et ont développé une relation de travail étroite avec leurs homologues de l’Otan à Bruxelles.

Le seul hic au cours de ces cinquante premières années d’adhésion concernait Chypre, et a culminé avec l’invasion de l’île en 1974. Au cours de ce conflit, la Turquie et la Grèce, également membre de l’Otan, ont failli se faire la guerre.

La responsabilité de l'épisode de 1974 pourrait cependant être davantage imputée à la Grèce, qui venait de perdre son gouvernement civil à cause d'un coup d'État militaire. Les nationalistes grecs d’Athènes tentaient activement de bouleverser le statu quo en Méditerranée, soutenant l’Énosis (union chypriote avec la Grèce) et la persécution de la minorité turque de Chypre.

À l'époque, la Grèce était l’enfant terrible de l'alliance, violant les termes du traité d'indépendance de Chypre et sans vraiment contribuer à l’Otan.

Les rôles grec et turc au sein de l’Otan semblent aujourd'hui très inversés. Depuis 2003, la Turquie est devenue de plus en plus un fardeau, et d’aucuns diraient un danger pour les autres membres. L'irrédentisme dans la région a pour origine Ankara en ce moment plutôt qu'Athènes.

Ankara et Paris, des positions divergentes

Alors que la Turquie a autrefois mené une politique étrangère prudente et a largement évité l’aventurisme militaire dans la région, le paysage politique façonné par Erdogan est très différent aujourd’hui.

Les forces turques occupent de vastes territoires au nord de la Syrie, multiplient les frappes dans le nord de l’Irak malgré les protestations de Bagdad, dirigent des milliers de mercenaires en Libye, et prodiguent conseil et assistance aux politiciens liés aux Frères musulmans au Yémen.

Dans ses discours, Erdogan critique de plus en plus le traité de Lausanne de 1923 et les frontières qui en ont découlé, affirmant que Mossoul et les îles de la mer Égée ont été volées à la Turquie.

Les médias turcs, actuellement contrôlés en grande majorité par le gouvernement, présentent fréquemment des cartes de la Turquie qui englobent les îles grecques, l'ensemble de Chypre, des parties de la Grèce continentale et de la Bulgarie, et la plus grande partie du nord de la Syrie et de l'Irak.

Outre les différends de la Turquie avec la Grèce et la France en Méditerranée, Ankara et Paris tiennent des positions divergentes en ce qui concerne les guerres civiles en Libye et en Syrie. La France et la Grèce ne sont donc clairement pas les seuls membres de l’Otan qui soient en désaccord avec la Turquie.

Alors que Washington, Paris et Londres soutiennent les forces kurdes syriennes contre l’État islamique autoproclamé, Daech, Ankara était accusée de soutenir à la fois Daech et d'autres groupes islamistes radicaux en Syrie.

Les invasions de la Turquie dans le nord de la Syrie en 2018 et 2019 n'ont pas été bien accueillies par ses alliés de l’Otan, et ont manqué de démanteler l'offensive menée par les Kurdes contre Daech.

L’éventail des problèmes posés par la Turquie d’Erdogan à l’Otan depuis 2002 est vaste et complexe. Outre son soutien aux groupes islamistes et radicaux en Syrie, en Libye, au Yémen et ailleurs, la Turquie a longtemps refusé à l’Otan l'autorisation d'utiliser les bases aériennes partagées sur son sol contre Daech.

Erdogan et la menace des réfugiés

Erdogan a menacé à plusieurs reprises de déchaîner des vagues de réfugiés sur l'Europe si l'Union européenne (UE) ne finançait pas la Turquie pour accueillir les réfugiés. Il a répété cette menace à deux reprises en réponse aux critiques de l'UE sur le sujet des invasions en Syrie.

Le gouvernement a accusé les Américains d'être impliqués lors de la tentative de coup d'État de 2016 en Turquie, a même coupé l'électricité de la base d'Incirlik – où les forces américaines stockent plusieurs ogives nucléaires. De plus, il aurait aidé à plusieurs reprises l'Iran à échapper aux sanctions américaines.

