Bélarus: Bruxelles consent à des dérogations au droit d'asile sans satisfaire Varsovie

La Pologne a construit une clôture de barbelés, massé des milliers de soldats le long de ses 400 kilomètres de frontière, et décrété depuis septembre un état d'urgence en interdisant l'accès à la région frontalière. (Photo, AFP)
La Pologne a construit une clôture de barbelés, massé des milliers de soldats le long de ses 400 kilomètres de frontière, et décrété depuis septembre un état d'urgence en interdisant l'accès à la région frontalière. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 02 décembre 2021

Bélarus: Bruxelles consent à des dérogations au droit d'asile sans satisfaire Varsovie

  • La Commission européenne a proposé mercredi de permettre à la Pologne, la Lituanie et la Lettonie de prolonger le délai d'examen des demandes d'asile
  • L’UE accuse le Bélarus d'avoir organisé les arrivées de migrants pour se venger des sanctions européennes à son encontre

Bruxelles a proposé mercredi de permettre à la Pologne, la Lituanie et la Lettonie de prolonger le délai d'examen des demandes d'asile des migrants arrivant via le Bélarus, suscitant à la fois le rejet de Varsovie et les critiques d'ONG.

Ces mesures provisoires présentées par la Commission, qui doivent être endossées par les Vingt-Sept, permettent notamment à ces trois pays d'étendre la période d'enregistrement des demandes d'asile à quatre semaines, au lieu des 10 jours maximum actuels.

Elles leur donnent aussi la possibilité de porter à 16 semaines - contre quatre actuellement - le délai d'examen d'un dossier, appel inclus, pendant lequel les demandeurs peuvent être détenus dans des centres à la frontière.

Prévues pour six mois, elles rendent possibles des procédures "rapides et simplifiées" pour renvoyer les migrants dont la demande de protection a été rejetée.

Ces mesures visent à donner de la "flexibilité" aux trois Etats confrontés à une situation "sans précédent" aux frontières du Bélarus, a expliqué la commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson au cours d'une conférence de presse, évoquant toutefois une "désescalade".

"Nous proposons une solution qui tient compte de tous les droits des personnes qui souhaitent demander l'asile dans des circonstances exceptionnelles", a assuré le vice-président de la Commission, Margaritis Schinas.

Mais la Pologne a jugé la proposition "contre-productive" et entend la renégocier. "La Commission a adopté la solution exactement opposée à celle que nous proposions. Nous proposions que la réponse à une attaque hybride soit la possibilité de suspendre les procédures d'asile, et non de les étendre", a déploré l'ambassadeur polonais auprès de l'UE, Andrzej Sados.

Selon les derniers chiffres de la Commission, un peu moins de 8.000 migrants sont arrivés dans l'UE via le Bélarus cette année: 4.285 en Lituanie, 3.255 en Pologne et 426 en Lettonie.

Bruxelles accuse le Bélarus d'avoir organisé ces arrivées en délivrant des visas et en acheminant les exilés, originaires principalement du Proche-Orient, aux frontières de la Pologne et de la Lituanie, pour se venger des sanctions européennes à son encontre. La situation a réveillé la crainte en Europe d'une crise migratoire de grande ampleur.

En réponse, la Pologne a construit une clôture de barbelés, massé des milliers de soldats le long de ses 400 kilomètres de frontière, et décrété depuis septembre un état d'urgence en interdisant l'accès à la région frontalière. Elle a aussi adopté un texte qui légalise la pratique des refoulements à la frontière et permet d'ignorer une demande d'asile formulée après un passage illégal de la frontière.

Les médias polonais estiment qu'au moins une douzaine de personnes sont mortes des deux côtés de la frontière, en essayant de franchir cette zone boisée pour entrer dans l'UE.

La Lituanie, pays de 2,8 millions d'habitants qui n'avait enregistré que 81 arrivées de migrants en 2020, a également commencé à construire un mur, adopté une loi autorisant les gardes-frontières à renvoyer les migrants de l'autre côté de la frontière, et décrété l'état d'urgence.

