Pour le Premier ministre Kurti, les musulmans qui ne reconnaissent pas le Kosovo commettent une grave erreur

Kurti, vu ici dans son bureau de Pristina en train d'être interviewé par le rédacteur en chef d'Arab News, Faisal J. Abbas, a déclaré que les attaques des Houthis contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient des "actions terroristes". (AN Photo/Ziad Alarfaj)
Kurti, vu ici dans son bureau de Pristina en train d'être interviewé par le rédacteur en chef d'Arab News, Faisal J. Abbas, a déclaré que les attaques des Houthis contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient des "actions terroristes". (AN Photo/Ziad Alarfaj)
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Publié le Jeudi 17 février 2022

Pour le Premier ministre Kurti, les musulmans qui ne reconnaissent pas le Kosovo commettent une grave erreur

  • «L’escalade Russie-Ukraine pourrait rendre la Serbie plus agressive, mais nous n’avons pas peur»
  • «Les attaques des Houthis visant l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont des actes terroristes»

PRISTINA: Il y a quatorze ans, la République du Kosovo a déclaré son indépendance et est devenue, à l’époque, le plus récent pays du monde. Soutenu par son principal allié, les États-Unis, et protégé par la présence de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), mandatée par l’Organisation des nations unies (ONU), le Kosovo entame sa quinzième année d’indépendance en faisant face à plusieurs défis, ainsi qu’à des dangers évidents et présents.

En dépit de l’appui de certains des États les plus grands et les plus influents du monde, le Kosovo ne fait toujours pas partie de l’ONU et il n’est reconnu que par moins de cent des cent quatre-vingt-treize États membres.
De même, bien que ce pays se situe au cœur de l’Europe et bénéficie d’un soutien considérable de la part de l’Union européenne (UE), il n’est toujours pas membre de l’UE et les Kosovars ne peuvent toujours pas voyager sans visa en Europe.
La cause principale de la plupart des problèmes du Kosovo est le désaccord ancien et profondément ancré avec son voisin du nord, la Serbie. Les deux pays faisaient partie de l’ancienne Yougoslavie et, après son effondrement, ils ont participé à une décennie sanglante dans les Balkans au cours des années 1990.

La Serbie refuse de reconnaître le Kosovo ou de présenter ses excuses pour les atrocités commises durant la guerre de 1998-1999 qui n’a pris fin qu’avec l’intervention de l’Otan. Bien entendu, le statu quo et la non-reconnaissance mutuelle empêchent les deux pays d’adhérer à l’UE, où cinq pays ne reconnaissent toujours pas le Kosovo.
Les précédents dirigeants kosovars ont tenté d’engager un dialogue avec la Serbie. Cependant, depuis son entrée en fonction en mars 2021, le Premier ministre actuel, Albin Kurti, a signalé à plusieurs reprises que les pourparlers avec Belgrade n’étaient pas une priorité.

Le Kosovo en bref

* Kosovo se traduit par «champ des merles» en serbe
* C’est la seconde nation la plus récente dans le monde
* Le pays a déclaré son indépendance vis-à-vis de la Serbie le 17 février 2008
* Plus de 40 % de la population a moins de 25 ans
* Le Kosovo occupe une surface de 10 887 km2
* Les langues les plus parlées y sont l’albanais et le serbe
* La majorité de la population est de confession musulmane

«Nous ne voulions donc pas négliger le dialogue avec la Serbie, mais il ne peut pas être notre seule priorité. Lorsque ce gouvernement a été formé, j’ai dit que les emplois, la justice et la lutte contre la pandémie de Covid-19 étaient nos trois priorités. La quatrième priorité pourrait être le dialogue avec la Serbie», indique-t-il à Arab News lors d’une interview dans son bureau à Pristina.
«Ce dialogue que nous abordons de manière constructive et créative avec différentes propositions est un dialogue sur le statut des relations entre le Kosovo et la Serbie. Le Kosovo et la Serbie ne se reconnaissent pas mutuellement. La solution est donc la reconnaissance mutuelle.»

Pourtant, d’autres éléments compliquent encore la possibilité d’une normalisation et d’une adhésion mutuelle à l’UE. Pour commencer, il y a le spectre du passé. Quelques mois après son élection, M. Kurti a parlé de relancer les projets visant à poursuivre la Serbie pour génocide devant un tribunal international et il a rejeté certains appels occidentaux en faveur du vote de sa minorité serbe lors d’un référendum serbe, que Pristina considère comme «inconstitutionnel».
L’autre aspect est que les responsables kosovars accusent ouvertement leurs homologues serbes d’être bien plus intéressés par la perspective de faire partie de l’orbite russe plutôt que de l’orbite européenne.
«La Serbie entretient des relations culturelles, historiques et militaires étroites avec Moscou», affirme M. Kurti. Interrogé sur l’impact que les relations étroites entre Belgrade et Moscou pourraient avoir sur son pays si une guerre éclatait entre la Russie et l’Ukraine, M. Kurti répond que cela pourrait pousser la Serbie à devenir «plus agressive», et que Pristina «suit la situation de très près, mais nous n’avons pas peur».

