Au Liban, la culture des cafés revit grâce à la crise

Des Libanais assis avec leur ordinateur portable dans un café de Beyrouth le 14 janvier 2022. JOSEPH EID / AFP
Des Libanais assis avec leur ordinateur portable dans un café de Beyrouth le 14 janvier 2022. JOSEPH EID / AFP
Short Url
Publié le Mardi 01 février 2022

Au Liban, la culture des cafés revit grâce à la crise

  • Pour échapper à la crise, les Libanais se rendent de plus en plus au café
  • Depuis le début de la crise économique, sociale et politique au Liban il y a deux ans, l'électricité fournie par le gouvernement s'est réduite comme une peau de chagrin: une à deux heures par jour

BEYROUTH: La musique y est douce et l'ambiance studieuse. Dans le quartier traditionnel de Mar Mikhael à Beyrouth, Aaliya's Books ressemble davantage à une bibliothèque universitaire qu'à un bar: pour échapper à la crise, les Libanais se rendent de plus en plus au café.
"Si je suis ici, la plupart du temps, c'est que je n'ai pas d'électricité chez moi", explique Maria Bou Rouphael. Cette trentenaire travaille à distance pour des ONG et trouve chez Aaliya's un confort et une connexion wifi bienvenue.
Depuis le début de la crise économique, sociale et politique au Liban il y a deux ans, l'électricité fournie par le gouvernement s'est réduite comme une peau de chagrin: une à deux heures par jour. C'est devenu un luxe dans ce pays où le salaire mensuel minimum atteint à peine l'équivalent de 30 dollars, à cause de la dévaluation drastique de la livre libanaise.

Un café à Beyrouth. JOSEPH EID / AFP
Un café à Beyrouth. JOSEPH EID / AFP


La qualité de la connexion internet a également beaucoup baissé, alors qu'avec la pandémie de Covid-19 le nombre de gens en télétravail a augmenté dans ce pays où 80% des habitants vivent désormais sous le seuil de pauvreté.
Pour remédier aux défaillances de l'Etat, les Libanais se réfugient dans les cafés qui payent de leur poche des générateurs d'électricité.

café
Pour remédier aux défaillances de l'Etat, les Libanais se réfugient dans les cafés qui payent de leur poche des générateurs d'électricité. JOSEPH EID / AFP


"Avec la crise et la pandémie, nos clients passent davantage de temps à travailler, préférant les endroits qui offrent le plus de confort", explique à l'AFP l'enseigne Café Younes, implantée dans tout le pays.
D'ailleurs, la branche ouverte il y a un an à Hamra, quartier historiquement étudiant de la capitale, a spécialement aménagé une salle d'étude dotée de larges tables et de prises électriques.

café
Un barman lit un livre alors qu'il travaille dans un café à Beyrouth le 14 janvier 2022. JOSEPH EID / AFP


"Ici, certaines personnes viennent tous les jours pendant leurs heures de travail", confirme Niamh Flemming Farrell, gérante de Aaliya's.
Aujourd'hui néanmoins, Maria est simplement venue lire et profiter de l'ambiance du lieu, lumineux, avec ses étagères remplies d'ouvrages.
"Nous avons perdu beaucoup de lieux culturels, j'aime cet endroit parce qu'il a un lien avec la culture", confie-t-elle, confortablement assise dans un grand canapé marron.

Dans notre sang

Aaliya's Books tient son nom de Aaliya Saleh, héroïne du roman "Les vies de papier", de Rabih Alameddine, écrivain américano-libanais. Il y met en scène une vieille femme, qui se réfugie dans son appartement, pour être entourée par ses livres, alors que dehors, la guerre civile fait rage.  
Le café-librairie Barzakh a tout de ce type de refuge. Au premier étage d'un immeuble, ses grandes baies vitrées offrent une vue imprenable sur l'artère principale de Hamra, naguère une des rues les plus vivantes de Beyrouth.
Mustafa al-Sous, étudiant en design de la mode, feuillette délicatement son cahier de dessin: "Je suis dans un endroit relaxant."
Une sérénité précieuse quand dehors, l'instabilité règne et que nul n'est en mesure de voir clairement une issue à la crise.

