En Calabre, quand le procureur antimafia ouvre sa porte

Le procureur anti-mafia italien Nicola Gratteri (C) arrive dans une salle d'audience spéciale le 13 janvier 2021 pour l'ouverture du maxi-procès "Rinascita-Scott" dans lequel plus de 350 membres présumés du groupe mafieux "Ndrangheta" de Calabre et leurs associés vont en procès à Lamezia Terme, en Calabre. Gianluca CHINEA / AFP
Le procureur anti-mafia italien Nicola Gratteri (C) arrive dans une salle d'audience spéciale le 13 janvier 2021 pour l'ouverture du maxi-procès "Rinascita-Scott" dans lequel plus de 350 membres présumés du groupe mafieux "Ndrangheta" de Calabre et leurs associés vont en procès à Lamezia Terme, en Calabre. Gianluca CHINEA / AFP
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Publié le Dimanche 28 novembre 2021

En Calabre, quand le procureur antimafia ouvre sa porte

  • «Toutes les personnes brimées, objets d'humiliations et de menaces, laissées pour compte viennent me parler», confie Nicola Gratteri
  • Pendant des décennies, l'influence grandissante de la 'Ndrangheta, qui bénéficie de liens étroits avec les milieux d'affaires et politiques, a été sous-estimée par l'Etat italien

CATANZARO, Italie: Une fois par semaine, le procureur antimafia le plus connu d'Italie, Nicola Gratteri, reçoit dans son bureau des victimes de la mafia pour écouter leurs doléances.

En Calabre, la pointe de la Botte italienne qui abrite la très redoutée 'Ndrangheta, la plus puissante mafia italienne, la population locale doit faire face à des menaces, des intimidations, des extorsions, des pratiques d'usure et des meurtres.

Ceux qui attendent patiemment leur tour au parquet de Catanzaro pour passer dix minutes avec Nicola Gratteri sont des Calabrais qui jusqu'à récemment considéraient l'État central comme "très éloigné" de leurs problèmes, explique le procureur dans un entretien.

"Toutes les personnes brimées, objets d'humiliations et de menaces, laissées pour compte viennent me parler", confie Nicola Gratteri, qui vit sous protection policière depuis plus de 30 ans.

"Elles pleurent, elles se désespèrent... Elles sont émues de parler avec le procureur, elles prennent courage en voyant que nous travaillons sérieusement".

Pendant des décennies, l'influence grandissante de la 'Ndrangheta, qui bénéficie de liens étroits avec les milieux d'affaires et politiques, a été sous-estimée par l'Etat italien, trop faible, inefficace ou corrompu pour s'attaquer à ce groupe tentaculaire, spécialisée dans le trafic de drogue, dont les ramifications s'étendent dans le monde entier.

Depuis sa nomination en 2016 au parquet de Catanzaro, où il est responsable des procédures antimafia sur les trois quarts du territoire calabrais, M. Gratteri a été salué comme le dernier espoir de cette région déshéritée, mais aussi critiqué pour son zèle et son amour de l'attention médiatique.

Son objectif: gagner la confiance de la population en réussissant à faire condamner des membres de la 'Ndrangheta.

Dernier exemple en date: le "maxi-procès" contre 355 membres ou collaborateurs présumés de la mafia, qui se tient dans la ville voisine de Lamezia Terme, le plus grand de ce genre depuis la fin des années 80.

- Infiltration mafieuse -

Même si ce procès en première instance est loin d'être terminé, le parquet a obtenu une première victoire ce mois-ci en condamnant 70 membres de la 'Ndrangheta ou de personnes ayant des liens avec elle, sur les 91 qui avaient opté pour une procédure accélérée. Certains hauts responsables ont été condamnés à 20 ans de prison.

Exceptionnellement, 58 membres de l'organisation ont accepté de témoigner pour le parquet.

Car les repentis acceptant de témoigner contre la 'Ndrangheta sont généralement rares, d'où l'importance des entretiens de M. Gratteri avec la population locale, qui a pu se sentir abandonnée par le gouvernement de Rome.

Ici, les chantiers publics sont souvent interrompus en cours de route, le système de santé est au bord de l'effondrement et le taux de chômage est l'un des plus élevés d'Europe, contraignant les jeunes à émigrer dans le nord ou à l'étranger.

Depuis 1991, 110 conseils municipaux calabrais ont été dissous pour infiltration mafieuse. Celui de Lamezia Terme, la troisième ville de la région, a été dissous à trois reprises, la dernière fois en 2017.

