Les diasporas, un pont naturel entre les deux rives de la Méditerranée

Marwa Mezghani 2 à Gauche et Mohamed Khandriche Touiza Solidarité lors d'un débat au  Forum . (Photo fournie).
Marwa Mezghani 2 à Gauche et Mohamed Khandriche Touiza Solidarité lors d'un débat au Forum . (Photo fournie).
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Publié le Vendredi 18 février 2022

Les diasporas, un pont naturel entre les deux rives de la Méditerranée

  • Les diasporas, considérées comme un pont naturel entre les deux rives de la Méditerranée, représentent-elles un atout et un contrepoids à l’émigration en France?
  • Encourageant l’entrepreneuriat, les associations qui représentent les diasporas contribuent au transfert de connaissances et des compétences au bénéfice des pays d’origine

PARIS: Les diasporas, considérées comme un pont naturel entre les deux rives de la Méditerranée, représentent-elles un atout et un contrepoids à l’émigration en France? De nombreux spécialistes des sciences sociales et des politiques affirment qu’elles apparaissent comme des acteurs clés des relations entre les deux rives de la Méditerranée. Les spécialistes de la question migratoire considèrent quant à eux que le rôle des diasporas est un atout considérable dans l’impulsion de la coopération entre les pays des deux rives.

Solidaires avec leurs pays d’origine, notamment dans les contextes difficiles, comme lors des catastrophes naturelles, ou, plus récemment, durant la pandémie de Covid-19, les associations qui représentent les diasporas développent des projets concrets en matière de solidarité entre les deux rives. Encourageant l’entrepreneuriat, elles contribuent au transfert de connaissances et des compétences au bénéfice des pays d’origine.

Diasporas et solidarités

Mohamed Khandriche est le secrétaire général de Touiza Solidarité. Il s’agit d’un réseau de deux associations basées à Paris et Marseille qui a été créé en 1995 par les membres de la diaspora algérienne et ses amis attachés à l’Algérie comme les pieds-noirs ou les Français qui ont effectué leur service national en Algérie. Lors de son intervention à l’occasion d’une table ronde organisée lors du Forum des mondes méditerranéens, organisé à Marseille les 7 et 8 février, M. Khandriche souligne que Touiza Solidarité apporte son appui à la société civile dans divers domaines et facilite les relations entre les deux rives.

«Nous travaillons avec trois pays d’Afrique du Nord: l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. Nos objectifs consistent à renforcer les liens de solidarité et de fraternité entre les deux rives et à développer des projets dans le domaine de l’économie solidaire et sociale», nous explique Mohamed Khandriche.

«Nous avons fait un plaidoyer pour la promotion d’un développement local et durable ainsi que pour la protection de l’environnement avec les associations et autorités territoriales locales, aussi bien en Algérie qu’au Maroc, en précisant que des coopérations décentralisées des collectivités territoriales entre les deux rives avaient été menées et que des cycles de formations et d’accompagnement en faveur des jeunes avaient été effectués depuis plus de dix ans», précise-t-il.

Mohamed Khandriche cite le projet Taksebt, réalisé en Kabylie et dupliqué au Maroc ainsi qu’en Tunisie. Il concerne une zone affectée par la perte de terrains et de logements après la construction du grand barrage de Taksebt, une zone montagneuse de Kabylie. «Les conclusions de l’étude que nous avons menée localement ont démontré que cette région, qui enregistre un fort taux de chômage, dispose d’un grand potentiel en matière de ressources non valorisées. Grâce à cela, nous avons bâti avec les autorités locales un programme de valorisation de l’économie solidaire et sociale, comme avec l’élevage de vaches laitières via des formations techniques et avec les ateliers que nous avons conçus sur place», ajoute-t-il.

