Face à la montée du sentiment anti-France au Sahel, une coopération en question

Cette photographie prise le 7 décembre 2021 montre un soldat français surveillant le camp de Menaka pour la nouvelle Task Force Takuba, une mission militaire multinationale dans la région troublée du Sahel en Afrique subsaharienne, à la base de Menaka. THOMAS COEX / AFP
Cette photographie prise le 7 décembre 2021 montre un soldat français surveillant le camp de Menaka pour la nouvelle Task Force Takuba, une mission militaire multinationale dans la région troublée du Sahel en Afrique subsaharienne, à la base de Menaka. THOMAS COEX / AFP
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Publié le Lundi 14 février 2022

Face à la montée du sentiment anti-France au Sahel, une coopération en question

  • Confrontée à la montée du sentiment anti-France, la coopération militaire pour lutter contre les djihadistes est remise en question au Sahel
  • Au Mali, le sentiment n'est toutefois pas récent, il trouve ses racines dans une histoire coloniale tourmentée

NIAMEY: Messages hostiles de la junte au pouvoir au Mali ou manifestations tendues pour bloquer des convois de Barkhane au Burkina Faso et au Niger: confrontée à la montée du sentiment anti-France, la coopération militaire pour lutter contre les djihadistes est remise en question au Sahel. 

L'ancienne puissance coloniale est accusée pêle-mêle de faire et défaire les pouvoirs en Afrique, de maintenir les pays sous sa tutelle économique via le franc CFA et d'être inefficace, voire complice des djihadistes qui endeuillent le Sahel.

Au Mali, le sentiment n'est toutefois pas récent, il trouve ses racines dans une histoire coloniale tourmentée, et s'est renforcé ces derniers mois après des déclarations incendiaires de la junte au pouvoir à Bamako. Au point que le scénario d'un retrait des forces françaises est désormais sérieusement envisagé. 

"Il y a toujours eu un sentiment anti-France latent dû à une sorte de condescendance, d'arrogance de la politique française en Afrique qui n'a pas connu de mutation profonde depuis la fin de la colonisation", explique à l'AFP Rodrigue Koné, chercheur à l'Institut des études de sécurité (ISS).

"La France, à l’inverse de la Grande-Bretagne, a mis en place dès 1958, sous l'égide du général de Gaulle, une politique néocoloniale en Afrique sub-saharienne. Cette politique poussa la France à routiniser les interventions militaires dans son +pré carré+ africain", écrit de son côté le chercheur nigérien Rahmane Idrissa.  

Ainsi, l'opération antidjihadiste Barkhane est largement perçue dans l'opinion comme une énième intervention néocoloniale, même si elle tente d'associer les armées locales dans son combat. 

"Il y a eu des erreurs de diplomatie, comme quand la France a empêché l'armée malienne de rentrer à Kidal en 2013. Ce genre d'évènements a été perçu comme de l'arrogance et a renforcé un sentiment patriotique et souverainiste qui revient au galop aujourd'hui. La junte au pouvoir (à Bamako) essaie de capitaliser sur ce sentiment", analyse Rodrigue Koné.

Nouvelle approche

Au Niger voisin, l'hostilité envers Barkhane s'est renforcée en novembre lorsque trois personnes sont mortes à Téra, en essayant d'empêcher un convoi de la force française Barkhane de passer. Il venait du Burkina où il avait déjà été bloqué pendant plusieurs jours par des manifestants en colère.

Récemment, des drapeaux français ont aussi été brûlés dans des manifestations contre le pouvoir au Tchad, "du jamais vu", dans ce pays, selon le chercheur Kelma Manatouma.

"Le passé colonisateur de la France, son intervention dans nos politiques intérieures, nos ressources dont l'uranium qui sont pillées, poussent la jeunesse à réfléchir. Nous n'avons pas de contrat gagnant-gagnant avec la France", affirme Maïkoul Zodi, responsable de la section nigérienne de Tournons La Page (TLP) qui exige notament le départ des bases militaires étrangères.

Sur les réseaux sociaux, des messages vont même jusqu'à accuser la France de complicité avec les groupes djihadistes. 

