Au procès des attentats de janvier 2015, le double visage d'Amar Ramdani

« C’est la vérité que j’attends ». Très émue, Marie-Louisa Jean-Philippe, la mère de Clarissa Jean-Philippe, jeune policière municipale tuée par Amedy Coulibaly à Montrouge, témoigne devant la cour d'assise de Paris, dans le cadre du procès des attentats de janvier 2015 (Photo, AFP-TV)
« C’est la vérité que j’attends ». Très émue, Marie-Louisa Jean-Philippe, la mère de Clarissa Jean-Philippe, jeune policière municipale tuée par Amedy Coulibaly à Montrouge, témoigne devant la cour d'assise de Paris, dans le cadre du procès des attentats de janvier 2015 (Photo, AFP-TV)
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Publié le Jeudi 08 octobre 2020

Au procès des attentats de janvier 2015, le double visage d'Amar Ramdani

  • A l'époque, « Coulibaly ne se cachait pas d'être musulman, il pratiquait sa religion, mais c'était dans le sens positif de la chose »
  • « Aller aux prostituées, c'était secondaire », concède finalement Amar Ramdani, qui évoque finalement un « trafic d'herbe » avec Mohamed Fares

PARIS : Côté pile, il apparaît poli, intelligent. Côté face, parfois provocateur et évasif. Soupçonné d'avoir aidé Amedy Coulibaly à acheter des armes, Amar Ramdani a nié mercredi tout lien avec les attentats de janvier 2015, sans dissiper le doute sur son implication.

Pull noir, carrure athlétique et cheveux courts, Amar Ramdani ajuste son masque dans le box avant de prendre la parole devant la cour d'assises spéciale de Paris.

« Coulibaly, c'était quelqu'un de serviable, quelqu'un de sérieux. Il était assez malin pour ne pas se mettre dans les histoires et les embrouilles », raconte le trentenaire, jugé avec 13 autres personnes pour son soutien présumé aux auteurs des attentats.

De lui, « j'avais une image de +bonhomme+, quelqu'un qui a le cran de faire les choses, pas de tuer d'une manière lâche. Aller tuer des gamins et des gens qui font leurs courses, c'est des trucs de lâche! », assène-t-il.

Connu de la justice pour de multiples faits de délinquance, dont un braquage avec séquestration, Amar Ramdani, 39 ans, a rencontré le futur tueur de l'Hyper Cacher à la maison d'arrêt de Villepinte, au début des années 2010.

Avec Nezar Mickaël Pastor Alwatik et Peter Cherif, présenté comme un possible commanditaire des attentats, il a formé la « secte de la buanderie » -- un groupe affecté à la gestion du linge de la prison, auquel Coulibaly enseignait le Coran, selon un ex-détenu.

A l'époque, « Coulibaly ne se cachait pas d'être musulman, il pratiquait sa religion, mais c'était dans le sens positif de la chose », raconte Ramdani, qui jure ne l'avoir jamais entendu faire preuve de radicalité ou d'antisémitisme.

« Ses actes ne sont pas en adéquation avec la personne que moi j'ai connue », poursuit le trentenaire, qui dit ressentir de la « répulsion » pour les attentats -- ayant souffert des « années noires » du terrorisme dans son enfance en Algérie.

« on reste sur notre faim »

Amar Ramdani, qui entretenait au moment des faits une relation avec une gendarme, est accusé d'avoir aidé Coulibaly à acquérir des armes en se rendant à six reprises dans la région lilloise avec Saïd Makhlouf, un cousin éloigné, entre octobre et décembre 2014.

Un rôle logistique contesté par l'accusé. « C'était pour accompagner Saïd Makhlouf, qui allait voir des prostituées », assure le trentenaire, mis en difficulté sur son comportement après les attentats et ses déclarations devant les juges d'instruction.

Le 9 janvier, quelques heures seulement après l'attaque de l'Hyper Cacher, il a ainsi jeté le téléphone qu'il consacrait à ses échanges avec Coulibaly -- qu'il avait vu la veille de l'attaque contre Charlie Hebdo.

« Vous aviez quelque chose à vous reprocher? s'enquiert le président Régis de Jorna.

- Il n'y avait rien dedans, rien de précieux... La seule chose qui fait que je l'ai jeté, c'est la peur.

- Si vous n'aviez rien à vous reprocher, il suffisait de le montrer...