cafe
La musique est souvent feutrée et l'ambiance studieuse pour les clients qui remplissent les cafés de Beyrouth ces jours-ci. JOSEPH EID / AFP


"A l'origine, on voulait bannir les ordinateurs portables", s'amuse Mansour Aziz, fondateur de Barzakh, qui n'a finalement même pas essayé. Dans ce lieu qui a ouvert il y a quatre mois, chargeurs, tasses et carnets se partagent les larges tables.
L'endroit est bondé en ce vendredi après-midi: une occasion de tisser des liens, alors que le télétravail isole et que la majorité des Libanais ne peut plus se permettre de faire la fête le soir.
La crise actuelle semble faire revivre une culture des cafés. Les établissements traditionnels qui faisaient la part belle aux discussions et parties de tric-trac (jeu de dés très populaire) ont progressivement cédé la place ces dernières années à des bars branchés, vitrines de la vie nocturne beyrouthine.
En 2011, le "Kahwet el-Ezez", célèbre café de la capitale à deux pas d'Aaliya's, avait ainsi fermé ses portes.
A Barzakh, derrière son ordinateur, Karim Sakr, photographe, retouche sa production. "J'ai longtemps travaillé chez moi, puis je me suis dit, pourquoi je n'irai pas dans ces cafés où j'avais mes habitudes auparavant? Cela s'appelle la résilience libanaise, qui est bonne et mauvaise à la fois. On essaye de fuir la situation en sortant, en rencontrant des gens, en travaillant au café. C'est dans notre sang", conclut-il.

 


L'Irak modifie sa loi électorale sous les huées des partis d'opposition

Une photo diffusée par le parlement irakien montre le Premier ministre désigné Mohammed Shia al-Sudani au parlement lors d'un vote de confiance sur son nouveau gouvernement, le 27 octobre 2022. (AFP  / Handout / Bureau des médias du Parlement irakien)
Une photo diffusée par le parlement irakien montre le Premier ministre désigné Mohammed Shia al-Sudani au parlement lors d'un vote de confiance sur son nouveau gouvernement, le 27 octobre 2022. (AFP / Handout / Bureau des médias du Parlement irakien)
Short Url
  • Un communiqué de l'Assemblée indique que la loi «a été adoptée», sans détailler le décompte des votes
  • La nouvelle loi signe la suppression des 83 circonscriptions électorales existantes. A la place, chacune des 18 provinces constitue une circonscription

BAGDAD : Le Parlement irakien a entériné lundi le retour au système électoral d'avant le mouvement anti-pouvoir de 2019, provoquant la colère des partis indépendants d'opposition qui y voient un moyen de les faire disparaître.

La séance, organisée pendant la nuit, a vu l'expulsion de députés indépendants qui manifestaient bruyamment leur désaccord, selon des vidéos tournées par les élus eux-mêmes.

Un communiqué de l'Assemblée indique que la loi "a été adoptée", sans détailler le décompte des votes. Le Parlement monocaméral est dominé par le Cadre de coordination, une alliance de partis chiites pro-Iran dont est issu le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani.

Le texte consacre le retour à la loi électorale de 2018, balayant l'un des acquis du vaste mouvement de protestation anti-pouvoir qui avait secoué l'Irak à l'automne 2019. A l'époque, les manifestants avaient arraché la mise en place d'un système favorisant l'émergence de candidats indépendants. Lors des dernières législatives de 2021, quelque 70 d'entre eux avaient ainsi obtenu un siège, sur les 329 que compte le Parlement.

Le texte régira les prochaines élections législatives, dont la date n'est pas encore fixée, ainsi que les provinciales prévues le 6 novembre, sauf au Kurdistan d'Irak. Dans cette région autonome, les régionales doivent avoir lieu le 18 novembre dans un cadre électoral distinct.

