Italie: Draghi et Berlusconi en lice pour la présidence de la République

Le Premier ministre italien, Mario Draghi accueille le Premier ministre indien à son arrivée pour leur rencontre au palais Chigi à Rome, le 29 octobre 2021. (Photo, AFP)
Le Premier ministre italien, Mario Draghi accueille le Premier ministre indien à son arrivée pour leur rencontre au palais Chigi à Rome, le 29 octobre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 21 janvier 2022

Italie: Draghi et Berlusconi en lice pour la présidence de la République

  • Le milliardaire de 85 ans rêve depuis longtemps d'un septennat sous les ors du palais du Quirinal, même si les observateurs doutent qu'il dispose des votes nécessaires
  • Il est notoirement difficile de prédire le vainqueur de cette élection à bulletins secrets, un mode de scrutin propice aux rebondissements

ROME : Le Parlement italien se réunit lundi pour élire un nouveau président de la République, un poste prestigieux pour lequel le Premier ministre Mario Draghi apparaît le mieux placé dans le cadre d'un jeu de chaises musicales menaçant la survie de l'exécutif.

Alors que les coulisses bruissent de négociations, l'ex-Premier ministre Silvio Berlusconi a été le plus agressif dans sa campagne, allant jusqu'à se vanter de ses sulfureuses soirées "bunga bunga".

Le milliardaire de 85 ans rêve depuis longtemps d'un septennat sous les ors du palais du Quirinal, même si les observateurs doutent qu'il dispose des votes nécessaires.

Il est notoirement difficile de prédire le vainqueur de cette élection à bulletins secrets, un mode de scrutin propice aux rebondissements.

Le président, au rôle essentiellement honorifique, exerce toutefois un pouvoir considérable en cas de crise politique, qu'il s'agisse de dissoudre le Parlement, de choisir le Premier ministre ou de refuser des mandats à des coalitions fragiles.

Et l'Italie a plus que jamais besoin de stabilité: les partis appartenant à la coalition disparate soutenant Draghi sont déjà en ordre de bataille en vue des législatives de l'an prochain. Et le chaos pourrait mettre en danger la mise en musique du volant italien du plan de relance européen post-Covid.

"C'est une élection clé et très compliquée, parce que les partis politiques sont faibles, ils sont dans un état de fragmentation totale", explique à l'AFP Giovanni Orsina, directeur de la Luiss School of Government à Rome.

 

Du palais au scrutin, cinq choses à savoir sur le président italien

L'Italie doit élire à partir de lundi un successeur au président de la République Sergio Mattarella, dont le septennat s'achève le 3 février.

Election, mode d'emploi

Le président est élu pour sept ans au suffrage indirect par une assemblée composée des membres des deux chambres du Parlement (630 députés + 320 sénateurs, contre normalement 321 mais l'élection d'un sénateur a été annulée). S'y ajoutent 58 délégués des régions. Soit au total 1 008 "grands électeurs".

Aux trois premiers tours, une majorité des deux tiers (672) est requise. A partir du 4ème tour, la majorité absolue (505) est suffisante.

Le vote a lieu à bulletins secrets dans l'hémicycle du palais Montecitorio, siège de la Chambre des députés.

En raison des contraintes de sécurité liées à la crise sanitaire, un seul tour de scrutin sera organisé par jour. Le pass sanitaire est actuellement exigé pour accéder au parlement, ce qui empêcherait à ce stade les électeurs positifs d'exprimer leur vote.

Les pouvoirs du président

Le président, chef de l'Etat et garant de la Constitution, nomme le Premier ministre et, sur proposition de ce dernier, les ministres.

En cas de crise politique, son rôle est crucial, car il dispose d'une certaine latitude pour choisir le Premier ministre: cela a été le cas par exemple lorsque Giorgio Napolitano a désigné Mario Monti en 2011 ou lorsque Sergio Mattarella a appelé Mario Draghi en 2021.

Il a le pouvoir de dissoudre le Parlement et éventuellement de renvoyer les lois au Parlement lorsqu'elles lui sont présentées pour promulgation.

Il préside le Conseil supérieur de la magistrature, nomme un tiers des membres de la cour constitutionnelle, et dispose du droit de grâce.

Les candidats

Le président doit avoir la nationalité italienne et être âgé d'au moins 50 ans.