- Vous avez tout à fait raison. C'est un réflexe stupide, j'ai paniqué ».

Ramdani a par ailleurs consulté son amie gendarme le 10 janvier en lui demandant s'il devait se « présenter à la police ». Un fait jugé troublant par plusieurs avocats.

« Elle m'a demandé si j'avais apporté un soutien à Coulibaly, j'ai dit non. Elle m'a dit que je n'avais donc pas de raison de me présenter », justifie le trentenaire, qui dit ne « pas faire de reproche » à son amie, radiée depuis de la gendarmerie pour avoir consulté illégalement des fichiers le concernant.

Le président Régis de Jorna revient alors sur la question des allers-retours dans la région lilloise. « Said Makhlouf avait son permis: c'est quand même quelque chose d'éminemment personnel d'aller voir des prostituées, il n'avait pas besoin de vous », s'étonne-t-il.

« Aller aux prostituées, c'était secondaire », concède finalement Amar Ramdani, qui évoque finalement un « trafic d'herbe » avec Mohamed Fares, lui aussi sur le banc des accusés. Un alibi jugé peu convaincant.

« Votre réponse reste insatisfaisante... Vous comprenez qu'on reste un peu sur notre faim? », lance le président.

Ramdani, parfois hilare dans le box face aux questions des avocats, se veut soudain sérieux. « Je ne suis pas une balance », avance-t-il. « Jamais je me mettrai à table, même si ça peut me porter préjudice ».

L'audition doit se poursuivre jeudi.


«Marseille doit continuer à être debout», appelle Amine Kessaci, invité du conseil municipal

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  • Accueilli par des applaudissements nourris, le jeune homme a réclamé "des actions concrètes"
  • "Sans la rénovation des écoles, sans la création de services publics, sans l'action des centres sociaux, on ne pourra jamais sortir ces enfants des quartiers"

MARSEILLE: "Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue", a appelé jeudi le militant écologiste Amine Kessaci, après le meurtre de son frère Mehdi en novembre, invité du dernier conseil municipal de la ville avant les prochaines élections municipales.

"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire.

Accueilli par des applaudissements nourris, le jeune homme a réclamé "des actions concrètes". "Sans la rénovation des écoles, sans la création de services publics, sans l'action des centres sociaux, on ne pourra jamais sortir ces enfants des quartiers".

Pour le militant écologiste, "attaquer les petits jeunes au pied d'immeuble ne va pas stopper ces trafics internationaux". Il faut "exiger des pays comme l'Arabie Saoudite, comme le Qatar, comme la Thaïlande" d'extrader "les têtes de réseau qui vivent très bien de l'argent de la drogue, vivent loin du territoire et font couler le sang ici chez nous et nos enfants se retrouvent assassinés".

Mardi, lors de son déplacement à Marseille, le président de la République Emmanuel Macron a réaffirmé sa détermination à mener la "guerre" contre le narcotrafic.

Il a affiché sa volonté d'aller "chercher dans les pays où sont les têtes de réseau de la coopération, pour pouvoir saisir leurs biens, pour pouvoir arrêter les têtes de réseau, nous les restituer".

Le chef de l’Etat doit se rendre dimanche pour le Noël aux troupes aux Emirats arabes unis, où d'importants narcotrafiquants ont trouvé refuge, selon la justice française.


Pour le Noël des armées, Macron fait cette année le choix des Emirats

La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
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  • En se rendant aux Émirats arabes unis pour le Noël des armées, Emmanuel Macron adresse un message de soutien aux militaires français tout en réaffirmant l’engagement stratégique de la France dans une région marquée par de fortes tensions géopolitiques
  • Ce déplacement met en lumière la solidité du partenariat de défense franco-émirien, pilier de la présence militaire française dans le Golfe et vecteur de stabilité régionale

En choisissant les Émirats arabes unis pour célébrer, les 21 et 22 décembre, le traditionnel Noël des armées françaises, le président Emmanuel Macron a voulu adresser un message clair à ses militaires engagés loin de leurs familles, mais aussi aux partenaires de la France dans une région marquée par de fortes turbulences géopolitiques.

Ce déplacement présidentiel, à la fois militaire et diplomatique, illustre la solidité d’un partenariat stratégique noué de longue date entre Paris et Abou Dhabi.

