Six mois après, les bleus à l'âme des évacués afghans en France

Un homme se tient parmi des tentes dans un camp de migrants de fortune, principalement composé d'Afghans, le long du canal Saint-Martin à Paris le 21 février 2018. (Joël Saget / AFP)
Un homme se tient parmi des tentes dans un camp de migrants de fortune, principalement composé d'Afghans, le long du canal Saint-Martin à Paris le 21 février 2018. (Joël Saget / AFP)
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Publié le Mardi 15 février 2022

Six mois après, les bleus à l'âme des évacués afghans en France

  • Au total, quelque 123.000 civils ont été exfiltrés durant le gigantesque pont aérien organisé par les États-Unis
  • Le ministère des Affaires étrangères français s'est dit lundi «pleinement mobilisé» pour organiser «dès que possible de nouvelles opérations»

STRASBOURG, France : Mère de trois enfants, Hanifa s'est retrouvée séparée de son cadet lors de son évacuation chaotique de Kaboul mi-août. Depuis six mois en France, malgré un accueil qu'elle qualifie d'excellent, l'Afghane vit comme une poupée cassée, ses larmes coulant immanquablement dès qu'elle mentionne Mustafa.

«Mon cœur pleure toujours», résume la trentenaire, les yeux humides, depuis le vaste appartement encore insuffisamment meublé où ses deux bambins restants et elle sont logés. Et de ressasser l'arrachement, son petit de 7 ans qui la réclame, les conversations déchirantes sur WhatsApp.

Hanifa fait partie des quelques centaines d'Afghans évacués de l'ambassade de France le 17 août dernier, deux jours après que le pays fut passé aux mains des talibans.

Battue par des extrémistes devant la représentation diplomatique française, elle avait pu monter in extremis avec son benjamin Osman et son aînée Bahar, 3 et 8 ans aujourd'hui, dans l'un des bus en partance pour l'aéroport de Kaboul.

Mais Mustafa, venu séparément avec une tante, n'avait pas eu cette chance. Le garçonnet avait finalement quitté quelques jours plus tard l'Afghanistan par la route, avec son père, un haut fonctionnaire de l'ancien régime. Tous deux vivent actuellement en Ouzbékistan.

«Je remercie beaucoup la France. Elle m'a donné un appartement, la sécurité sociale. Quand j'étais malade, je n'ai pas eu à payer les médicaments», liste Hanifa. Et de sortir de son portefeuille doré sa carte de séjour de 10 ans récemment obtenue, ou encore sa carte de crédit renflouée par l'État français.

«Mais mon problème, c'est Mustafa», s'effondre la mère de famille, qui a entamé une procédure de regroupement familial pour enfin retrouver son fils et son mari. Sans certitude quant au délai, ni sur l'issue positive de sa requête.

Terreur

L'AFP a rencontré une demi-douzaine de réfugiés afghans parmi les 2.600 évacués par la France entre le 16 et le 30 août dernier, avant le départ des derniers soldats américains.

Au total, quelque 123.000 civils ont été exfiltrés durant le gigantesque pont aérien organisé par les États-Unis. Washington affirme avoir accueilli quelque 70.000 Afghans, Londres plus de 15.000 et Rome près de 5.000. Berlin avait de son côté identifié 10.000 Afghans à risque mais n'avait pu n'en faire sortir que 4.000 les deux dernières semaines d'août.

Quelque 400 autres ont rejoint l'Hexagone les mois suivants via le Qatar, alors que des rumeurs dans la capitale afghane font état de nouveaux vols d'évacuation. Interrogé par l'AFP, le ministère des Affaires étrangères français s'est dit lundi «pleinement mobilisé» pour organiser «dès que possible de nouvelles opérations».

Parmi ceux déjà en France, tous louent l'accueil reçu dans leur nouvelle patrie. Mais ils racontent aussi, six mois après leur arrivée, une vie en demi-teinte, la terreur qu'ils éprouvent pour leurs proches, désormais sous le joug fondamentaliste, alors que l'Afghanistan, en banqueroute, risque de plonger dans la famine.

Hanifa, filmée par l'AFP, refuse ainsi que son visage apparaisse à l'écran de peur de représailles pour sa famille restée au pays. Elle veut taire son lieu d'habitation, dans l'Est français, par crainte que les talibans ne l'y retrouvent, même si cela paraît improbable.

Usman, lui aussi, requiert un nom d'emprunt. Cet ex-haut fonctionnaire afghan, qui vit désormais dans un immeuble défraîchi en banlieue de Strasbourg avec sa femme et ses trois enfants, dont un nouveau-né d'un mois à peine, alterne optimisme et abattement.