En 2015, la Turquie a abattu un avion de guerre russe volant le long de sa frontière avec la Syrie, ce qui a failli entraîner l’Otan dans une guerre indésirable avec Moscou. Quelques années plus tard, cependant, Ankara a non seulement rétabli ses relations avec Moscou, mais a également acheté du matériel militaire russe avancé, y compris les systèmes de défense aérienne S400.

Étant donné que l'équipement russe, produit conjointement avec le nouvel avion de chasse américain F-35, pourrait potentiellement exposer des vulnérabilités critiques dans ce dernier (permettant aux Russes de connaître les faiblesses du F-35), les Américains ont été contraints de retirer la Turquie du programme des chasseurs F-35.

La liste est longue et pourrait inclure le virage qu’a pris la Turquie vers l'autoritarisme et le mépris manifeste d’Erdogan pour l'Europe, les Américains et l'Occident en général.  Mais le fait est que la Turquie est devenue une force imprévisible, dangereuse, vecteur d'instabilité dans la région, et semble avoir des intérêts qui divergent grandement de ceux de ses «alliés» de l’Otan.

Les responsables américains ont commencé à remettre en question publiquement la place de la Turquie au sein de l’Otan il y a plusieurs années. Dana Rohrabacher, président républicain d'un sous-comité de la Chambre sur les menaces croissantes, a exprimé de sérieux doutes en 2016 lorsqu'il a déclaré: «Il y a dix ans, la Turquie était un allié solide de l’Otan, un opposant farouche à l'islam radical, et un pays ami des États-Unis. Aujourd'hui nous remettons ces affirmations en question. Erdogan purge les pro-occidentaux en position d'influence. Lui-même est devenu plus agressif dans ses croyances islamiques, et nous avons des raisons d’être sérieusement inquiets.»

La rupture entre Erdogan et ses alliés de l’Otan est si grave, en fait, que la plupart des officiers militaires turcs formés par l’Otan aux États-Unis et en Belgique ont été soupçonnés par Ankara. Ceux qui se trouvaient à l'étranger au moment de la tentative de coup d'État de 2016 ont en majorité demandé l’asile politique dans leur pays d’accueil, de peur d’être arrêtés et détenus à leur retour.

 

Dans un monde où l’expansionnisme russe n’est plus la menace qu’il était à l’époque soviétique, de tels développements remettent en question la place même de la Turquie au sein de l’OTAN. Il ne fait guère de doute que la Turquie d’aujourd’hui, de plus en plus hostile, n’aurait jamais été admise dans l’alliance militaire occidentale, mais le problème réside dans l’absence d’un mécanisme d’expulsion de membres dissidents.

D’ailleurs, les responsables politiques américains en particulier semblent penser que l’expulsion de la Turquie de l’OTAN ne ferait qu’exacerber la tendance actuelle d’Ankara à courtiser la Russie et se reconnecter avec l’islamisme.

Ils espèrent plutôt utiliser l’OTAN pour équilibrer les relations avec les Turcs, le siège de l’OTAN à Bruxelles cette semaine servant de lieu de négociations entre la Turquie et la France pour régler leurs différends en Méditerranée.

L’avenir dira s’il aura été judicieux de traiter aujourd’hui la Turquie comme l'allié que les Américains et les autres membres de l'OTAN souhaitent toujours avoir, plutôt que comme le fardeau qu'Erdogan et son gouvernement sont devenus.

• David Romano est professeur au département Thomas G. Strong de politique du Moyen-Orient à l’université de l’état du Missouri.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Nucléaire : Paris, Berlin et Londres exhortent Téhéran à entamer des négociations sans « préconditions »

Les bâtiments du siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se reflètent dans les portes arborant le logo de l'agence lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne, en Autriche, le 13 juin 2025.  (Photo de Joe Klamar / AFP)
Les bâtiments du siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se reflètent dans les portes arborant le logo de l'agence lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne, en Autriche, le 13 juin 2025. (Photo de Joe Klamar / AFP)
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  • es ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont « incité l'Iran à revenir au plus vite, sans préconditions, à la table des négociations » sur le programme nucléaire iranien.
  • Abbas Araghchi a estimé que « L'agression israélienne contre l'Iran en pleine négociation avec les États-Unis sur le nucléaire porte un coup à la diplomatie », a-t-il déclaré.