Au cours des dernières décennies, la 'Ndrangheta a pu se développer tranquillement en raison de l'attention concentrée sur Cosa Nostra, la mafia sicilienne, après l'assassinat des juges Giovanni Falcone and Paolo Borsellino près de Palerme en 1992.

Selon les experts, la 'Ndrangheta est désormais présente dans tous les secteurs d'activité de l'économie calabraise: du BTP aux hôpitaux en passant par l'agriculture, l'hôtellerie, les pompes funèbres et les finances.

Nicola Gratteri évalue à 9% la part du PIB calabrais monopolisée par la mafia. La 'Ndrangheta, qui a fait fortune grâce à l'importation de cocaïne en Europe, a un chiffre d'affaires annuel de plusieurs dizaines de milliards d'euros.

Face à ce géant, la justice a plus que jamais besoin de la coopération de la population, qui selon M. Gratteri est plus disposée à collaborer depuis le lancement du maxi-procès.

"Aujourd'hui, les gens parlent davantage parce qu'ils nous font davantage confiance. Ils voient les résultats et cela les encourage, ils nous considèrent comme crédibles", estime-t-il. "Les gens n'arrivent pas imaginer que quelqu'un puisse s'occuper de leurs problèmes. Et moi ça me plaît de m'occuper de leurs problèmes".

En Calabre, la difficile cohabitation au quotidien avec la mafia

Il y a deux ans, des milliers de personnes à Vibo Valentia, en Calabre, sont descendues dans la rue le matin de Noël pour célébrer l'arrestation par la police de centaines de membres présumés de la mafia.

Pour ceux qui vivent dans l'ombre de la 'Ndrangheta, la mafia calabraise, c'était la première fois que les habitants osaient dénoncer publiquement le plus puissant syndicat du crime organisé d'Italie qui, depuis des décennies, a infiltré les institutions de la région méridionale, étouffé son économie et terrorisé sa population.

Contrairement aux cas précédents, où les proches des membres de la 'Ndrangheta saisis se sont présentés dans les commissariats pour contester les autorités et soutenir les personnes arrêtées, cette fois-ci, les applaudissements étaient destinés à la police.

"Les applaudissements étaient incessants, j'en avais des frissons", se souvient Giuseppe Borrello, représentant local de l'association anti-mafia Libera. "D'un point de vue symbolique, c'était important".

Deux ans plus tard, des questions restent en suspens car 355 personnes arrêtées sont accusées d'une longue liste de crimes, allant de l'extorsion et de l'usure au blanchiment d'argent et au meurtre, dans le cadre d'un maxi-procès en cours.

Une fusillade survenue le mois dernier a ravivé les craintes que la période de calme relatif qui a suivi les arrestations touche à sa fin dans cette ville de 31.000 âmes.

- «Allez voir le patron» -

Fin 2017, le restaurateur Filippo La Scala a reçu deux appels téléphoniques anonymes, lui ordonnant d'"apporter de l'argent aux amis de Vibo".

Après le jet d'un cocktail Molotov sur la terrasse du restaurant, il s'est rendu à la police.

"C'était un moment difficile", a déclaré M. La Scala à l'AFP. "Ces choses-là vous stressent vraiment".

Partie civile au procès en cours, il se sent "très confiant" dans le nouvel engagement des autorités à affronter la 'Ndrangheta après des décennies d'inertie institutionnelle, d'inefficacité et de corruption.

Le chef des carabiniers de la province de Vibo, le colonel Bruno Capece, prévient cependant que beaucoup reste à faire.

"Avant, pratiquement toutes les nuits, nous recevions des informations sur des voitures brûlées, des portails sur lesquels on tirait ou qu'on endommageait", a déclaré l'officier.

Le dernier meurtre à Vibo remonte à avril 2020 et son auteur a été rapidement retrouvé. De même, la police a résolu en 48 heures la dizaine de tentatives de meurtre depuis les arrestations de décembre 2019, a-t-il précisé.

La collaboration étroite entre la police et les procureurs est un nouveau signe de crédibilité pour l'Etat, dans un territoire où les habitants ont longtemps été habitués à des dénonciations qui ne mènent à rien et à des procès qui traînent en longueur ou se terminent par des acquittements, souvent grâce à la collusion entre la 'Ndrangheta et les personnes au pouvoir, dit M. Capece.

Jusqu'à relativement récemment, "seuls les clans mafieux régnaient ici, et la réponse de l'État était pratiquement inexistante", estime le procureur général de Vibo, Camillo Falvo.