A 28 ans, il n'est qu'éloge du système français et «les services extraordinaires» dont bénéficient les évacués afghans. Sa fille aînée, comme les enfants de Hanifa, est déjà scolarisée. La maîtresse «met en place des classes spéciales» pour qu'elle et d'autres primo arrivants apprennent plus vite le français, s'émerveille-t-il.

Son épouse a accouché en janvier «comme une femme française» à l'hôpital alors que sa demande d'asile n'avait pas encore été acceptée et qu'elle ne disposait pas de la sécurité sociale, poursuit Usman. Et de rappeler la bonté d'un voisin, septuagénaire, qui lui rend d'innombrables services, quand il ne lui enseigne pas la pétanque.

Réfugiés « VIP»

Les évacués afghans sont traités comme des réfugiés «VIP» par les autorités, observe une assistante sociale interrogée par l'AFP. L'examen des dossiers est accéléré pour ces familles souvent issues des classes supérieures afghanes, qui peinent parfois à se faire à leur nouveau quotidien désargenté, estime une autre travailleuse sociale.

Usman ne regrette pourtant pas sa nouvelle condition. «Nous voyagions dans des voitures blindées en Afghanistan, avec des gardes armés, car nous n'étions jamais en sécurité. Ici, nous vivons dans un immeuble ordinaire et percevons des prestations sociales, mais nous sommes en paix. C'est bien mieux comme ça», remarque-t-il.

Mais cette tranquillité vole en éclats au rythme de l'actualité afghane. Le père d'Usman a été kidnappé trois jours durant par les talibans cet automne, avant d'être libéré, sous la pression de dignitaires tribaux appelés à la rescousse, avait rapporté l'AFP. Usman en avait perdu le sommeil. Il est sous antidépresseurs.

«Nous appartenons à l'Afghanistan. On ne peut pas l'oublier», soupire Usman, qui, malgré six années d'études dans son pays et au Pakistan voisin et un passé d'ancien conseiller ministériel, aspire à devenir travailleur social dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile afin de «rendre ce qu'on lui a donné».

«Corps sans âme»

Mostafa, 31 ans et des études supérieures en Inde, veut aussi être actif, qu'importe l'emploi, pour «s'occuper l'esprit», dès qu'il aura obtenu sa carte de séjour.

Lui est venu en France avec sa mère Yasamin Yarmal, une actrice reconnue, et deux de ses sœurs. Mais il a laissé sa femme, son fils et sa fille dans le chaos de l'aéroport de Kaboul, où des milliers de désespérés cherchaient comme eux à rentrer : «Les enfants se sont évanouis tellement nous étions serrés. Mon père les a accompagnés à l'hôpital avec ma femme. C'est alors que nous sommes rentrés dans l'aérodrome. Ils n'ont jamais pu nous rejoindre», raconte-t-il doucement.

Ancien militaire, il pense avoir fait le meilleur choix pour lui car s'il était resté, il aurait dû «vivre sous terre» pour échapper à la revanche des talibans.

Selon un rapport de l'ONU consulté par l'AFP, les fondamentalistes ont tué plus d'une centaine d'anciens membres de la sphère gouvernementale, des forces de sécurité afghanes, et d'Afghans ayant travaillé avec les troupes étrangères depuis leur prise de pouvoir.

Un chiffre largement sous-estimé selon plusieurs Afghans basés à l'étranger, qui recensent leurs exactions en ligne. Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch attribuait déjà aux extrémistes 100 meurtres ou disparitions forcées dans seulement quatre provinces du pays.

Mais vivre ainsi, sans les siens, rend Mostafa «trop triste». En banlieue parisienne, où il habite, ou à Paris, où il prend des cours de français trois fois par semaine, «je vois des gens, des nouveaux endroits. Mais en moi, plus rien n'a de sens, tout devient inutile», soupire-t-il.

Sa mère Yasamin, souriante et très solaire en façade, reconnaît s'interroger sur sa place en France quand son mari depuis 40 ans vit caché en Afghanistan avec la femme et les enfants de son fils. «J'ai l'impression de ne plus être en vie, analyse-t-elle. Que mes racines se sont asséchées, que je ne suis plus rien : un corps sans âme.»


Mort de Nahel: une reconstitution aura lieu dimanche

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
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  • Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime
  • La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes

NANTERRE: Près d'un an après la mort de Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre le 27 juin 2023, la justice réunit dimanche les principaux protagonistes du dossier pour une reconstitution des faits, a appris l'AFP de sources concordantes.

Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort", souligne Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel.

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes.

A travers la France, les incendies de bâtiments publics et d'infrastructures ou les pillages de magasins ont causé des dégâts représentant un milliard d'euros, selon le Sénat.