PARIS : Selon une source diplomatique française, les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont « incité l'Iran à revenir au plus vite, sans préconditions, à la table des négociations » sur le programme nucléaire iranien.

Lundi soir, Jean-Noël Barrot, David Lammy et Johann Wadephul ont eu un entretien avec la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, et ont en outre « appelé l'Iran à éviter toute fuite en avant contre les intérêts occidentaux, toute extension régionale et toute escalade nucléaire », comme la non-coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), la sortie du Traité sur la non-prolifération (TNP) ou le franchissement de seuils d'enrichissement, selon la même source.

Dans la nuit de lundi à mardi, le ministère iranien des Affaires étrangères a fait état d'un appel entre le ministre iranien des Affaires étrangères et chef négociateur pour le nucléaire et ses homologues français, britannique et allemand ainsi que Kaja Kallas. 

Abbas Araghchi a estimé que « L'agression israélienne contre l'Iran en pleine négociation avec les États-Unis sur le nucléaire porte un coup à la diplomatie », a-t-il déclaré.

La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ainsi que l'UE, sont membres avec la Chine et la Russie d'un accord sur le nucléaire conclu en 2015 et dont les États-Unis s'étaient retirés unilatéralement.

Paris, Berlin et Londres, qui forment le groupe E3, avaient entrepris des discussions avec Téhéran l'an passé pour tenter de trouver un nouvel accord sur le nucléaire.

Parallèlement, les États-Unis avaient entamé des négociations indirectes en début d'année, qui butaient sur la question de l'enrichissement d'uranium iranien.

Un nouveau cycle de négociations était prévu la semaine dernière, mais il a été annulé après les frappes israéliennes.

Les États-Unis et leurs alliés occidentaux, ainsi qu'Israël, que des experts considèrent comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, accusent depuis longtemps la République islamique d'Iran de chercher à se doter de l'arme atomique, ce qu'elle a toujours nié.

Par ailleurs, des messages ont été transmis par les ministres français, britannique et allemand à Israël « sur la nécessité de ne pas cibler les autorités, les infrastructures et les populations civiles », selon une source diplomatique française.


Gaza: la Défense civile annonce 20 personnes tuées par des tirs israéliens en allant chercher de l'aide

Une série d'événements meurtriers se sont produits depuis l'ouverture le 27 mai à Gaza de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation au financement opaque soutenue par les Etats-Unis et Israël. (AFP)
Une série d'événements meurtriers se sont produits depuis l'ouverture le 27 mai à Gaza de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation au financement opaque soutenue par les Etats-Unis et Israël. (AFP)
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  • "Vingt martyrs et plus de 200 blessés du fait de tirs de l'occupation (armée israélienne, NDLR), dont certains dans un état grave, ont été transférés" vers des hôpitaux de la bande de Gaza, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile
  • Compte tenu des restrictions imposées aux médias dans la bande de Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans annoncés par la Défense civile

GAZA: La Défense civile de Gaza a indiqué que 20 personnes avaient été tuées lundi par des tirs de l'armée israélienne en allant chercher de l'aide humanitaire dans le territoire palestinien ravagé par les bombardements après plus de vingt mois de guerre.

Contactée par l'AFP, l'armée israélienne a dit qu'elle se renseignait.

"Vingt martyrs et plus de 200 blessés du fait de tirs de l'occupation (armée israélienne, NDLR), dont certains dans un état grave, ont été transférés" vers des hôpitaux de la bande de Gaza, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, ajoutant que ces personnes étaient rassemblées près d'un site de distribution d'aide.

"Elles attendaient de pouvoir accéder au centre d'aide américain à Rafah pour obtenir de la nourriture, lorsque l'occupation a ouvert le feu sur ces personnes affamées près du rond-point d'al-Alam", dans le sud de la bande de Gaza, a détaillé M. Bassal en indiquant que les tirs avaient eu lieu de 05H00 et 07H30 (02H00 et 04H30 GMT).