La nouvelle loi signe la suppression des 83 circonscriptions électorales existantes. A la place, chacune des 18 provinces constitue une circonscription.

Cette mesure "va permettre aux responsables de grands partis de gagner des sièges plus facilement", estime l'analyste politique Sajad Jiyad sur Twitter. A l'inverse, "les petits partis et les indépendants auront plus de mal à faire campagne, (car) ils seront en compétition au niveau provincial et non au niveau local".

L'Irak retourne par ailleurs à un mode de scrutin proportionnel qui a la réputation de favoriser les plus grands partis. Car, explique M. Jiyad, les candidats des plus grandes formations pourront "remporter des sièges, même s'ils n'ont pas recueilli assez de voix".

Dorénavant, "les petits candidats n'auront plus aucun espoir d'obtenir une représentation au Parlement", a regretté Alaa al-Rikabi, un député indépendant. "Ils seront écrasés", a-t-il dit à l'AFP.

A l'inverse, Bahaa al-Dine Nouri, député du Cadre de coordination, a salué cette loi, car elle va permettre de "répartir les sièges en fonction du poids des partis". Pour lui, cela permettra de former un gouvernement plus rapidement et d'éviter les interminables bras de fer qui ont ponctué la période post-électorale en 2021 et 2022.


Liban: observer le ramadan quand on n’a même plus les moyens de manger

Les rues sont vides. (Photo Patricia Khodr)
Les rues sont vides. (Photo Patricia Khodr)
Depuis plus de trois ans, le pays du Cèdre fait face à l’une des crises économiques les plus importantes du monde depuis le XIXe siècle, selon la Banque mondiale. (Photo Patricia Khodr)
Depuis plus de trois ans, le pays du Cèdre fait face à l’une des crises économiques les plus importantes du monde depuis le XIXe siècle, selon la Banque mondiale. (Photo Patricia Khodr)
Short Url
  • Depuis plus de trois ans, le pays fait face à l’une des crises économiques les plus importantes du monde depuis le XIXe siècle, selon la Banque mondiale
  • «C’est la honte! J’achète même les petites cornes de piments frais à la pièce. Mais je n’ai pas le choix. En plus, j’ai coupé le générateur par manque de moyens»

BEYROUTH: «Nous commencions les préparatifs plus d’une dizaine de jours avant le ramadan. Nous nous rassemblions, ma sœur, ma mère et moi, pour confectionner des fatayers, des rakakats et des sambousseks (bouchées de pâtes farcies aux blettes, au fromage et à la viande) que nous mettions au congélateur pour les frire lors de la rupture du jeûne afin qu’ils accompagnent d’autres plats. Cette année, nous allons les remplacer par des frites et je suis sûre que nous ne pourrons pas manger des desserts ou inviter de la famille comme nous le faisions d’habitude», confie Shérine, une élégante femme de 30 ans, qui travaille dans une boutique de luxe et qui faisait partie de cette classe moyenne qui, aujourd’hui, n’existe pratiquement plus au Liban.

Depuis plus de trois ans, le pays du Cèdre fait face à l’une des crises économiques les plus importantes du monde depuis le XIXe siècle, selon la Banque mondiale. Le dollar est passé d’un taux fixe de 1 500 livres libanaises (LBP) en 2019 à plus de 140 000 LBP aujourd’hui.

Le pays où il faisait bon vivre, qui était connu pour être la Suisse du Moyen-Orient grâce à son système bancaire, s’est complètement effondré. Depuis plus de trois ans, les déposants n’ont pas accès à leurs comptes en banque et plus de 82% des Libanais vivent dans une pauvreté multidimensionnelle selon la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (Cesao), alors qu’un rapport des Nations unies publié en début de semaine classe le Liban à la deuxième place, derrière après l’Afghanistan, des pays les plus tristes du monde.

«Depuis trois ans, les choses empirent et nous n’avons pas encore touché le fond. Avec le manque de moyens dont nous souffrons actuellement, nous perdons même nos traditions», soupire Shérine, qui aimait beaucoup les rassemblements familiaux du mois du jeûne, devenus impossibles aujourd’hui.

