Lila Makhlouf: «Dénoncer et alerter à travers des fictions, c’est ce cinéma qui me tente»

Portrait de l’actrice Lila Makhlouf.(Photo fournie)
Portrait de l’actrice Lila Makhlouf.(Photo fournie)
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Publié le Lundi 03 janvier 2022

Lila Makhlouf: «Dénoncer et alerter à travers des fictions, c’est ce cinéma qui me tente»

  • «Par sa confiance, [Akim Isker] m’a donné l’opportunité de montrer une part de ma palette d’interprétation que je ne soupçonnais pas», explique Lila Makhlouf
  • «Je travaille actuellement, avec la réalisatrice Viktoria Videnina, sur un projet de réalisation, un film nécessaire, qui parle des femmes», déclare l’actrice

CASABLANCA : Instantanément, elle brise la glace. Chaleureuse, sourire en bannière, Lila Makhlouf, est une actrice engagée qui tient le haut de l’affiche du téléfilm au succès retentissant, L’enfant de personne d’Akim Isker, récompensé par une pluie de prix et inspiré de la vie de l’auteur Lyes Louffok. Le sujet consacré aux enfants placés en foyers en France a suscité le débat sur France 2 à l’issue de sa diffusion. Entière, cette comédienne franco-algérienne a débuté sous la direction de Tony Gatlif dans Exils, primé au 57e Festival de Cannes présidé par Quentin Tarantino. Entretien inspiré.

Comment avez-vous abordé le rôle complexe d’une mère en souffrance psychologique dans le téléfilm L’Enfant de personne, réalisé par Akim Isker et inspiré de l’histoire vraie que Lyes Louffok raconte dans son roman Dans l’enfer des foyers?

L’Enfant de personne, réalisé par Akim Isker et inspiré de l’histoire vraie que Lyes Louffok raconte dans son roman Dans l’enfer des foyers. (Photo fournie)
L’Enfant de personne, réalisé par Akim Isker et inspiré de l’histoire vraie que Lyes Louffok raconte dans son roman Dans l’enfer des foyers. (Photo fournie)

Le sujet du film et l’histoire de Lyes Louffok m’ont bouleversé, au point que j’en ai pleuré. Peu de personnes qui ont vécu une enfance aussi douloureuse se sont exprimées sur ce sujet grave à travers une fiction ou un livre. J'ai ressenti une grande injustice. Chaque âme a sa propre histoire, avec ses douleurs, ses blessures. En témoigner du plus profond de son âme, c'est guérir.

Peu importe le rôle que j’avais à jouer: je devais m’impliquer dans ce film poignant, engagé, qui révèle au grand public le caractère monstrueux de ce que subissent de nombreux enfants. Durant le casting, j'ai essayé de lâcher prise, de m'abandonner, de m’oublier, de ne penser qu’à tous ces enfants malheureux. Je voulais être présente, engagée, défendre ce rôle.

Le réalisateur, Akim Isker, a été pour moi d’un grand soutien. Par sa confiance, il m’a donné l’opportunité de montrer une part de ma palette d’interprétation que je ne soupçonnais pas. Il a été bienveillant, très à l’écoute et proche de ses comédiens lors du tournage.

Akim Isker est un grand cinéaste, qui possède une humilité rare. Il est parvenu à mettre en lumière un sujet terrible avec l’adaptation de cette histoire vraie, incarnée par des acteurs formidables. Il a d’ailleurs choisi des enfants en difficulté, issus de foyers, à qui il a demandé de jouer leurs propres rôles.

« L’Enfant de personne ravive la question, sensible en France, des enfants placés. » (Photo fournie)
«L’Enfant de personne ravive la question, sensible en France, des enfants placés.» (Photo fournie)

Votre lien avec le héros enfant qui incarne votre fils est frappant de réalisme…

Oui, on me l’a souvent fait remarquer! Yassine Chorfa, Abdelmajid Guemri et Moncef Farfar incarnent Lyes Louffok à différents âges de sa vie. Ils sont incroyablement talentueux. Ils ont d’ailleurs été récompensés par le Prix du meilleur espoir masculin au festival de La Rochelle. Je suis très fière de les avoir rencontrés et d’avoir travaillé à leurs côtés durant ce tournage, au sein d’une équipe pleine de solidarité et de bienveillance.