A Nanterre, non loin du rond-point où Nahel a été tué et où aura lieu la reconstitution, certains bâtiments en portent encore les traces.

L'enquête sur la mort de Nahel, devenue un symbole du débat sur les violences policières, doit notamment établir si l'usage de l'arme à feu était légitime.

Une première version policière, selon laquelle l'adolescent aurait foncé sur le motard, a rapidement été infirmée par la vidéo des faits, diffusée sur les réseaux sociaux.

Policier libéré

Pendant cinq mois, le policier auteur du tir, Florian M., âgé de 38 ans au moment des faits, avait été placé en détention provisoire.

Mais en novembre, il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire après plusieurs demandes de son conseil.

Les juges qui ont décidé de sa remise en liberté avaient reconnu qu'il existait encore "des divergences entre les différentes versions données", mais que "le risque de concertation" apparaissait désormais, "dans cette configuration, moins prégnant" et "ne saurait justifier la poursuite de la détention provisoire à ce titre".

"L'information judiciaire a progressé", les parties civiles et les deux policiers ayant été auditionnés, ont indiqué les magistrats.

Ils soulignent également que "si le trouble à l'ordre public demeure", "il est moindre qu'à la date du placement en détention provisoire".

Après la libération de Florian M., Mounia, la mère de Nahel qui l'élevait seule, avait appelé à un rassemblement auquel quelques centaines de personnes s'étaient rendues dans le calme.

"Un policier tue un enfant, arabe ou noir, devient millionnaire et sort de prison, retrouve sa famille tranquillement pour les fêtes", avait-elle déploré dans une vidéo, en référence à la cagnotte qui a récolté plus de 1,6 million d'euros en soutien à la famille du policier.

"Elle est très stressée, ça ravive de mauvais souvenirs", estime Me Boudi, son conseil.

L'avocat de Florian M. n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.


Occupé par des étudiants pro-Gaza, Sciences Po ferme ses principaux locaux vendredi

Après une mobilisation émaillée de tensions en fin de semaine dernière à Sciences Po, le mouvement avait été suspendu après l'accord de la direction pour organiser un débat interne -- qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique. (AFP).
Après une mobilisation émaillée de tensions en fin de semaine dernière à Sciences Po, le mouvement avait été suspendu après l'accord de la direction pour organiser un débat interne -- qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique. (AFP).
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  • "Suite au vote de l'occupation des étudiants, les bâtiments du 25, 27, 30, rue Saint-Guillaume et du 56, rue des Saints-Pères, resteront fermés demain, vendredi 3 mai. Nous invitons à rester en télétravail"
  • Après un débat interne sur le Proche-Orient jeudi matin qu'ils ont jugé "décevant, mais sans surprise", les étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont annoncé jeudi après-midi le lancement d'un "sit-in pacifique" dans le hall de l'école

PARIS: La direction de Sciences Po Paris a décidé la fermeture de ses principaux locaux vendredi en raison d'une nouvelle occupation par quelques dizaines d'étudiants mobilisés pour Gaza, au moment où le gouvernement redouble de vigilance face aux actions sur les campus français.

"Suite au vote de l'occupation des étudiants, les bâtiments du 25, 27, 30, rue Saint-Guillaume et du 56, rue des Saints-Pères, resteront fermés demain, vendredi 3 mai. Nous invitons à rester en télétravail", indique un message aux salariés, envoyé jeudi soir par la direction des Ressources humaines de Sciences Po.

Après un débat interne sur le Proche-Orient jeudi matin qu'ils ont jugé "décevant, mais sans surprise", les étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont annoncé jeudi après-midi le lancement d'un "sit-in pacifique" dans le hall de l'école et le début d'une grève de la faim par six étudiants "en solidarité avec les victimes palestiniennes".

Jeudi soir, l'occupation du campus a été votée par une centaine d'étudiants réunis en assemblée générale, a indiqué à l'AFP une membre du comité Palestine, qui n'a pas donné son nom.

Les grèves de la faim continueront jusqu'à "la tenue d'un vote officiel non anonyme au conseil de l'Institut pour l'investigation des partenariats avec les universités israéliennes", a déclaré Hicham, du comité Palestine.

Après une mobilisation émaillée de tensions en fin de semaine dernière à Sciences Po, le mouvement avait été suspendu après l'accord de la direction pour organiser un débat interne -- qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique.

"Ça a été un débat dur, avec des prises de position assez claires, beaucoup d'émotion", a indiqué Jean Bassères, l'administrateur provisoire de Sciences Po, qui accueille quelque 2.000 étudiants à Paris selon le site de l'école. Il a appelé au "calme" avant le début des examens lundi.

