Macron annonce une nouvelle moisson d'investissements étrangers

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) rencontre le PDG d'Eastman Chemical Company Mark Costa à l'Elysée le 17 janvier 2022.  (Michel Euler/Pool/AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) rencontre le PDG d'Eastman Chemical Company Mark Costa à l'Elysée le 17 janvier 2022. (Michel Euler/Pool/AFP)
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Publié le Lundi 17 janvier 2022

Macron annonce une nouvelle moisson d'investissements étrangers

  • Le plus important des projets annoncés est celui du groupe américain Eastman, injectera 850 millions d'euros dans une usine de recyclage de plastiques
  • Plusieurs ministres sont missionnés à travers le pays pour annoncer d'autres projets qui représentent plus de 4 milliards d'euros

PARIS : En annonçant 21 nouveaux investissements étrangers pour un total de 4 milliards d'euros, Emmanuel Macron et le gouvernement se démultiplient lundi pour mettre en avant l'attractivité de la France à moins de trois mois de l'élection présidentielle.

A cause de la situation sanitaire, le chef de l'État ne reçoit pas cette année les investisseurs étrangers à Versailles pour un sommet «Choose France», comme c'était la tradition depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

En lieu et place, l'exécutif se déploie dans les territoires pour porter la bonne parole d'une compétitivité retrouvée. A commencer par le chef de l'Etat qui se rend lundi après-midi à Chalampé dans le Haut-Rhin pour annoncer un investissement de 300 millions d'euros environ du groupe chimique allemand BASF.

En parallèle, plusieurs ministres sont missionnés à travers le pays pour annoncer d'autres projets qui représentent plus de 4 milliards d'euros en cumulé, et doivent déboucher sur la création de «plus de 10.000 emplois», selon l'Élysée.

Le plus important des projets annoncés est celui du groupe américain Eastman, spécialisé dans la production de matériaux, qui injectera 850 millions d'euros dans une usine de recyclage de plastiques employant 350 personnes, en un lieu qui reste à définir.

Son PDG Mark Costa a été reçu lundi matin à l'Élysée. «Les dirigeants du groupe américain Eastman me le confirment: ils choisissent la France !», s'est félicité Emmanuel Macron dans un tweet à l'issue de la rencontre.

L'américain Equinix ouvrira en juin 2022 son 10ème site d'hébergement informatique à Saint-Denis, au nord de Paris, «dans le cadre d'un investissement de 750 millions d'euros sur trois ans», avec 165 créations d'emplois à la clef.

Plusieurs projets touchent la santé: Pfizer va investir plus de 520 millions d'euros dans un projet de sous-traitance industrielle avec le façonnier Novasep pour la production du traitement contre le Covid-19 et des investissements dans la recherche de pointe. GSK va lui injecter 118 millions sur trois sites en France.

- «Plus de 10.000 emplois» -

Ces promesses d'investissements sont «le résultat d'une politique de réindustrialisation», a insisté la ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher lundi sur Twitter, quand l'Elysée met en avant «toutes les réformes qui ont pu être menées depuis le début du quinquennat», en matière fiscale notamment.

Les 21 nouveaux projets créeront «plus de 10.000 emplois, auxquels s'ajoutent plus de 16.000 emplois en CDI intérimaires» de l'entreprise Manpower, a indiqué l'Elysée, en rappelant que sur les 57 projets annoncés lors des quatre éditions précédentes, 55 se sont concrétisés pour 8 milliards d'euros, correspondant à 13.300 emplois.

Les aides publiques consenties pour obtenir ces investissements sont généralement comprises entre 5% et 10% de leur montant, a-t-on précisé de même source.

La France a été en 2019 et 2020 la première destination des investissements étrangers en Europe, d'après le baromètre du cabinet EY, un élément régulièrement mis en avant par Emmanuel Macron.

L'agence gouvernementale Business France a recensé 5.300 investissements étrangers entre 2017 et 2020, qui ont permis la création ou le maintien de 140.000 emplois.

Parmi les membres du gouvernement déployés lundi, le ministre chargé de l'Attractivité Franck Riester devait se rendre à Saint-Denis-de-l'Hôtel dans le Loiret (centre) où le fabricant américain de nourriture pour animaux de compagnie Mars Petcare veut rénover des équipements existants et construire deux nouvelles lignes de production pour 85 millions d'euros.

La secrétaire d'Etat chargée de la Transition écologique Bérangère Abba était annoncée à Golbey dans les Vosges (est) où le norvégien Norske Skog va investir 250 millions d'euros pour convertir une ligne de production de papier journal en carton d'emballage 100% recyclé.

De son côté, la ministre de la Fonction publique Amélie de Montchalin devait se rendre à Corbeil-Essonnes au sud de Paris chez le belge X-Fab, qui met 65 millions d'euros sur la table pour relocaliser la fabrication de semi-conducteurs pour l'automobile, en pleine pénurie de ces composants. «Ce sont 900 emplois dans le département et près de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires», a précisé le ministère.

