La Turquie mise sur ses drones pour renforcer ses liens avec l'Afrique

Cette photo d'archive prise à Ankara le 5 mars 2021 montre un Anka Drone, un véhicule militaire aérien sans pilote développé par Turkish Aerospace Industries à Ankara. (Photo, AFP)
Cette photo d'archive prise à Ankara le 5 mars 2021 montre un Anka Drone, un véhicule militaire aérien sans pilote développé par Turkish Aerospace Industries à Ankara. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 15 décembre 2021

La Turquie mise sur ses drones pour renforcer ses liens avec l'Afrique

  • Le président Recep Tayyip Erdogan s'apprête à accueillir une quarantaine de hauts responsables africains, dont treize chefs d'Etat et deux Premiers ministre
  • Ankara dispose déjà d'une base militaire en Somalie et le Maroc et la Tunisie ont pris livraison de leur premiers drones de combat turcs en septembre

ISTANBUL : Après le commerce et la coopération, la défense : la Turquie compte sur ses drones de combat pour renforcer ses liens avec les dirigeants africains, conviés les 17 et 18 décembre à Istanbul.

Deux mois après son Forum économique, centré sur les investissements et les échanges, le président Recep Tayyip Erdogan s'apprête à accueillir une quarantaine de hauts responsables africains, dont treize chefs d'Etat et deux Premiers ministres, selon le ministère turc des Affaires étrangères. 

Ce nouveau rendez-vous devrait cette fois être centré sur les questions de sécurité, la Turquie promouvant ses équipements militaires à moindre coût - et assortis de conditions souples - auprès des pays africains.

Ankara dispose déjà d'une base militaire en Somalie et le Maroc et la Tunisie ont pris livraison de leur premiers drones de combat turcs en septembre.

L'Angola, à son tour, a récemment exprimé son intérêt pour ces aéronefs sans pilote au cours de la première visite officielle de M. Erdogan dans ce pays pétrolier d'Afrique australe en octobre.

La Turquie a également signé en août un accord de coopération militaire avec le Premier ministre d'Ethiopie, Abiy Ahmed, englué dans une guerre contre les rebelles du Tigré. 

L'Ethiopie en ligne de mire

"Le secteur de la défense, c'est un nouvel atout : la Turquie l'a beaucoup poussé, surtout celui des drones", remarque Federico Donelli, chercheur en relations internationales à l'Université de Gênes, en Italie, interrogé par l'AFP.

Ankara "ne propose pas seulement ses équipements mais aussi une formation, comme en Somalie", ajoute-t-il.

Le modèle de drone TB2 de la société privée Bayraktar - dirigée par un des gendres du président - est le plus demandé après ses succès vantés ces dernières années en Libye et en Azerbaïdjan.

"Partout où je vais en Afrique, tout le monde me parle des drones", se félicitait M. Erdogan après sa tournée en Angola, au Nigeria et au Togo cet automne.

Mais c'est surtout l'éventualité d'un contrat avec l'Ethiopie qui a soulevé des interrogations étant donné la brutalité du conflit au Tigré qui a fait des milliers de morts civils et des centaines de milliers de déplacés, selon l'ONU.

D'après une source occidentale, plusieurs appareils ont bien été livrés, mais Ankara a dû s'incliner devant les pressions occidentales et cesser ses livraisons au régime d'Abiy Ahmed.

Ventes en flèche

Un porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a évacué les questions à leur sujet, soulignant qu'il s'agit de deux nations "souveraines" et donc habilitées à sceller leurs propres accords.

Les statistiques officielles turques ne détaillent pas les ventes d'équipements militaires, n'affichant que leurs montants mensuels. Et ceux-ci ont grimpé en flèche au cours de l'année écoulée.

Vers l'Ethiopie, les exportations turques en matière de défense et d'aéronautique ont atteint 94,6 millions de dollars entre janvier et novembre, contre 235.000 dollars environ au cours de la même période l'année précédente.

Les chiffres présentés par l'Assemblée des exportateurs turcs témoignent d'augmentations similaires pour l'Angola, le Tchad et le Maroc.

Les drones turcs ont été remarqués pour la première fois en 2019, après qu'Ankara a signé deux accords de défense avec le gouvernement libyen reconnu par l'ONU. 

Tripoli a alors lâché ces appareils sur la zone de conflit, freinant l'avancée des forces rebelles de l'est soutenues par les rivaux régionaux de la Turquie et ouvrant la voie à une transition progressive vers un processus électoral.

«Pas que des armes»

La Turquie a continué d'asseoir la réputation de ses drones l'an dernier en aidant l'Azerbaïdjan à reprendre le contrôle de la plupart des territoires perdus face aux séparatistes arméniens il y a près de trente ans.

"Désormais, avec ses drones, la Turquie a davantage d'atouts dans sa manche quand il s'agit de négocier avec d'autres pays", reprend Federico Donelli. 

"Nous accordons de l'importance au secteur de la défense et à nos relations avec l'Afrique", a dit à l'AFP Nail Olpak, le président du Conseil des relations économiques internationales de Turquie, une organisation indépendante influente qui a mis sur pied le Forum économique d'Istanbul en octobre.

"Mais limiter ce secteur aux ventes d'armes, de roquettes, de fusils ou de chars serait une erreur", assure-t-il, citant l'exemple des véhicules de déminage turcs au Togo, qui appartiennent aussi à l'industrie de défense.

Federico Donelli le confirme : il fait valoir le plan de modernisation de l'armée togolaise réalisé avec le soutien de la Turquie, qui fournit entraînement et véhicules blindés en plus des armes et d'autres équipements.

La Turquie a progressivement étendu son emprise en Afrique avec un réseau de 37 bureaux militaires sur le continent, pour accompagner l'objectif du président Erdogan de tripler le volume commercial annuel des échanges avec le continent, à 75 milliards de dollars dans les années à venir.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.