L’Enfant de personne ravive la question, sensible en France, des enfants placés. Un débat animé, en présence de Lyes Louffok, a suivi sa diffusion sur France 2…

C’est un être de lumière, un hypersensible, un militant déterminé qui a su trouver la force et le courage de mener le combat pour lui, mais surtout pour les autres. Aujourd’hui, il est éducateur spécialisé. C'est une personne exceptionnelle, qui dit les choses du plus profond de son âme.

À 18 ans, j’ai voulu prendre des cours de théâtre afin de devenir comédienne. ( Photo fournie)
À 18 ans, j’ai voulu prendre des cours de théâtre afin de devenir comédienne. (Photo fournie)

Vos débuts ont été marqués par votre interprétation dans le film Exils de Tony Gatlif…

C’est une histoire très drôle. À 18 ans, j’ai voulu prendre des cours de théâtre afin de devenir comédienne. Je ne connaissais personne dans ce milieu. J’ai commencé à faire des recherches sur Internet. J’ai appris l’existence du Cours Florent (je n'en avais jamais entendu parler): on y citait une liste d’acteurs célèbres. D’emblée, cela m’a convaincue. Le prix était élevé, mais je me suis débrouillée pour m’inscrire. Si les premières semaines ont été très intéressantes, et enrichissantes, je ne me sentais pas à ma place, car je trouvais l’ambiance malveillante.

Un jour, quand je suis arrivée dans le hall, de nombreuses personnes étaient présentes pour participer au casting d’un grand film. Une amie m’a suggéré de m’inscrire et d’attendre avec elle. Je revenais de mon cours de boxe, j’étais habillée d’un jogging et d’une paire de baskets orange, j’avais les cheveux en pétard; je n’étais ni présentable ni prête pour une audition. Au moment de partir, une voix au loin m’a adressé les mots suivants: «Vous, là-bas, avec les baskets orange, venez vous inscrire pour vous présenter!» C’était Ève Guillou, la directrice du casting du film Exils. Elle a voulu connaître mon âge, mes origines et elle m’a demandé si je savais parler arabe. Deux semaines plus tard, elle me rappelait pour m’annoncer que j’étais prise! (Sourire)

« Si les premières semaines ont été très intéressantes, et enrichissantes, je ne me sentais pas à ma place ».(Photo fournie)
« Si les premières semaines ont été très intéressantes, et enrichissantes, je ne me sentais pas à ma place ». (Photo fournie)

Exils, réalisé en Algérie, a permis à Tony Gatlif de retourner dans son pays natal et de renouer ainsi avec ses racines, quarante-trois ans après. Ce film a été récompensé par le Prix de la mise en scène lors du 57e Festival de Cannes, présidé par Quentin Tarantino. Que retenez-vous de sa présentation sur la Croisette?

Exils a été accueilli par une longue standing ovation. Lors de la cérémonie de clôture, Tony, le producteur et les acteurs principaux, Romain Duris et Lubna Azabal, étaient réunis. Avec le reste de l'équipe, nous attendions dans une suite de l’hôtel Majestic. Le stress et l'impatience étaient palpables.

À l’annonce du Prix de la mise en scène, des cris de joie et des embrassades ont fusé. Puis j’ai pris l’ascenseur et j’ai rejoint l’ensemble de l'équipe de tournage à une soirée spécialement organisée pour cette distinction. L’ascenseur est resté bloqué plus d’un quart d’heure, et il s’est arrêté au rez-de-chaussée. Il s’est ouvert face à un homme immense: Quentin Tarantino. Il m’a reconnue et m’a félicitée! J’étais surprise et très intimidée. Cela a été pour moi, à 19 ans, une grande victoire, une satisfaction et une reconnaissance. De retour à Paris, le cœur plein de joie, j'ai poursuivi ma voie.