L'actuel Premier ministre Mario Draghi, resté silencieux jusqu'ici sur ses intentions, tient la corde, même si son élection poserait le problème de son remplacement à la tête de la large coalition hétéroclite actuellement au pouvoir, qui va de la droite souverainiste à la gauche.

Parmi les autres noms circulant dans la presse figurent notamment les anciens Premiers ministres Silvio Berlusconi (85 ans, droite) et Giuliano Amato (83 ans, centriste), le commissaire européen à l'Economie Paolo Gentiloni (67 ans, gauche), et l'ancien président de la Chambre des députés Pier Ferdinando Casini (66 ans, centriste).

Beaucoup souhaitent aussi qu'une femme accède pour la première fois à la fonction suprême : dans ce cas, la présidence pourrait échoir à la ministre de la Justice Marta Cartabia (58 ans, centre-droit) ou à sa prédécesseure Paola Severino (73 ans, centre-droit), sans oublier la présidente du Sénat Elisabetta Casellati (66 ans, droite).

Histoire de l'élection

La république italienne a connu douze présidents. Seul l'un d'entre eux, Giorgio Napolitano (2006-2015), a obtenu un second mandat.

Traditionnellement, ce poste ne revient pas à un chef de parti mais à une personnalité jugée au-dessus des partis. Souvent, les personnalités citées en amont de l'élection en sortent bredouille et le poste échoit à un nom sorti du chapeau durant les opérations de vote.

En 2013, Romano Prodi, bien qu'auréolé du prestige de son passage à la présidence de la Commission européenne et investi par le parti démocrate (PD, gauche), fut trahi par une partie de ses soutiens et Giorgio Napolitano fut finalement reconduit.

Le palais du Quirinal

Le siège de la présidence de la République est le palais du Quirinal, ancienne résidence des papes et des rois d'Italie (de 1870 à 1946) perchée au sommet de la colline du même nom.

Construit à partir de 1573, le Quirinal, orné de multiples œuvres d'art, est l'un des plus importants palais romains: à l'origine résidence d'été des papes, il devint leur résidence principale en tant que souverain temporel, par opposition au Vatican siège de leur pouvoir spirituel: 30 papes au total y ont résidé, de Grégoire XIII à Pie IX.

Sous le joug des troupes napoléoniennes, l'empereur y fit effectuer des travaux pour en faire sa résidence romaine, mais n'y mit jamais les pieds.  

Lors de la proclamation de la République, intervenue après le referendum mettant fin à la royauté de 1946, ce somptueux palais de 110.500 m2 devint la résidence du chef de l'Etat. Parmi les palais présidentiels du monde, seul celui du président turc à Ankara est plus étendu.

Séisme

Selon le quotidien de référence Il Corriere della Sera, le vote pourrait "frapper le gouvernement comme un séisme", alors que l'Italie lutte contre une nouvelle vague de Covid-19 qui risque de perturber la reprise après la récession de 2020.

Ex-président de la Banque centrale européenne, M. Draghi, 74 ans, a laissé entendre qu'il était intéressé, mais son élection laisserait vacant son poste actuel à un moment très délicat.

Nommé par le président sortant Sergio Mattarella en février 2021, M. Draghi a réussi à maintenir l'unité d'un gouvernement composé de presque tous les partis politiques italiens, tout en relançant la croissance économique.

Il a également supervisé les réformes clés exigées en échange des fonds du plan de relance de l'UE, dont Rome est le principal bénéficiaire avec environ 200 milliards d'euros.

Les investisseurs internationaux craignent que l'Italie, criblée de dettes, prenne du retard sur le calendrier serré des réformes au cas où M. Draghi quitterait son poste de Premier ministre.

Un millier de sénateurs, députés et représentants régionaux commenceront à voter lundi.

Pour être élu, il faut deux tiers des voix aux trois premiers tours, puis la majorité absolue aux tours suivants.

En raison des mesures de sécurité liées au Covid, chaque tour prendra une journée et, comme le veut la tradition, il n'y a théoriquement pas de candidats officiels.

Année pré-électorale

La plupart des experts estiment que M. Draghi serait mieux placé en tant que président pour assurer la stabilité politique et les bonnes relations avec Bruxelles, en particulier si la droite et l'extrême droite remportaient les élections prévues en 2023.