Pour la rupture du jeûne, traditionnellement, plusieurs plats sont préparés tous les jours. Il doit y avoir du sirop de jallab (raisin secs), de tamer hindi (tamarin), ou d’amareddine (abricots séchés), une soupe, une salade, un plat à base de viande et de riz, des hors-d’œuvre comme les rakakats, le baba ghanoush, le houmous et les feuilles de vigne farcies. Enfin, un dessert généralement à base de fleur de lait.

«Avec les prix actuels, il faut compter une centaine de milliers de LBP tous les jours pour un véritable repas de ramadan. Nous sommes une famille de cinq personnes. Comment inviter des amis ou des proches?», déplore Shérine.

liban
Avant la crise, le sac de pain coûtait 1 500 LBP, il est aujourd’hui à 55 000 LBP. (Photo Patricia Khodr)

À Nabaa, dans l’un des quartiers les plus pauvres de Beyrouth, les personnes que nous interrogeons sur les préparatifs du ramadan lèvent les yeux vers le ciel quand ils pensent aux repas à préparer. «Nous comptons sur la Providence», déclarent-ils.

Noura, qui travaille comme caissière dans un supermarché du quartier, témoigne: «Cette semaine, nous n’avons proposé ni poulet ni viande. Nos clients ne peuvent même plus se permettre d’acheter une boîte de thon, comment voulez-vous qu’ils achètent de la viande? Avant la crise, le sac de pain coûtait 1 500 LBP, il est aujourd’hui à 55 000 LBP. Tous les autres produits ont suivi le cours du dollar.»

Manger est devenu secondaire

Un peu plus loin, dans un petit magasin qui vend toutes sortes d’objets, Nazir, père de cinq enfants âgés de 7 à 16 ans, est pensif. «Manger est devenu secondaire pour nous. J’ai reçu ce matin la visite du propriétaire de l’appartement. Il m’a lancé un ultimatum: il faut que je quitte la maison à la fin du mois. Je payais 50 dollars [1 dollar = 0,93 euro] de loyer par mois, il me demande aujourd’hui 200 dollars. Je n’ai pas cet argent et je suis incapable de l’obtenir. Je suis employé dans ce magasin et je gagne un tout petit salaire. Mes enfants mangent deux fois par jour. Cela fait des mois que nous n’avons pas mangé de viande. J’essaie d’acheter des légumes une fois tous les quinze jours. En ce qui concerne les fruits, quand j’ai les moyens, j’achète des bananes. Ce sont les fruits les moins chers. Et les choses ne changeront pas pour nous pour le ramadan», confie-t-il.

Dans le même quartier, Bilel, un employé d’un magasin de fruits et de légumes, note que «de nombreux clients achètent à crédit. Nous possédons le magasin le moins cher du quartier et nos clients achètent beaucoup moins qu’auparavant. Soit ils achètent les fruits et les légumes à la pièce, soit ils n’achètent pas plus d’un kilo», explique-t-il.

Tarek, la trentaine, vient de se marier. Il est soudeur et peine à arrondir ses fins de mois. «C’est la honte! J’achète même les petites cornes de piments frais à la pièce. Mais je n’ai pas le choix. En plus, j’ai coupé le générateur par manque de moyens», indique-t-il.

Depuis plus de deux ans, les Libanais vivent pratiquement sans électricité. Ils comptent sur des générateurs de quartier dont l’abonnement suit le cours du prix du brut, qui a flambé avec la guerre en Ukraine, depuis un an.

Une récente étude de l’ONU souligne que les ménages de ce qui reste de la classe moyenne utilisent 44% de leurs revenus pour payer les frais de l’abonnement au générateur.
Les moins nantis préfèrent couper l’abonnement ou partagent avec leurs voisins l’équivalent de 2 ou 3 ampères, ce qui leur permet d’allumer une lampe à la nuit tombée.
Fadi Ghazzaoui est responsable de l’organisation intitulée «Initiative Ras el-Nabeh». Il s’agit d’un collectif qui vient en aide aux habitants de ce vieux quartier de Beyrouth qui, depuis toujours, abrite une classe moyenne éduquée et qui vit dans la dignité. Ce n’est malheureusement plus le cas actuellement.