Malgré cette assurance affichée, un certain nombre d’opposants aux récentes décisions de la politique étrangère américaine estiment que le Kosovo a plusieurs raisons de s’inquiéter, étant donné que pour beaucoup de ses alliés et amis, ni Washington ni l’Otan ne se sont révélés être des amis dans le besoin ces dernières années.

Je pense que le peuple du Kosovo, mais aussi celui des Balkans et de l’Europe, devrait être mieux au fait des réformes et du progrès en cours en Arabie saoudite. Nous voulons renforcer notre coopération avec ce pays. C’est une nation très riche, autant en culture et en histoire qu’en ressources économiques.

Albin Kurti

En Ukraine, les «lignes rouges» de l’ancien président américain, Barack Obama, n’ont guère dissuadé la Russie de s’emparer de la Crimée en 2014. Plus récemment, dans le cadre du recentrage de l’actuelle administration Biden sur la cessation des «guerres éternelles», le monde a vu des images douloureuses d’Afghans cherchant désespérément à s’échapper de l’aéroport de Kaboul après que Washington a accepté de rendre l’Afghanistan aux talibans, vingt ans après avoir mené une guerre pour apporter la démocratie au pays et mettre fin au règne du même groupe extrémiste.

Toutefois, M. Kurti est fermement convaincu que l’Otan est au Kosovo pour y rester, et que si la situation se dégrade, les Kosovars sont capables de se défendre. «Je pense que le Kosovo compte des personnes exceptionnelles, dotées d’une grande volonté et d’un grand courage, d’une part. D’autre part, je pense que nos forces de défense et de sécurité et l’Otan, notamment les États-Unis, ne sont pas près de partir», affirme-t-il. «Nous sommes certains que nous serons victorieux dans n’importe quelle sorte de crise future qui pourrait se produire, mais que nous ne voulons pas avoir.»

En effet, M. Kurti est tellement convaincu de l’engagement de l’Otan envers son pays qu’il estime qu’il est plus probable que son pays, le Kosovo, rejoigne l’alliance en tant que membre à part entière bien avant qu’il n’obtienne le statut de membre de l’UE.
«Je pense que c’est le cas pour deux raisons. Premièrement, dans l’UE, cinq pays sur vingt-sept ne reconnaissent pas le Kosovo, alors que dans l’Otan, il y en a quatre sur trente. Donc un pays de moins qui ne reconnaît pas le Kosovo dans l’Otan par rapport à l’UE», explique-t-il.
«De plus, les critères et les normes à respecter pour adhérer à l’Otan ne sont pas aussi complexes que pour adhérer à l’UE. Il est donc réaliste de s’attendre à ce que nous adhérions d’abord à l’Otan, puis à l’UE.»
En outre, l’Otan n’exige pas que ses membres soient des États membres de l’ONU ou de l’UE. Ainsi, si Pristina parvient à convaincre l’Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie, la vision du Premier ministre pourrait devenir réalité dans les prochaines années, estiment les observateurs.

Relations avec le monde musulman

Si les membres de l’UE qui ne reconnaissent pas le Kosovo soutiennent qu’ils ne veulent pas encourager les mouvements séparatistes dans leur pays, il est remarquable qu’à l'heure actuelle, un peu plus de la moitié seulement des membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) reconnaissent le Kosovo, un pays à majorité musulmane. Les pays musulmans modérés, comme l’Arabie saoudite, qui est une puissance régionale, et les Émirats arabes unis (EAU), sont en tête des pays qui reconnaissent le Kosovo.

Mais que pense le Premier ministre kosovar des autres pays musulmans qui ne reconnaissent pas le Kosovo, en particulier un grand pays islamique comme l’Iran?

«Nous pensons que le refus de certains pays à majorité musulmane de reconnaître le Kosovo est une grave erreur. Je crois qu’ils ont été mal informés par la Serbie. Et certains d’entre eux adoptent cette position parce qu’ils entretiennent des liens étroits avec la Fédération de Russie.»
«Cependant, je demande instamment à tous les pays du monde, dans l’intérêt de la paix à long terme, de la sécurité durable et de la reconnaissance des droits des peuples à la liberté et à l’autodétermination, de reconnaître l’indépendance du Kosovo. D’une certaine manière, ceux qui ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo, avec ou sans intention, tombent dans le piège du soutien à la Serbie du temps des milices qui ont commis un génocide au Kosovo.»

