Ethiopie: les rebelles tigréens accusent le gouvernement d'avoir tué des dizaines de civils

Les rebelles du Tigré ont accusé samedi l'Ethiopie d'avoir tué des dizaines de personnes dans un camp de déplacés du nord du pays en guerre (Photo, AFP).
Les rebelles du Tigré ont accusé samedi l'Ethiopie d'avoir tué des dizaines de personnes dans un camp de déplacés du nord du pays en guerre (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 09 janvier 2022

Ethiopie: les rebelles tigréens accusent le gouvernement d'avoir tué des dizaines de civils

  • Plusieurs personnalités de l'opposition éthiopienne ont été libérées samedi, après une amnistie inattendue décrétée la veille par le gouvernement à d'importants détenus
  • L'accès au Tigré est restreint et les communications restent coupées dans la région

NAIROBI: Les rebelles du Tigré ont accusé samedi l'Ethiopie d'avoir tué des dizaines de personnes dans un camp de déplacés du nord du pays en guerre, au moment où le gouvernement montrait des signes d'ouverture en faveur d'une "réconciliation nationale".

Plusieurs personnalités de l'opposition éthiopienne ont été libérées samedi, après une amnistie inattendue décrétée la veille par le gouvernement à d'importants détenus politiques, dont des dirigeants du parti tigréen.

L'annonce surprise de l'amnistie est intervenue après un appel à "la réconciliation nationale" lancé vendredi à l'occasion de la célébration du Noël orthodoxe par le Premier ministre Abiy Ahmed, dont le pays est déchiré depuis 14 mois par un conflit entre le gouvernement fédéral et les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

Mais samedi, le porte-parole du TPLF, Getachew Reda, a déclaré sur Twitter qu'une attaque de drone contre un camp de déplacés "a coûté la vie à 56 civils innocents", selon un bilan provisoire, dans la petite ville de Dedebit, dans le nord-ouest du Tigré.

Ces allégations n'ont pas pu être vérifiées de manière indépendante et les responsables du gouvernement éthiopien n'ont pas répondu pour le moment aux sollicitations de l'AFP. L'accès au Tigré est restreint et les communications restent coupées dans la région.

Toutefois, un responsable de l'hôpital principal de Mekele, la capitale du Tigré, a déclaré à l'AFP que l'hôpital de la ville de Shire, où les victimes ont été évacuées, avait fait état de 55 morts et 126 blessés.

M. Getachew n'a pas précisé quand l'attaque avait eu lieu.

Trois autres personnes ont été tuées dans un raid aérien sur un camp de réfugiés de la région, avait rapporté l'ONU cette semaine.  

Les combattants du TPLF se sont repliés fin décembre dans leur fief de la région la plus septentrionale du Tigré face à une offensive militaire des forces gouvernementales, qui ont repris le contrôle d'une série de villes stratégiques.

Les affrontements ont connu une accalmie depuis la retraite du TPLF, bien que les rebelles accusent le gouvernement de continuer à mener des frappes meurtrières de drones sur le Tigré.

Unité

Le TPLF a pris les armes depuis que le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 l'armée fédérale au Tigré pour en destituer les autorités régionales - issues du TPLF - qui contestaient son autorité et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires.

Une contre-offensive du TPLF a permis aux rebelles de reconquérir fin juin 2021 l'essentiel de la région et de progresser dans celles voisines de l'Amhara et de l'Afar.

Ils ont affirmé en novembre être arrivés à 200 km d'Addis Abeba.

Le conflit a fait des milliers de morts. Le Tigré, soumis selon l'ONU à un "blocus de facto" de l'aide humanitaire, manque de nourriture et de médicaments.

M. Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix, a également appelé vendredi à "l'unité". Mais samedi il a de nouveau fustigé les "ennemis étrangers et internes", qualifiant le TPLF de "serpents".  

Selon le gouvernement, l'objectif de l'amnistie est "d'ouvrir la voie à une solution durable aux problèmes de l'Ethiopie". "La clé d'une unité durable est le dialogue", ajoute son communiqué, où sont énumérés les noms de plusieurs dirigeants de l'opposition, mais aussi de membres importants du TPLF.  

Geste important

Il n'était pas possible de savoir si le gouvernement avait proposé des négociations au TPLF, parti qui a dirigé de fait l'Ethiopie pendant trois décennies jusqu'à ce que M. Abiy prenne le pouvoir en 2018, et désormais considéré comme un groupe "terroriste" par Addis Abeba.  

L'amnistie a été saluée par les Nations unies et l'Union africaine, fers de lance des efforts internationaux pour mettre fin au conflit.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a déploré l'attaque du camp des déplacés, estimant que "toutes les parties doivent saisir l'occasion de mettre rapidement fin au conflit et d'entamer le dialogue", a-t-il ajouté.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), lui-même originaire du Tigré, a ajouté sur Twitter : "Après plus d'un an de siège, sept millions de personnes au Tigré (...) continuent de subir des attaques de drones (...) Maintenant plus que jamais, la paix et l'accès à l'acheminement de l'aide humanitaire doivent rapidement remplacer la violence, la mort."

Le nombre de détenus libérés n'est pas connu pour le moment. Le parti Balderas a annoncé la libération de son fondateur, Eskinder Nega, une figure de l'opposition.