« C’est ce cinéma qui me tente: l’humain, la réalité, le fait de dénoncer et d’alerter à travers des fictions« .( Photo fournie )
« C’est ce cinéma qui me tente: l’humain, la réalité, le fait de dénoncer et d’alerter à travers des fictions ». ( Photo fournie)

Que faites-vous lorsque vous n’êtes pas en tournage?

Passionnée d’architecture et de décoration, je suis professeure de yoga et j'organise des retraites de bien-être qui associent le yoga et la méditation à travers l’association Thera-Yoga. Il s’agit d’une part essentielle de ma vie; j’accompagne et j’écoute ceux qui en ressentent le besoin.

Avez-vous envie de passer à la réalisation?

Oui. C’est ce cinéma qui me tente: l’humain, la réalité, le fait de dénoncer et d’alerter à travers des fictions. Je travaille actuellement, avec la réalisatrice Viktoria Videnina, sur un projet de réalisation, un film nécessaire, qui parle des femmes.


France 2 dupé par un humoriste dans son JT

France 2 a annoncé mardi soir avoir été trompé par un "humoriste adepte de canulars", qui s'était fait passer pour un consommateur adepte de coupons de réduction dans le journal de 20H de la chaîne publique diffusé lundi. (AFP)
France 2 a annoncé mardi soir avoir été trompé par un "humoriste adepte de canulars", qui s'était fait passer pour un consommateur adepte de coupons de réduction dans le journal de 20H de la chaîne publique diffusé lundi. (AFP)
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  • "Nous tenions à vous signaler qu'hier, lors de notre reportage sur les bons plans et les promotions dans les supermarchés, l'une des personnes interviewées a trompé une de nos journalistes en falsifiant son identité"
  • "Il s'agissait en fait d'un humoriste adepte de canulars", a-t-elle ajouté. Le 20H de France 2 a posté un message similaire sur le réseau social X

PARIS: France 2 a annoncé mardi soir avoir été trompé par un "humoriste adepte de canulars", qui s'était fait passer pour un consommateur adepte de coupons de réduction dans le journal de 20H de la chaîne publique diffusé lundi.

"Nous tenions à vous signaler qu'hier, lors de notre reportage sur les bons plans et les promotions dans les supermarchés, l'une des personnes interviewées a trompé une de nos journalistes en falsifiant son identité", a déclaré la présentatrice Léa Salamé lors du journal de 20H mardi.

"Il s'agissait en fait d'un humoriste adepte de canulars", a-t-elle ajouté. Le 20H de France 2 a posté un message similaire sur le réseau social X.

Le sujet en question du journal télévisé, intitulé "Les champions des promos", n'était plus visible en streaming sur le site de Franceinfo mardi soir mais faisait la part belle à un certain "Arnaud Rolland".

Filmé dans les rayons d'un supermarché, classeur de coupons de réduction à la main, ce trentenaire se félicitait en caisse d'avoir économisé trois euros, sous le regard envieux d'une autre cliente. La séquence se clôturait dans son appartement: "A la fin du mois quand je fais mes comptes, je sais que je suis gagnant".

Il s'agissait en fait de l'humoriste "Mehdi tu connais", adepte de canulars en tous genres sur les réseaux sociaux, qui a posté des extraits de la vidéo sur Instagram et TikTok sous l'intitulé "Je prank le JT de 20h00".

Dans un tout autre registre, France Télévisions avait présenté des excuses en octobre pour une fausse affirmation répétée dans deux de ses JT sur France 2, où il avait été dit par erreur que le professeur de lettres Dominique Bernard avait été tué en 2023 après avoir "montré des caricatures de Charlie Hebdo". Il s'agissait d'une confusion avec la mort du professeur Samuel Paty.


Le Red Sea International Film Festival : les prétendants aux prix — Partie 1

Une image tirée du film « Yunan », en compétition au festival. (Fourni)
Une image tirée du film « Yunan », en compétition au festival. (Fourni)
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  • Une première sélection de films internationaux explore l’exil, la mémoire, les liens familiaux et les traumatismes, du réalisme poétique à l’horreur
  • Cette première partie met en avant des auteurs du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique, illustrant la diversité créative du RSIFF 2024

DUBAÏ : Voici la première partie de notre aperçu des films en compétition lors de l’édition de cette année du Red Sea International Film Festival à Djeddah, qui se tient du 4 au 13 décembre.