La décision de la Commission a aussi déclenché des critiques des ONG de défense des droits humains. "La situation aux frontières de l'UE au Bélarus est parfaitement gérable avec les règles actuelles", a estimé la directrice du bureau européen d'Amnesty International, Eve Geddie, s'indignant que l'UE permette à des Etats membres de "jeter aux orties les règles pour quelques milliers de personnes à sa frontière".

"Cette proposition affaiblit les droits fondamentaux des demandeurs d'asile et renforce l'Europe forteresse, va à l'encontre de tout ce que l'UE devrait défendre", a dénoncé Erin McKay, d'Oxfam.

Catherine Woollard, directrice du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), un réseau d'ONG, a regretté un "dangereux précédent", notant aussi que des "États membres ont été autorisés à commettre des violations aux frontières en toute impunité et introduit des législations clairement en conflit avec le droit européen".

Les critiques sont aussi venues des députés européens sociaux-démocrates et écologistes. "La Commission a cédé à la pression de l'extrême droite du gouvernement polonais et au chantage du dictateur bélarusse, et piétiné les valeurs européennes", a fustigé l'élu français Damien Carême (Verts/ALE).


A l'ONU, l'enquêtrice en chef sur Gaza a encore espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés

Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
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  • Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide"
  • Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger"

GENEVE: Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés.

"La justice est lente", a affirmé l'ancienne juge sud-africaine, dans un entretien à l'AFP.

Mais "comme l'a dit (Nelson) Mandela, cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse. Je considère qu'il n'est donc pas impossible qu'il y ait des arrestations et des procès" à l'avenir, a-t-elle ajouté.

La commission d'enquête, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a établi qu'Israël commet un génocide à Gaza depuis le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas du 7-Octobre.

Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide".

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger".

La Cour pénale internationale (CPI) avait déjà émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant.

Mme Pillay reconnaît que la CPI dépend des Etats pour la mise en œuvre des mandats d'arrêt car elle n'a "ni shérif, ni forces de police".

Mais elle veut y croire, faisant une comparaison : "Je n'aurais jamais pensé que l'apartheid prendrait fin de mon vivant".

"Tellement douloureux" 

Jeune avocate d'origine indienne dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, devenue juge et Haute-Commissaire aux droits de l'homme à l'ONU (2008-2014), Mme Pillay, 83 ans, a l'art de traiter des dossiers difficiles.

Sa carrière l'a menée des cours sud-africaines, où elle a défendu les activistes anti-apartheid et obtenu des droits cruciaux pour les prisonniers politiques, au Tribunal pénal international pour le Rwanda, en passant par la CPI.

Sa mission est des plus ardues depuis qu'elle préside, depuis sa création en 2021, la commission chargée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'enquêter sur les atteintes aux droits dans les territoires palestiniens et en Israël.

Elle déplore d'avoir été qualifiée d'"antisémite" depuis et dénonce les appels sur les réseaux sociaux de ceux qui réclament que les Etats-Unis la sanctionnent, comme Washington l'a fait pour une rapporteure de l'ONU, des juges de la CPI et des ONG palestiniennes.

Mais le plus dur, pour elle et son équipe, est de visionner les vidéos provenant de Gaza.

"Nous nous inquiétons pour notre personnel. Nous les surmenons et c'est traumatisant ces vidéos", dit-elle, citant "des violences sexuelles contre les femmes" et "les médecins qui sont dénudés par l'armée".

"C'est tellement douloureux" à regarder même si "on ne peut pas comparer notre souffrance à celle de ceux qui l'ont vécue", poursuit-elle.

Alors qu'elle présidait le Tribunal pénal international pour le Rwanda, des vidéos de civils abattus ou torturés l'ont aussi "marqué à vie".

Selon elle, la comparaison entre le Rwanda et Gaza ne s'arrête pas là : "Je vois des similitudes. Ce sont les mêmes méthodes".