Dans la liste des personnalités nommées figure aussi l'ancien magnat des médias Jawar Mohammed, membre du Congrès fédéraliste oromo. Ancien allié de M. Abiy - lui-même oromo, l'ethnie la plus nombreuse du pays -, M. Jawar était devenu un de ses plus farouches détracteurs.  

Comme M. Eskinder, M. Jawar avait été arrêté en juillet 2020 avec d'autres figures de l'opposition, après une flambée de violences déclenchée par le meurtre, à Addis Abeba le mois précédent, d'un très populaire chanteur, Hachalu Hundessa. 


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.


Royaume-Uni: Premiers migrants arrêtés avant leur expulsion vers le Rwanda, d'autres campent à Dublin

Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda  (Photo, AFP).
Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda (Photo, AFP).
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  • L'adoption d'une loi permettant l'expulsion des migrants vers le Rwanda a déclenché leur départ du Royaume-Uni
  • Une centaine de tentes ont poussé devant l'Office, depuis que le gouvernement irlandais a cessé il y a quelques mois de fournir un hébergement aux demandeurs d'asile

LONDRES: Les premiers migrants susceptibles d'être expulsés par le Royaume-Uni vers le Rwanda ont été arrêtés et placés en détention, a annoncé mercredi le ministère britannique de l'Intérieur, sans préciser le nombre de personnes concernées.

"Les premiers migrants en situation irrégulière devant être expulsés vers le Rwanda ont été placés en détention à la suite d'une série d'opérations menées cette semaine à l'échelle nationale", écrit le Home Office dans un communiqué.

Davantage d'arrestations "devraient être menées dans les semaines à venir", a-t-il ajouté.

"Cette action est un élément clé du plan visant à assurer des vols vers le Rwanda dans les neuf à onze semaines à venir", a poursuivi le ministère.

Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak a promis de mettre un terme aux traversées de la Manche par les migrants clandestins.

Le Parlement a adopté la semaine dernière une loi très controversée permettant d'expulser vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

Leur demande d'asile sera examinée dans ce pays d'Afrique de l'Est et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l'issue de leur démarche.

Le gouvernement compte commencer les expulsions au début de l'été et espère qu'elles dissuaderont d'autres migrants de venir au Royaume-Uni.

Cette politique "montrera clairement que si vous venez ici illégalement, vous ne pouvez pas rester", redit le ministère de l'Intérieur dans son communiqué.

"Nos équipes (...) travaillent à un rythme soutenu pour arrêter rapidement les personnes qui n'ont pas le droit d'être ici, afin que nous puissions faire décoller les vols", a déclaré le ministre de l'Intérieur James Cleverly, cité dans le communiqué.


L'ONG HRW critique l'application mobile pour demander l'asile à la frontière mexicano-américaine

Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières
  • Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application

WASHINGTON: L'obligation pour les demandeurs d'asile aux Etats-Unis d'obtenir un rendez-vous sur une application mobile avant de se présenter à la frontière avec le Mexique livre les migrants à la violence des cartels, déplore mercredi Human Rights Watch (HRW).

Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières ou s'être vu refuser l'asile dans un des pays traversés. Autrement, leur demande est présumée illégitime et ils risquent une procédure d'expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l'entrée aux Etats-Unis.

Cette réglementation fait suite à la levée par l'administration du président démocrate Joe Biden d'une mesure de son prédécesseur républicain Donald Trump qui verrouillait depuis trois ans l'accès au territoire américain.

"Mais un résultat pratique reste le même pour les demandeurs d'asile", affirme HRW dans un rapport publié mercredi : pendant de longues semaines, voire des mois, "ils sont forcés d'attendre dans le nord du Mexique, ainsi que dans beaucoup d'autres villes ailleurs au Mexique par lesquelles transitent les migrants".

Systématiquement visés 

Ils y sont "systématiquement visés par les cartels qui, parfois avec l'aide de responsables des autorités mexicaines, les enlèvent, les rackettent, les agressent sexuellement et les dévalisent", énumère l'ONG.

L'exigence de prise de rendez-vous sur l'application crée un "filtrage numérique", qui livre "aux cartels une population vulnérable", selon le rapport, établi à partir d'interviews avec 128 demandeurs d'asile, des employés de centres d'accueil, des responsables mexicains et des employés d'organisations humanitaires.

Bien que l'inscription pour un rendez-vous sur l'application ne soit en principe pas obligatoire, dans les faits, les demandeurs qui se présentent à la frontière sans l'avoir préalablement obtenue sont éconduits par les autorités frontalières mexicaines et américaines, indique HRW.

Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application, notamment matérielles, techniques, ou linguistiques. L'application n'est ainsi disponible qu'en anglais, en espagnol et en créole haïtien.

Ces pratiques "violent le principe juridique fondamental de non-refoulement" des demandeurs d'asile vers des pays où leur vie ou leur liberté serait en danger, souligne l'ONG.

Elle exhorte donc l'administration Biden à donner instruction à la police des frontières de traiter toutes les demandes d'asile, indépendamment de la façon ou du lieu de dépôt, ainsi que de l'obtention d'un rendez-vous via l'application "CBP One" de la police des frontières.

Human Rights Watch lui suggère en outre d'en améliorer l'accessibilité et la facilité d'utilisation, y compris par l'ajout d'autres langues, comme l'arabe, le français, le russe, le chinois, le portugais, et de langages amérindiens.