JO de Pékin: des paysans expropriés en colère contre les panneaux solaires

Cette photo prise le 22 octobre 2021 montre des panneaux solaires sur les collines du village de Qu à Baoding dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)
Cette photo prise le 22 octobre 2021 montre des panneaux solaires sur les collines du village de Qu à Baoding dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mardi 21 décembre 2021

JO de Pékin: des paysans expropriés en colère contre les panneaux solaires

  • La Chine veut faire de ces Jeux les premiers entièrement alimentés par des énergies renouvelables. Elle a profité de l'occasion pour construire des dizaines de parcs solaires et éoliens ces dernières années
  • Dans le petit village de Huangjiao, près de Pékin, la famille Long affirme que les deux tiers de ses terres agricoles ont été saisies pour les besoins de l'installation de panneaux solaires

BAODING : Contraints de céder leurs terres pour laisser place à des panneaux solaires, certains battus ou emprisonnés: des paysans en Chine disent faire les frais de la frénésie d'énergies renouvelables à l'approche des JO d'hiver.

La capitale chinoise Pékin et les montagnes de la province environnante du Hebei (nord) accueilleront du 4 au 20 février 2022 près de 2 900 sportifs.

La Chine veut faire de ces Jeux les premiers entièrement alimentés par des énergies renouvelables. Elle a profité de l'occasion pour construire des dizaines de parcs solaires et éoliens ces dernières années.

img 4
Cette photo prise le 22 octobre 2021 montre des panneaux solaires à flanc de colline dans le village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

Dans le petit village de Huangjiao, près de Pékin, la famille Long affirme que les deux tiers de ses terres agricoles ont été saisies pour les besoins de l'installation de panneaux solaires. 

Faute d'avoir retrouvé un niveau de revenus suffisant, elle doit désormais se contenter de brûler des feuilles de maïs et des sacs plastiques pour se chauffer l'hiver. 

img 4
Cette photo prise le 23 octobre 2021 montre une femme brûlant des épis de maïs dans un poêle du village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

"Quand l'entreprise a commencé sa location des terres pour 25 ans, on nous a promis un dédommagement de seulement 1 000 yuans (139 euros) par an et par mu", une unité de mesure chinoise équivalente à 667 m2, explique M. Long.

"Avant, avec la même surface, on pouvait gagner plus du double par an. Faute d'avoir suffisamment de terres et de revenus, je travaille désormais comme ouvrier agricole dans d'autres exploitations", poursuit-il.

«Mafia»

La Chine est le premier producteur mondial d'éoliennes et de panneaux solaires et les Jeux d'hiver sont une occasion de mettre en valeur les technologies chinoises en la matière.

Afin d'assurer une alimentation électrique stable durant les JO, la province du Hebei, autour de Pékin, a construit une centrale qui collecte l'énergie produite par des centaines d'installations solaires et éoliennes de la région.

img 4
Cette photo prise le 23 octobre 2021 montre des moutons paissant entre des panneaux solaires sur une colline du village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

Cette centrale permet de générer quelque 14 milliards de kilowattheures d'électricité par an -- soit l'équivalent de la consommation annuelle de la Slovénie.

Mais l'essor des renouvelables, dans les cas où il est mené aux forceps, peut empoisonner la vie des agriculteurs comme M. Long et son voisin M. Pi.

Selon ce dernier, des habitants du village ont été forcés de signer des contrats, vus par l'AFP, dans lesquels ils s'engagent à louer leurs terres à la State Power Investment Group (SPIC), l'une des cinq plus grandes compagnies d'électricité du pays.

Les récalcitrants ont été battus par la police et "certains ont été hospitalisés, d'autres placés en détention", affirme M. Pi.

img 4
Cette photo prise le 23 octobre 2021 montre le villageois Pi marchant près de panneaux solaires sur une colline du village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

Il dit avoir été emprisonné pendant 40 jours, et son voisin M. Long pendant neuf mois, pour "rassemblement illégal et trouble à l'ordre public" après une manifestation.

"C'est comme une mafia", peste M. Pi. "Plus tu te plains, plus on t'intimide, on t'emprisonne et on te condamne en justice."

«Pas au courant»

L'AFP n'a pas pu confirmer que l'électricité produite sur le site de la SPIC dans le village de Huangjiao sera utilisée pour alimenter les sites olympiques. Et l'entreprise, interrogée, n'a pas souhaiter s'exprimer sur ce point.

