Les fake news prolifèrent dans les troubles du Sahel

Un marché à Bamako le 1er février 2022. Photo d'illustration FLORENT VERGNES / AFP
Un marché à Bamako le 1er février 2022. Photo d'illustration FLORENT VERGNES / AFP
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Publié le Mardi 15 février 2022

Les fake news prolifèrent dans les troubles du Sahel

  • Les fake news politiques prolifèrent au Sahel
  • Ils trafiquent grossièrement les communiqués à en-tête gouvernemental pour annoncer faussement que le Mali a rompu ses relations avec la France

BAMAKO: Les fake news politiques prolifèrent au Sahel. Ils accusent de turpitudes la France et ses alliés et glorifient les mouvements populaires contre les ordres établis, prospérant dans les troubles qui secouent la région.

Ils trafiquent grossièrement les communiqués à en-tête gouvernemental pour annoncer faussement que le Mali a rompu ses relations avec la France. Ils détournent les photos et recyclent d'anciennes vidéos pour illustrer la prétendue solidarité de peuples frères avec le Mali sous sanctions internationales.

Plus sophistiqués, ils prennent l'apparence d'un flash d'information avec un avatar de présentateur pour affirmer que la France soudoie les partis maliens contre la junte au pouvoir.

"On avait un moment connu une accalmie dans la fabrication et la circulation des fake news", mais cela a repris de plus belle, constate Abdoulaye Guindo, coordinateur de Benbéré, principale plateforme en ligne de vérification des infox au Mali.

Les infox sur le football, les célébrités ou le covid pullulent au Sahel comme ailleurs. Le foisonnement des infox politiques s'inscrit, lui, dans un contexte de tensions entre le Mali et l'ancien colonisateur français, de ressentiment antifrançais, de compétition entre les puissances et de contestation des alliances et des systèmes en place.

Trois coups d'Etat ont redistribué les cartes au Mali et au Burkina Faso en moins de deux ans.

Dans une région où l'accès aux médias conventionnels est parcellaire ou nul, où des Etats affaiblis ou discrédités peinent à faire entendre leur voix mais où les smartphones sont partout malgré la pauvreté, Whatsapp, Facebook et Youtube véhiculent la désinformation, à l'instigation d'acteurs souvent dissimulés.

Viralité opaque

Le plus courant des fakes, disent les experts, est la réutilisation de vieilles vidéos dans un contexte nouveau. Ils "participent à la désinformation tout en semant la psychose", disait mi-janvier la Brigade burkinabè de lutte contre la cybercriminalité sur sa page Facebook en démentant la véracité d'une vidéo virale.

Elle prétendait montrer la mise à sac de l'ambassade du Faso à Bamako par des individus associant le Burkina à la décision des pays ouest-africains d'infliger des sanctions au Mali. Il s'agissait en fait d'une manifestation en Angola.

Une photo partagée des centaines de fois sur Facebook début février était censée montrer une récente manifestation à Niamey. "Niamey en ébullition", disait la légende, laissant supposer qu'après le Mali ou le Burkina, le Niger était gagné par la protestation. 

AFP Factuel, le service de factchecking de l'Agence France-Presse, a démontré que le cliché avait été pris en 2014 au Faso.

"En octobre, nous avons observé une forte augmentation des fausses informations sur les réseaux sociaux concernant le Mali. Mais depuis le début de l’année, nous avons noté que cette désinformation augmente dans plusieurs pays du Sahel", note Caroline Taïx, éditrice Afrique à AFP Factuel.

Impossible de quantifier la viralité de ces fakes, sur Whatsapp au moins, où l'on peut transférer en un clic un contenu à ses contacts. Impossible aussi d'identifier de qui ils émanent.

Mais des opinions se forgent "sur la base d'informations qui sont en décalage avec la réalité", dit le chercheur malien Baba Dakono. Dans un contexte de polarisation des opinions, ces fausses informations "pourraient amener à des situations regrettables où des personnes sont prises à partie, lynchées", estime-t-il.

Guerre informationnelle

Ces derniers mois sont apparues des vidéos non plus seulement détournées, mais montées de toute pièces et "de faux profils créés" sur les réseaux sociaux "juste pour intoxiquer l'opinion", explique un responsable à la présidence nigérienne sous couvert d'anonymat.

La plupart de ces vidéos reprennent les codes des médias internationaux et s'appuient sur des images fixes ainsi qu'une voix off robotisée. Elles dénoncent la présence française au Mali et promeuvent une intervention russe.