Souvent, les projets industriels ne créent pas directement beaucoup d'emplois durables. Ainsi, la nouvelle usine de BASF en Alsace va employer près 500 personnes pour sa construction, mais une cinquantaine de postes pérennes ensuite.

Dans les services, à l'inverse, le cabinet de conseil Accenture veut embaucher 2.000 personnes en France en 2022, et le mexicain Alsea, propriétaire de la licence d'exploitation des cafés Starbucks en France, prévoit 1.500 recrutements d'ici 2026.

Choose France»: 4 milliards d'euros de nouveaux investissements étrangers

Recyclage de plastiques, santé, chimie: plus de 4 milliards d'euros d'investissements étrangers pour 21 projets dans l'Hexagone ont été annoncés pour l'édition 2022 de «Choose France», avec à la clé «plus de 10.000 emplois»et plus de 16.000 CDI intérimaires de l'entreprise Manpower.

Sur les 57 projets annoncés lors des quatre éditions précédentes, 55 se sont concrétisés pour 8 milliards d'euros, correspondant à 13.300 emplois, rappelle le gouvernement.

Voici les principales annonces:

Recyclage du plastique

- Le plus important des projets annoncés est celui du groupe américain Eastman qui injectera 850 millions d'euros dans une usine de recyclage de plastiques employant 350 personnes, en un lieu qui reste à définir et qui ouvrira à l'horizon 2025. Ce site traitera notamment les polyesters difficiles à recycler, dont les emballages ménagers et les déchets textiles.

- Le canadien Loop Industry va lancer une usine de recyclage chimique du PET (polytéréphtalate d'éthylène, l'un des plastiques les plus utilisés dans le monde) en collaboration avec le groupe français Suez, pour un montant de 250 millions d'euros et 180 emplois.

Chimie

- L'allemand BASF, premier groupe de chimie au monde, va construire une nouvelle usine de production d'hexaméthylènediamine (HMD), utilisé dans la production du nylon, à Chalampé (Haut-Rhin), site déjà spécialisé dans la production de l’ensemble des précurseurs chimiques du sel de nylon. L'usine représente un investissement d’environ 300 millions d'euros, qui créera une cinquantaine d’emplois pérennes et près de 500 pour sa construction.

Santé

- Le géant américain Pfizer va lancer un projet de sous-traitance industrielle avec le façonnier Novasep pour la production du traitement contre la Covid-19 et des investissements dans la recherche de pointe pour plus de 520 millions d'euros.

- Le britannique GSK prévoit un investissement de 118 millions d'euros sur 3 sites - notamment 45 millions pour la numérisation de son usine de production de vaccins à Saint-Amand-les-Eaux (Hauts-de France) et 45 millions pour réduire l'empreinte carbone du site d’Évreux (Normandie).

- Merck, premier groupe de sciences et technologies allemand, va accélérer le développement de ses sites de bioproduction avec 500 nouveaux recrutements à Molsheim (Bas-Rhin) et 100 ouvertures de postes à Martillac (Gironde), pour se renforcer dans la production d’anticorps monoclonaux et de produits nécessaires à la fabrication de vaccins et de thérapies.

- Spécialiste d'e-santé, l'italien Dedalus prévoit de recruter 200 salariés qualifiés, principalement en ingénierie informatique en Nouvelle-Aquitaine et Île-de-France.

- L'américain Bristol Myers Squibb investira 110 millions dans la recherche clinique pour la lutte contre le cancer et noue un partenariat industriel (20 millions) avec un façonnier pour la production de principes actifs en France.

Technologies

- L'américain Equinix va investir 750 millions d'euros sur trois ans, accompagnés par la création de 165 emplois, et ouvrira notamment en juin 2022 son dixième site d’hébergement informatique à Saint-Denis (Île-de-France).

Ameublement, commerce et distribution

- Le géant suédois de l'ameublement Ikéa prévoit 650 millions d'euros d'investissements sur trois ans dédiés à l'économie circulaire et aux transports durables.

- Le mexicain Alsea, propriétaire de la licence d'exploitation des cafés Starbucks en France, prévoit d'investir 80 millions entre 2022 et 2026 pour favoriser l'expansion de Starbucks France en recrutant 1.500 personnes, et 20 millions dans le réseau de franchises et partenaires stratégiques.

- Getir, entreprise turque spécialisée dans la livraison de courses express, prévoit d’investir dans un réseau national de magasins de proximité qui créera plus de 5.000 emplois nouveaux.

Aéronautique

- Collins Aerospace, division de l'américain Raytheon Technologies, spécialisé en solutions technologiques pour les secteurs aéronautique, spatial et la défense, annonce pour 2022 un plan d’investissement de 30,2 millions d'euros dans l’avion vert et la relocalisation de la fabrication de pièces critiques et de chaînes de maintenance d’équipements avioniques.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.