Liban: le tournant décisif de l’élection présidentielle

La majorité des forces politiques libanaises seraient en faveur de l’élection d’un nouveau président indépendant, qui se positionnerait à égale distance des forces représentées au Parlement, de quoi trancher vif avec le président Aoun allié du Hezbollah. (Photo, AFP)
La majorité des forces politiques libanaises seraient en faveur de l’élection d’un nouveau président indépendant, qui se positionnerait à égale distance des forces représentées au Parlement, de quoi trancher vif avec le président Aoun allié du Hezbollah. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 11 janvier 2022

Liban: le tournant décisif de l’élection présidentielle

Liban: le tournant décisif de l’élection présidentielle
  • L’année 2022 s’annonce comme étant l’année de tous les dangers au Liban
  • Nul ne serait prêt à céder en faveur d’un deal qui consoliderait la mainmise du Hezbollah sur la présidence de la république à travers M. Aoun ou son gendre

En ce début 2022, année charnière au Liban, où sont programmées deux échéances électorales majeures, les élections parlementaires prévues pour le mois de mai, et la présidentielle en octobre, une question se pose: le Hezbollah pro-iranien serait-il en mesure de gagner ces deux élections, afin de garder sa mainmise sur l’État libanais? 

Tout d’abord il faut se rappeler que le Hezbollah avait réussi en 2016, en usant de la pression sécuritaire qu’il avait maintenue depuis l’assassinat de l’ex-Premier ministre, Rafic Hariri, en 2005 sur ses opposants, notamment la coalition des forces du «14 mars», à leur forcer la main afin qu’ils adhèrent à un compromis qui finira par faire élire le chef du Courant patriotique libanais chrétien (CPL) à la présidence de la république. 

En contrepartie, le chef du Courant du futur sunnite, Saad Hariri, était assuré de revenir au poste de Premier ministre pour la durée du mandat de M. Aoun. Le parti des Forces libanaises (FL), principale rival chrétien du CPL, avait lui aussi signé un deal avec le parti de M. Aoun qui lui promettait un partage des nominations aux postes réservés aux chrétiens. En octobre 2016, le Hezbollah avait gagné la manche: tous les partis qui lui opposaient une résistance farouche avaient fini par céder en acceptant de soutenir M. Aoun pour la présidence de la république. 

Dix-huit mois passent et les élections parlementaires de mai 2018 se soldent par l’avènement d’une nouvelle majorité, composée du Hezbollah et de ses alliés. Soixante-quinze sièges des cent vingt-huit qui forment le Parlement seront remportés par la coalition des partis conduis par le Hezbollah. On se rappellera bien longtemps la fameuse déclaration faite par l’ex-chef de la «Brigade al-Qods» iranienne, Qassem Soleimani, se vantant d’avoir la majorité de soixante-quinze députés au sein du Parlement libanais. Rien ne sera plus comme avant, après ces élections qui donneront au Hezbollah, la main haute au sein de l’appareil d’État libanais.
 

En empêchant l’actuel président de prolonger son mandat, en barrant la route du palais présidentiel à son gendre, et en élisant un nouveau président indépendant du Hezbollah, le Liban pourrait espérer reprendre le chemin du rétablissement de l’État de droit

Ali Hamade

La présidence de la république, celle du Parlement ainsi que la majorité au gouvernement seront dorénavant sous la coupe de la milice pro-iranienne, et ce jusqu’aujourd’hui. 
L’année 2022 s’annonce comme étant l’année de tous les dangers au Liban. Les élections parlementaires prévues pour le mois de mai pourraient être ajournées si le président Aoun et sa formation politique se voient risquer d’y subir une défaire cuisante. Le Hezbollah serait contraint de voler au secours de son seul allié de taille sur tout l’échiquier politique. En effet, on assiste à un phénomène nouveau; la milice pro-iranienne, pourtant forte de sa puissance militaire, se trouve, à l’exception du CPL affaibli du président Aoun, sans véritables alliés au Liban. 

Un sentiment de trop-plein se propage au sein de l’opinion publique non chiite. Les principaux partis politiques qui avaient composé ces dernières années avec le Hezbollah se sont retirés. Tous sans exception critiquent ouvertement la milice. Et nul n’envisage de renouveler le deal de 2016. Le président Aoun ne jouirait d’aucun soutien politique au cas où il envisagerait de prolonger son mandat. L’idée même que son gendre, Gebran Bassil, lui succède à travers un nouveau deal est inconcevable, même s’il a l’appui du parti armé. 

Nul ne serait prêt à céder en faveur d’un deal qui consoliderait la mainmise du Hezbollah sur la présidence de la république à travers M. Aoun ou son gendre. La majorité des forces politiques libanaises seraient en faveur de l’élection d’un nouveau président indépendant, qui se positionnerait à égale distance des forces représentées au Parlement, de quoi trancher vif avec le président Aoun allié du Hezbollah, qui a aidé par son alignement sur la milice pro-iranienne à lui faciliter la tâche de s’emparer du pouvoir réel au Liban.

En empêchant l’actuel président de prolonger son mandat, en barrant la route du palais présidentiel situé sur la colline de Baabda surplombant la capitale Beyrouth à son gendre, et en élisant un nouveau président indépendant qui ne ferait pas parti du «club» des présidentiables proches du Hezbollah, le Liban pourrait espérer reprendre le chemin de l’indépendance, et du rétablissement de l’État de droit, tant attendu.
 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.

Twitter: @AliNahar

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.