De son côté, Marwa Mezhgani, présidente de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge France), qui dispose de trois antennes (en Tunisie, en France et en Angleterre), travaille sur l’accompagnement et l’intégration des jeunes boursiers en classes préparatoires, en écoles d’ingénieurs et de commerce ainsi que dans le volet entrepreneuriat et développement de carrières. Depuis son lancement, dans les années 2000, l’association se diversifie. Elle organise des conférences qui mettent en avant le débat d’idées et se basent sur l’observation des données des évolutions enregistrées dans les carrières professionnelles des Tunisiens en France et en Tunisie. «Nous organisons un forum annuel pour que les cadres tunisiens à Paris puissent trouver des emplois en Tunisie», souligne Marwa Mezhgani à Arab News en français. «La diaspora a plusieurs rôles à jouer; l’un d’eux consiste à soutenir le développement économique de notre pays et à participer. Il est important de lui apporter des connaissances et des compétences acquises à l’étranger pour aider le pays à se redresser», poursuit-elle.

deux rives
Marwa Mezhgani, présidente de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge France). (Photo fournie).

La présidente de l’Atuge précise que son association soutient les initiatives entrepreneuriales. Depuis 2008, elle organise le concours de création de start-up AT’venture, qui permet d’assurer un accompagnement de deux à trois mois aux porteurs de projets qui se trouvent en phase initiale, notamment dans l’élaboration du plan de développement.

«De nombreux jeunes possèdent cette volonté de développer des projets en lien avec la Tunisie. Ce lien s’explique par l’envie d’aider le pays à sortir de la crise, à investir pour développer des marchés. Nombreux sont ceux qui ont concrétisé leurs projets entre Paris et Tunis», nous explique-t-elle. Pour elle, ces initiatives sont bénéfiques pour le pays d’origine, car elles permettent le transfert du savoir-faire, l’amélioration de la gestion des entreprises ainsi que la création d’emplois locaux.

Interrogée sur les coopérations entre les deux rives de la Méditerranée en matière de migration des compétences, Marwa Mezhgani regrette que la migration des cadres, des ingénieurs ou des médecins soit aujourd’hui dominée par la celle des cadres de la rive sud vers la rive nord. «Il y a un déséquilibre dans cette relation dans le sens où l’on favorise leur intégration. Dans certaines filières comme les nouvelles technologies, les diplômés de l’autre rive sont exemptés de passer des examens d’équivalence», observe-t-elle. Cette fuite des cerveaux est préjudiciable pour les pays du Sud. Il est désormais important que la France redéfinisse le rôle de cette diaspora en l’aidant à développer des initiatives qui permettent de contribuer au développement de la France et des pays de la rive sud de la Méditerranée.

La présidente de l’Atuge affirme que le télétravail, adopté par les entreprises depuis le début de la pandémie de Covid-19, favorise la mobilité de la diaspora et lui permet de travailler sur des projets communs entre la France et les pays maghrébins.

«La mondialisation et l’envie de multiplier les expériences professionnelles ne sont pas nouvelles. Dans les années 1990 et 2000, les diplômés des grandes écoles comme Polytechnique ou CentraleSupélec avaient cette envie de rentrer au pays et d’en devenir les forces vives», rappelle Marwa Mezhgani. «Mais, depuis quelques années, on constate qu’il y a très peu de retours», regrette-t-elle toutefois.


Baiser forcé : deux ans et demi de prison requis contre l'ancien patron du foot espagnol

L'ancien président de la fédération espagnole de football Luis Rubiales quitte le tribunal Audiencia Nacional à Madrid le 15 septembre 2023. Les procureurs espagnols veulent que Rubiales soit emprisonné pendant 2,5 ans pour le baiser de la Coupe du monde, rapporte l'AFP le 27 mars 2024. (Photo par Thomas COEX / AFP
L'ancien président de la fédération espagnole de football Luis Rubiales quitte le tribunal Audiencia Nacional à Madrid le 15 septembre 2023. Les procureurs espagnols veulent que Rubiales soit emprisonné pendant 2,5 ans pour le baiser de la Coupe du monde, rapporte l'AFP le 27 mars 2024. (Photo par Thomas COEX / AFP
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  • Un procès devrait bien avoir lieu dans "l'affaire du baiser forcé": le parquet, qui présente ses réquisitions à l'avance en Espagne, a réclamé mercredi deux ans et demi de prison contre l'ex-homme fort du football espagnol Luis Rubiales pour avoir embrass
  • Depuis une récente réforme du Code pénal espagnol, un baiser non consenti peut être considéré comme une agression sexuelle, catégorie pénale regroupant tous les types de violence sexuelle, y compris le viol.

