Un fiasco digne des émissions de téléréalité à petit budget

Mais qu'est-il arrivé au bastion de la démocratie de la planète ? A cette nation hautement respectée pour son état de droit, ses libertés civiques et pour sa Constitution qui prévoit des freins et contrepoids contre les abus de l'une des trois branches du gouvernement ? On a vu aujourd'hui les États-Unis d'Amérique tomber de leur haut sommet pour devenir la risée de certains, l'objet de pitié d'autres.

Commandant en chef du pays le plus riche et le plus puissant militairement, le président américain possède le pouvoir d'influencer les politiques mondiales. Voilà pourquoi j'accorde une grande importance à la personne qui occupera le Bureau ovale, même si, en tant que non-Américain, je n'ai pas le droit de vote.

En réalité, ma partie du monde a été dans une large mesure façonnée par les administrations américaines successives, parfois de manière peu satisfaisante. C'est donc avec beaucoup d'impatience que je me suis confortablement installé pour regarder le premier débat en tête-à-tête entre les deux candidats à la présidence, le président Donald Trump et l'ancien vice-Président, Joe Biden.

J’espérais assister à une présentation intéressante où ils exposeraient leurs points de vue respectifs sur les questions cruciales. J’espérais les voir aborder la pandémie de coronavirus (Covid-19) et la manière dont ils comptaient maîtriser le virus tout en freinant l'effondrement de l'économie mondiale qui s’annonce. Je ne veux pas revoir un épisode portant sur la crise économique de 2008. J'espérais plutôt avoir un aperçu des stratégies que les deux hommes ont l'intention de mettre en œuvre en attendant qu’un vaccin sûr et efficace ne soit disponible.

Malheureusement, je n'ai absolument rien appris sur ces sujets qui ont bouleversé la vie des gens. Bien au contraire, j'ai été choqué et déçu de voir le président américain et son adversaire démocrate gaspiller leur temps à ramasser le plus de saletés possibles l’un sur l'autre et à échanger les insultes.

Le manque de respect était sans limite.  Biden a traité le président de « menteur » et de « clown » avant de lui demander de « la fermer». Trump a frappé en bas de la ceinture en attaquant le fils de Biden, Hunter. Ce dernier a été renvoyé de la marine américaine pour avoir consommé de la cocaïne. Par ailleurs, Trump s'est demandé comment le jeune homme avait réussi à décrocher un poste rémunérateur au sein d'une compagnie de production de gaz ukrainienne alors que son père occupait le poste de vice-Président.

Pour moi, personne n’a gagné dans ce petit jeu enfantin. En effet, le modérateur n’a pas hésité à fustiger à plusieurs reprises les candidats pour s'être interrompus comme des élèves de maternelle.

Ce spectacle comique aurait pu me divertir s'il n'y avait pas tant de problèmes pressants : la pauvreté grandissante, les sans-abri et le chômage, non seulement aux États-Unis mais également dans de nombreux pays du monde. Aucun des sujets pressants n’a été évoqué : les réfugiés affamés, les tensions accrues entre l'Occident et la Turquie, la guerre civile qui se poursuit en Libye, les combats incessants dans le nord de la Syrie, les affrontements entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, ainsi que les menaces posées par l'Iran et son mandataire qui étouffe le Liban.

Ainsi, des familles se retrouvent à la rue parce que des chefs de famille ont perdu leur emploi en raison du coronavirus et qu'ils ne peuvent plus payer leur loyer. De nombreuses industries luttent pour survivre, et l'une des industries les plus affectées, l'industrie aérienne, licencie des centaines de milliers de personnes. Certaines compagnies aériennes risquent d'être englouties et de ne plus jamais refaire surface.

Les Américains souhaitent être dirigés par un président sur lequel ils peuvent compter et qui se préoccupe de leur bien-être.
Khalaf Ahmad Al-Habtoor

Les propriétaires de petites entreprises, qui ont investi toutes leurs économies dans un magasin ou un restaurant, ferment leurs portes. Ensuite, viennent les pertes humaines. Plus de 200 000 Américains ont succombé à la COVID-19 ; un grand nombre d'entre eux sont morts tout seuls, sans un dernier adieu à leurs proches. Aucun pays n'est à l'abri de la douleur, même si certains s'en sortent mieux que d'autres. Tout le monde s'accorde à considérer que les États-Unis sont en tête des pays les plus touchés.

Un certain pourcentage d'électeurs hésite à décider de qui est digne de leur confiance. Ils veulent un président qui puisse leur procurer un sentiment de confort et de sécurité ; ils veulent être rassurés de savoir que leur avenir est entre de bonnes mains sur le plan des soins de santé, du changement climatique et de l'économie. Jusqu'à présent, ils restent sans réponse.

Bon nombre d’entre nous, en dehors des USA, partagent ce sentiment et cherchent à deviner leur destin qui, dans certains cas, dépend du parti qui remportera la victoire.

Malheureusement, Trump et Biden sont non seulement insultants, mais ils ont également rabaissé cet important échange en essayant tous deux de se surpasser. Tous deux n'ont pas fait preuve du sérieux qui sied au leader du monde libre qui a accès aux codes nucléaires qui, s'ils sont utilisés, pourraient réduire en poussière des pans entiers de notre planète. Le langage qu’ils ont employé était indigne d'un homme politique, et encore moins d'un président.

Deux débats de plus se font attendre. Il sera ainsi intéressant de voir si l'un ou l'autre a tiré des leçons du fiasco de mardi dernier. Les candidats vont-ils retirer leurs gants pour parler de leurs visions respectives pour leur pays et le monde ? Le président Trump va-t-il mettre en avant ses succès en termes de reprise économique et de réduction du taux de chômage ? Ou bien sommes-nous condamnés à assister à un nouveau face-à-face bon marché ? Comme le dit le président Trump « Voyons ce qui va se passer ».

Khalaf Ahmad Al-Habtoor est un éminent homme d'affaires et personnalité publique des EAU. Il est réputé pour ses opinions sur les affaires politiques internationales, son activité philanthropique et ses efforts pour promouvoir la paix. Il a longtemps agi comme ambassadeur officieux de son pays à l'étranger.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.