‘Yunan’

Réalisateur : Ameer Fakher Eldin
Avec : George Khabbaz, Hanna Schygulla, Ali Suliman

Deuxième volet de la trilogie sur l’exil imaginée par le cinéaste syrien Ameer Fakher Eldin, le film suit Munir, un écrivain syrien installé en Allemagne, accablé par le poids mental de son déracinement. Il se rend sur de petites îles isolées, où il envisage le suicide. « Le personnage est né d’une exploration profonde de la condition humaine », confiait Fakher Eldin à Arab News en avril. « Je voulais sonder cette bataille silencieuse que nous menons en nous. Je viens du Golan occupé. Je ne suis pas parti à cause de la guerre — la frontière a été déplacée, me laissant déplacé. J’ai donc grandi en exil sans avoir été forcé de partir… Mon approche consistait à anatomiser l’esprit de l’exilé, en me connectant aux aspects universels de la perte, de la désillusion et de la quête de sens. »

‘Two Seasons, Two Strangers’

Réalisateur : Sho Miyake
Avec : Shim Eun-Kyung, Yuumi Kawai, Shinichi Tsutsumi

Le réalisateur japonais, lauréat du premier prix au Festival de Locarno, signe un délicat drame inspiré de deux œuvres du mangaka culte Yoshiharu Tsuge : Mr. Ben and His Igloo et A View of the Seaside. Miyake présente son histoire comme un film dans le film. Le premier récit suit Natsuo et Nagisa, deux solitaires en quête de lien dans une petite ville côtière. Ce film est écrit par Li, une cinéaste coréenne installée au Japon qui projette dans ses personnages ses propres sentiments d’errance. Pour « s’éloigner des mots », elle part dans une auberge de montagne reculée, où elle rencontre Benzo, un divorcé cynique.

‘Truck Mama’

Réalisatrice : Zippy Nyaruri
Avec : Evaline Wambua Mutuku

La cinéaste kényane Zippy Nyaruri a mis plusieurs années à réunir les fonds nécessaires pour achever ce documentaire consacré à Eva, mère célibataire et conductrice de poids lourds sur de longues distances. Elle doit affronter non seulement un métier dominé par les hommes, mais aussi les routes dangereuses d’Afrique de l’Est. Quand son camion tombe en panne entre le Kenya et le Soudan, « Eva doit puiser en elle toutes ses forces et est même contrainte de repenser son avenir », indique le synopsis.

‘Roqia’

Réalisateur : Yanis Koussim
Avec : Ali Namous, Akram Djeghim, Mostefa Djadjam

Dans Roqia, le réalisateur algérien affronte les traumatismes de sa jeunesse durant la Décennie noire — la guerre civile qui a duré de 1992 à 2002. Sans surprise, c’est un film d’horreur. L’histoire s’ouvre en 1993. Ahmed se remet d’un accident de voiture qui l’a laissé amnésique. Son village natal et même sa famille lui paraissent étrangers. Et il ignore pourquoi son index droit manque. Dans la temporalité contemporaine du film, on découvre un vieil exorciste musulman… lui aussi privé de son index droit. « Quand on ne traite pas les traumatismes vécus par les Algériens, peut-être que ce qui les a causés revient — non pas comme une menace, mais en arrière-plan », expliquait Koussim à GQ Middle East. « Il faut travailler sur ce traumatisme. Roqia n’apporte pas une solution, mais expose le problème. »

‘The World of Love’

Réalisatrice : Yoon Ga-Eun
Avec : Seo Su-Bin, Chang Hyae-Jin, Kim Jeong-Sik

Le drame de la cinéaste coréenne suit Lee Jooin, lycéenne de 17 ans dont un accès de colère provoque des répercussions inattendues sur son entourage — et sur elle-même. Après avoir réalisé deux films « en première personne » où le protagoniste apparaissait dans chaque scène, Yoon a expliqué à Variety que son nouveau projet « tentait une méthode d’observation à distance, une perspective en troisième personne », donnant à voir ce que font les autres personnages quand la protagoniste agit, et comment ces actions se répondent.