Il est également loin d'être acquis qu'il serait en mesure de continuer à poursuivre les réformes s'il restait en place. Et il risque de perdre son poste de toute façon lors des prochaines législatives.

"C'est une année pré-électorale. Même si Draghi restait Premier ministre, la vérité, c'est qu'il aurait du mal à contrôler la situation politique", les partis politiques se livrant à une surenchère en vue des législatives, selon M. Orsina.

Une éventuelle solution consisterait à nommer comme Premier ministre le doyen du gouvernement actuel, Renato Brunetta, 71 ans, membre du parti de Berlusconi Forza Italia (droite), les chefs des principaux partis de la coalition occupant alors les postes ministériels les plus importants jusqu'aux élections.

Si M. Draghi reste Premier ministre, de nombreux autres noms circulent pour le poste de chef de l'État, notamment ceux du commissaire européen Paolo Gentiloni, de l'ancien Premier ministre socialiste Giuliano Amato ou de la ministre de la Justice Marta Cartabia, qui serait la première femme présidente.


Sahel: Washington va retirer des soldats du Tchad, après le Niger

Des milliers de Tchadiens assistent au meeting de Mahamat Idriss Deby Itno, président de la transition et candidat à l'élection présidentielle au Tchad, dans le stade en construction au quartier Dombao, à Moundou, le 25 avril 2024. (AFP)
Des milliers de Tchadiens assistent au meeting de Mahamat Idriss Deby Itno, président de la transition et candidat à l'élection présidentielle au Tchad, dans le stade en construction au quartier Dombao, à Moundou, le 25 avril 2024. (AFP)
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  • Washington a entamé cette semaine des discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des plus de 1 000 soldats américains présents dans le pays
  • Dans un courrier au ministre des Armées, le chef d'état-major de l'armée de l'air tchadienne avait réclamé début avril le départ des soldats américains

WASHINGTON: Les Etats-Unis vont retirer temporairement des soldats du Tchad, a annoncé le Pentagone quelques jours après leur accord pour retirer leurs forces du Niger voisin.

Au Tchad, les Etats-Unis disposent d'une centaine de soldats dans le cadre de la lutte antijihadiste au Sahel.

"L'Usafricom envisage actuellement de repositionner certaines forces militaires américaines depuis le Tchad, dont le départ d'une partie était déjà prévu", a déclaré lors d'une conférence de presse jeudi le porte-parole du Pentagone, Pat Ryder, se référant au commandement militaire américain en Afrique.

"Il s'agit d'une étape temporaire dans le cadre d'une révision en cours de notre coopération de sécurité, qui reprendra après l'élection présidentielle du 6 mai au Tchad", a-t-il ajouté.

Dans un courrier au ministre des Armées lu par l'AFP, le chef d'état-major de l'armée de l'air tchadienne avait réclamé début avril le départ des soldats américains, incriminant un défaut de documents sur un accord permettant leur présence.

Selon ce courrier, "l'armée de l'air a demandé à l'attaché de défense américain d'arrêter immédiatement les activités militaires sur la BAK", la base aérienne d'Adji Kossei où les soldats américains entraînent des forces spéciales tchadiennes à lutter contre le groupe jihadiste Boko Haram.

"Nous vous demandons d'intercéder auprès de qui de droit afin de prévenir les Américains que nous avons pris la décision d'arrêter leur activité", ajoute la lettre.

"La présence des forces américaines au Tchad était initialement motivée par l'engagement commun dans la lutte contre le terrorisme, un objectif partagé par les deux nations", a déclaré vendredi à l'AFP le porte-parole du gouvernement tchadien.

Discussions supplémentaires 

"Cependant, des préoccupations ont été exprimées par l'état-major tchadien quant à cette présence" et "en reconnaissance des préoccupations exprimées, le gouvernement américain a décidé de retirer temporairement ses forces du Tchad", a ajouté M. Abderaman Koulamallah.

"Il est important de souligner que ce retrait ne signifie en aucun cas une rupture de la coopération entre les deux pays dans la lutte contre le terrorisme", a-t-il dit.

"Des discussions supplémentaires auront lieu pour explorer la possibilité d'un retour des forces américaines dans le cadre d'un accord bilatéral précis et convenu entre les deux pays", a encore indiqué le porte-parole.