MADRID : Un procès devrait bien avoir lieu dans "l'affaire du baiser forcé": le parquet, qui présente ses réquisitions à l'avance en Espagne, a réclamé mercredi deux ans et demi de prison contre l'ex-homme fort du football espagnol Luis Rubiales pour avoir embrassé Jenni Hermoso sans son consentement.

Ce baiser sur la bouche de la numéro 10 espagnole devant les caméras du monde entier, quelques minutes après le triomphe de "la Roja" (l'équipe nationale) le 20 août à Sydney lors de la finale de la Coupe du Monde féminine, avait provoqué une vague d'indignation en Espagne et à l'étranger, forçant M. Rubiales à démissionner le mois suivant.

Il pourrait donc aussi le conduire derrière les barreaux pour deux délits, le premier d'agression sexuelle, pour lequel le parquet demande un an de prison, le second de coercition, pour lequel la peine requise est d'un an et demi de prison.

Le ministère public demande également que M. Rubiales soit placé pendant deux ans en liberté surveillée après l'accomplissement de sa peine et qu'il verse 50.000 euros d'indemnités à la joueuse pour le seul délit d'agression sexuelle.

La date d'un éventuel procès n'est pas encore connue.

Depuis une récente réforme du Code pénal espagnol, un baiser non consenti peut être considéré comme une agression sexuelle, catégorie pénale regroupant tous les types de violence sexuelle, y compris le viol.

Le délit de "coercition" désigne les "pressions", directes et indirectes, exercées sur la joueuse dans les jours ayant suivi l'incident pour la convaincre de dire que le baiser avait été consenti, notamment au moyen d'une vidéo.

Trois autres personnes de la RFEF sont poursuivies dans cette affaire pour ce même délit de coercition.

Le parquet réclame ainsi un an et demi de prison contre Jorge Vilda, l'ancien entraîneur de l'équipe féminine, Rubén Rivera, l'ancien directeur marketing de la Fédération, et Albert Luque, le directeur sportif de l'équipe masculine.

Le parquet demande, en outre, à ces trois hommes et à M. Rubiales le versement d'une indemnité de 50.000 euros à payer "conjointement" à Jenni Hermoso pour le délit de coercition.

- "Sphère de l'intimité" -

Le juge de l'Audience nationale qui a conduit l'instruction avait conclu que ce baiser n'avait "pas été consenti" et était "une initiative unilatérale, faite par surprise", avait expliqué l'instance judiciaire en janvier.

"Un baiser sur la bouche affecte la sphère de l'intimité relevant des relations sexuelles", poursuivait-elle, estimant qu'il reviendrait au tribunal "d'apprécier pendant le procès" les conséquences de "(sa) finalité érotique ou non, tout comme l'état d'euphorie et d'agitation ressenti à la suite du triomphe sportif extraordinaire" de l'équipe d'Espagne.

Luis Rubiales, 46 ans, n'a eu de cesse de mettre en avant pour sa défense son "émotion" lors du sacre de "la Roja", "un moment de bonheur", démentant toute "connotation sexuelle".

Le 20 août, quelques minutes après la victoire de l'équipe féminine à Sydney, il avait agrippé à deux mains la tête de Jennifer Hermoso et l'avait embrassée par surprise sur la bouche. Il a toujours affirmé que Jenni Hermoso était d'accord.

Une version démentie par Jenni Hermoso, qui avait dit s'être "sentie vulnérable et victime (...) d'un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de (sa) part".

