Colère au Liban alors que les réfugiés palestiniens obtiennent des droits de travail

Une photo montre le camp de réfugiés palestiniens d'Ein El-Hilweh près de la ville portuaire de Sidon, dans le sud du Liban. (Photo, AFP/Archives)
Une photo montre le camp de réfugiés palestiniens d'Ein El-Hilweh près de la ville portuaire de Sidon, dans le sud du Liban. (Photo, AFP/Archives)
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Publié le Samedi 11 décembre 2021

Colère au Liban alors que les réfugiés palestiniens obtiennent des droits de travail

  • ​​​​​​​Le Liban a publié un décret accordant aux réfugiés palestiniens l'accès à des emplois dans le pays
  • Lazzarini s'est félicité de toute mesure susceptible d'assouplir les restrictions aux droits des réfugiés palestiniens et a promis de «faire un effort pour augmenter le financement requis»

BEYROUTH : Le ministre libanais du Travail Mostafa Bayram a finalisé mercredi la décision, très critiquée, d'accorder la permission de travail aux réfugiés palestiniens. Cette décision a été rapidement rejetée, notamment par la droite chrétienne, qui a lancé une campagne contre le ministre.

La décision permet aux réfugiés palestiniens, dont beaucoup sont des médecins, des avocats et des infirmières, de travailler dans les secteurs de la gestion, des affaires, du tourisme, de l'industrie, de l'information, de la santé, de l'éducation et des services.

La décision inclut les «Palestiniens nés dans les territoires libanais, nés d'une mère libanaise ou mariés à un citoyen libanais, et les Palestiniens non enregistrés qui sont nés au Liban », mais leur interdit de rejoindre les services de sécurité de l'État ou les syndicats de libre profession.

Les principaux partis politiques et personnalités ont critiqué les réfugiés palestiniens et condamné la décision, avertissant qu'il s'agissait du début d'une campagne pour la naturalisation».

Gebran Bassil, chef du Mouvement patriotique libre, a déclaré : «La décision viole le droit du travail et la constitution. C'est une naturalisation voilée et elle est rejetée.

Dans un tweet, il a appelé les syndicats à rejeter le décret et a exhorté le public libanais à l'ignorer. «C'est inacceptable et nous n'autoriserons pas le vol d'emplois aux Libanais dans de telles circonstances», a-t-il insisté.

L'ancien ministre du Travail Sejaan Kazzi a indiqué que la décision de Bayram «contredit la décision publiée en 2015», ajoutant : «Cette nouvelle résolution augmentera le taux de chômage des Libanais de 40 % et ouvrira la porte à l'installation définitive des Palestiniens et à leur naturalisation».

Le Parti Kataëb a signalé : «Au lieu que Bayram augmente les opportunités pour les Libanais d'empêcher leur état de misère, avec des centaines d'entre eux étant licenciés, il a permis aux non-Libanais de rivaliser avec eux pour leurs moyens de subsistance».

Une source examinant le droit des réfugiés palestiniens à travailler au Liban a déclaré à Arab News que l'ancien ministre du Travail Trad Hamadeh avait tenté de faire adopter un décret similaire qui a été annulé par le Premier ministre suivant.

La même source a révélé : «Il n'y a pas de mécanisme spécifique pour l'adoption d'un arrêté ministériel».

«La décision de Bayram n'affecte pas les Palestiniens dont les spécialisations nécessitent l'adhésion à de puissants syndicats. Ces syndicats empêchent également les Libanais non-membres d'exercer leur profession».

«Cette décision n'autorise l'utilisation de la main-d'œuvre palestinienne que dans des professions qui ne nécessitent pas de diplômes supérieurs. Ce sont des métiers modestes de l'artisanat et de la main-d'œuvre dans lesquels les Libanais ne veulent pas travailler».

«En même temps, cette décision veut éviter une crise sociale dans les camps à cause de l'effondrement économique où de nombreux jeunes Palestiniens au chômage, se tournent vers la drogue et le vol. En d'autres termes, il s'agit d'une décision dans le but de désamorcer la situation.

«Les réfugiés palestiniens contribuent à l'économie libanaise ; des milliers d'entre eux sont payés en dollars par l'Organisation de libération de la Palestine ou des organisations internationales et ils dépensent leur argent au Liban».

Lors d'une conférence de presse vendredi, Bayram a déclaré : «Ce qui était interdit par la constitution et les lois est toujours interdit aux non-Libanais. Les travailleurs étrangers dans tous les secteurs travaillent sous une licence d'exception délivrée par le ministère du Travail. Cependant, le peuple libanais a la priorité dans toutes les professions».

Il a ajouté : «90 % des personnes qui nous critiquent n'ont pas lu toute la décision. Le travailleur libanais est prioritaire et l'exception est accordée au travailleur étranger. Certains secteurs ne plaisent pas aux Libanais, comme le secteur de la construction et de l'agriculture, où nous avons donné la priorité aux travailleurs étrangers».

«Le décret accorde des privilèges aux Palestiniens en les exemptant d'un permis de travail et en leur permettant d'adhérer à la sécurité sociale. Nous sommes en difficulté sur le marché du travail et essayons de combler les lacunes. Le marché libanais a vraiment besoin de main-d'œuvre étrangère».

Sur les réseaux sociaux, les partisans du Mouvement patriotique libre ont lancé une campagne contre Bayram. Certains militants ont fait référence à l'emploi d'«étrangers», un terme utilisé pour décrire les réfugiés palestiniens pendant la guerre civile.

Par ailleurs, à la fin de sa tournée au Liban pour examiner la situation des réfugiés palestiniens, le Commissaire général de l'UNRWA Philippe Lazzarini a déclaré : «Les conditions de vie dans les camps continuent de se détériorer, et les Palestiniens, qui font partie des groupes les plus marginalisés du Liban, sont maintenant extrêmement désespérés, frustrés et en colère».

Il a ajouté : «J'ai rencontré des diplômés qui ne rêvent que d'un avenir meilleur est d'émigrer. J'ai rencontré un jeune père qui fait des cauchemars sur la façon d'acheter du lait pour son enfant. J'ai entendu parler d'un homme qui a tué sa femme parce qu'elle partageait le panier de nourriture de la famille avec des voisins qui avaient faim. De plus, il y a une augmentation du taux de travail des enfants, de divorces ainsi que l'effondrement du tissu social».

Lazzarini s'est félicité de toute mesure susceptible d'assouplir les restrictions aux droits des réfugiés palestiniens et a promis de «faire un effort pour augmenter le financement requis».

Il a soutenu: «L'effondrement économique et financier au Liban s'est accompagné des difficultés financières de l'UNRWA à maintenir les services de base des réfugiés, tels que l'éducation, la santé et les réseaux sociaux».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.