Au Niger, autre pivot de la stratégie des Etats-Unis et de la France pour combattre les jihadistes dans la région, la junte militaire au pouvoir depuis juillet a dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a entamé cette semaine des discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des plus de 1.000 soldats américains présents dans le pays.

Les Etats-Unis disposent notamment au Niger d'une base de drones importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Washington va "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", avait déclaré lundi Pat Ryder après l'annonce la semaine dernière du retrait américain du Niger.

Au Tchad, le général Mahamat Idriss Deby Itno a annoncé en mars sa candidature à la présidentielle, qu'il est quasi-assuré de remporter après que son régime a violemment réprimé dans la rue et muselé toute opposition et éliminé toute concurrence.

Il avait été proclamé par l'armée président de transition le 20 avril 2021, à la tête d'une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno, lequel régnait d'une main de fer sur le Tchad depuis 30 ans.

Son principal adversaire, Yaya Dillo, a été tué fin février par des militaires dans l'assaut de son parti, d'une "balle dans la tête à bout portant" selon l'opposition, puis les candidatures de dix autres potentiels rivaux ont été invalidées.


Tim Lenderking à Arab News: «Aidons le Yémen à tracer sa propre voie»

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  • Tim Lenderking souligne que ce serait une «terrible tragédie» de gâcher les progrès réalisés en faveur de la paix au cours des deux années précédentes
  • Une trêve, négociée en avril 2022 entre les parties en présence au Yémen, avait, dans un premier temps, conduit un léger apaisement de la situation humanitaire désastreuse dans le pays

NEW YORK: Les attaques des Houthis contre la navigation internationale en mer Rouge et dans le golfe d’Aden en réponse à l’offensive militaire israélienne contre le Hamas à Gaza ne doivent pas faire dérailler le processus de paix au Yémen, déclare Tim Lenderking, l’envoyé spécial américain pour le Yémen.

Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre de l’année dernière, les attaques des Houthis contre des navires commerciaux et militaires dans les voies navigables stratégiques ont fortement perturbé le commerce mondial.

Le groupe politique et religieux armé soutenu par l’Iran, officiellement connu sous le nom «Ansar Allah», se considère comme faisant partie de «l’axe de la résistance» dirigé par l’Iran contre Israël, les États-Unis et l’Occident dans son ensemble.

Il a menacé de poursuivre ses attaques contre les navires jusqu’à ce qu’Israël mette fin à son attaque sur Gaza. Depuis le mois de janvier, le Royaume-Uni et les États-Unis, en coalition avec cinq autres pays, ont répondu par des frappes de représailles contre des cibles houthies au Yémen.

Les États-Unis mettront fin à ces frappes de représailles lorsque la milice houthie cessera ses attaques contre les navires, déclare M. Lenderking dans un entretien accordé à Arab News, plaçant la responsabilité de la désescalade de la situation entre les mains de la milice.

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Les Yéménites organisent une marche propalestinienne à Sanaa, la capitale dirigée par les Houthis. (AFP)

«Il incombe aux Houthis de mettre fin aux attaques en mer Rouge. Cela peut nous inciter à commencer à ralentir, à désamorcer la situation au Yémen, à la ramener à ce qu’elle était au 6 octobre – soit au stade où elle était beaucoup plus prometteuse que ce à quoi nous assistons actuellement. C’est sur cela que nous voulons mettre l’accent.»

Tim Lenderking appelle l’Iran à «cesser d’alimenter le conflit et de faire entrer clandestinement des armes et du matériel de guerre au Yémen, en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU».

Le Yémen n’avait jamais été aussi proche de la paix avant que le processus ne soit interrompu par les derniers troubles régionaux, précise M. Lenderking. La guerre civile yéménite dure depuis trop longtemps. «Elle doit cesser», ajoute-t-il.

«Les Yéménites souffrent de cette guerre depuis maintenant huit ans. Ils veulent récupérer leur pays. Ils veulent qu’il soit en paix. Ils ne veulent pas de combattants étrangers au Yémen. Ils ne veulent pas des Iraniens à Sanaa. Ils ne veulent pas que le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) erre dans Sanaa.»

«Aidons les Yéménites à reconquérir leur pays et à tracer leur propre voie. Tel est le vœu le plus cher des États-Unis.»