Refusant initialement de démissionner pour "un petit bisou consenti", il avait attaqué cinq jours plus tard, lors d'un discours retentissant, ce qu'il avait qualifié de "faux féminisme".

Sous la pression, il avait finalement quitté ses fonctions le 10 septembre, se disant victime d'une "campagne disproportionnée".

Il a depuis été suspendu pour trois ans de toute activité liée au football par la Fédération internationale (Fifa), une décision contre laquelle il veut faire appel.

La justice espagnole l'a, par ailleurs, interdit de s'approcher à moins de 200 mètres de Jenni Hermoso, 33 ans, qui est devenue malgré elle un symbole mondial de la lutte contre les violences sexuelles et a été élue femme de l'année 2023 par l'édition espagnole du prestigieux magazine américain GQ.

Ces réquisitions du parquet de ce tribunal madrilène surviennent deux jours après la remise en liberté - dans l'attente de son procès en appel - du footballeur brésilien Dani Alves, condamné à quatre ans et demi de prison en première instance pour le viol d'une jeune femme à Barcelone (nord-est) en décembre 2022.


Alizey Khan, première femme pakistanaise lauréate du prix Legacy

Le Prince William de Grande-Bretagne récompense Alizey Khan du Pakistan lors des Diana Legacy Awards au Science Museum à Londres, Grande-Bretagne, 14 mars 2024. (REUTERS)
Le Prince William de Grande-Bretagne récompense Alizey Khan du Pakistan lors des Diana Legacy Awards au Science Museum à Londres, Grande-Bretagne, 14 mars 2024. (REUTERS)
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  • Les prix de l'héritage de Diana sont décernés tous les deux ans et récompensent les réalisations de 20 jeunes leaders du monde entier. L'édition de cette année a coïncidé avec le 25e anniversaire de Lady Diana.
  • Mme Khan a créé la Ruhil Foundation en 2016 pour lutter contre l'insécurité alimentaire en distribuant des sacs de rationnement et des repas cuisinés aux personnes dans le besoin. Elle a effectué un travail considérable pendant la pandémie de COVID-19

ISLAMABAD : Une travailleuse humanitaire pakistanaise de 26 ans est devenue ce mois-ci la première femme de son pays à remporter le prix Diana Legacy en reconnaissance de ses services sociaux, ce qui l'a incitée à décrire cette réussite comme une occasion d'apporter une reconnaissance plus large à d'autres personnes travaillant dans son domaine.

Les prix de l'héritage de Diana sont décernés tous les deux ans et récompensent les réalisations de 20 jeunes leaders du monde entier. L'édition de cette année a coïncidé avec le 25e anniversaire de Lady Diana.

Alizey Khan, la jeune travailleuse humanitaire pakistanaise, est diplômée en droit et a reçu le prix des mains du Prince William le 14 mars lors d'une cérémonie qui s'est tenue à Londres.

Mme Khan a créé la Ruhil Foundation en 2016 pour lutter contre l'insécurité alimentaire en distribuant des sacs de rationnement et des repas cuisinés aux personnes dans le besoin. Elle a effectué un travail considérable pendant la pandémie de COVID-19 avant de fournir de la nourriture et d'autres articles de secours aux familles touchées par les inondations dans les provinces du Punjab, du Sindh et du Baloutchistan.

S'adressant à Arab News mercredi, elle a souligné que de nombreuses femmes au Pakistan étaient engagées dans des efforts humanitaires et sociaux remarquables et qu'elles méritaient d'être reconnues au niveau mondial.

"Elles n'ont pas bénéficié de la même reconnaissance ou de la même exposition", a-t-elle déclaré. "C'est pourquoi je suis reconnaissante de ce prix, qui met en lumière les précieuses contributions des femmes pakistanaises. J'espère qu'il encouragera davantage de femmes à se manifester, à recevoir des nominations et à être reconnues par des prix internationaux prestigieux".

