Les dirigeants mondiaux doivent repenser les raisons pour lesquelles ils ne sont pas à New York

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à droite, et le président de l'Assemblée générale des Nations unies, Volkan Bozkir, avant le début de la session virtuelle. (Shutterstock)
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à droite, et le président de l'Assemblée générale des Nations unies, Volkan Bozkir, avant le début de la session virtuelle. (Shutterstock)
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Publié le Lundi 28 septembre 2020

Les dirigeants mondiaux doivent repenser les raisons pour lesquelles ils ne sont pas à New York

Les dirigeants mondiaux doivent repenser les raisons pour lesquelles ils ne sont pas à New York
  • La Covid-19 a fait en sorte que la réunion de l’AGNU soit virtuelle, dépouillée de tous ces aspects personnels et de ces opportunités de contact physique qui font tourner le monde – et en particulier le monde de la diplomatie
  • Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré la semaine dernière, lors de son discours sur l’état du monde: «Les gens souffrent et la planète brûle»

Pour les mordus des affaires étrangères, la semaine phare de l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) est la finale de la FA Cup, la Coupe du monde de Dubaï et la Série mondiale réunies. J'ai assisté à sept d’entre elles, en tant que ministre ou en tant que représentant d'une organisation non gouvernementale internationale, et je n’en avais tout simplement jamais assez. Vous pouvez rencontrer tous vos homologues en un seul endroit, ce qui vous évite beaucoup de déplacements, et écouter consciencieusement votre chef d'État s'adresser au monde. Mais ce n'est pas le plus important. Ce que vous préférez, ce sont les réunions parallèles – parfois confidentielles ou non déclarées – sur des sujets clés, ou encore avoir la joie de croiser des amis pour discuter de sujets personnels qui font vraiment avancer les choses.

Alors que l'ONU atteint le cap des 75 ans, cette semaine de l'AGNU est très différente. Le coronavirus (Covid-19) a fait en sorte que la réunion de l’AGNU soit virtuelle, dépouillée de tous ces aspects personnels et de ces opportunités de contact physique qui font tourner le monde – et en particulier le monde de la diplomatie. Cela nous manquera, ce sont des chances perdues.

J'espère que mes amis réfléchissent sur ce sujet. Le virus n'est que le symptôme. Si l'AGNU est virtuelle cette année, c’est notre faute, à nous, l'humanité. Je ne doute guère que, quelles que soient les circonstances de la transmission, la cause ultime sera l’empiètement incessant de l’humanité sur l’habitat des autres, ce qui rendra de plus en plus probable le passage d’agents pathogènes comme la Covid-19.

Chaque dirigeant mondial devrait s'arrêter et se demander pourquoi c'est le cas. Ils aimeraient peut-être avoir sous la main le rapport des Nations unies sur la biodiversité, qui a été publié la semaine dernière et rapporte qu'aucun des vingt objectifs convenus au niveau international sur les mesures conçues il y a dix ans pour sauvegarder les écosystèmes et protéger la biodiversité n'a été pleinement atteint. Pas un seul.

Le virus n'est que le symptôme. Si l'AGNU est virtuelle cette année, c’est notre faute, à nous, l'humanité.

Cela pourrait donc être un moment de réflexion et de pivot pour l'ONU que, malgré les critiques, il nous faudrait inventer si elle n'existait pas déjà. Le secrétaire général, Antonio Guterres, a déclaré la semaine dernière, lors de son enquête sur l’état du monde: «Les gens souffrent et la planète brûle» – et il a raison sur ces deux points. En conséquence, il a dédié ce sommet particulier à «l'avenir que nous voulons, l'ONU dont nous avons besoin», et tente d’associer la pandémie actuelle et la nécessité d'un plus grand multilatéralisme.

Il mérite notre plein soutien à cet égard. Le fait que seuls 11 des 196 dirigeants qui s'adresseront à l'assemblée sont des femmes démontre qu'il mérite également d'être soutenu sur l'autre grand thème de l'AGNU de cette année: l'égalité des sexes, vitale pour la résolution des conflits et le maintien d’une paix durable, ainsi que sur les réponses à la pandémie qui semblent avoir été les plus efficaces.

Au début de la pandémie, Guterres a appelé à un cessez-le-feu mondial. Il a été l'un des nombreux dirigeants et commentateurs à suggérer qu'une force extérieure neutre mais dangereuse pourrait être habilement utilisée face à tant de conflits douloureux et non résolus dans le monde. Cela donnerait aux parties la possibilité de tirer profit des besoins engendrés par le virus pour se tendre la main, trouver de nouvelles voies pour dialoguer et reconnaître que la meilleure façon de surmonter le défi est de collaborer. Et, si c'est un succès, peut-être pourrions-nous nous rappeler pourquoi nous avons formé l'ONU en premier lieu et, ainsi, trouver une nouvelle voie à travers la nature des conflits qui nous assaillent.

Il y a eu peu de réponses formelles à cet appel, bien que l'engagement de l'ONU en Libye, en Syrie et au Yémen garde au chaud les braises de la résolution. Il n’est pas déraisonnable pour nous de demander à davantage de dirigeants s’adressant à l’ONU cette semaine de répondre à l’appel du secrétaire général.

Je ne doute guère que, quelles que soient les circonstances de la transmission, la cause ultime sera l’empiètement incessant de l’humanité sur l’habitat des autres, ce qui rendra de plus en plus probable le passage d’agents pathogènes comme la Covid-19.

Tout comme l’insouciance de l’humanité vis-à-vis du climat et de l’habitat est à l’origine de cette «colère» de la nature, c’est le préjudice du conflit qui est à l’origine du plus grand nombre de réfugiés et de déplacements de tous les temps et qui menace le monde de nouvelles catastrophes humanitaires.

Alors que nous nous concentrons sur les réponses politiques, on ne prête pas suffisamment attention aux efforts extraordinaires de l’ONU dans les agences qu’elle encourage, qui atténuent non pas l’impact des forces naturelles mais celui des crises non résolues causées par l’homme.

Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi; la directrice exécutive de l'Unicef, Henrietta Fore; David Beasley, du Programme alimentaire mondial; Mark Lowcock, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires; l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui surveille l'accord nucléaire iranien; Achim Steiner, du Programme de développement; et Natalia Kanem, du Fonds des Nations unies pour la population, font tous un travail remarquable.

Mais une part importante de ce travail n’aurait tout simplement pas lieu d’être si les appels de Guterres devenaient les clefs du succès à l’AGNU à compter de cette année et au-delà.

Si la Covid-19 et la fermeture de l’AGNU n’inquiètent pas ceux qui assistent à l’assemblée générale, en ce qui concerne le climat et la biodiversité, et s’ils ne comprennent pas qu’une approche multilatérale est vitale, alors ils doivent se préparer à d’autres AGNU virtuelles à l’avenir.

Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office – sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.

Twitter : @AlistairBurtUK

NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est une traduction d’un article paru sur www.Arabnews.com.