"Sur le terrain, les populations ont plus confiance en Barkhane qu'en leurs propres armées. Tous les chefs djihadistes détenus ou tués au Niger, c'est Barkhane, comment peut-on alors parler d'une collusion entre Barkhane et ces terroristes ?", tempère Boubacar Diallo, dirigeant de l'Association des éleveurs de la région de Tillabéri, particulièrement touchée par les attaques au Niger. 

Si l'avenir de l'intervention française au Mali semble désormais compromis, celui de son redéploiement dans le reste du Sahel demeure un grand point d'interrogation.

"Il faut se poser la question, alors que la relation est bonne avec les forces armées maliennes, de pourquoi l’opinion publique ne comprend pas pourquoi on est là", reconnaît le chef d'état-major français, Thierry Burkhard. 

Pour éviter de nouvelles incompréhensions, l'armée française martèle qu'elle est là "aux côtés des pays africains".

Drapeaux russes

En attendant, d'autres partenaires espèrent tirer leur épingle du jeu, à commencer par la Russie. 

Des chancelleries occidentales affirment que des instructeurs du groupe paramilitaire Wagner sont déjà à l'oeuvre au Mali, ce que Bamako nie et qui n'a pu être vérifié de manière indépendante pour le moment. 

Reste que cette nouvelle coopération est souhaitée par une partie de la population comme le montrent les drapeaux russes dans les manifestations de liesse après le coup d'Etat militaire à Ouagadougou.

"Le Burkina a besoin de tisser des partenariats avec d’autres puissances plus crédibles et de compter sur sa propre armée pour éradiquer le terrorisme", affirme le militant de la société civile Alassane Sanfo.

"La situation (sécuritaire) ne fait qu'empirer. Ce n'est pas que les gens ont plus confiance dans les Russes. Mais si vous avez essayé un remède et que ce n'est pas efficace, vous avez envie d'expérimenter d'autres formules", explique Maïkoul Zodi.

Et Rodrigue Koné de conclure: "On est sur une séquence de ressentiment profond vis-à-vis du système démocratique qui n'a pas fait émerger des élites de qualité. Il y a une envie de revenir à des hommes forts, des pouvoirs forts et la Russie n'est pas regardante là-dessus".


La défiance à l'égard de Macron et de Bayrou au plus haut, selon un sondage Paris, France

Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou et le président français Emmanuel Macron assistent à une réunion avec les élus de Nouvelle-Calédonie et les représentants de l'État au palais de l'Élysée, à Paris, le 12 juillet 2025. (AFP)
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  • La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat
  • Le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi

PARIS: La défiance à l'égard du président Emmanuel Macron s'est accrue en juillet pour atteindre le niveau le plus élevé de son second quinquennat, tandis que le Premier ministre François Bayrou a établi un nouveau record d'impopularité, selon un sondage Elabe pour Les Echos publié jeudi.

Près des trois quarts des Français interrogés (73%) affirment ne pas faire confiance au chef de l'Etat et la moitié (49%) va jusqu'à "ne pas lui faire du tout confiance", le niveau le plus élevé atteint de son second mandat, qu'il n'a dépassé qu'une seule fois depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 au plus fort de la crise des gilets jaunes en décembre 2018.

Selon le sondage, seuls 21% des Français font confiance à Emmanuel Macron, soit un point de moins qu'en juin et 6 de perdus par rapport à mars.

Pour François Bayrou, qui a présenté à la mi-juillet les mesures d'économie prévues par le gouvernement dans son projet de budget pour l'année prochaine, la chute se poursuit avec seulement 12% des Français qui disent lui faire confiance, soit un nouveau record d'impopularité (-2 points).

La défiance à l'égard du chef du gouvernement a progressé, avec 80% des Français (+5 points en un mois) qui disent ne pas lui faire confiance et 56% qui affirment ne pas lui faire "du tout" confiance, soit un bond de 9 points depuis juin.

Au classement des personnalités, le RN Jordan Bardella conserve la première place avec 39% des Français (+3 points) qui ont une image positive de lui, devant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe (37%) et Marine Le Pen (35%).

A gauche, le mieux classé est l'ancien président François Hollande qui s'installe en huitième position grâce à un bond de 6 points en un mois.

Sondage réalisé par internet les 29 et 30 juillet auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Marge d'erreur entre 1,4 et 3,1 points.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".