Il poursuit: «Nous nous efforçons de déployer des efforts internationaux pour que l’accent soit mis sur le processus de paix au Yémen et la situation humanitaire très critique.»

«Mais il y a la terrible tragédie qui se déroule à Gaza. La guerre de la Russie en Ukraine. L’Afghanistan. Le Soudan. Il existe de nombreuses crises concurrentes qui détournent l’attention des États-Unis et de la communauté internationale.»

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Le cargo Rubymar a été partiellement submergé au large des côtes du Yémen après avoir été touché par un missile houthi. (AFP)

Alors que la guerre au Yémen est liée à d’autres conflits qui font rage dans la région, l’ONU a récemment déclaré que le monde avait une obligation envers les Yéménites: celle de veiller à ce que la résolution de la guerre au Yémen ne soit pas subordonnée à la résolution d’autres problèmes et que les espoirs de paix du Yémen ne deviennent pas un «dommage collatéral».

«Nous ne pouvons échapper à ce qui se passe à Gaza», renchérit Tim Lenderking. «Pas un jour ne passe sans que les gens à qui je parle du Yémen n’évoquent également Gaza. Nous savons donc qu’il s’agit d’une situation tragique à laquelle il faut absolument remédier.»

«Cette situation freine notre capacité à recentrer l’attention sur le processus de paix au Yémen, à tirer parti d’une feuille de route élaborée par le gouvernement yéménite et les Houthis en décembre et à inciter les Houthis à recentrer leurs priorités non sur les attaques en mer Rouge – qui nuisent d’ailleurs aux Yéménites et au Yémen – mais sur les efforts de paix dans le pays.»

S’exprimant lors d’un point de presse du Conseil de sécurité de l’ONU la semaine dernière, Hans Grundberg, l’envoyé de l’ONU pour le Yémen, soutient que la menace de nouvelles attaques des Houthis contre les navires persiste en l’absence d’un cessez-le-feu à Gaza – dont l’urgente nécessité a été soulignée par la récente escalade des hostilités entre Israël et l’Iran.

M. Lenderking affirme: «Les Houthis continuent de nous dire que ces deux questions sont liées et que les Houthis ne mettront pas fin aux attaques contre les navires de la mer Rouge tant qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu à Gaza.»

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Tim Lenderking appelle l’Iran à «cesser d’alimenter le conflit et de faire entrer clandestinement des armes et du matériel de guerre au Yémen, en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU». (AFP)

«Nous pensons que des progrès significatifs peuvent être réalisés dès maintenant. Vingt-cinq membres de l’équipage du Galaxy Leader, le navire qui a été pris par les Houthis le 19 novembre de l’année dernière, sont toujours détenus.»

«Ils sont originaires de cinq pays différents. Il n’y a aucune raison pour que ces individus, qui sont des marins innocents, soient détenus à Hodeïda par les Houthis. Relâchez-les. Libérez le navire. Il y a des mesures qui pourraient être prises. Nous pourrions continuer à œuvrer pour la libération de prisonniers.»

«Ce type d’action démontrera au peuple yéménite qu’il y a encore de l’espoir et que la communauté internationale se préoccupe toujours de sa situation.»

Tim Lenderking souligne que ce serait une «terrible tragédie» de gâcher les progrès réalisés en faveur de la paix au cours des deux années précédentes.

Une trêve, négociée en avril 2022 entre les parties en présence au Yémen, avait, dans un premier temps, conduit à une réduction des violences et à un léger apaisement de la situation humanitaire désastreuse dans le pays. Deux ans plus tard, l’ONU déplore qu’il n’y ait plus grand-chose à célébrer.

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Des enfants yéménites se rassemblent pour recevoir de l’aide humanitaire à la périphérie de Marib. (AFP)

«Les détenus dont nous avions espéré la libération à temps pour passer la fête de l’Aïd avec leurs proches restent en détention», déclare l’envoyé de l’ONU Grundberg. «Les routes que nous espérions voir ouvertes demeurent fermées.»

«Nous avons également été témoins de la mort tragique et des blessures infligées à seize civils, dont des femmes et des enfants, lorsqu’une résidence a été démolie par des Houthis dans le gouvernorat d’Al-Bayda.»