Autre paradoxe, la non-reconnaissance du pays par l’Autorité palestinienne. On pourrait penser que les représentants d’un peuple qui se bat depuis sept décennies contre l’occupation illégale de son territoire par Israël seraient parmi les premiers à reconnaître le Kosovo.
Cela étant, l’ex-dirigeant de l’Autorité, Yasser Arafat, avait été longuement critiqué pour ses liens étroits avec le président serbe de l’époque, Slobodan Milosevic.
Même si Israël et le Kosovo ne se sont formellement mutuellement reconnus que l’année dernière, la politique de Tel-Aviv n’a jamais été hostile à ce pays. Avant même cette reconnaissance, orchestrée par l’administration Trump, Israël avait soutenu l’inclusion du Kosovo aux programmes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.

kurti
Kurti, vu ici dans son bureau de Pristina en train d'être interviewé par le rédacteur en chef d'Arab News, Faisal J. Abbas, a déclaré que les attaques des Houthis contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient des "actions terroristes". (AN Photo/Ziad Alarfaj)

L’annonce de la reconnaissance par le Kosovo de Jérusalem comme capitale d’Israël a choqué de nombreux pays musulmans, très sensibles à la question.

Sachant cela, quel sentiment règne-t-il à Pristina concernant l’Autorité palestinienne et la cause de son peuple? «Je pense que, de la même façon que nous sommes conscients des souffrances du peuple palestinien, ces derniers ne devraient pas négliger celles qu’endurent les Albanais du Kosovo, qui ont survécu au génocide commis par la Serbie», répond M. Kurti.
La reconnaissance de Jérusalem s’est-elle faite en riposte à la position palestinienne vis-à-vis du Kosovo? Le Premier ministre dément tout lien existant entre ces deux aspects.
«Ça n’a rien à voir avec notre position envers le peuple palestinien et sa cause. Nous souhaitons entretenir de bonnes relations avec la Palestine et avec l’Autorité palestinienne.»

L’année dernière, le Kosovo s’est joint à plusieurs pays arabes et musulmans pour qualifier la milice libanaise du Hezbollah, affiliée à l’Iran, d’«organisation terroriste». Interrogé sur les prémices de cette décision, Albin Kurti répond qu’il «n’est pas difficile de reconnaître les terroristes et les extrémistes violents».
«En accord avec nos valeurs et nos idéaux, sur lesquels nous bâtissons notre nation et avec lesquels nous guidons nos générations futures, nous avons pris cette décision et nous faisons partie d’une coalition globale qui lutte contre les terroristes», ajoute-t-il.

«Nous condamnons ainsi toutes les attaques et les actions du Hezbollah, mais aussi celles de Daech.» Au sujet des attaques houthies récentes sur Abu Dhabi et sur plusieurs positions en Arabie saoudite, M. Kurti se déclare horrifié par les images de ces attaques récemment conduites contre ces deux pays, qualifiant ces événements d’«intolérables». Suffisamment pour qu’il pense que les Houthis doivent être considérés comme des terroristes? «Oui, je pense que toutes les attaques visant des civils sont des actes terroristes.»

Le Kosovo (comme la Bosnie) a vu nombre de ses citoyens partir rejoindre Daech il y a quelques années. Le Premier ministre du pays n’a cependant aucune tolérance pour l’idéologie extrémiste.
«Plusieurs centaines de personnes venant du Kosovo ont malheureusement participé à ces guerres absolutistes. Certains n’en sont jamais revenus, et pour ceux qui sont impliqués, nous avons mis en place des programmes de réhabilitation. Parmi eux, plusieurs purgent également des peines de prison», explique Albin Kurti.
«Il y a eu de la manipulation de la part de certains individus. Je peux imaginer que du fait de leur manque d’éducation, du fait que certains étaient chômeurs ou en état de misère sociale, nous devons faire preuve de compréhension dans cette situation. Ce qui ne nous empêchera jamais de condamner fermement l’extrémisme violent.»

La «kurtinomie» et la Vision 2030 saoudienne

Au début de l’interview, M. Kurti a félicité les dirigeants et le peuple saoudiens en amont du «Jour de la fondation», récemment mis en place, et qui sera célébré chaque 22 février.
Au fur et à mesure de l’évolution de la discussion, le Premier ministre semble de plus en plus au courant des derniers développements qui ont lieu en Arabie saoudite.

