Masques made in France: un an après, la filière se pose la question de son avenir

Il y a un an et demi, la production de masques made in France démarrait face à une demande en pleine explosion. (Photo, AFP)
Il y a un an et demi, la production de masques made in France démarrait face à une demande en pleine explosion. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 03 décembre 2021

Masques made in France: un an après, la filière se pose la question de son avenir

  • Avant la pandémie, il n'existait que quelques fabricants nationaux de masques
  • Face à la pénurie, le gouvernement a multiplié les appels du pied aux industriels

PARIS : A peine lancée et déjà délaissée? Il y a un an et demi, la production de masques made in France démarrait face à une demande en pleine explosion. Aujourd'hui, la filière se pose toutefois la question de son avenir.

L'exemple de la Coop des masques, en Bretagne, illustre bien la problématique rencontrée par les producteurs français. Cette société, née fin 2020 dans les Côtes-d'Armor, était menacée en septembre de dépôt de bilan.

Depuis, après une vaste opération de déstockage et un appel au grand public, elle a repris un rythme de production dynamique. En tout cas sur les masques chirurgicaux. "Ils tournent bien", reconnaît Patrick Guilleminot, directeur général de la Coop des Masques. Mais pour les masques FFP2 - utilisés majoritairement dans les centres de soins - en revanche, "on est à l'état d'arrêt", regrette-t-il.

Avant la pandémie, il n'existait que quelques fabricants nationaux de masques. Mais le Covid a changé la donne. Face à la pénurie, le gouvernement a multiplié les appels du pied aux industriels. Fin mars 2020, le président Emmanuel Macron lui-même s'était déplacé dans l'usine de Kolmi-Hopen, l'un des principaux fabricants de masques, à Angers.

Le gouvernement a en outre lancé un appel à manifestation d'intérêt pour les producteurs de meltblown, ce matériau filtrant nécessaire à la fabrication des masques.

Bilan: dix-huit mois plus tard, une trentaine de producteurs de masques sont sur les rangs en France et une dizaine fabriquent du meltblown. Sur le papier, c'est un succès: en début d'année, la filière pouvait produire jusqu'à 100 millions de masques par semaine.

Un marché saturé

Or entretemps, les importations asiatiques - moins chères - ont repris. Et l'intérêt pour les masques français a reculé. Au point que la filière produit aujourd'hui 90% de masques FFP2 en moins qu'au plus fort de la crise, et moitié moins de modèles chirurgicaux, estime le président du syndicat des fabricants français de masques, Christian Curel, lui-même à la tête d'une entreprise de masques.

"Un certain nombre de producteurs ont déjà arrêté", ajoute-t-il.

Kolmi-Hopen lui-même, fabricant historique, est passé de 3,5 millions de masques produits chaque jour au plus fort de la pandémie à environ 1,5 million aujourd'hui.

La société, qui compte actuellement 180 salariés, a même dû se séparer de 70 employés cet été face à la baisse des commandes, dans "un marché saturé de masques", explique Gérald Heuliez, son dirigeant, qui envisage l'avenir avec prudence. "Si malheureusement les volumes baissent, il faudra qu'on se pose des questions sur notre organisation globale", dit-il ainsi.

Les témoignages se ressemblent à travers la France. Près de Toulouse, le groupe AHG, équipementier aéronautique, a créé la marque Auriol masques au printemps 2020. "Il y a eu de grosses commandes de l'Etat l'an dernier. Ensuite, on a rencontré la même situation que les autres fabricants, et les commandes ont été divisées par deux par rapport à fin 2020", souligne Alexandra Biescas, responsable commerciale pour AHG Medical. Mais la société continue néanmoins d'embaucher pour son usine de meltblown.

Au coeur du phénomène? Une question de prix. Le masque importé est vendu 2 à 4 centimes, contre 5 à 10 centimes pour un masque français, selon le syndicat des fabricants. Or, lors des appels d'offre des hôpitaux, qui sont de gros clients, le prix est souvent le critère prédominant, regrettent les industriels français.

"On a été un peu déçus par les collectivités qui s'inscrivent dans un discours d'achat local mais ne le concrétisent pas assez par des achats", déplore ainsi Serge Avetand, responsable commercial pour la petite entreprise finistérienne Diwall, créée en septembre 2020.

« Déception »

Même son de cloche auprès de m3 Sanitrade, la division santé du suisse m3, qui a lancé deux usines de production de masques, en France et en Suisse, durant la pandémie.

"Notre grosse déception, c'est sur le FFP2 (...) On imaginait des commandes publiques et c'est la déroute totale de ce côté-là", regrette Christian Glaenzer, directeur industriel de cette division, avec une situation similaire dans les deux pays.

Pour les masques chirurgicaux en revanche, le scénario n'est pas le même. "Actuellement, on tourne en trois-huit sur les masques chirurgicaux", raconte-t-il.

Du côté du ministère de l'Industrie, on reconnaît une situation parfois délicate. Au début de la crise, la commande pour les établissements de santé était réalisée directement par Santé Publique France. Mais depuis, le secteur est revenu à un système classique. Désormais, les hôpitaux achètent eux-mêmes leurs masques, le plus souvent en passant par des centrales d'achats, et le prix est souvent un critère privilégié.

Pour contrer cela, le syndicat des fabricants de masques réclame la mise en place de nouvelles recommandations par les ministères. Une circulaire doit bientôt être publiée afin que lors des appels d'offres, d'autres critères soient pris en compte que le prix.

Cette circulaire, en cours de finalisation, devrait être diffusée début décembre, indique le ministère de l'Industrie. Charge ensuite aux acheteurs de "se saisir de ces outils".

Certains ont commencé, comme la centrale d'achat hospitalier publique Resah, qui a créé un consortium avec une autre centrale publique, UniHA. Ces dernières viennent de lancer un appel d'offres pour 120 millions de masques par an - sur quatre ans -, pour le compte d'hôpitaux français.

"On tire les enseignements, on a changé de politique d'achat depuis la crise", explique ainsi Dominique Legouge, directeur général du Resah.

Ainsi, le prix compte pour 25%, l'aspect technique pour 35%, la sécurité de l'approvisionnement et l'impact environnemental représentant les autres critères de cet appel d'offre réservé aux producteurs fabriquant en Europe.

En attendant, si certains acteurs craignent pour leurs activités, d'autres envisagent l'avenir sereinement. C'est le cas de Meltblo France, en Franche-Comté, qui a démarré sa production en avril. Pour son fondateur, Nicolas Burny, le "seul moyen de durer est de se démarquer par l'innovation et de penser au produit de demain", plaide-t-il.

Au risque sinon qu'en cas de nouvelle pandémie, "on ne retourne à notre situation de dépendance de début 2020", alerte Christian Curel. 


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.