Selon le site web du prix Diana, l'organisation de Mme Khan a livré 5 500 colis alimentaires mensuels et 10 000 repas entre avril 2016 et mars 2022. Elle a également élargi son champ d'action à l'éducation et à l'hébergement en collectant plus de 150 000 dollars.

En outre, l'entreprise humanitaire de Khan a financé 200 mariages, distribué 600 serviettes hygiéniques, fourni 1 100 couvertures en hiver, déboursé 1 000 prêts d'urgence sans intérêt et versé des allocations mensuelles à 25 personnes transgenres et veuves au cours de la même période.

Elle a déclaré qu'elle s'était sentie exceptionnellement fière lorsqu'il a été annoncé, lors de la cérémonie de remise des prix, qu'elle était la première femme pakistanaise à recevoir cet honneur. Auparavant, un seul Pakistanais, Ahmed Nawaz, qui a survécu à la fusillade de l'Army Public School en 2014, avait reçu le prix en 2019 pour ses efforts de déradicalisation.

"J'ai reçu le prix en raison de mon implication constante dans les efforts humanitaires, car j'ai commencé mon travail humanitaire à l'âge de 16 ans et, au cours de la dernière décennie, j'ai considérablement élargi à la fois la portée et la portée de mes initiatives", a-t-elle déclaré, ajoutant que la jeunesse était considérée comme un facteur positif, car le jury appréciait les jeunes individus qui se consacrent au bien-être de la communauté.

Première femme pakistanaise lauréate du prestigieux Diana Legacy Award, Alizey Khan pose avec son prix à Londres, au Royaume-Uni, le 14 mars 2024. (Photo Fournie)
Première femme pakistanaise lauréate du prestigieux Diana Legacy Award, Alizey Khan pose avec son prix à Londres, au Royaume-Uni, le 14 mars 2024. (Photo Fournie)

Parlant de son travail au fil des ans, elle a déclaré qu'elle s'était principalement concentrée sur la distribution de nourriture aux personnes méritantes, dont plusieurs personnes transgenres et veuves.

En outre, son organisation fournit des repas complets lors des mariages pour les familles défavorisées, et a déjà soutenu environ 200 d'entre elles.

"Nous nous chargeons également de l'adoption et de la réforme de divers orphelinats, dont nous assurons le fonctionnement efficace en les mettant en relation avec notre réseau de donateurs", a-t-elle ajouté.

Pour le prix Diana, Mme Khan a déclaré que le travail d'une personne devait démontrer sa durabilité et son impact sur une longue période de temps.

"Parmi les 20 lauréats du prix de l'héritage de cette année, c'est moi qui ai réuni le plus de fonds pour mes projets, renforçant ainsi leur impact et leur durabilité", a-t-elle ajouté.

Mme Khan a déclaré que le prix offrait plus qu'une simple reconnaissance puisqu'il comprenait également un programme de mentorat de deux ans avec des sessions régulières avec des personnes de son propre domaine.

"Les participants ont accès à des programmes leur permettant d'entrer en contact avec des experts dans le domaine et d'accéder à des possibilités de collecte de fonds", a-t-elle poursuivi, ajoutant que l'attention portée au domaine de l'aide sociale contribuait à la croissance et à la viabilité des initiatives des participants.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


L'Australie tente de sauver ses derniers «dragons sans oreilles»

Cette photo prise le 25 mars 2024 montre un lézard dragon sans oreilles des prairies dans la réserve naturelle de Tidbinbilla, située à la périphérie de la capitale australienne, Canberra. (AFP)
Cette photo prise le 25 mars 2024 montre un lézard dragon sans oreilles des prairies dans la réserve naturelle de Tidbinbilla, située à la périphérie de la capitale australienne, Canberra. (AFP)
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  • L'Australie abrite des milliers d'espèces animales uniques, parmi lesquelles 1 130 espèces de reptiles qu'on ne trouve nulle part ailleurs au monde
  • Une centaine d'espèces de la flore et de la faune endémique d'Australie ont disparu au cours des 300 dernières années

SYDNEY: Quand il voit le jour, le "dragon des prairies sans oreilles" d'Australie est à peine plus grand que le petit doigt. Mais le minuscule reptile doit répondre à un défi de taille : échapper à l'extinction de son espèce.