La situation humanitaire au Yémen s’est également nettement aggravée, ces derniers mois, en raison de l’insécurité alimentaire croissante et de la propagation du choléra.

Edem Wosornu, directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (BCAH), a déclaré au Conseil de sécurité lors du même point de presse que la situation s’était encore détériorée après que le Programme alimentaire mondial (PAM) avait suspendu la distribution de l’aide alimentaire dans les zones contrôlées par les Houthis en décembre 2023.

Cette pause fait suite à des désaccords avec les autorités locales sur la question de savoir qui devrait recevoir une assistance prioritaire et elle a été amplifiée par les effets d’une grave crise de financement concernant les efforts humanitaires du PAM au Yémen.

«Les personnes les plus vulnérables – notamment les femmes et les filles, les groupes marginalisés comme les Mouhamachines, les personnes déplacées à l'intérieur du pays, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, ainsi que les personnes handicapées – dépendent toujours de l’aide humanitaire pour survivre», affirme Mme Wosornu.

Edem Wosornu exprime également son inquiétude face à l’augmentation des cas de choléra au Yémen dans un contexte de détérioration des institutions et des services publics.

«La réémergence du choléra et les niveaux croissants de malnutrition sévère sont des indicateurs révélateurs de la capacité affaiblie des services sociaux», soutient-elle.

«Près d’un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre d’un retard de croissance, soit plus du double de la moyenne mondiale: 49% contre 21,3%.»

«Les stocks de fournitures essentielles sont presque épuisés. Et les systèmes de soutien à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène doivent être renforcés de toute urgence.»

Le plan de réponse humanitaire pour le Yémen n’est financé qu’à hauteur de 10%, le financement des programmes de sécurité alimentaire et de nutrition n’atteignant respectivement que 5% et 3%, selon une mise à jour informelle présentée au Conseil de sécurité par le BCAH cette semaine.

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Des partisans de la milice houthie du Yémen participent à un rassemblement pour marquer la commémoration annuelle de la Journée Al-Qods (Jérusalem) à Sanaa. (AFP)

Mme Wosornu appelle la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour contribuer à combler les déficits de financement.

Commentant le manque de financement, M. Lenderking explique: «Lorsqu’il y aura une réelle possibilité d’un processus de paix au Yémen, les donateurs se mobiliseront. Mais le fait que nous soyons dans ce flou, où le processus de paix est suspendu pendant que les Houthis poursuivent leurs attaques en mer Rouge, doit être imputé aux Houthis parce qu’ils font dérailler ce qui était un processus de paix légitime.»

«Mais une fois que nous pourrons y revenir, je pense que nous pourrions appeler la communauté internationale à nous indiquer qu’il y a une lueur d’espoir. Il y a un processus. Il y a un engagement. Les États-Unis soutiennent un effort international. Nous pouvons convaincre les donateurs de revenir au Yémen, malgré toute la concurrence pour ces ressources très limitées.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Mouvement de soutien à Gaza: l'université américaine Columbia ajourne l'évacuation du campus

Des dizaines d'arrestations y ont été effectuées la semaine dernière après le recours à la police effectué par les responsables de l'université pour mettre fin à une occupation accusée par plusieurs personnalités d'attiser l'antisémitisme. (AFP).
Des dizaines d'arrestations y ont été effectuées la semaine dernière après le recours à la police effectué par les responsables de l'université pour mettre fin à une occupation accusée par plusieurs personnalités d'attiser l'antisémitisme. (AFP).
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  • "Ils nous traitent de terroristes, ils nous traitent de violents. Mais le seul outil dont nous disposons ce sont nos voix", a déclaré une des étudiantes présente au rassemblement pro-palestinien
  • Le mouvement d'étudiants américains pro-palestiniens, qui s'est généralisé sur les campus américains, est parti de l'université Columbia à New York

NEW YORK: L'université américaine Columbia a ajourné la date limite de vendredi fixée aux étudiants pro-palestiniens pour évacuer le campus, occupé pour protester contre la guerre à Gaza, un mouvement qui s'est généralisé sur les campus américains.

Le bureau de la présidence de l'université new-yorkaise, d'où est parti le mouvement de soutien à Gaza il y a plus d'une semaine, est revenu sur l'échéance de minuit heure locale (04H00 GMT vendredi), fixée pour démanteler un village de tentes où quelque 200 étudiants pro-palestiniens se sont rassemblés.