«Je pense que le peuple du Kosovo, mais aussi celui des Balkans et de l’Europe, devrait être mieux au fait des réformes et du progrès en cours en Arabie saoudite. Nous voulons renforcer notre coopération avec ce pays. C’est une nation très riche, tant sur le plan culturel qu’historique, qu’en ressources économiques.»

Les réformes auxquelles Albin Kurti fait référence sont, bien sûr, celles mises en place par le prince héritier, Mohammed ben Salmane, dans l’optique de sa Vision 2030. De la diversification de son économie, pour s’écarter de sa dépendance au pétrole, à la création d’emplois pour sa jeunesse qui forme la majorité de sa population. Sans oublier les libertés sociales nouvelles et les réformes religieuses, inimaginables auparavant, et sa lutte incessante contre la corruption.

Pour sa part, le parti de M. Kurti a remporté l’élection au Kosovo l’année dernière avec un programme basé sur l’emploi et la justice, focalisé sur la création d’opportunités nouvelles pour les femmes et la jeunesse et une promesse de tenir tête à la corruption.

Il ne suffit pas de ne pas être corrompu, il faut être incorruptible. Là-dessus je pense que notre gouvernement est composé de ministres bien éduqués, de bons professionnels – des gens qui ne font pas de politique pour s’enrichir.

Albin Kurti

Il voit dans cette ressemblance l’occasion pour les deux pays de collaborer davantage, invitant Riyad à en profiter pour investir massivement au Kosovo.
«Avec notre gouvernement, nous luttons contre la corruption, pour laquelle nous n’avons aucune tolérance. Nous faisons également croître notre économie. Nos exportations ont augmenté de deux tiers l’année dernière par rapport à la précédente. Les recettes budgétaires ont augmenté d’un tiers. Notre volume d’affaires s’est également accru, tandis que l’investissement étranger direct a augmenté de plus de 50 %. Ces chiffres montrent que le Kosovo progresse. Et la meilleure façon de progresser davantage et d’investir dans les avancées déjà existantes.»

Quel est le secret de cette «kurtinomie»? Selon l’homme qui guide les réformes en cours, il s’agit de donner aux gens l’espoir et les raisons de croire dans ce programme. «Lorsque les gens ont de l’espoir, ils ont plus tendance à consommer plutôt qu’à épargner, si tant est que notre économie soit croissante. De la même façon, s’ils voient que leur gouvernement n’est pas corrompu, ils seront plus enclins à payer leurs impôts et leurs autres contributions. C’est pourquoi les recettes budgétaires de l’imposition au Kosovo ont augmenté d’un tiers sans que l’on change de politique fiscale.»
«Il s’agit également de rappeler que l’administration en charge des taxes fait preuve d’une meilleure discipline qu’autrefois. Combattre le crime et la corruption flatte non seulement les valeurs du peuple, mais aussi la santé de notre économie. De plus, notre diaspora, qui est importante notamment dans la partie germanophone de l’Europe, a transféré plus de fonds vers le pays qu’autrefois.»

«Nous avons en outre établi un tribunal commercial. Cela nous permettra de développer un bon environnement pour les affaires. Le Kosovo utilise l’euro comme devise et sa population est très jeune. L’âge moyen y est de 30 ans, même si notre peuple est ancien. Nous sommes situés au cœur des Balkans, à proximité des marchés européens. Le Kosovo est aussi un pays qui n’oublie pas ses amis et qui souhaite entretenir de bonnes relations avec toutes les nations éprises de paix dans le monde.»

Au sujet de la lutte contre la corruption, M. Kurti admet que son gouvernement a fort à faire. «La corruption au Kosovo était élevée dans le passé et n’a pas été complètement éradiquée. Elle était cependant assez concentrée dans les strates supérieures de la société, et elle n’a pas vraiment ruisselé vers le bas.» Cette concentration, «nous y avons mis un terme précisément à ce niveau, avec le changement de gouvernement à la suite d’élections démocratiques. Mais il ne suffit pas de ne pas être corrompu, il faut être incorruptible. Sur ce point, j’estime que notre gouvernement est composé de ministres bien éduqués, de bons professionnels – des gens qui ne font pas de politique pour s’enrichir. Nous y croyons et nous le disons à nos amis et activistes: ceux qui souhaitent s’enrichir peuvent tenter leur chance dans le privé. Au sein du service public et des institutions de l’État, on est tenus de servir. Notre vocation est donc de servir, à l’aide de nos compétences et de nos connaissances.»

Quant aux opportunités futures? Albin Kurti cite le secteur de la technologie de communication et d’information (TCI), ceux du traitement du bois et du métal et les secteurs de l’agriculture et des énergies renouvelables. En tant que Premier ministre, il dit avoir hâte de s’engager pleinement dans la promotion de ces aspects de l’économie.


Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.