Du Rwanda à Gaza 

"Dans le cas du Rwanda, c'était le groupe des Tutsi qui était visé. Ici, tous les éléments de preuve montrent que c'est le groupe palestinien qui est visé", dit-elle.

Elle mentionne aussi les propos de dirigeants israéliens qui "déshumanisent" les Palestiniens en les comparant à des "animaux". Comme lors du génocide rwandais, lorsque les Tutsi étaient "traités de cafards", ce qui revient à dire qu'"il est acceptable de les tuer", dénonce-t-elle.

Mme Pillay a indiqué qu'à l'avenir la commission entendait se pencher aussi sur des crimes supposés commis par d'autres "individus", expliquant qu'une grande partie des preuves a été publiée par les soldats israéliens eux-mêmes sur les réseaux sociaux.

Elle déplore toutefois que, faute de financements, la commission n'ait pas pu encore examiner si certains Etats qui fournissent de l'armement à Israël pouvaient être considérés complices.

Un travail qu'elle laisse à son successeur. Elle quitte la commission le 3 novembre en raison de son âge et de problèmes de santé.

Avant cela, elle doit présenter un dernier rapport devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. "J'ai déjà un visa", confie-t-elle.


Gaza: Bruxelles propose de taxer des biens importés d'Israël dans l'UE et de sanctionner deux ministres

La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.  "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
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  • L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres
  • Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

"Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.

Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l'UE, renchérir de quelque 227 millions d'euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d'origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l'UE.

L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE.

"Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Mme Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles.

Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n'avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l'Italie.

Les exportations israéliennes vers l'UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l'an dernier 15,9 milliards d'euros.

Seuls 37% de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.


Trump s'en prend à des magistrats après l'assassinat de Charlie Kirk

Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
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  • Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X
  • Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a de nouveau stigmatisé mercredi des magistrats qui l'avaient poursuivi et jugé durant le mandat de Joe Biden, prenant prétexte du récent assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X.

Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre.

"Pourquoi le merveilleux Turning Point a-t-il été mis sous ENQUÊTE par le +Dérangé+ Jack Smith et l'administration Biden Corrompue et Incompétente ?", s'interroge Donald Trump dans un message sur Truth.

"Ils ont essayé de forcer Charlie, ainsi que de nombreuses autres personnes et mouvements, à cesser leurs activités. Ils ont instrumentalisé le ministère de la Justice contre les opposants politiques de Joe Biden, y compris MOI!", s'offusque-t-il encore.

Jack Smith, lui-même visé par une enquête administrative depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, avait été nommé procureur spécial en 2022.

Il avait lancé des poursuites fédérales contre Donald Trump, pour tentatives illégales d'inverser les résultats de l'élection de 2020 et rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.

Les poursuites avaient été abandonnées après la réélection de Trump, en vertu de la tradition consistant à ne pas poursuivre un président en exercice. Jack Smith avait ensuite démissionné du ministère de la Justice.

Sans jamais le citer nommément, le président Trump s'en prend également sur le réseau Truth à Juan Merchan, qui a présidé le procès Stormy Daniels. Le président avait été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation, pour des paiements cachés de 130.000 dollars à l'ex-star du X.

Donald Trump exprime le souhait que le juge "corrompu" paie "un jour un prix très élevé pour ses actions illégales".

Depuis l'assassinat de Charlie Kirk, le camp républicain redouble de véhémence contre les démocrates et organisations progressistes, accusés de promouvoir la violence politique.

"La gauche radicale a causé des dégâts énormes au pays", a affirmé le président républicain mardi, avant son départ au Royaume-Uni. "Mais nous y remédions".

Selon le Washington Post, un élu républicain du Wisconsin a déposé une proposition de loi visant à bloquer les fonds fédéraux aux organisations employant des personnes "qui tolèrent et célèbrent la violence politique".

Le New York Times précise pour sa part que sont notamment dans le viseur l'Open Society Foundation du milliardaire George Soros ainsi que la Ford Foundation, qui toutes deux financent des organisations de gauche.