L'AFP en a comptabilisé une quinzaine depuis deux mois, contre zéro auparavant. Elles sont semblables à des vidéos ayant circulé ces dernières années en Centrafrique, où sont déployés des hommes en armes russes.

Elles participent à "une désinformation volontaire, une guerre informationnelle", dit un diplomate africain à Bamako sous le couvert de l'anonymat.

"Ces fake news, c'est une guerre froide entre puissances, les démocraties européennes contre certains de leurs adversaires à la tête desquels se trouvent les Russes", déclare Kalla Moutari, ex-ministre nigérien de la Défense, membre influent du parti au pouvoir.

La Russie a toujours démenti avec fermeté mener des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, et se dit elle-même victime de fake news occidentaux.

Des comptes Twitter créés ces derniers mois soutiennent, eux, l'intervention militaire française au Sahel. Fin 2020, Facebook avait supprimé trois réseaux de "trolls" gérés depuis la Russie et la France sur l'actualité africaine, dont un avait des liens avec des personnes associées à l'armée française. Paris avait affirmé ne "pas être en mesure d'attribuer d'éventuelles responsabilités".


Damas va «lutter activement» contre les groupes «terroristes», affirme un émissaire américain

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  • "Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack
  • Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes

DAMAS: Damas va lutter activement contre les groupes "terroristes" dont l'Etat islamique (EI), les Gardiens de la Révolution iraniens, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, a affirmé jeudi l'émissaire américain pour la Syrie Tom Barrack.

Le président américain Donald Trump a reçu lundi à la Maison Blanche son homologue syrien Ahmad al-Chareh, une première pour un chef d'Etat syrien et une consécration pour l'ancien jihadiste qui pris le pouvoir en décembre 2024 après avoir renversé Bachar al-Assad.

La coalition antijihadiste dirigée par les Etats-Unis a annoncé mercredi que la Syrie était devenue le 90ème membre de ce groupe qui avait été créé en 2014 pour combattre l'EI en Syrie et en Irak.

"Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack.

L'Iran, à travers les Gardiens de la Révolution, son armée idéologique, et le Hezbollah soutenaient militairement le pouvoir de Bachar al-Assad avant sa chute, contrairement au Hamas qui n'y avait pas de présence armée.

Une réunion tenue cette semaine à Washington avec les chefs de la diplomatie américaine Marco Rubio, turque Hakan Fidan et syrienne Assaad al-Chaibani a évoqué l'intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et qui contrôlent de vastes pans du nord-est syrien, au sein de l'Etat, selon l'émissaire.

Soutenues par les Etats-Unis, les FDS ont été le fer de lance de la lutte en Syrie contre le groupe EI, qui y a été défait.

Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes.

Sur X, M. Abdi a indiqué avoir discuté au téléphone avec Tom Barrack de son engagement "à accélérer l'intégration des FDS au sein de l'Etat syrien".

Le pouvoir de M. Chareh et les Kurdes avaient signé un accord en mars pour intégrer dans un délai d'un an leurs institutions civiles et militaires au sein du pouvoir central mais son application a été entravée par des divergences entre les deux parties.

 


Cisjordanie : le chef de l'armée israélienne veut «mettre fin» aux violences de colons

Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
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  • Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens
  • Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes

JERUSALEM: Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies.

"Nous sommes déterminés à mettre fin à ce phénomène et nous agirons avec fermeté jusqu'à ce que justice soit rendue", a déclaré le lieutenant-général Eyal Zamir lors d'une visite à des troupes en exercice dans ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, selon un communiqué militaire.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaire de l'ONU (Ocha) a annoncé avoir enregistré en Cisjordanie "264 attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en octobre, soit "le bilan mensuel le plus élevé en près de deux décennies de collecte de données".

Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens en lien avec une descente violente menée contre la localité palestinienne de Beit Lid, près de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie.

Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes.

Le président israélien Isaac Herzog a condamné ces exactions les qualifiant de "choquantes et inacceptables".

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons de plus en plus jeunes et violents vivant généralement dans des avant-postes (implantations illégales au regard du droit israélien et destinées à créer des faits accomplis sur le terrain) se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants anticolonisation israéliens ou étrangers, des journalistes et parfois aussi des soldats.