La confiance dans les autorités se gagne par les résultats, selon le magistrat, et jusqu'à présent, la faiblesse de l'État a joué directement en faveur de la 'Ndrangheta.

"Si vous déposez une plainte au civil et qu'elle n'aboutit jamais... la deuxième fois que vous avez un problème, vous allez voir le boss mafieux local et lui dites : +Écoutez, ce type me doit de l'argent+".

- L'effondrement total -

Site de l'ancienne colonie grecque d'Hipponion, Vibo Valentia possède encore un château du XIIème siècle, sur une colline où les chèvres paissent le soir, offrant une vue spectaculaire sur le volcan Stromboli.

Mais si l'on descend dans la ville, marquée par des façades de magasins abandonnés et des structures en béton à moitié terminées, il n'y a pas grand-chose qui mérite un détour.

Quelque 47% des jeunes sont sans emploi dans la province, soit le cinquième taux le plus élevé d'Italie.

"Vibo est une ville triste, délabrée, qui enlaidit les gens et ne les incite pas à donner le meilleur d'eux-mêmes". Voilà comment le blogueur Argentino Serraino, 25 ans, décrit sa ville natale.

Des décennies d'ingérence de la 'Ndrangheta ont contribué au déclin économique de Vibo, par le biais de fonds publics détournés, d'entreprises qui ferment plutôt que de payer l'argent de la protection, ou d'entrepreneurs qui se voient refuser des marchés publics en raison d'appels d'offres truqués.

Le phénomène se répète dans toute la Calabre.

Et malgré le quasi-monopole de la 'Ndrangheta sur le commerce de la cocaïne en Europe et les milliards blanchis grâce à des investissements dans l'économie légale à travers l'Europe, la 'Ndrangheta continue à étrangler l'économie locale.

- «Ils ont ruiné ma vie» -

Les habitants de Vibo ne sont pas tous convaincus que l'État les protège.

L'acte d'accusation du maxi-procès mentionne un commerçant de Vibo comme étant à la fois victime et complice de la 'Ndrangheta, soulignant la zone grise obscure que l'on rencontre souvent en territoire mafieux.

"Ils ont ruiné ma vie", a déclaré Rocco Tavella, évoquant la justice qui l'a gardé derrière les barreaux pendant cinq jours après le coup de filet de 2019.

M. Tavella a, selon les procureurs, subi des pressions pour vendre des vêtements à un prix inférieur au prix coûtant à des membres de la mafia. Lui nie avoir été un intermédiaire dans un épisode de prêt d'argent en 2011, comme l'a affirmé l'un des nombreux informateurs devenus témoins de l'État dans le procès.

"Nous verrons combien de personnes seront acquittées", a-t-il déclaré, sceptique.

Une femme, Paola, qui n'a pas voulu donner son nom de famille, a déclaré que les habitants de Vibo sont paranoïaques, étant donné les liens familiaux et sociaux étroits avec l'accusé.

"Vous ne pouvez pas enfermer quelqu'un pour avoir simplement entendu quelque chose, ou avoir été vu avec quelqu'un", a-t-elle déclaré, accusant les procureurs d'excès de zèle en ne limitant pas les arrestations aux grands boss mafieux.

- Rien à voir ici -

La lutte contre la 'Ndrangheta est rendue encore plus difficile par le manque de ressources, selon le procureur Falvo.

Peu de procureurs chevronnés souhaitent venir dans la région et les procès sont donc menés par de jeunes magistrats inexpérimentés.

"Comment pouvons-nous mener une guerre contre la mafia à mains nues ?", se demande-t-il.

Et la violence ne s'arrête pas à Vibo. Le mois dernier, le fils d'un chef mafieux est soupçonné d'avoir tiré sur un accusé dans ce procès.

Des images vidéo de sécurité ont montré des voitures passant devant l'homme blessé, et aucun témoin - pas même la victime - n'est venu dénoncer le crime.

"C'est comme si nous étions revenus trois ans en arrière, que tout notre travail était parti en fumée", se désole le colonel Capece.

Le propriétaire du restaurant La Scala a raconté que lorsqu'il avait été menacé, il s'était demandé s'il devait quitter Vibo.

"La Calabre est un si bel endroit, et Vibo en est le plus beau parmi tous... Si seulement elle n'était pas ternie par ce cancer de la 'Ndrangheta", a-t-il dit.

