Vienne: quelles garanties crédibles après le deal?

Des progrès ont été enregistrés au niveau des chefs de délégations, ainsi qu’au niveau des experts, lors des dernières réunions à Vienne. (AFP).
Des progrès ont été enregistrés au niveau des chefs de délégations, ainsi qu’au niveau des experts, lors des dernières réunions à Vienne. (AFP).
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Publié le Mardi 18 janvier 2022

Vienne: quelles garanties crédibles après le deal?

Vienne: quelles garanties crédibles après le deal?
  • Le cheminement que prend l’administration du président Joe Biden ne va pas au-delà de déclarations jugées molles par beaucoup d’observateurs
  • Les Russes considèrent qu’il serait grand temps de jouir des dividendes d’un relâchement des sanctions économiques américaines

Si l’on s’en tient aux déclarations des responsables qui représentent les différentes parties concernées, tout indique que les pourparlers qui se déroulent à Vienne entre l’Iran et le groupe 5+1 (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie et Chine) sont sur une bonne voie.

Des progrès ont été enregistrés au niveau des chefs de délégations, ainsi qu’au niveau des experts, lors des dernières réunions. Selon une source diplomatique européenne bien informée que nous avons contactée jeudi dernier, «il y a eu une avancée significative, et les Iraniens paraissent plus enclins à faire des concessions».

Les pourparlers traitent à ce jour des questions relatives aux violations iraniennes liées à l’enrichissement de l’uranium, qui a largement dépassé le taux de 3,65% autorisé par l’accord de 2015 et ses annexes. «Téhéran se rapproche dangereusement des 90% de taux d’enrichissement, ce qui lui ouvrirait la voie de l’élaboration d’une bombe nucléaire», indique la même source. «Si la communauté internationale s’accorde sur une chose, c’est que l’Iran ne sera jamais une puissance nucléaire militaire!»

On le voit, cette source européenne avance des propos tout à fait optimistes. Que le monde tombe d’accord pour ne pas permettre à l’Iran de se procurer l’arme nucléaire est une chose; qu’il agisse de manière ferme et sévère pour empêcher les Iraniens de s’en doter en est une autre.

Les antécédents sont là pour nous rappeler que lorsque la communauté internationale se contente de déclarations sans parvenir à faire entendre son degré de détermination à empêcher une puissance régionale de se doter de l’arme nucléaire, les positions politiques finissent par ne plus avoir de valeur dissuasive. Or, le cheminement que prend l’administration du président Joe Biden ne va pas au-delà de déclarations jugées molles par beaucoup d’observateurs, d’autant qu’elles ne sont pas accompagnées de l’intention claire de recourir à l’option militaire en cas d’échec des pourparlers de Vienne.

Il est exact que les partenaires de Washington à Vienne sont d’accord sur le principe de ne pas permettre à Téhéran de continuer sur la voie de la militarisation de son programme nucléaire. Mais il est également vrai que tous – Européens, Russes et Chinois – refusent que l’option militaire soit mise sur table en cas d’échec. Les Européens veulent en finir avec la crise qu’ils accusent Donald Trump d’avoir provoquée. Les yeux rivés sur le marché iranien, ils aspirent à se repositionner en tête des pays qui prétendent reprendre les affaires avec Téhéran.

Les Russes, qui ont malgré tout contribué au développement du programme nucléaire iranien en bâtissant plusieurs centrales et en transférant aux Iraniens une partie de la technologie nucléaire nécessaire au bon fonctionnement des sites, ne veulent pas entendre parler d’option militaire. Ils considèrent qu’il serait grand temps de jouir des dividendes d’un relâchement des sanctions économiques américaines.

Pour leur part, les Chinois, qui sont parvenus à conclure avec l’Iran un pacte stratégique sur vingt-cinq ans d’un montant de 450 milliards de dollars (1 dollar = 0,88 euro), voient dans ce dernier l’une des mailles principales de son initiative stratégique appelée «la nouvelle Route de la soie». Ce projet colossal a pour objectif de relier la Chine à l’Europe en intégrant les espaces d’Asie centrale grâce à un vaste réseau de corridors routiers, ferroviaires et maritimes.

L’Iran est un passage obligé, ainsi que la clef de voûte de ce projet. La Chine reste fermement attachée à son refus de mettre sur la table l’option militaire et, tout comme la Russie, elle évite d’exercer des pressions économiques dissuasives sur Téhéran. Seul Israël agite l’option militaire, malgré les résistances de l’administration Biden, qui, au plus fort de la crise autour des pourparlers de Vienne, s’est contentée de déclarer, par la voix de son secrétaire d’État, Antony Blinken, que, en cas d’échec à Vienne, d’autres options seraient envisageables. Cette position reste très floue et, faute d’appui des partenaires au sein du groupe 5+1, elle ne représenterait pas un moyen de pression ou de dissuasion crédible à l’encontre de l’Iran.

Les pourparlers continuent à Vienne au niveau des experts. Les chefs de délégation sont repartis tour à tour chez eux pour consultation. Officiellement, selon Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, on se rapproche d’un accord final. Le deal de 2022 serait vraisemblablement un traité intermédiaire susceptible de remettre l’accord de 2015 sur les rails.

Toutefois, le problème qui se pose aujourd’hui, c’est que l’Iran – qui pourrait voir ses caisses renflouées par la levée progressive des sanctions américaines – n’offre aucune garantie crédible au sujet de l’inexistence d’un programme militaire secret enfoui sous terre. Ce dernier pourrait être actuellement actif ou réactivé après le deal. Il est à craindre que la communauté internationale, qui apparaît divisée, soit mise devant le fait accompli. Le risque reste donc entier.

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.

Twitter: @AliNahar

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.