France: le cas Oisaev, nouveau symbole de l'épineux dossier des expulsions de Tchétchènes

Des membres de la communauté tchétchène de France se rassemblent devant le Conseil d'Etat à Paris pour protester contre le terrorisme le 3 juin 2018. (AFP)
Des membres de la communauté tchétchène de France se rassemblent devant le Conseil d'Etat à Paris pour protester contre le terrorisme le 3 juin 2018. (AFP)
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Publié le Mardi 08 février 2022

France: le cas Oisaev, nouveau symbole de l'épineux dossier des expulsions de Tchétchènes

  • La justice française doit se prononcer ce mardi sur le sort de Djakhar Oisaev, qui selon les autorités, est radicalisé et représente une «menace pour la sûreté de l'Etat»
  • Pour la défense, si son statut lui a été retiré, Djakhar Oisaev conserve sa qualité de réfugié, ce qui signifie en droit qu'il reste exposé "à des traitements inhumains et dégradants" dans son pays d'origine

PARIS : La justice française doit se prononcer mardi sur le sort du Tchétchène Djakhar Oisaev, qui selon les autorités, est radicalisé et représente une "menace pour la sûreté de l'Etat", mais dont l'expulsion prévue vers la Russie serait "illégale" car elle l'expose aux pires sévices, selon ses défenseurs.

La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) doit donner, lors d'une audience mardi à 14h30 (13h30 GMT), son avis sur l'expulsion du jeune homme de 22 ans, nouveau symbole selon la communauté tchétchène du durcissement politico-judiciaire les visant depuis l'assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine (région parisienne), en octobre 2020, par un réfugié tchétchène.

Arrivé en France à 7 ans avec sa mère, son frère et sa soeur, après la disparition de son père combattant tchétchène, Djakhar Oisaev obtient le statut de réfugié et passe son enfance dans la région grenobloise (sud-est).

C'est là que l'affaire Oisaev prend racine, du temps où il est collégien. 

Il est d'abord signalé aux autorités pour des propos liés à la minute de silence en hommage aux victimes des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, début 2015, qu'il aurait refusé de respecter. 

On lui reproche également, en 2017, les propos tenus dans une vidéo publiée sur le réseau Snapchat, sous le pseudonyme "Djihad l'Tchétchène".  

Des propos tout sauf sérieux, tenus à une époque où il est "un gosse qui se cherche +identitairement+", assure à l'AFP son avocate, Me Lucie Simon, soulignant que Djihad est son deuxième prénom.

Expulser à tout prix

Il est placé deux fois en garde à vue, perquisitionné, mais les juges décident de classer les affaires sans suite. Il n'écope d'aucune condamnation, seulement de rappels à la loi et d'obligations de soins. 

Pourtant, en 2019, son statut de réfugié lui est retiré. Et en 2021, sur la foi de "notes blanches" des renseignements, il fait l'objet d'une procédure d'expulsion en "urgence absolue", car il est considéré comme une "menace pour la sûreté de l'Etat".

"Cette affaire est politique. Comment sur le volet pénal peut-on décider de ne même pas poursuivre, et sur le volet administratif le qualifier de la plus grande des dangerosités ?", interroge son conseil.

"On observe une volonté du ministère de l'Intérieur d'expulser à tout prix", poursuit-elle, expliquant avoir saisi la CNDA sur "les risques qu'encourt (son) client en cas de retour en Tchétchénie".

Car, pour la défense, si son statut lui a été retiré, Djakhar Oisaev conserve sa "qualité" de réfugié, ce qui signifie en droit qu'il reste exposé "à des traitements inhumains et dégradants" dans son pays d'origine.

C'est aussi la raison pour laquelle Amnesty international s'oppose à son expulsion, qui serait "illégale".

"La révocation de son statut administratif de réfugié n'autorise pas la France à procéder à son expulsion, qui serait une violation flagrante du principe de non-refoulement, consacré par la convention de Genève", écrit dans un communiqué l'ONG, partie au dossier.

