À Villepinte, incidents et tensions au premier meeting de Zemmour

Au milieu d'une foule en liesse, un individu empoigne Eric Zemmour. «L'agresseur»  est aussitôt exfiltré, indique son équipe de campagne. (Photo, OLIVIER UBÉDA / AFP)
Au milieu d'une foule en liesse, un individu empoigne Eric Zemmour. «L'agresseur» est aussitôt exfiltré, indique son équipe de campagne. (Photo, OLIVIER UBÉDA / AFP)
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Publié le Lundi 06 décembre 2021

À Villepinte, incidents et tensions au premier meeting de Zemmour

  • Alors qu'ils interrogent des participants, des journalistes sont pris à partie par un petit groupe de jeunes supporters du candidat d'extrême droite
  • Certains participants du meeting se dissimulent le visage, visiblement décidés à en découdre

PARIS : Un premier meeting sous tension. Équipe de journalistes brièvement mise à l'abri, violences contre des militants de SOS Racisme: le premier meeting de la campagne présidentielle d'Eric Zemmour a été émaillé d'une série d'incidents, au milieu d'une foule de partisans allant d'anciens fillonistes à des royalistes.

Avant les premiers discours, au Parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), le ton monte brutalement contre une équipe de l'émission Quotidien (TMC-TF1), connue pour son traitement sarcastique de la politique.

Alors qu'ils interrogent des participants, des journalistes sont pris à partie par un petit groupe de jeunes supporters du candidat d'extrême droite, puis hués par une foule de plus en plus dense au cri de "Tout le monde déteste Quotidien".

"Bande de vendus", entend-on aussi dans les travées. La sécurité doit intervenir précipitamment pour les mettre brièvement à l'abri.

"La sécurité a surréagi. Ils sont revenus. Il n'y a eu aucune violence", assure l'équipe de communication du candidat.

Après une série d'interventions de soutiens à la tribune, Eric Zemmour arrive dans la salle vers 17H30. Au milieu d'une foule en liesse, un individu l'empoigne. "L'agresseur"  est aussitôt exfiltré, indique l'équipe d'Eric Zemmour. Puis interpellé par la police. L'entourage du candidat dira dans la soirée qu'il souffre d'une blessure au poignet et s'est vu prescrire neuf jours d'ITT.

Au début du discours du candidat, une dizaine de militants de SOS Racisme, dissimulés dans le public, dévoilent des vêtements pour dire "non au racisme".

Des violences éclatent. Ils reçoivent des coups et sont visés par des jets de chaises, selon la vidéo diffusée par l'association antiraciste. Plusieurs courses-poursuites ont lieu à l'arrière de la salle pour les exfiltrer, dans une grande confusion. 

Certains participants du meeting se dissimulent le visage, visiblement décidés à en découdre. La situation revient au calme au bout d'une dizaine de minutes.

Un membre de la sécurité évoque "quelques militants antifas" exfiltrés, leur reprochant d'avoir voulu semer le trouble.

Gauche et majorité dénoncent la responsabilité de Zemmour

"Zemmour a donné une légitimité à cette violence qui ne se contient plus", a accusé le Premier secrétaire du PS Olivier Faure sur Twitter.

"Frapper des militants pacifistes qui portent un message de refus du racisme et qui se font casser la gueule pour cette seule raison, quelqu’un a encore un doute sur la motivation des militants de Villepinte?", a-t-il ajouté.

"La France, ce n’est pas le racisme. Militants pacifistes roués de coups, insultes envers les médias: je condamne avec la plus grande fermeté ces violences insupportables qui n’ont pas leur place dans notre République. Total soutien aux journalistes et aux militants agressés", a aussi réagi dans un tweet la candidate du PS Anne Hidalgo.

"Il prétend rétablir l’ordre, il sème le chaos. Des gens se battent. Des journalistes sont menacés. Des insultes sont proférées. Il disloque l’unité nationale. Il aimerait représenter la France : il la menace", a dénoncé sur Twitter le vice-président (LREM) de l'Assemblée nationale Hugues Renson.

"Tout n’aura été que violence. Violence contre les médias. Violence contre ses adversaires politiques. Violence contre les Français. Violence entre les Français. Le meeting de Zemmour aura montré ce qu’il est : la haine, la division, le désordre et la violence", a critiqué le porte-parole des députés LREM Pieyre-Alexandre Anglade.

"Journalistes hués, militants antiracistes agressés, voilà à quoi ressemblerait la France si Zemmour le haineux la dirigeait", a dénoncé le candidat du PCF Fabien Roussel, qui a exprimé sa "solidarité avec tous ceux qui ont eu à subir ce déchaînement de violence".

"L'agression violente contre ces militants antiracistes est choquante et scandaleuse... Ainsi, quand vous dites "Non au racisme" les zemmouriens vous frappent. Très révélateur !!", s'est indigné Alexis Corbière, le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon.

"La violence n'a pas sa place dans notre démocratie. Soutien aux militant·es de SOS Racisme", a réagi sur Twitter le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot.