‘The Stories’

Réalisateur : Abu Bakr Shawky
Avec : Amir El-Masry, Nelly Karim, Valerie Pachner

Décrit par le RSIFF comme « un hommage vif et authentique à l’Égypte », le film s’inspire de la relation entre le père égyptien et la mère autrichienne du réalisateur — relation née d’un échange de correspondance dans les années 1960 (les parents apparaissent d’ailleurs dans le film). « C’est l’histoire de mondes qui se percutent, de mondes qui se rencontrent », expliquait Shawky au Hollywood Reporter. « C’est l’histoire de petites victoires et de petites gens qui tentent de faire de grandes choses. »

‘Sink’

Réalisatrice : Zain Duraie
Avec : Clara Khoury, Mohammad Nizar, Wissam Tobeileh

Le premier long-métrage de la réalisatrice jordanienne a été décrit par le Festival international du film de Toronto comme « un portrait magnifique d’une mère aux prises avec l’effondrement mental de son fils adolescent ». Tandis que le comportement de Basil lui vaut d’être expulsé de l’école et isolé socialement, sa mère Nadia refuse d’abandonner.

‘Nighttime Sounds’

Réalisateur : Zhang Zhongchen
Avec : Aline Chen, Gu Hanru, Li Yanxi

Le cinéaste autodidacte chinois a été salué dans son pays pour son mélange de surréalisme, de réalisme magique et de poésie. Qing, huit ans, vit avec sa mère dans un village rural paisible, tandis que son père travaille dans une ville lointaine. Un matin, elle rencontre un « enfant fantôme » à la recherche de sa mère disparue. « À travers des images oniriques et une bande-son envoûtante… Zhongchen tisse un puissant récit sur la mémoire, le manque, et les silences transmis d’une génération de femmes à l’autre », indique le synopsis du festival.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Monte Carlo Doualiya sort des sentiers battus: une semaine de programmation spéciale sur le royaume d’Arabie

Pour la rédaction, cette « semaine saoudienne » n’était pas seulement une opération médiatique : elle répondait à un besoin concret de sortir des clichés, dépasser les préjugés et offrir au public de la radio arabophone un contenu à la fois informatif, vivant et nuancé. (AFP)
Pour la rédaction, cette « semaine saoudienne » n’était pas seulement une opération médiatique : elle répondait à un besoin concret de sortir des clichés, dépasser les préjugés et offrir au public de la radio arabophone un contenu à la fois informatif, vivant et nuancé. (AFP)
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  • Pour la direction de Monte Carlo Doualiya, le pari était simple : aller au plus près, voir, écouter, comprendre, et surtout raconter
  • La radio ne s’est pas contentée de commenter à distance : elle a dépêché une mission sur le terrain pour enquêter, sentir l’atmosphère, rencontrer ceux qui incarnent le nouveau visage du pays

PARIS: Il arrive qu’une initiative médiatique crée une véritable brèche dans les habitudes ou ouvre une fenêtre sur un monde encore méconnu ou mal compris.
Cela pourrait être le cas de la radio Monte Carlo Doualiya (MCD), un média public français arabophone qui a choisi de consacrer, pendant une semaine, une programmation spéciale à l’Arabie saoudite.
Cette décision audacieuse est presque inédite dans le paysage audiovisuel français, où le royaume reste souvent perçu à travers des prismes partiels ou des récits convenus.

« De Riyad à AlUla, Monte Carlo Doualiya révèle une Arabie saoudite en pleine métamorphose.»

Pour la direction de Monte Carlo Doualiya, le pari était simple : aller au plus près, voir, écouter, comprendre, et surtout raconter.
Les transformations du royaume depuis le lancement de la Vision 2030 sont considérables, mais elles restent souvent mal connues, d’où l’idée d’une immersion totale.
La radio ne s’est pas contentée de commenter à distance : elle a dépêché une mission sur le terrain pour enquêter, sentir l’atmosphère, rencontrer ceux qui incarnent le nouveau visage du pays.

Le résultat ? Un enthousiasme communicatif, porté par la surprise d’une Arabie saoudite qui change à une vitesse vertigineuse, dynamisée par une jeunesse que personne ne peut plus ignorer.
Pendant sept jours, émissions spéciales, reportages, débats, chroniques culturelles et entretiens exclusifs depuis Riyad, Djeddah, AlUla et Dhahran se sont succédé (du 24 au 30 novembre).

Pour la rédaction, cette « semaine saoudienne » n’était pas seulement une opération médiatique : elle répondait à un besoin concret de sortir des clichés, dépasser les préjugés et offrir au public de la radio arabophone un contenu à la fois informatif, vivant et nuancé.
L’équipe a voulu montrer l’Arabie saoudite telle qu’elle est aujourd’hui, et non telle qu’elle était hier.

Pour cela, le journaliste Atif Ali Salih a arpenté Riyad, ses quartiers futuristes, ses centres culturels, ses universités, ses cafés fréquentés par des jeunes qui débattent d’art, de cinéma, d’intelligence artificielle ou d’entrepreneuriat.
Ce qu’il en a rapporté : une série d’entretiens et de récits où dominent l’énergie, l’appétit de modernité et l’émergence de nouveaux visages, surtout féminins.

Répondant à Arab News en français, Ali Salih reconnaît avoir été surpris par ce qu’il a découvert : « Riyad donne le tournis », confie-t-il. « Tout va vite. Très vite. On sent un pays qui ne veut surtout pas rater sa décennie. »
Ce qui l’a surtout frappé, ce n’est pas tant la verticalité des nouveaux quartiers que la vitalité de ceux qui les habitent.

« Loin des clichés, un pays jeune, dynamique et résolument tourné vers l’avenir se dévoile. »

Il raconte ses rencontres avec de jeunes Saoudiennes dirigeant des start-up technologiques, des studios de design, des associations culturelles ou des projets artistiques. Beaucoup n’ont pas encore trente ans, parlent anglais couramment, et surtout, veulent participer au mouvement qui redéfinit leur pays.
Dans les cafés modernes de Riyadh Boulevard et les espaces de coworking, il dit avoir été impressionné par la liberté de ton, l’assurance et la soif d’apprendre.
« On a souvent une image figée des femmes saoudiennes, mais j’ai rencontré des ingénieures, des productrices, des développeuses, des conservatrices de musée… Elles se projettent loin, très loin, et regardent l’avenir droit dans les yeux. »

L’un des aspects les plus marquants de la semaine saoudienne a été la mise en lumière de l’effervescence culturelle : concerts gigantesques, expositions internationales, festivals de cinéma, bibliothèques ouvertes jusqu’à minuit… Le pays connaît un véritable renouveau artistique et culturel.
Cette métamorphose a été au cœur des émissions, avec des interviews de jeunes acteurs culturels saoudiens et des reportages réalisés dans les nouveaux musées de Riyad.

Ce qui ressort, c’est l’idée d’une génération — surtout féminine — impatiente de rattraper le temps perdu, une génération qui ne demande pas la permission d’exister, mais qui agit. Et cela, selon Ali Salih, « se voit, s’entend, se ressent ».

Cette semaine spéciale, au ton équilibré, curieux mais jamais condescendant, constitue une passerelle entre deux rives, en offrant aux Franco-Arabes et à tous ceux qui s’intéressent au Moyen-Orient un regard neuf et vivant sur l’Arabie saoudite d’aujourd’hui.
Ce type d’initiative, rare dans le paysage médiatique français, montre que la curiosité n’est jamais un luxe, mais une nécessité.

À l’issue de cette plongée saoudienne, la directrice de Monte Carlo Doualiya, Souad El Tayeb, assure à Arab News : « On reviendra. » Les portes se sont ouvertes, les liens se sont tissés, les idées ont fusé.
Au fond, dit-elle, c’est cela, la réussite de cette initiative inédite : « transformer la découverte en dialogue, et la curiosité en pont durable entre les sociétés ».

Seul bémol pour El Tayeb : MCD, qui diffuse sur FM, n’est pas écoutée en Arabie saoudite. Mais, se réjouit-elle, elle est largement suivie par les jeunes Saoudiens sur les réseaux sociaux.