Précédent Gadaev

"Il est en danger s'il était renvoyé en Russie, c'est ce que montrent tous les exemples passés", résume Manon Fillonneau, en charge du dossier chez Amnesty international.

En particulier le précédent Magomed Gadaev, dont l'expulsion en avril 2021 vers la Russie avait suscité une vive polémique.

Personnage sulfureux, opposant notoire au dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, Magomed Gadaev avait été renvoyé en Russie par le ministère français de l'Intérieur, qui lui imputait des "liens de longue date avec la mouvance islamiste et du jihad international".

Depuis son expulsion, Gadaev a été condamné en juin 2021 à 18 mois de détention dans une colonie pénitentiaire locale.

Ce qui attend Oisaev, "c'est la même chose que Gadaev", au mieux un "procès inéquitable", au pire des tortures ou une disparition, reprend Manon Fillonneau. 

Interrogé, le ministère de l'Intérieur n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

Djakhar Oisaev, lui, sera extrait mardi de son centre de rétention pour assister à l'audience devant la CNDA. 

Mais l'avis de cette cour n'est que consultatif, convient l'avocate Lucie Simon, relevant que les autorités ont déjà tenté de l'expulser en décembre.

"Une fois que la CNDA aura statué, nous allons retomber dans une course contre la montre pour saisir la CEDH", Cour européenne des droits de l'homme, anticipe-t-elle. "En espérant qu'elle ait le temps de suspendre pour la seconde fois son expulsion, avant le départ de l'avion."


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.


Quatre associations musulmanes portent plainte contre un sondage Ifop

Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
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  • Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop
  • Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021

PARIS: Quatre associations du culte musulman ont porté plainte lundi pour dénoncer le manque d'objectivité supposé d'un sondage Ifop sur le rapport des fidèles à l'islam, ont annoncé leurs avocats à l'AFP.

Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop "Etat des lieux du rapport à l'islam et à l'islamisme des musulmans de France".

Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021.

Ce sondage "viole le principe d'objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d'opinion", se "fonde sur des questions orientées" et se "focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques", accusent les avocats Mes Raphaël Kempf et Romain Ruiz, dans un communiqué.

Selon eux, le sondage distille "le poison de la haine dans l'espace public", renforçant "les amalgames".

Contacté par téléphone, François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l'Ifop, a indiqué qu'il répondrait à l'AFP par écrit, ce qu'il n'avait pas fait dans l'après-midi.

Le CFCM avait déjà dans un communiqué vendredi déploré "une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses", avec des analyses et données "contestables".

L'enquête Ifop, basée sur un échantillon de 1.005 personnes de religion musulmane, a été commandée par le média confidentiel "Ecran de veille", qui se présente comme "le mensuel pour résister aux fanatismes".

L'attention médiatique et politique s'est beaucoup focalisée sur le sous-échantillon des 15-24 ans, constitué de 291 personnes, et révélant une forte pratique (87% se considèrent religieux, 67% disent prier "au moins une fois par jour", 83% font le ramadan)

François Kraus écrit dans sa conclusion sur le site de l'Ifop que "cette enquête dessine très nettement le portrait d'une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste".

Le sondage a provoqué de vives réactions, l'extrême droite y voyant un signe d'"islamisation", tandis que des représentants de la communauté musulmane ont regretté "une stigmatisation".

"A mal poser les questions, on finit toujours par fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer", affirmait dans son billet hebdomadaire le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz.

Le politiste Haouès Seniguer qualifie pour sa part de raccourci "grossier et réducteur" l'idée, sous-jacente selon lui au sondage, qu'une observance stricte de l'islam soit la porte d'entrée mécanique vers l'islamisme.


Macron invité de RTL mardi matin

 Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
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  • Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat Français a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine
  • Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire

PARIS: Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué.

Le président de la République sera notamment interrogé sur la situation internationale, alors qu'une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" au soutien de l'Ukraine est prévue mardi en visioconférence.

Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine.

M. Macron sera aussi interrogé sur "les menaces qui pèsent sur la France", selon le communiqué de RTL.

Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire.