Le sort du Soudan en jeu alors que la transition démocratique piétine

Des manifestants soudanais réclament un gouvernement civil lors d'un rassemblement à Omdourman, ville-jumelle de Khartoum, le 14 février 2022 (Photo, AFP).
Des manifestants soudanais réclament un gouvernement civil lors d'un rassemblement à Omdourman, ville-jumelle de Khartoum, le 14 février 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 20 avril 2022

Le sort du Soudan en jeu alors que la transition démocratique piétine

  • Les forces de sécurité ont violemment dispersé des manifestations contre le coup d'État à Khartoum, Omdurman, Darfour et ailleurs
  • Le manque d'informations fiables en provenance de l'intérieur du pays constitue un défi pour les observateurs des droits de l'Homme

DUBAÏ: La photographe et militante Lana Haroun, 34 ans, était à Khartoum en 2019, à l'épicentre de la révolution au Soudan. Elle a contribué à documenter la rage et l'optimisme du mouvement qui a mis fin au règne de 30 ans du dictateur Omar al-Bachir en avril de la même année.
Comme des milliers de Soudanais qui rêvaient depuis longtemps d'un changement politique, Haroun était pleine d'espoir lorsque le pays a ensuite entamé une transition difficile vers un régime civil démocratique. Ces espoirs se sont cependant vite mués en désarroi.
Abdalla Hamdok, un diplomate respecté de l'ONU, nommé Premier ministre en août 2019, a offert un espoir de paix et de prospérité au pays. Mais avec une économie en crise, le Soudan a rapidement commencé à manquer de nourriture, de carburant et de médicaments.

Le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok (Photo, AFP).

Tout en reconnaissant les difficultés découlant des mesures d'austérité adoptées, Hamdok a émis l'espoir que leur impact positif se ferait bientôt sentir.
Cependant, les manifestations de rue quotidiennes devenant de plus en plus violentes, Haroun décide qu'il est temps de quitter le pays. En novembre 2020, elle plie bagage avec sa famille et s'installe à Dubaï, où elle travaille désormais pour une entreprise pétrolière.
«La situation économique était très mauvaise au Soudan et il y a beaucoup de choses que je voulais faire dans ma vie», raconte-t-elle à Arab News. «Je devais partir.»

Le général Abdel Fattah al-Burhan (Photo, AFP).

La transition démocratique du Soudan s'est interrompue en octobre 2021 et le renversement du gouvernement Hamdok par le coup d'Etat du général Abdel Fattah al-Burhan.
En réponse à la condamnation internationale qui a suivi, les militaires ont proposé un accord de partage du pouvoir et réintégré Hamdok au poste de Premier ministre en novembre. Cet accord s'est toutefois avéré impopulaire auprès des groupes pro-démocratiques, ce qui a conduit Hamdok à démissionner le 2 janvier.

«Personne ne sait ce qui va se passer maintenant», explique Haroun. «Beaucoup de gens quittent le Soudan parce qu'ils ont peur de perdre leur vie, pas seulement parce qu'il n'y a pas de nourriture ou d'argent, mais parce qu'ils ont peur d'être tués».
«Le Soudan est aujourd'hui pire qu'à l'époque de Bachir. Nous n'avons pas ce dont nous avons besoin pour vivre normalement et le nombre de personnes tuées est plus élevé que jamais.»

Dans une allocution télévisée après sa démission, Hamdok a déclaré que le pays se trouvait dans un «tournant dangereux qui menace toute sa survie». Ce n'était pas exagéré ; avec une inflation croissante, des pénuries de produits de base et des troubles meurtriers à Khartoum, les perspectives ont rarement été aussi sombres.
«Le Soudan est malheureusement passé de la grâce d'être une rare histoire positive dans la Corne de l'Afrique à tomber aux mains d'un autre régime militaire», a déclaré à Arab News Mohammed Osman, ancien journaliste soudanais et spécialiste indépendant de la région.
«C'est l'histoire qui se répète pour la troisième fois depuis l'indépendance du pays. Mais cette fois, c'est une combinaison poignante de tragédie et de farce.»
Un défi majeur pour les observateurs internationaux est le manque d'informations fiables provenant de l'intérieur du Soudan, en grande partie du aux fréquentes coupures d'internet.


Parmi les personnes visées figurent les membres du Comité pour le démantèlement du régime du 30 juin 1989.


Par conséquent, la responsabilité des meurtres de manifestants - qu'ils soient le résultat de luttes intestines entre factions, de la criminalité ou d'un ciblage délibéré par les redoutables Forces de soutien rapide - est difficile à établir.
«Personne ne sait qui tue dans les rues», explique Haroun, qui tente de suivre les événements du mieux qu'elle peut depuis son exil auto-imposé à Dubaï.
«C'est de la folie. Mais il est sûr que ces tueries sont le fait des militaires eux-mêmes, car ce sont eux qui mènent la danse au Soudan maintenant.»
Depuis octobre, la valeur de la livre soudanaise s'est dépréciée de façon alarmante, aggravant la pression inflationniste. Le retrait du Soudan en 2020 de la liste américaine des États soutenant le terrorisme était censé stimuler les flux financiers susceptibles de favoriser la croissance. À tous égards, cet avantage a été gâché.
«L'économie avait déjà du mal à se redresser», détaille Osman. «Maintenant, ce coup d'État a aggravé sa situation, rendant la vie à Khartoum très difficile. Beaucoup de gens n'ont plus d'argent et tentent de quitter le pays.»
Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, environ 14,3 millions de personnes au Soudan, soit près d'un tiers de la population, auront besoin d'une aide humanitaire cette année - soit environ 0,8 million de plus que l'année dernière.
Pour compliquer encore les choses, les litiges concernant les terres, le bétail, l'accès à l'eau et aux pâturages ont déclenché, depuis octobre 2021, un pic d'affrontements tribaux, de pillages et de viols dans la vaste région aride du Darfour.
Le Programme alimentaire mondial a suspendu ses opérations à la suite du pillage de ses entrepôts dans l'État du Nord-Darfour, un acte qui a «privé près de deux millions de personnes de la nourriture et du soutien nutritionnel dont elles ont désespérément besoin», a déclaré l'agence.
Bien que le conflit principal du Darfour se soit apaisé, les parties du Darfour qui bordent le Tchad sont truffées d'armes et abritent la plupart des trois millions de personnes déplacées du Soudan.

Manifestants soudanais lors du soulèvement de 2019 contre Omar al-Bachir (Photo, Lana Haroun).

«La situation à court et moyen terme est très sombre», explique Rachid Abdi, analyste de la Corne de l'Afrique au think tank Sahan Research, basé à Nairobi. «L'armée, retranchée, a refusé toute idée de résolution. Ils veulent une solution selon leurs propres conditions.»
«Je pense qu'ils comprennent qu'ils ne poursuivront pas la stratégie de Bachir et espèrent qu'un gouvernement militaire sera acceptable à long terme.»
Mais Abdi pense que le public soudanais n'acceptera pas ce statu quo, donc les chefs de l'armée veulent probablement établir une administration civile qui soit faible et qu'ils puissent contrôler. Si tel est le schéma de l'armée, il est peu probable, selon lui, que l'opinion publique soudanaise l'accepte.
«Ils espéraient que Hamdok sera la personne capable de conduire le pays vers des jours meilleurs», indique-t-il. «Je pense qu'il s'est retrouvé piégé par les militaires, qu'il n'a pas pu manœuvrer et qu'il a fait ce qu'il fallait, à savoir démissionner.»
Le 26 janvier, les clivages au sein de la société soudanaise ont semblé se creuser davantage lorsque des milliers de manifestants pro-militaires se sont rassemblés devant le bureau de Khartoum de la Mission intégrée d'assistance à la transition des Nations unies au Soudan (UNITAMS), exigeant la fin de «l'ingérence étrangère» et le «retour au pays» du représentant spécial des Nations unies pour le Soudan, Volker Perthes.
Perthes, qui a été nommé à la tête de l'UNITAMS en janvier 2021, a tenté d'amener les parties prenantes soudanaises à la table des négociations pour discuter d'une solution politique pacifique et relancer la transition démocratique.
Selon lui, l'ONU elle-même «ne présentait aucun projet, aucune ébauche ou vision en vue d'une solution.» Mais le gouvernement soudanais dirigé par l'armée a rejeté ses efforts, affirmant qu'il devait travailler en tant que «facilitateur et non médiateur.»
Dans le même temps, les manifestants anti-coup d'État, majoritairement jeunes, ont continué à défiler dans les rues de Khartoum, où ils se heurtent régulièrement aux forces de sécurité dans le cadre d'une répression féroce des dissidents. Depuis le coup d'État, au moins 79 personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées.

Des partisans de l'armée soudanaise se rassemblent devant les bureaux de la mission des Nations Unies, à l'ouest de Khartoum, la capitale du Soudan, le 5 février 2022 (Photo, AFP).

La tâche colossale de rétablir la transition démocratique incombe à une population qui en a assez des incessants conflits internes, des déplacements de population et de la paupérisation.
«Les manifestations ne se déroulent pas seulement à Khartoum, mais aussi au Darfour et dans d'autres régions du pays», déclare Erika Tovar Gonzalez, coordinatrice de la communication et de la prévention au Comité international de la Croix-Rouge depuis la capitale soudanaise.
Il en résulte deux visions a priori irréconciliables, avec le sort de la nation suspendu dans la balance.
«Même les partis politiques soudanais qui auraient été prêts à accorder le bénéfice du doute à Al-Burhan pour des raisons pragmatiques sont plus prudents maintenant», ajoute Gonzalez.
«Parce qu'une fois qu'ils s'allient avec les militaires, ils nuisent à leur crédibilité et n'obtiennent aucun soutien de la part du public. Al-Burhan est devenu un allié plus toxique.»

Le plus haut général du Soudan, Abdel Fattah al-Burhan, salue des soldats lors d'un exercice militaire dans la région de Maaqil le 8 décembre 2021 (Photo, AFP).

Les experts estiment donc qu'il est peu probable qu'Al-Burhan et les militaires puissent maintenir leur emprise sur le pouvoir.
«Je ne pense pas que la (stratégie) militaire soit claire», enchérit Abdi. «On peut spéculer que les militaires sont conscients qu'ils ne seront pas acceptés, mais ce qu'ils essaient de faire, c'est de gagner du temps pour concrétiser leur promesse de sortie.»
Pour Osman, les militaires ont mal calculé la tournure que prendraient les événements après le coup d'État d'octobre dernier.
«Qui leur donnera de l'argent maintenant ?», demande-t-il. «L'aide occidentale est suspendue. Les pays du Golfe ne leur donneront pas assez d'argent. Vous ne pouvez pas stabiliser un régime sans argent. Les militaires se sont tiré une balle dans le pied. La situation économique ne peut qu'empirer s'ils poursuivent ce coup d'État.»
D'après lui, «Il n'y a aucun espoir de compromis politique si l'armée ne met pas d'abord fin à sa répression meurtrière des manifestations.»

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Israël rejette une enquête de l'ONU l'accusant de «génocide» à Gaza

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
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  • "Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué
  • Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens

JERUSALEM: Israël a "rejeté catégoriquement" mardi le rapport d'une commission d'enquête internationale indépendante des Nations unies qui l'accuse de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.

"Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'autres responsables israéliens.

En riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, Israël a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste palestinien a pris le pouvoir en 2007.

La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU et est vivement critiquée par Israël, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produit à Gaza et continue de (s'y) produire", a déclaré à l'AFP sa présidente, Navi Pillay.

Elle a conclu que les autorités et les forces de sécurité israéliennes avaient commis "quatre des cinq actes génocidaires" définis par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime du génocide.

A savoir: "meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe".

Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient "incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n'avaient) pas pris de mesures" pour les en empêcher.

Le ministère des Affaires étrangères israélien a accusé les auteurs du rapport de "servir de relais au Hamas", affirmant qu'ils étaient "connus pour leurs positions ouvertement antisémites — et dont les déclarations horribles à l'égard des Juifs ont été condamnées dans le monde entier."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien.

L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.


«Gaza brûle», déclare le ministre israélien de la Défense après des frappes intenses

Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
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  • "Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas"
  • "Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée"

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza.

"Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas", a déclaré M. Katz sur X.

"Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée", a-t-il ajouté.

 


Le Qatar est le seul pays capable d'être un médiateur concernant Gaza, souligne Rubio

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  • Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza
  • "Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar"

TEL-AVIV: Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza, malgré une frappe israélienne ciblant des dirigeants du Hamas dans l'émirat.

"Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar," a déclaré M. Rubio aux journalistes alors qu'il se rendait à Doha depuis Israël.