En 2019, des scientifiques de Canberra avaient recensé plusieurs centaines de spécimens de ce lézard à l'état sauvage. Cette année, ils n'en ont compté que 11.

Le dragon des prairies sans oreilles, une espèce endémique d'Australie, a une peau brune claire, striée de longues bandes blanches. Dépourvu d'oreilles et de tympans fonctionnels, il mesure 15 centimètres à l'âge adulte.

L'Australie en compte quatre espèces, dont trois "en danger critique d'extinction" - la catégorie la plus menacée - la quatrième étant classée comme "en danger".

Sans mesures de conservation, les dragons en "danger critique d'extinction" seront probablement éteints dans les 20 prochaines années. Mais "si nous gérons correctement leur conservation, nous pouvons les faire revenir", espère Bernd Gruber, professeur à l'université de Canberra, qui œuvre en ce sens.

«Espoir»

L'Australie abrite des milliers d'espèces animales uniques, parmi lesquelles 1.130 espèces de reptiles qu'on ne trouve nulle part ailleurs au monde.

Victimes du changement climatique, de la prolifération de plantes et d'animaux invasifs et de la destruction de leurs habitats - en 2019, les incendies de forêt ont brûlé plus de 19 millions d'hectares - les espèces endémiques d'Australie sont dans une situation critique.

Une centaine d'espèces de la flore et de la faune endémique d'Australie ont disparu au cours des 300 dernières années.

Pour éviter un tel sort aux dragons sans oreilles, plusieurs programmes de conservation ont été mis en place dans le pays, comptant au total jusqu'à 90 animaux voués à être relâchés dans la nature.

M. Gruber supervise l'un d'entre eux, dans la région de Canberra, où des compartiments abritent chacun un lézard, disposant d'herbe, d'un terrier et d'une lampe chauffante.

L'accouplement des spécimens est particulièrement épineux.

Les femelles préférant choisir leur partenaire, les scientifiques doivent leur présenter plusieurs mâles jusqu'à ce qu'elles en acceptent un.

Il leur faut aussi déterminer - à l'aide d'analyses génétiques - quels sont les lézards compatibles et assurer la diversité génétique de leur progéniture.

M. Gruber prend soin d'une vingtaine de bébés lézards, à peine éclos. Il y a encore trois semaines, les scientifiques ne voyaient pas leurs œufs. "Il y a un sentiment d'espoir quand on les regarde", confie-t-il à l'AFP.

Ces reptiles vivent exclusivement dans des prairies tempérées, un habitat que l'étalement urbain a pratiquement réduit à néant, explique la chargée de campagne de l'Australian Conservation Foundation, Peta Bulling. Seules 0,5% des prairies de l'époque de la colonisation européenne subsistent encore.

"Nous ne comprenons pas tout ce que les dragons des prairies sans oreilles font dans l'écosystème, mais nous pouvons supposer qu'ils jouent un rôle important dans la gestion des populations d'invertébrés", explique-t-elle à l'AFP. "Ils vivent dans des terriers creusés dans le sol, ce qui fait qu'ils aèrent probablement le sol", détaille-t-elle.

Pour Mme Bulling, si les programmes d'élevage sont importants, il est vital de protéger les habitats où les lézards élevés pourront être réintroduits.

Ces animaux "sont hautement spécialisés pour vivre dans leur habitat, mais ils ne s'adapteront pas rapidement au changement", prévient-elle.

L'année dernière, des scientifiques ont observé pour la première fois depuis 50 ans un petit nombre de spécimens d'une autre espèce de dragons sans oreilles, dans une zone tenue secrète pour les protéger.