«Les gens manquent de tout. Nous aidons des centaines de personnes qui vivent dans le quartier. Certaines d’entre elles ont coupé leur abonnement au générateur. D’autres n’ont pas les moyens d’acheter des bonbonnes de gaz pour les cuisinières; ils ne peuvent donc pas préparer de plats chauds. Désormais, les gens comptent sur les caisses alimentaires des associations pour survivre, mais s’ils n’ont pas de gaz, comment vont-ils cuire leurs aliments?», souligne-t-il.
 
Fadi Ghazzaoui raconte également que les personnes qu’il côtoie n’ont plus les moyens d’acheter des médicaments ou de se rendre chez un médecin. «Elles vivent avec la hantise de tomber malades, car elles savent qu’elles ne peuvent pas se permettre d’aller à l’hôpital. Nous essayons d’intervenir dans la mesure du possible.»
«À Beyrouth, des milliers de familles comptent sur les caisses alimentaires des associations pour pouvoir manger. Pour le ramadan, de nombreuses ONG et des mosquées distribueront des plats chauds, avec aucun doute de la viande ou du poulet, des fruits ou un dessert oriental», indique-t-il.

Noha, 57 ans, est aidée par l’Initiative Ras el-Nabeh. Son mari et elle étaient enseignants. Ils ont une fille unique âgée de 19 ans. «Nous sommes propriétaires d’une petite maison. Jusqu’à la crise, nous vivions dignement. Nous n’étions pas riches, mais nous n’avions besoin de personne. Mon mari et moi travaillions. Aujourd’hui, mon mari a pris sa retraite et je suis au chômage depuis la crise. Actuellement, je partage 5 ampères de générateur avec trois voisins. Je fais la cuisine une fois tous les trois jours pour économiser le gaz. Je prépare surtout des lentilles, du riz, des pâtes, c’est-à-dire ce que nous recevons dans les caisses alimentaires», explique-t-elle.

Sa fille a obtenu des résultats remarquables au baccalauréat et elle a bénéficié d’une bourse dans l’une des plus importantes universités de Beyrouth. «Elle rêve de devenir médecin et je me priverai de tout pour qu’elle soit heureuse. Aujourd’hui, tout coûte cher et je m’endette pour lui acheter des serviettes hygiéniques. J’essaie de lui assurer de l’argent de poche, mais souvent elle va à l’université sans avoir dans son sac de quoi payer un café», confie Noha. Cette dernière a décidé il y a une semaine de ne plus conduire sa voiture – un modèle qui date de 2005, acheté à crédit chez un concessionnaire à l’époque –, car elle n’a plus les moyens de faire un plein d’essence.

 


Ramadan sous tension pour les Palestiniens face aux attaques israéliennes

Un Palestinien accroche des décorations à l'entrée de l'enceinte connue sous le nom de Noble Sanctuaire pour les musulmans et de mont du Temple pour les juifs, avant le mois du ramadan, dans la vieille ville de Jérusalem, le 20 mars 2023 (Photo, Reuters).
Un Palestinien accroche des décorations à l'entrée de l'enceinte connue sous le nom de Noble Sanctuaire pour les musulmans et de mont du Temple pour les juifs, avant le mois du ramadan, dans la vieille ville de Jérusalem, le 20 mars 2023 (Photo, Reuters).
Short Url
  • Dimanche, quatre colons israéliens ont lancé des substances inflammables sur la maison d'Ahmed Awashreh à Sinjil, au nord de Ramallah
  • Des policiers et des garde-frontières israéliens ont quant à eux envahi la mosquée Al-Aqsa samedi, forçant tous les fidèles à quitter les lieux

RAMALLAH: Des sources palestiniennes ont prévenu qu'Israël ne comptait pas désamorcer les tensions pendant le ramadan, après un week-end d'attaques en Cisjordanie et d'incursions dans la mosquée Al-Aqsa.

