En France, la question brûlante du pouvoir d'achat revient en force dans la présidentielle

Face à l'envolée des cours du pétrole, le gouvernement est déjà en train de distribuer des chèques «anti-inflation» de 100 euros à 38 millions de Français. (Photo, AFP)
Face à l'envolée des cours du pétrole, le gouvernement est déjà en train de distribuer des chèques «anti-inflation» de 100 euros à 38 millions de Français. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 26 janvier 2022

En France, la question brûlante du pouvoir d'achat revient en force dans la présidentielle

  • Selon Marine Le Pen, «pour baisser durablement les prix à la pompe, il faut baisser les taxes en passant la TVA de 20% à 5,5% sur le prix des carburants»
  • La socialiste Anne Hidalgo a, elle aussi, défendu une baisse de la TVA, une «mesure transitoire» face à une «situation exceptionnelle»

PARIS : La question brûlante du pouvoir d'achat, préoccupation numéro un des Français, est revenue mardi en force dans la campagne présidentielle, deux jours avant une journée de mobilisation à l'appel des syndicats "sur les salaires et l'emploi".

Face au retour de l'inflation, avec une flambée du prix des carburants - un sujet particulièrement sensible depuis la crise des "gilets jaunes" - l'exécutif cherche de nouveaux "amortisseurs" à seulement 75 jours du premier tour.

Le Premier ministre Jean Castex a annoncé le relèvement de 10% du barème de l'indemnité kilométrique pour les ménages imposés déclarant leurs frais professionnels. Pour les quelque 2,5 millions de foyers concernés, "l'effet sera rapide et direct dès leur déclaration d'impôt sur les revenus 2021 ou les bénéfices de l'année dernière", a-t-il assuré devant les députés.

Face à l'envolée des cours du pétrole, le gouvernement est déjà en train de distribuer des chèques "anti-inflation" de 100 euros à 38 millions de Français, après avoir bloqué ou freiné les prix du gaz et de l'électricité. 

En visite dans le Limousin le président Macron, pas encore déclaré mais donné favori par les sondeurs avec environ 25% des intentions de vote, a reconnu une marge de manœuvre réduite face à une problématique mondiale: "Il y a très peu de mesures qui ont un impact substantiel sur quelque chose qui ne dépend pas de nous et qui sont les cours mondiaux."

«Carnet de chèques permanent»

Avant même cette nouvelle mesure, largement attendue, le patron des députés LR Damien Abad avait dénoncé la politique du "carnet de chèques permanent". "Chaque matin, on fait des chèques alors qu'on n'a plus les moyens de rien. Nous sommes le pays le plus endetté d’Europe après l'Italie", a-t-il déploré, alors que Bercy estime que le dispositif permettra une réduction moyenne d'impôt de 150 euros par an.

Selon Marine Le Pen, "pour baisser durablement les prix à la pompe, il faut baisser les taxes en passant la TVA de 20% à 5,5% sur le prix des carburants".

La candidate du RN en a remis une couche plus tard dans une vidéo sur Twitter, fustigeant la politique d'Emmanuel Macron face au "racket" que vivent les Français à ses yeux en matière de prix de l'essence.

La socialiste Anne Hidalgo a, elle aussi, défendu une baisse de la TVA, une "mesure transitoire" face à une "situation exceptionnelle", décrivant sur France 2 la TVA comme "l'impôt le plus injuste" car "il touche plus fortement les ménages modestes".

Défense du pouvoir d'achat aussi pour Christiane Taubira qui a estimé, lors d'un déplacement en Isère sur le thème du logement, qu'un "encadrement généralisé en matière de loyers" était nécessaire afin de stopper "l'indécence" des offres sur le parc privé.

ISF «climatique»

Yannick Jadot a, lui, souhaité, sur France Inter, mettre en place un système de "bonus/malus" sur "toute la fiscalité", de la TVA aux droits de succession sans oublier l'emblématique impôt sur la fortune (ISF), véritable marqueur à gauche supprimé par le président Macron et qu'il compte "rétablir" et même "renforcer".

Cet ISF "climatique" portera sur "les 1% les plus riches, donc à partir d'un patrimoine de 2 millions d'euros". Il "sera progressif" et aura selon lui un "rendement de 20 milliards d'euros".

La veille en meeting à Bordeaux, le leader "insoumis" Jean-Luc Mélenchon, candidat de gauche le plus haut dans les sondages (autour de 10%), avait rappelé ses propositions sur ce thème: "On augmentera le smic pour le porter à 1 400 euros net, dans toutes les branches du pays on convoquera la négociation des salaires, le point d'indice sera dégelé, les prix seront bloqués".

Les déplacements du président Macron "presque candidat", comme celui de deux jours qui vient de s'achever dans le Limousin, sont par ailleurs toujours vivement critiqués par ses rivaux. 

C'est un "scandale démocratique" pour le député LR Eric Ciotti: "On a un candidat qui tranquillement fait campagne avec tout l'appareil d'Etat mobilisé autour de lui", s'est indigné sur Europe 1 le conseiller "autorité" de Valérie Pécresse.

Cette dernière, qui a promis 16 000 recrutements dans la justice, "maillon faible de la sécurité" en France lors d'un déplacement de campagne à Tours, va tenir son premier grand meeting le 13 février au Zénith de Paris.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".