Dauphin mort et pots-de-vin au maxi-procès antimafia en Calabre

Un dauphin mort sur un paillasson, des fenêtres détruites à coups de masse, des armes stockées dans des monuments funéraires, des pots-de-vin versés à des juges en échanges d'acquittements... et des certificats médicaux de complaisance pour éviter la prison à des assassins condamnés.

Tous ces épisodes proviennent des histoires racontées depuis janvier par des dizaines de membres de la 'Ndrangheta, la redoutée mafia calabraise, qui ont accepté de témoigner à charge au maxi-procès anti-mafia organisé en Calabre, une région pauvre à la pointe de la Botte italienne.

Ce procès, le plus important du genre depuis la fin des années 80, couvre des délits aussi divers que du trafic de drogue, des achats de votes et des meurtres.

"Ils les ont attendus sur la  place Morelli, les ont invités à manger de la ricotta à la ferme (...) et ils les ont tués, brûlés et dissous", a raconté en mai un repenti, Andrea Mantella, rappelant comment un boss avait tué deux frères par vengeance en 1988.

La 'Ndrangheta, la mafia la plus puissante de la péninsule, est au centre de ce maxi-procès de 355 accusés organisé sur sa terre d'origine à Lamezia Terme, la troisième ville de Calabre.

La 'Ndrangheta domine le marché européen de la cocaïne, mais a aussi infiltré la plupart des secteurs de l'économie légale, avec l'aide de membres des milieux d'affaires et politiques.

Les témoignages déposés par 58 repentis ont révélé la brutalité de l'organisation mais aussi son influence insidieuse à tous les niveaux de la société.

- Luigi «le Suprême» -

Le procès se concentre sur une seule province de Calabre, celle de Vibo Valentia, où les clans familiaux sont dominés par Luigi Mancuso, un homme de 67 ans surnommé "le Suprême", de retour devant la justice après avoir purgé jusqu'en 2012 une peine de 19 ans de prison.

"Sans le feu vert de Luigi Mancuso, impossible d'ouvrir la moindre activité", a témoigné en mars son neveu, Emanuele Mancuso.

Les accusés à ce procès hors normes sont aussi bien des boss présumés que leurs collaborateurs. L'imbrication de la 'Ndrangheta dans l'économie locale rend son éradication quasiment impossible.

Devant le tribunal, des témoins ont raconté comment des ambulances étaient utilisées pour le trafic de drogue, de l'eau publique détournée pour alimenter les cultures de marijuana, et des migrants morts noyés et enterrés sans cercueils à l'issue d'un appel d'offres public truqué.

Illustrant la proximité de la très riche 'Ndrangheta avec les puissants, un de ses hauts gradés, Andrea Mantella, a expliqué comment un pot-de-vin de 70.000 euros avait suffi pour qu'il soit transféré d'une prison classique à un hôpital.

Mantella et un autre témoin ont aussi révélé que la 'Ndrangheta avait payé 50.000 euros à un ancien sénateur et avocat, Giancarlo Pittelli, pour truquer un procès.

Sur le banc des accusés figurent aussi des policiers, des greffiers, des maires, et même un vétérinaire accusé d'avoir aidé à vendre du bétail volé.

Pour le journaliste calabrais Consolato Minniti, ce procès est "le premier à aller vraiment au-delà de la 'Ndrangheta militaire". "Jusqu'ici, les juges s'étaient concentrés sur ceux qui tirent, la partie la plus violente" de l'organisation, a-t-il expliqué à l'AFP.

- «Pilier en ciment» -

Les liens entre la mafia et la société civile ne sont pas une nouveauté: ces 30 dernières années, 110 conseils municipaux ont été dissous pour infiltration mafieuse, jusqu'à trois fois pour certains d'entre eux, dont celui de Lamezia Terme où se tient le procès.

La ville natale du clan Mancuso, Limbadi, a été la première à voir son conseil municipal dissous en 1983, lorsqu'un boss en fuite, Francesco Mancuso, avait été élu maire.

La 'Ndrangheta n'hésite pas non plus à se salir les mains quand c'est nécessaire et utilise différentes tactiques pour extorquer de l'argent en échange de sa "protection", contraindre des propriétaires à vendre leurs biens en dessous du prix du marché, forcer quelqu'un à se fournir auprès d'entreprises "amies" ou recouvrer des prêts à taux usuraires pouvant dépasser les 200%.

Les méthodes d'intimidation sont variées: chiots, dauphins morts ou têtes de chèvre laissés sur un pas de porte, menaces téléphoniques, passages à tabac, voitures incendiées, cocktails Molotov et coups de feu.