Dimanche, quatre colons israéliens ont lancé des substances inflammables sur la maison d'Ahmed Awashreh à Sinjil, au nord de Ramallah, un village pris pour cible à plusieurs reprises par des colons de Givat Harel, Shilo et Ma'ale Libouna.

Quelques semaines auparavant, des colons avaient violemment attaqué Huwara, Burin et Qaryut, au sud de Naplouse, mettant le feu à des dizaines de maisons et de véhicules.

Awashra, 35 ans, a indiqué avoir dû fuir avec les six membres de sa famille, estimant qu'ils avaient eu la vie sauve par miracle.

Des responsables palestiniens craignent que ne se reproduise l'attaque de 2015 à Douma, au sud de Naplouse, lorsque des colons ont incendié la maison de la famille Dawabsha.

Ali Dawabsha, alors âgé de 18 mois, avait été tué dans l'incendie, tandis que ses parents, Saad et Riham, avaient succombé à leurs blessures quelques jours plus tard. Leur fils Ahmed, âgé de quatre ans, avait subi de graves brûlures mais a survécu.

Yossi Dagan, chef du Conseil des colonies dans le nord de la Cisjordanie, a ouvert dimanche un bureau près de Huwara pour dénoncer l'absence de sécurité pour les colons qui traversent la région.

Ce geste rappelle celui d'Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité intérieure, qui avait ouvert un bureau dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, l'année dernière, lorsque des Palestiniens s'étaient opposés à la tentative de confiscation de leurs maisons par les colons.

Dimanche, l'armée israélienne a arrêté cinq Palestiniens de Tulkarem et de Huwara et a bouclé Naplouse quelques heures après une fusillade à Huwara qui a fait deux blessés parmi les soldats israéliens.

Cette attaque a été revendiquée par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).

Des dizaines de colons se sont rassemblés à Huwara et ont attaqué des véhicules palestiniens à coups de pierres près du rond-point de Deir Sharaf, dans le nord de Naplouse, endommageant certaines voitures.

La vieille ville d'Hébron a pareillement été prise d’assaut dans la nuit de samedi à dimanche, par un groupe lourdement armé scandant des slogans racistes, flanqués d'un important déploiement des forces israéliennes.

Des policiers et des garde-frontières israéliens ont quant à eux envahi la mosquée Al-Aqsa samedi, forçant tous les fidèles à quitter les lieux, confisquant des téléphones portables et arrêtant deux personnes, selon des sources palestiniennes.

Le cheikh Ekrima Sabri, imam d'Al-Aqsa, a affirmé à Arab News qu'Israël se livrait à une campagne acharnée contre la mosquée, violant ainsi la liberté de culte.

«Nous n'avons vu aucune installation de la part des autorités israéliennes au cours de ce ramadan. En revanche, nous avons vu des milliers de personnes se rassembler aux points de contrôle de Qalandia et de Bethléem après avoir été empêchées par l'occupation de se rendre à la mosquée Al-Aqsa pour accomplir les prières du vendredi», a déclaré le cheikh Sabri.

Selon ce dernier, l'afflux de fidèles à Al-Aqsa pendant le ramadan, dont le nombre a dépassé celui des années précédentes, est un message destiné à Israël, responsable selon lui de l'escalade des tensions.

«Cela dépend entièrement des actions et des procédures mises en place par l'occupation. Si la situation s'aggrave, il y aura des tensions, et si ce n'est pas le cas, le calme prévaudra», a ajouté le cheikh Sabri. «Quiconque appelle au calme ne doit pas prendre de mesures qui provoquent l'ire des musulmans.»

Le ministère palestinien des Affaires étrangères a pour sa part condamné les incursions à Al-Aqsa et les provocations incessantes des colons. Il a martelé que l'expulsion des fidèles était un crime et une atteinte au caractère sacré de la mosquée Al-Aqsa et du ramadan.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com