"Les négociations ont progressé et se poursuivent comme prévu", a affirmé le bureau de la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans un communiqué diffusé à 23H07 (03H07 GMT vendredi).

"Nous avons nos demandes, ils ont les leurs", poursuit le bureau de la présidence, en démentant qu'une intervention de la police ait été réclamée.

"Ils nous traitent de terroristes, ils nous traitent de violents. Mais le seul outil dont nous disposons ce sont nos voix", a déclaré une des étudiantes présente au rassemblement pro-palestinien, se présentant sous le nom de Mimi.

Le mouvement d'étudiants américains pro-palestiniens, qui s'est généralisé sur les campus américains, est parti de l'université Columbia à New York.

Des dizaines d'arrestations y ont été effectuées la semaine dernière après le recours à la police effectué par les responsables de l'université pour mettre fin à une occupation accusée par plusieurs personnalités d'attiser l'antisémitisme. Les manifestations pro-palestiniennes se sont ensuite poursuivies mercredi sur le campus.

Certaines des universités les plus prestigieuses au monde sont concernées par ce mouvement d'étudiants américains, telles Harvard, Yale ou encore Princeton.

Centaines d'arrestations

Plus de 200 manifestants ont été arrêtés mercredi et jeudi dans des universités de Los Angeles, de Boston et d'Austin, au Texas, où quelque 2.000 personnes se sont à nouveau rassemblées jeudi.

Les scènes à travers le pays se suivent et se ressemblent: des élèves installent des tentes sur leurs campus, pour dénoncer le soutien militaire des Etats-Unis à Israël et la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza.

Puis ils sont délogés, souvent de façon musclée, par des policiers en tenue anti-émeute, à la demande de la direction des universités.

Sur le campus de l'université Emory d'Atlanta, dans le sud-est des Etats-Unis, des manifestants ont été évacués manu militari par la police, certains projetés au sol pour être arrêtés, selon des images d'un photojournaliste de l'AFP.

La police d'Atlanta a reconnu avoir utilisé des agents "chimiques irritants" sur les manifestants, face à la "violence" de certains.

Tôt jeudi, un nouveau campement a été installé sur le campus de l'université George Washington dans la capitale.

Sur celui de l'université UCLA, à Los Angeles, plus de 200 étudiants ont installé un mini-village d'une trentaine de tentes, barricadés par des palettes et des pancartes.

Kaia Shah, une étudiante en sciences politiques de 23 ans, s'enthousiasme de l'élargissement du mouvement. "C'est formidable ce que nous voyons dans d'autres campus", estime-t-elle, "cela montre combien de personnes soutiennent cette cause".

Pour Kit Belgium, une professeure de l'université d'Austin, le campus a besoin de voir "la libre expression et le libre échange des idées". Et si l'université ne peut pas tolérer cela, alors elle n'est pas digne de ce nom", ajoute-t-elle à l'AFP.

Près du rassemblement pro-palestinien, une trentaine d'étudiants ont organisé une contre-manifestation. Jasmine Rad, une étudiante juive à l'université du Texas, estime que les manifestations de soutien à Gaza sont "dangereuses pour les étudiants juifs".

"Cela nuit aux étudiants juifs et aux étudiants qui ne se sentent pas en sécurité à cause de la violence sur notre campus", explique cette étudiante en journalisme de 19 ans.

L'université USC à Los Angeles, où 93 personnes ont été interpellées mercredi, a annoncé jeudi l'annulation de sa principale cérémonie de diplôme cette année, officiellement en raison de "nouvelles mesures de sécurité".

Jason Miller, un conseiller de Donald Trump, s'est emparé de l'annonce, affirmant sur X, que "sous Joe Biden, votre cérémonie de diplôme ne sera pas assurée" de se dérouler.

La Maison Blanche assure de son côté que Joe Biden, qui espère être réélu en novembre, "soutient la liberté d'expression, le débat et la non discrimination" dans les universités.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée depuis Gaza contre Israël par des commandos du Hamas, et qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste, et sa vaste opération militaire dans la bande de Gaza a fait jusqu'à présent 34.305 morts, majoritairement des civils, selon le Hamas.