300 personnes à la Sorbonne 

M. Bassères a indiqué avoir "pris des positions assez fermes sur certains sujets", en refusant "très clairement la création d'un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer nos relations avec les universités israéliennes".

Il en a appelé "à la responsabilité de chacun", dans un contexte de plusieurs actions en France, en écho à la mobilisation des campus aux Etats-Unis où la police s'est déployée sur plusieurs sites.

Non loin de Sciences Po, devant la Sorbonne, où la police était déjà intervenue lundi pour évacuer des manifestants, près de 300 étudiants venus de différents campus se sont réunis jeudi après-midi et ont organisé un campement d'une vingtaine de tentes.

Ils ont été délogés une heure plus tard par plus d'une centaine de membres des forces de l'ordre, selon une journaliste de l'AFP.

La ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a demandé jeudi matin aux présidents d'université de veiller au "maintien de l'ordre" public, en utilisant "l'étendue la plus complète des pouvoirs" dont ils disposent, lors d'une intervention en visioconférence au conseil d'administration de France Universités.

Actions de Lille à Lyon 

France Universités, qui fédère 116 établissements d'enseignement supérieur dont 74 universités, a "salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme".

L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) organise vendredi une "table du dialogue" place de la Sorbonne, pour "débattre avec les étudiants juifs", "lutter contre la polarisation du débat" et "montrer que l'on peut se mobiliser sans insulter et invectiver".

Les actions se sont multipliées ces derniers jours dans l'Hexagone, principalement sur les sites de Sciences Po à Paris et en régions, et dans quelques universités, dans un contexte politique électrique, La France insoumise étant notamment accusée par la droite d'"instrumentalisation" du mouvement.

Le campus Jourdan de l'Ecole normale supérieure (ENS) a été bloqué jeudi par des étudiants. A Lille, l'Institut d'études politiques a été fermé jeudi et les accès à l'Ecole supérieure de journalisme (ESJ) bloqués.

A Sciences Po Lyon, "une petite centaine" de personnes occupaient jeudi soir un amphithéâtre, a indiqué une représentante du syndicat étudiant Unef à l'AFP. La cheffe des députés LFI Mathilde Panot est venue leur "apporter son soutien" en fin de soirée après un meeting à Vénissieux, a-t-elle indiqué sur X. "Gloire à la jeunesse de ce pays qui défend notre humanité commune", a-t-elle ajouté.

A Saint-Etienne, une poignée d'étudiants ont bloqué jeudi matin les accès à un site universitaire, avant d'être évacués par la police.


Relations UE/Chine: Macron insiste sur la protection des «intérêts stratégiques» de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
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  • La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales
  • Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises

PARIS: L'Europe doit défendre ses "intérêts stratégiques" dans ses relations économiques avec la Chine, a déclaré jeudi le président Emmanuel Macron dans une interview à The Economist, à quelques jours d'une visite d'Etat en France du président chinois XI Jinping.

"Il faut être d'un grand pragmatisme et regarder cette question avec nos intérêts stratégiques", dit le chef d'Etat français, interrogé sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine.

"C'est un de mes objectifs principaux en accueillant le président Xi Jinping, il faut tout faire pour engager la Chine sur les grandes questions mondiales et avoir un échange sur nos relations économiques qui reposent sur la réciprocité", ajoute le président, qui accueillera son homologue chinois les 6 et 7 mai.

Et de citer le cas des voitures électriques chinoises, selon lui "taxées à 10%" sur le marché européen alors que leur production est "massivement aidée" par l'exécutif chinois. A l'inverse, les véhicules électriques européens, pour lesquels "l'Europe a des règles qui limitent les aides" à leurs producteurs, sont "taxés à 15%" sur le marché chinois.

Plan

"Aujourd'hui nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale", insiste M. Macron, qui dit soutenir les enquêtes ouvertes par la Commission européenne sur le véhicule électrique, le photovoltaïque, l'éolien concernant des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence.

"Il ne faut pas oublier les enjeux de sécurité nationale", souligne M. Macron. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales. Il s'agira du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde.

Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises.

"Notre intérêt est d'obtenir de la Chine qu'elle pèse pour la stabilité de l'ordre international. Ce n'est pas l'intérêt de la Chine aujourd'hui d'avoir une Russie déstabilisatrice de l'ordre international, d'avoir un Iran qui peut se doter de l'arme nucléaire et d'avoir un Moyen-Orient plongeant dans une forme de chaos. Il faut donc travailler avec la Chine pour construire la paix", affirme M. Macron.