Comme le veut la tradition, le président de la République partagera un moment privilégié avec les forces françaises déployées sur place, après une séquence bilatérale avec les autorités émiriennes.

Selon le palais de l’Élysée, Emmanuel Macron se rendra directement auprès des militaires : il dînera avec eux, avant de consacrer la matinée suivante à des échanges de terrain et à des démonstrations opérationnelles, au plus près de la réalité de leur engagement en période de fêtes.

Si le choix des Émirats arabes unis n’a rien d’anodin, c’est parce que la région concentre aujourd’hui un grand nombre de crises majeures : conflits persistants au Moyen-Orient, tensions maritimes affectant le commerce mondial, instabilité chronique de plusieurs États.

Un déplacement stratégique dans une région sous tension

Le Golfe est devenu un carrefour stratégique où se croisent enjeux sécuritaires, diplomatiques et économiques et, en s’y rendant, le chef de l’État entend rappeler que la France demeure un acteur militaire et diplomatique engagé à l’échelle mondiale.

Mais ce déplacement est aussi l’occasion d’incarner la relation de confiance qui lie Paris et Abou Dhabi depuis plus de trente ans.

Le partenariat de défense franco-émirien, formalisé et renforcé par un accord signé en 2009, s’est progressivement imposé comme l’un des piliers de la présence française dans la région. Il repose sur une coopération étroite, une interopérabilité accrue des forces et un partage d’objectifs communs en matière de stabilité régionale.

Les Émirats arabes unis accueillent en effet un dispositif militaire français structurant. À Abou Dhabi se trouve un état-major interarmées, à la tête duquel est placé un amiral commandant à la fois les Forces françaises aux Émirats arabes unis (FFAU) et les forces françaises déployées dans l’océan Indien.

Cette implantation est complétée par une base navale française, ainsi que par une base aérienne située à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, où sont notamment stationnés des avions de combat Rafale.

À environ 70 kilomètres à l’ouest d’Abou Dhabi, dans une zone désertique, est également déployé le 5ᵉ régiment de cuirassiers, équipé de matériels de dernière génération, dont des chars Leclerc et des véhicules blindés de combat.

C’est sur ce site que se déroulera l’essentiel de la séquence militaire du déplacement présidentiel, avec une démonstration interarmées illustrant les capacités opérationnelles françaises.

Au total, près de 900 militaires français sont stationnés aux Émirats arabes unis. Ils jouent un rôle clé dans plusieurs opérations majeures.

Un partenariat militaire franco-émirien au cœur de la présence française dans le Golfe

Les moyens aériens basés aux Émirats contribuent notamment à l’opération Chammal de lutte contre le terrorisme, tandis que les capacités maritimes participent à l’opération européenne Aspides, destinée à sécuriser le trafic international en mer Rouge, récemment menacé par des attaques visant la navigation commerciale.

Au-delà de la dimension opérationnelle, la présence française aux Émirats arabes unis constitue un symbole fort de coopération stratégique et traduit la volonté partagée de renforcer la stabilité régionale, de sécuriser les grandes routes maritimes internationales et de soutenir les efforts de paix dans des zones fragilisées comme l’Irak, le Yémen, la Libye ou encore le Soudan.

Tous ces sujets pourraient être abordés lors des échanges entre le président français et le président émirien, Cheikh Mohamed ben Zayed.

En se rendant auprès des forces françaises à Noël, accompagné de la ministre des Armées, Emmanuel Macron entend surtout témoigner de son attachement personnel aux militaires engagés loin de la métropole.

Le message qu’il veut leur adresser est autant humain que politique, puisqu’il s’agit d’exprimer la reconnaissance de leur engagement et d’affirmer la crédibilité militaire française.

Dans un contexte international tendu, le choix des Émirats arabes unis pour le Noël des armées apparaît ainsi comme un signal fort : celui d’une France fidèle à ses alliances, pleinement investie dans la sécurité internationale et consciente que sa présence militaire est indissociable de relations diplomatiques durables et de partenariats stratégiques solides.