«Militants agressés»

"On voulait faire une action non violente, j'insiste non violente. Les gens se sont levés pour nous frapper" , assure Aline Kremer de SOS Racisme. Selon un journaliste de l'AFP, au moins deux personnes saignent. 

"Cela fera l'objet de plaintes de la part de militants agressés pour déterminer qui sont les agresseurs et qu'ils répondent de leurs actes", prévient le président de SOS Racisme Dominique Sopo.

Ces personnes de SOS "n'avaient pas à être là, il ne faut pas venir faire de provocation dans notre salle", réagit de son côté Antoine Diers, un membre de l'équipe de campagne d'Eric Zemmour. 

Dans les travées, beaucoup comme l'ex RN Antoine louent "l'union des droites" que permet selon eux leur candidat. 

Au milieu d'un nuée de drapeaux français, plusieurs participants arborent le drapeau de leurs régions. "Proche du mouvement traditionaliste et royaliste", un jeune souligne son attachement à la Picardie et espère que son candidat en fera davantage pour le régionalisme.

Sa compagne, Loménie, croit en Eric Zemmour pour lutter contre "l'insécurité que subissent les femmes". "Je me suis fait cracher dessus il y a quelques mois par des personnes qui étaient pour la plupart issues de l'immigration", dénonce-t-elle, avant d'applaudir son champion.

SOS Racisme chez Zemmour: une «provocation» pour Pécresse, Larcher et Chenu

La candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse, son concurrent défait Eric Ciotti, le président LR du Sénat Gérard Larcher et le porte-parole du RN Sébastien Chenu ont tous qualifié lundi de "provocation" la présence de militants de SOS Racisme au meeting d'Eric Zemmour la veille, agressés par des participants.

"Il faut garder son sang-froid. Il faut à la fois une liberté d'expression; moi je suis pour la liberté d'expression de tous ceux qui ne pensent pas comme moi (...) Les provocations dans les meetings, ça existe, c'est jamais agréable, j'en ai eu comme tout le monde", a expliqué Mme Pécresse sur France Inter, en exhortant à "savoir les vivre avec sang-froid". 

"Et il faut surtout bannir la violence des meetings le plus possible dans les deux cas, parce que vous savez que l'extrême gauche peut parfois être ultra-violente dans un meeting", a-t-elle ajouté.

Le finaliste du congrès LR et député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a de son côté estimé sur France Bleu Azur que la présence des militants de SOS Racisme, "c'est de la provocation, forcément c'est chercher l'affrontement".

Il a aussi déploré que "Eric Zemmour ait été agressé, attaqué", alors que le candidat d'extrême droite aurait été blessé au poignet par un individu l'ayant empoigné juste avant qu'il ne monte sur scène, selon son équipe.

Pour Gérard Larcher, "toutes les violences sont inadmissibles, et le droit à manifester est essentiel. Mais en même temps, la provocation dans une réunion peut inciter à cela (des violences, NDLR). Donc je crois qu'il faut que chacun retrouve les voies de l'apaisement", a estimé le président du Sénat sur franceinfo, appelant à "respecter la liberté d'expression, comme la liberté et le droit de manifester".

A l'extrême droite, le porte-parole du RN Sébastien Chenu a condamné sur France 2 "toutes les formes de violences". Mais "d'un autre côté, imaginez Génération identitaire allant dans un meeting de Jean-Luc Mélenchon. Sincèrement, il y a un côté provocation inutile destinée, probablement, à perturber", a-t-il ajouté, jugeant qu'aller "dans les meetings de ses adversaires pour semer la pagaille" n'était "pas responsable".

Il a estimé qu'Eric Zemmour devait "pouvoir s'exprimer librement, car il représente quelque chose dans le pays", tout en réitérant son appel à ce qu'il rejoigne la candidate du RN Marine Le Pen.

Le premier meeting de la campagne présidentielle d'Eric Zemmour, à Villepinte (Seine-Saint-Denis) dimanche, a été émaillé d'une série d'incidents, avec des violences contre des militants de SOS Racisme et une équipe de journalistes brièvement mise à l'abri.

En début d'après-midi, quelques 2 000 manifestants avaient défilé dans les rues de Paris pour "faire taire" Eric Zemmour. Des militants hostiles au candidat d'extrême droite s'étaient aussi regroupés à Villepinte, où 57 personnes ont été interpellées, selon la préfecture de police.

En dépit de ces incidents, le meeting peut se tenir selon son déroulé prévu: il est rythmé par plusieurs Marseillaise ou le slogan "on est chez nous", régulièrement présent chez la concurrente d'extrême droite Marine Le Pen (RN). Le nom du nouveau parti d'Eric Zemmour s'affiche en grand: "Reconquête!"

Sur les sièges, un tract présente le candidat, qui va "mettre fin à l'invasion migratoire" et "dénonce l'effondrement de l'Education nationale".

Dans la salle, Martine, comptable de 70 ans, est une ancienne "filloniste". Elle est devenue "fan" d'Eric Zemmour "quand il était sur (la chaîne) CNews". "Je suis d'accord avec lui, la France part en couilles", dit celle qui vient de voter Eric Ciotti au congrès LR, mais s'apprête à quitter pour la première fois les rives de la droite traditionnelle. 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.