Mais les autorités de Zhangjiakou -- la ville qui coorganise les Jeux avec Pékin -- ont déclaré que l'obtention des Jeux a été un catalyseur pour l'essor des énergies renouvelables et permis de faire de la région "la plus grande base d'énergie renouvelable non-hydroélectrique" du pays.

img 4
Cette photo prise le 23 octobre 2021 montre un chemin éclairé par une lumière alimentée par un panneau solaire dans le village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

Les subventions gouvernementales accordées aux parcs éoliens et solaires ont également accéléré la construction de projets de ce type.

Un porte-parole de la SPIC déclare à l'AFP que la société n'est "pas au courant de problèmes liés aux indemnisations" dans le village de Huangjiao.

La Chine a pour objectif de produire 25% de son électricité à partir d'énergies non-fossiles d'ici 2030. 

Pour y parvenir, le pays doit plus que doubler sa capacité actuelle dans l'éolien et le solaire. Les saisies de terres pour y installer panneaux et éoliennes vont donc se généraliser, soulignent les écologistes. 

img 4
Cette photo prise le 23 octobre 2021 montre un agriculteur dans un champ près de panneaux solaires à flanc de colline dans le village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

En septembre, la Chine a annoncé de nouvelles règles strictes d'indemnisation lorsque des terres sont saisies pour des "projets écologiques" comme la production d'électricité à partir de renouvelables.

Partage des bénéfices

"Nos (règles) en matière de zonage précisent clairement que les terres agricoles ne peuvent pas être occupées", déclare Li Dan, une haute responsable de l'Association chinoise de l'économie circulaire, un organisme professionnel officiel qui conseille les autorités en matière de politique écologique.

"C'est une ligne rouge à ne pas franchir." 

Si des terres sont tout de même saisies, un programme de partage des bénéfices avec l'agriculteur doit être mis en place, comme par exemple l'approvisionnement de serres agricoles en électricité gratuite, ajoute Mme Li.

img 4
Cette photo prise le 22 octobre 2021 montre des panneaux solaires sur les collines du village de Huangjiao à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

Mais plusieurs paysans interrogés par l'AFP assurent que certaines de leurs terres agricoles ont été étiquetées "friches" afin de pouvoir contourner les règles.

A quelques kilomètres du site olympique de Zhangjiakou, Xu Wan, un autre agriculteur, dit avoir perdu ses terres, désormais occupées par des panneaux solaires.

"L'entreprise nous a dit qu'il s'agissait de terres impropres à la culture. Mais ce sont toutes de très bonnes terres agricoles", déclare-t-il à l'AFP. 

"On nous a promis 3 000 yuans par mu. Mais on n'a rien eu."

Le fournisseur d'électricité Zhangjiakou Yiyuan New Energy Development, qui a installé les panneaux solaires dans le village de M. Xu, n'a pas répondu aux demandes de commentaires de l'AFP.

«Plus pareil»

Pour prévenir tout conflit lié aux saisies de terres, la Chine a intégré la plupart des projets de fermes solaires dans sa campagne de lutte contre la pauvreté.

Dans ce cadre, les villageois sont notamment censés recevoir gratuitement de l'électricité grâce à des panneaux solaires installés sur leurs toits.

img 4
Cette photo prise le 23 octobre 2021 montre un agriculteur s'occupant de moutons près des éoliennes du village de Caozhuangci à Baoding, dans la province du Hebei (nord de la Chine). (Photo, AFP)

En 2014, une directive gouvernementale ordonnait également aux entreprises de racheter le surplus d'électricité produit par ces panneaux afin de financer un programme visant à sortir deux millions de foyers de la pauvreté d'ici à 2020.

L'Administration nationale de l'énergie a indiqué l'an passé que plus du double en ont finalement bénéficié.

Mais à Huangjiao, qui compte plus de 300 foyers, seuls les toits de deux maisons ont des panneaux solaires. Et des villageois affirment qu'aucun projet d'installation n'est en cours.

L'agriculteur Xu Wan, lui, raconte n'avoir touché aucun revenu du surplus d'électricité produit par ses panneaux.

"Le gouvernement central a de bonnes politiques pour les agriculteurs", déclare M. Pi, du village de Huangjiao.

"Mais pour ce qui est de l'application au niveau du village, ce n'est plus pareil. La corruption au niveau local, c'est intolérable."


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
Short Url
  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Short Url
  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.