Le maxi-procès doit aussi se prononcer sur cinq meurtres présumés, dont celui d'un membre de la 'Ndrangheta assassiné en 2002 en raison de son homosexualité. Il avait été enterré à un endroit ensuite recouvert d'asphalte, a raconté Andrea Mantella.

Une écoute téléphonique a permis de reconstituer le dialogue tenu en mai 2017 entre un mafieux et le frère d'une femme qui avait perdu pour 7.000 euros de marijuana après une saisie de la police. "Il faut essayer de récupérer cet argent ou bien tu retrouveras ta sœur dans le ciment, parce que ces gens-là ne plaisantent pas".


Un médecin syrien condamné à perpétuité en Allemagne pour crimes contre l'humanité sous Assad

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
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  • Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups
  • "Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad"

FRANCFORT: Un médecin syrien, accusé de tortures d'opposants au régime de Bachar al-Assad, a été condamné à la prison à vie lundi par la justice allemande, après un procès fleuve de plus de trois ans à Francfort.

Arrivé en Allemagne en 2015, où il a exercé comme chirurgien orthopédique jusqu'à son arrestation en 2020 après avoir été reconnu par d'autres réfugiés syriens, Alaa Moussa était jugé pour de multiples crimes sur des détenus dans des hôpitaux militaires de Damas et de Homs durant la guerre civile en Syrie.

Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups.

"Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad" aux manifestations des opposants.

Dénonçant "une violation massive des droits de l'Homme" par l'accusé, le juge a souligné que le verdict était aussi une façon de montrer "que la souffrance des victimes n'est pas oubliée".

"Outre les difficultés inhérentes à un délai de 12 ans, le régime syrien a tenté jusqu'à sa chute (en décembre 2024, ndlr) d'exercer une influence sur la procédure" allemande, a-t-il poursuivi, évoquant des menaces sur des proches des témoins.

Etant donné la gravité des faits, la condamnation à la perpétuité d'Alaa Moussa a été assortie d'une peine de sûreté pour une durée non encore définie (qui sera décidée au bout de quinze ans d'incarcération).

Lors de son procès commencé le 19 janvier 2022, entouré de hautes mesures de sécurité, Alaa Moussa avait été confronté à plus d'une cinquantaine de témoins et d'anciennes victimes.

Certains avaient témoigné masqués et beaucoup avaient fait état de menaces et d'intimidation à l'encontre de leur famille restée au pays alors que l'ombre des services secrets syriens planait sur les audiences.

Une situation qui s'est détendue après la chute, durant le procès, du dictateur Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024 et désormais réfugié en Russie.

Parmi les témoins, un ancien lieutenant d'Alep, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, emprisonné après avoir refusé de tirer sur des manifestants en novembre 2011.

"Puni pour ses actes" 

Il avait affirmé avoir vu Alaa Moussa infliger des injections à des malades allongés sur le sol, qui sont décédés peu après, dans l'hôpital militaire où il sévissait.

"Aucun tortionnaire, quel que soit le lieu où il a commis son crime, ne peut être certain d'échapper à la justice. Il devra toujours s'attendre à être puni pour ses actes", a asséné le juge Christoph Koller lors de son verdict.

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle.

Il y a deux semaines, la justice allemande avait ainsi condamné à la prison à vie un ancien chef d'une milice syrienne soutenant l'ex-président Bachar al-Assad, reconnu coupable notamment de meurtre, d'actes de torture et de séquestration entre 2012 et 2014.

Lors du premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad tenu en Allemagne, Anwar Raslan, un ex-gradé des services de renseignement syriens, avait été condamné en janvier 2022 à la prison à vie pour le meurtre de 27 prisonniers et des faits de torture sur au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib.

Des procès sur les crimes commis en Syrie ont également eu lieu ailleurs en Europe, notamment en France et en Suède.

Le conflit en Syrie, déclenché par des protestations pacifiques violemment réprimées en 2011, a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et ravagé l'économie et les infrastructures du pays.


Ukraine: l'aide européenne compense le désengagement américain, selon le Kiel Institute

Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
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  • « L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.
  • Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

PARIS : Selon l'institut de recherche allemand Kiel Institute, une hausse de l'aide des pays européens à l'Ukraine a permis début 2025 de combler le vide laissé par le désengagement de la nouvelle administration américaine de Donald Trump.

« L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.