Il a ajouté que les victimes avaient été transférées vers des hôpitaux du sud du territoire palestinien, lesquels ne fonctionnent plus que partiellement depuis des jours en raison des combats et des pénuries de fournitures médicales.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias dans la bande de Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans annoncés par la Défense civile.

Une série d'événements meurtriers se sont produits depuis l'ouverture le 27 mai à Gaza de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation au financement opaque soutenue par les Etats-Unis et Israël.

L'ONU refuse de travailler avec cette organisation en raison de préoccupations concernant ses procédés et sa neutralité.

Des photographes de l'AFP ont constaté ces derniers jours que des Gazaouis se réunissaient à l'aube près de sites de distribution d'aide, malgré la crainte de tirs lors des rassemblements.

La bande de Gaza est menacée de famine, selon l'ONU.

 


Ehud Barak : seule une guerre totale ou un nouvel accord peut arrêter le programme nucléaire iranien

Israël et l'Iran ont échangé des coups de feu après le déclenchement par Israël d'une campagne de bombardements aériens sans précédent qui, selon l'Iran, a touché ses installations nucléaires, "martyrisé" des hauts gradés et tué des dizaines de civils. (AFP)
Israël et l'Iran ont échangé des coups de feu après le déclenchement par Israël d'une campagne de bombardements aériens sans précédent qui, selon l'Iran, a touché ses installations nucléaires, "martyrisé" des hauts gradés et tué des dizaines de civils. (AFP)
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  • S'adressant à Christiane Amanpour sur CNN, M. Barak a déclaré que la capacité d'Israël à freiner le programme de Téhéran était limitée
  • M. Barak a déclaré que les frappes militaires étaient "problématiques", mais qu'Israël les considérait comme justifiées

LONDRES : L'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak a prévenu que l'action militaire d'Israël ne suffirait pas à retarder de manière significative les ambitions nucléaires de l'Iran, décrivant la république islamique comme une "puissance nucléaire de seuil".

S'adressant à Christiane Amanpour sur CNN, M. Barak a déclaré que la capacité d'Israël à freiner le programme de Téhéran était limitée.
"À mon avis, ce n'est pas un secret qu'Israël ne peut à lui seul retarder le programme nucléaire de l'Iran de manière significative. Probablement plusieurs semaines, probablement un mois, mais même les États-Unis ne peuvent pas les retarder de plus de quelques mois", a-t-il déclaré.

"Cela ne signifie pas qu'ils auront immédiatement (une arme nucléaire), ils doivent probablement encore achever certains travaux d'armement, ou probablement créer un dispositif nucléaire rudimentaire pour le faire exploser quelque part dans le désert afin de montrer au monde entier où ils se trouvent.

M. Barak a déclaré que si les frappes militaires étaient "problématiques", Israël les considérait comme justifiées.

"Au lieu de rester les bras croisés, Israël estime qu'il doit faire quelque chose. Probablement qu'avec les Américains, nous pouvons faire plus".

L'ancien premier ministre a déclaré que pour stopper les progrès de l'Iran, il faudrait soit une avancée diplomatique majeure, soit un changement de régime.

"Je pense que l'Iran étant déjà ce que l'on appelle une puissance nucléaire de seuil, le seul moyen de l'en empêcher est soit de lui imposer un nouvel accord convaincant, soit de déclencher une guerre à grande échelle pour renverser le régime", a-t-il déclaré.

"C'est quelque chose que nous pouvons faire avec les États-Unis.

Mais il a ajouté qu'il ne pensait pas que Washington avait l'appétit pour une telle action.

"Je ne crois pas qu'un président américain, ni Trump ni aucun de ses prédécesseurs, aurait décidé de faire cela".

Israël a déclenché des frappes aériennes à travers l'Iran pour la troisième journée dimanche et a menacé de recourir à une force encore plus grande alors que certains missiles iraniens tirés en représailles ont échappé aux défenses aériennes israéliennes pour frapper des bâtiments au cœur du pays.

Les services d'urgence israéliens ont déclaré qu'au moins 10 personnes avaient été tuées dans les attaques iraniennes, tandis que les autorités iraniennes ont déclaré qu'au moins 128 personnes avaient été tuées par les salves israéliennes.