Plus de 500.000 Israéliens vivent en Cisjordanie dans des colonies régulièrement condamnées par l'ONU comme illégales au regard du droit international, au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.003 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

 


Législatives en Irak: la liste du Premier ministre remporterait une large victoire

La liste du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, qui brigue un second mandat, a remporté une large victoire, selon des sources proches de sa formation politique, aux élections législatives tenues mardi avec une participation inattendue. (AFP)
La liste du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, qui brigue un second mandat, a remporté une large victoire, selon des sources proches de sa formation politique, aux élections législatives tenues mardi avec une participation inattendue. (AFP)
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  • La commission électorale irakienne devrait annoncer les premiers résultats officiels de ce sixième scrutin depuis la chute de Saddam Hussein dans le courant de la soirée
  • Le taux de participation marque une forte hausse par rapport au record historiquement bas de 41% en 2021, malgré un sentiment général d'apathie et de scepticisme, ainsi que le boycott du scrutin par l'influent leader chiite Sadr

BAGDAD: La liste du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, qui brigue un second mandat, a remporté une large victoire, selon des sources proches de sa formation politique, aux élections législatives tenues mardi avec une participation inattendue.

Le prochain gouvernement irakien, dont la formation doit donner lieu à d'intenses tractations, devra répondre aux demandes de la société pour des emplois, ainsi que de meilleurs infrastructures, services éducatifs et de santé, dans un pays miné par la corruption et la mauvaise gestion.

Il devra aussi préserver le fragile équilibre entre les deux principaux alliés de l'Irak, l'Iran et les États-Unis, alors que le Moyen-Orient traverse une période de profonds bouleversements.

La liste chiite Coalition pour la reconstruction et le développement de M. Soudani a remporté "une victoire majeure", a affirmé mercredi auprès de l'AFP un responsable proche du Premier ministre. Deux autres sources proches ont indiqué qu'elle s'était assurée environ 50 sièges au Parlement, y devenant ainsi le principal bloc.

La commission électorale irakienne devrait annoncer les premiers résultats officiels de ce sixième scrutin depuis la chute de Saddam Hussein dans le courant de la soirée.

Alliance nécessaire 

M. Soudani s'est imposé sur la scène politique irakienne après avoir été porté au pouvoir en 2022 grâce au soutien d'une alliance regroupant des partis et factions chiites tous liés à l'Iran, le Cadre de coordination,

Les élections ouvrent la voie à la désignation d'un nouveau président, poste largement honorifique réservé à un Kurde, et d'un Premier ministre traditionnellement chiite. Un sunnite occupera le poste de président du Parlement.

Une majorité absolue étant de fait impossible à obtenir pour une seule liste, M. Soudani, si sa victoire est confirmée, devra à nouveau fédérer les factions chiites pour assurer sa reconduction.

Les partis sunnites se sont présentés séparément au scrutin, marqué par une participation de plus de 55% selon la commission électorale, l'ancien président du Parlement Mohamed al-Halboussi étant donné favori.

Dans la région autonome du Kurdistan, la rivalité entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) reste vive.

L'Irak a connu une stabilité inhabituelle ces dernières années, après plusieurs décennies de guerre et de répression sous Saddam Hussein et depuis l'invasion menée par les Etats-Unis en 2003 qui l'a renversé.

Les électeurs étaient appelés à départager plus de 7.700 candidats, dont près d'un tiers de femmes, pour occuper 329 sièges de députés aux mandats de quatre ans.

Le taux de participation marque une forte hausse par rapport au record historiquement bas de 41% en 2021, malgré un sentiment général d'apathie et de scepticisme, ainsi que le boycott du scrutin par l'influent leader chiite Moqtada Sadr, qui a dénoncé une "élection bancale, dominée par les intérêts sectaires, ethniques et partisans".

Développement et équilibrisme 

M. Soudani s'est pendant la campagne engagé à poursuivre sa politique de reconstruction et de développement.

Durant ses trois années de mandat, Bagdad s'est métamorphosée en un vaste chantier, avec la construction de nouveaux tunnels et ponts à travers la capitale.

Il affirme par ailleurs que son gouvernement a préservé l'Irak des turbulences régionales au cours des deux dernières années.

L'issue de cette échéance électorale est suivie de près par l'Iran et les Etats-Unis.

L'Iran espère préserver son influence chez son voisin après avoir vu ses autres alliés régionaux (Hezbollah libanais, Hamas palestinien, Houthis yéménites) affaiblis depuis deux ans par leurs conflits avec Israël.

Téhéran a en outre perdu un allié majeur avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie fin 2024.

Et l'Irak est sous pression des Etats-Unis (qui maintiennent quelque 2.500 soldats dans le pays) pour désarmer les groupes pro-iraniens.

L'administration du président Donald Trump a nommé un envoyé spécial pour le pays, Mark Savaya, d'origine irakienne, qui a insisté sur la nécessité de voir l'Irak "libéré des ingérences étrangères malveillantes, notamment celles de l'Iran et de ses supplétifs".