Alors que « les États-Unis, qui étaient auparavant le plus gros donateur à l'Ukraine, n'ont pas annoncé de nouvelle enveloppe depuis début janvier », l'Ukraine a tout de même reçu plus d'aide de janvier à avril 2025 qu'en moyenne les années précédentes sur la même période. 

« Reste à savoir s'il s'agit d'une hausse temporaire ou du début d'une évolution plus durable du rôle de l'Europe en tant que principal soutien de l'Ukraine », a déclaré Christoph Trebesch, qui dirige l'équipe du Kiel Institute chargée de suivre les engagements en faveur de l'Ukraine, cité dans le communiqué.

Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

En revanche, « il est frappant de constater le peu d'aide allemande allouée ces derniers mois », a-t-il commenté. « Au lieu d'augmenter son soutien après l'arrivée de Trump au pouvoir, nous observons une forte baisse de l'aide allemande par rapport aux années précédentes. »

« La tendance est la même pour l'Italie et l'Espagne », a-t-il précisé. 

Au 30 avril 2025, 294 milliards d'euros au total ont été alloués à des dépenses précises en faveur de l'Ukraine (sur 405 milliards promis), selon les derniers chiffres du Kiel Institute. Les 111 milliards restants ont été promis à long terme, mais pas encore alloués.

Sur la somme déjà donnée, 140 milliards d'euros correspondent à de l'aide militaire, 133 milliards à de l'aide financière et 21 milliards à de l'aide humanitaire.

Les principaux donateurs sont l'Union européenne et ses membres (131 milliards d'euros donnés ou alloués), les États-Unis (115 milliards) et le Royaume-Uni (19 milliards).

En matière d'aide militaire, l'Europe, le Royaume-Uni compris, « dépasse pour la première fois depuis juin 2022 les États-Unis », selon le Kiel Institute. Les Européens ont déjà donné ou alloué 72 milliards d'euros d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de la guerre, contre 65 milliards pour les États-Unis. 


Les dirigeants du G7, dont Trump, se rejoignent au Canada tandis qu'un conflit oppose l'Iran et Israël

Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
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  • Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël.
  • La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

KANANASKIS, CANADA : Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël, alors que leurs dirigeants, dont le président américain, se retrouvent pour un sommet sous tension dans les Rocheuses canadiennes.

Il s'agit du premier grand sommet depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir en janvier, ce qui a fragilisé l'unité du club des grandes démocraties industrialisées (Allemagne, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, France, Italie et Japon).

Le président américain, qui n'a cessé de menacer le Canada ces derniers mois, est arrivé en fin de journée dans ce pays, avec sur la tête une casquette blanche portant son slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »).

Pour cette réunion qui se déroule à Kananaskis, dans le parc national de Banff, dans l'ouest du Canada, il retrouvera ses alliés du G7 ainsi que les dirigeants de nombreux autres pays invités : l'Inde, l'Ukraine, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Australie seront notamment présents.

La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

Mais parviendront-ils à parler d'une voix commune, notamment sur cette région du monde ?

Israël a stupéfié le monde vendredi en ouvrant un nouveau front avec une campagne militaire surprise et massive contre l'Iran.

Selon une source gouvernementale citée par l'AFP, les dirigeants du G7 travaillent à une déclaration commune. Reste à décider s'il s'agit d'appeler à la désescalade ou simplement de soutenir Israël en affirmant que le pays a le droit de se défendre. 

Mais cette guerre n'est pas le seule enjeu des discussions à Kananaskis. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est parmi les invités et doit s'entretenir avec Donald Trump

Le président américain, qui s'est rapproché de façon spectaculaire de Moscou, a de nouveau eu un entretien téléphonique samedi avec le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier lui a dit être prêt à un nouveau round de négociations.

De leur côté, les Européens tentent de convaincre Donald Trump de promulguer de nouvelles sanctions contre Moscou, ciblant plus précisément les ventes de pétrole russe. 

Tous les pays souhaitent par ailleurs aborder l'aspect commercial avec le président Trump. En imposant des taxes douanières d'au moins 10 % sur la plupart des produits entrant aux États-Unis, ce dernier a dévié le cours de la mondialisation et menacé l'économie mondiale d'un ralentissement général. 

Ce sommet du G7 est la première visite du président américain sur le sol canadien depuis qu'il a menacé son voisin du nord, estimant qu'il serait préférable qu'il devienne le 51^e État américain.

Le Premier ministre canadien, Mark Carney, et Donald Trump se rencontreront lundi matin lors d'un tête-à-tête. Outre MM. Carney et Zelensky, le dirigeant américain doit aussi rencontrer la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum.