La guerre d'Algérie, un conflit aux plaies encore vives

Tlemcen se prépare à accueillir François Hollande en visite officielle de deux jours en Algérie le 20 décembre 2012. Le président français avait alors reconnu la domination coloniale «brutale» de la France sur le peuple algérien, sans s'en excuser, alors qu'il cherchait à lancer une nouvelle ère dans les relations avec l’Algérie. (Bertrand Langlois/Pool/AFP)
Tlemcen se prépare à accueillir François Hollande en visite officielle de deux jours en Algérie le 20 décembre 2012. Le président français avait alors reconnu la domination coloniale «brutale» de la France sur le peuple algérien, sans s'en excuser, alors qu'il cherchait à lancer une nouvelle ère dans les relations avec l’Algérie. (Bertrand Langlois/Pool/AFP)
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Publié le Mardi 22 février 2022

La guerre d'Algérie, un conflit aux plaies encore vives

  • Emmanuel Macron reconnaît en 2018 que le mathématicien Maurice Audin est mort sous la torture de l'armée française en 1957, et demande «pardon» à sa veuve
  • En septembre, le président Macron demande «pardon» aux harkis qui furent «abandonnés» par la France après avoir combattu pour elle

PARIS : Soixante ans après la fin de la guerre de l'Algérie (1954-1962), les plaies sont encore vives de part et d'autre malgré des gestes symboliques au fil des ans de la France, qui exclut toutefois «repentance» ou «excuses».

Introspection douloureuse

Il faut attendre près de 40 ans, en 1999, pour que la France qualifie officiellement de «guerre» cette période douloureuse et sanglante ayant scellé l'indépendance de son ancienne colonie.

Comme Valéry Giscard d'Estaing, premier chef d'État français à effectuer en 1975 une visite officielle dans l'Algérie désormais indépendante, François Mitterrand et Jacques Chirac se gardent de condamner la colonisation durant leurs mandats élyséens.

En 2007, en visite à Alger, le président Nicolas Sarkozy déclare que «le système colonial a été profondément injuste», mais évoque «d'innombrables victimes des deux côtés».

En 2012 à Alger, François Hollande va plus loin en déclarant que «pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal». Le 19 mars 2016, il est le premier président à commémorer la fin de la guerre d'Algérie, provoquant une levée de boucliers parmi une partie de la classe politique.

Cinq ans après, en février 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle, provoque un tollé à droite et parmi les rapatriés d'Algérie en déclarant que la colonisation «c'est un  crime  contre  l’humanité», «une vraie barbarie». «Ca fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes», ajoute-t-il. 

«Actes symboliques»

En septembre 2018, devenu président, M. Macron reconnaît que le jeune mathématicien communiste Maurice Audin est mort sous la torture de l'armée française en 1957, et demande «pardon» à sa veuve.

Après la publication du rapport de l'historien français Benjamin Stora, en janvier 2021, il s'engage à des «actes symboliques» pour tenter de réconcilier les deux pays, mais exclut cette fois «repentance» et «excuses».

Début mars, il reconnaît ainsi, «au nom de la France», que l'avocat nationaliste Ali Boumendjel a été «torturé et assassiné» le 23 mars 1957 par l'armée française, contredisant la thèse officielle de son suicide.

En septembre, le président Macron demande «pardon» aux harkis qui furent «abandonnés» par la France après avoir combattu pour elle, et annonce un projet de loi «de réparation», adopté le 15 février 2022.

Regain de tension avec Alger

Le 2 octobre 2021, Alger rappelle, pour trois mois, son ambassadeur à Paris, en réaction indignée aux propos d'Emmanuel Macron affirmant devant des jeunes que l'Algérie, après son indépendance, s'est construite sur «une rente mémorielle» entretenue par «le système politico-militaire».

Le 16 octobre, M. Macron déclare que «les crimes commis le 17 octobre 1961 sous l'autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République», 60 ans après le massacre de manifestants algériens pacifiques à Paris.

Après avoir annoncé un accès facilité aux archives classifiées, Paris annonce le 10 décembre l'ouverture de celles concernant «les enquêtes judiciaires» de la guerre d'Algérie.

Le 26 janvier 2022 Emmanuel Macron exprime «la reconnaissance» de la France envers les rapatriés d'Algérie et invite à reconnaître comme tels deux «massacres» ayant eu lieu après la signature des accords d'Evian : la fusillade de la rue d'Isly à Alger, le 26 mars 1962, et le «massacre du 5 juillet 1962» à Oran.

Le 8 février, il rend hommage aux manifestants morts au métro Charonne à Paris le 8 février 1962 lors d'un rassemblement pacifique contre l'OAS très violemment réprimé par la police. C'est le premier président à rendre hommage aux neuf victimes de ce rassemblement organisé entre autres par le parti communiste, la CGT, et l'Unef.

Marseille revisite ses «histoires» d'Algérie

Avant-poste de la France coloniale, port d'arrivée pour des milliers d'ouvriers algériens puis pour les rapatriés à l'indépendance de l'Algérie il y a 60 ans, Marseille concentre des histoires franco-algériennes multiples et souvent douloureuses qu'elle commence à revisiter.

Dans la deuxième ville de France, «on estime que sur plus de 800.000 habitants, près de 200.000 sont concernés de près ou de loin par l'Algérie», souligne Samia Chabani, directrice d'Ancrages, centre de ressources sur l'histoire et les mémoires des migrations à Marseille.

Parmi elles, les pieds-noirs, Européens originaires de France, d'Espagne ou d'Italie, établis en Algérie depuis des générations et rapatriés dans l'urgence et la douleur après une guerre qui fit près de 500.000 morts civils et militaires, dont quelque 400.000 Algériens, selon les historiens.

Mais aussi des Harkis, supplétifs de l'armée française, des Marseillais appelés à combattre en Algérie, ainsi que des immigrés algériens, parfois militants indépendantistes, et les descendants de tous ces groupes.

Les grandes cités de Marseille construites à la va-vite dans les années 1960 virent passer une partie de ces populations ballottées entre les deux pays.

Des Algériens fuyant la «décennie noire» (1991-2002) ou des étudiants ont ensuite rejoint la ville portuaire. Chaque semaine, les ferries blancs reliant Alger symbolisent les liens toujours forts entre ces cités méditerranéennes «miroirs».

Quand il s'agit d'évoquer la guerre d'Algérie et les 130 ans de colonisation, les mémoires restent «compartimentées», constate l'historienne Karima Dirèche, spécialiste de l'Algérie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). S'il existe un monument aux rapatriés, il n'y a pas de lieu du souvenir faisant consensus entre les mémoires blessées.

Certains à Marseille travaillent pourtant au dialogue de ces histoires.

Comme Jacques Pradel, président de l'Association nationale des pieds-noirs progressistes, qui, avec Ancrages et des associations de la diaspora algérienne et antiracistes, organisent des commémorations pour les accords d'Evian. Une démarche peu commune, beaucoup de pieds-noirs refusant de commémorer ces accords qu'ils vivent comme un moment sombre.

Né à Tiaret (nord-ouest de l'Algérie), Jacques Pradel a grandi dans «une famille de colons français, un milieu privilégié», même si l'ancêtre arrivé au XIXe siècle «était un petit paysan du Tarn chassé par la misère»

«Comme mes parents étaient fondamentalement antiracistes, cela m'a aidé à ouvrir les yeux sur la réalité» du système colonial, raconte à l'AFP ce scientifique retraité. A 18 ans, pour éviter d'être enrôlé de force dans l'Organisation de l'armée secrète (OAS) luttant contre l'indépendance de l'Algérie, il part en France. Ses parents suivront.

«Réconciliation sincère»

Même si des blessures restent, l'exil, la perte de cet ami d'enfance algérien qui se détourna de lui pendant la guerre, il milite pour une réconciliation «sincère et durable» entre les deux pays. Sa bibliothèque regorge d'ouvrages sur l'Algérie, mais sans nostalgie, avec nombre d'auteurs algériens contemporains.

La réconciliation passe par la pénétration dans la société du «formidable travail des historiens», dit celui qui approuve la déclaration du président français Emmanuel Macron admettant que la colonisation était «une vraie barbarie».

Ancrages raconte de son côté les histoires souvent oubliés des Algériens de Marseille. Comme ces ouvriers recrutés en masse par les industries de la région et qui s'étaient reconstitués un foyer dans les rues étroites de Belsunce.

«Le café nord-africain y constitue un lieu de sociabilité, d'expression musicale, mais c'est là aussi que s'organisent les revendications pour l'indépendance», rappelle Samia Chabani en illustrant ses propos avec la façade désormais murée du Moka.

Pendant la guerre, «ces cafés seront très contrôlés par la police française et certains immigrés internés», rappelle-t-elle.

Fatima Sissani, établie à Marseille, a elle réalisé un documentaire sur des femmes engagées dans le Front de libération nationale (FLN), pour comprendre l'histoire d'une guerre que ses parents, immigrés en France, taisaient.

En mai dernier, Marseille a donné le nom d'un tirailleur algérien ayant participé à la libération de la ville en 1944, Ahmed Litim, à une école auparavant baptisée Bugeaud, un militaire colonisateur, même si mi-février aucune plaque n'était encore visible avec ce nouveau nom.

«Une école ne saurait ériger en modèle un bourreau des guerres coloniales. Nous ne pouvons ni l'expliquer ni le justifier à nos enfants», avait plaidé le maire Benoît Payan.

Fadila avait elle un grand-père algérien ayant combattu pour la France en 1914-1918. Cette Marseillaise aimerait que ces histoires soient mieux connues.

Préférant taire son nom, car le sujet de la guerre d'Algérie reste sensible, elle voudrait qu'un jour les blessures cicatrisent: «Parce que la France et l'Algérie, on est liés, comme ça ensemble», dit-elle en croisant les doigts de ses mains.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.