Municipales à Paris: vers un accord historique à gauche dès le premier tour

A  Paris, socialistes, écologistes et communistes s'apprêtent à sceller pour la première fois leur union dès le premier tour des municipales, derrière l'ex-premier adjoint socialiste Emmanuel Grégoire. Une alliance arrachée au terme de négociations délicates, mais réclamée sur le terrain face à une droite revigorée autour de Rachida Dati. (AFP)
A Paris, socialistes, écologistes et communistes s'apprêtent à sceller pour la première fois leur union dès le premier tour des municipales, derrière l'ex-premier adjoint socialiste Emmanuel Grégoire. Une alliance arrachée au terme de négociations délicates, mais réclamée sur le terrain face à une droite revigorée autour de Rachida Dati. (AFP)
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  • Depuis 09H00 ce mercredi, les écologistes parisiens sont invités à voter pour cet accord afin de faire "une liste commune, une union très très large de toutes les forces de gauche qui le souhaitent. C'est nouveau, c'est vraiment quelque chose d'historique
  • Si socialistes et écologistes gouvernent ensemble la capitale depuis 2001, ils n'avaient encore jamais mené campagne commune dès le premier tour

PARIS: A Paris, socialistes, écologistes et communistes s'apprêtent à sceller pour la première fois leur union dès le premier tour des municipales, derrière l'ex-premier adjoint socialiste Emmanuel Grégoire. Une alliance arrachée au terme de négociations délicates, mais réclamée sur le terrain face à une droite revigorée autour de Rachida Dati.

Depuis 09H00 ce mercredi, les écologistes parisiens sont invités à voter pour cet accord afin de faire "une liste commune, une union très très large de toutes les forces de gauche qui le souhaitent. C'est nouveau, c'est vraiment quelque chose d'historique pour nous", a déclaré sur franceinfo le candidat écologiste David Belliard.

Si socialistes et écologistes gouvernent ensemble la capitale depuis 2001, ils n'avaient encore jamais mené campagne commune dès le premier tour.

Cet accord, qui prévoit le désistement de David Belliard et de son homologue communiste Ian Brossat, sera soumis au vote des trois formations politiques, dont les 2.500 adhérents écologistes.

"Ce soir, dans la nuit, on connaîtra la réponse et (...) dès demain (jeudi) moi je suis prêt, dans toutes les configurations, à continuer la campagne", a ajouté M. Belliard, disant souhaiter "bousculer cette élection en faisant quelque chose d'historique".

"Quand une droite extrémisée menace, nous avons le devoir d'unir nos forces", a posté sur X Ian Brossat.

Interrogé sur la possibilité d'une union au second tour avec LFI, David Belliard s'est dit favorable à une "candidature unique à gauche".

"On est dans une élection difficile, dans laquelle il y a des enjeux (...) énormes pour Paris (...)  Et nous avons face à nous une droite qui est une droite populiste, affairiste, qui aujourd'hui est très brutale", a-t-il souligné.

Selon l'accord consulté par l'AFP, les partenaires s'engagent "à tout faire pour qu'il n'y ait qu'une seule liste de gauche au second tour", excluant toute alliance avec le candidat Horizons soutenu par Renaissance Pierre-Yves Bournazel.

"Parfois douloureux" 

Initialement annoncée pour octobre, cette alliance, qui devrait également associer Place publique et possiblement L'Après (ex-LFI), est le fruit de plus de trois mois de tractations serrées.

"Si un accord historique comme celui-ci n'avait jamais été réalisé auparavant c'est d'abord parce que c'est difficile et parfois douloureux. Cela implique que certains sortent des listes", a glissé une source socialiste.

Les discussions achoppaient notamment sur la place des écologistes en lice pour le Conseil de Paris dans un contexte de changement de mode de scrutin. Cette réforme est vivement critiquée par l'exécutif sortant, qui y voit une manoeuvre visant à faire gagner la droite.

Selon l'accord, 36 écologistes seraient éligibles contre 28 élus actuellement.

Source de profondes crispations chez les militants socialistes, les écologistes ont également obtenu que David Belliard soit tête de liste dans le XIe arrondissement, où fut élu Léon Blum et où l'est l'actuelle maire socialiste Anne Hidalgo. Une troisième mairie verte en plus de celles du XIIe et du XIVe qu'ils administrent déjà.

"C'est une révolution du point de vue de la gouvernance car il prévoit un meilleur partage entre les différents membres de cette alliance au sein de laquelle personne n'aura la majorité seul", souffle un cadre écologiste.

Revendiquant leur rôle central dans la transformation de l'espace public, de l'essor des pistes cyclables aux "rues aux écoles", les écologistes conditionnaient de fait leur retrait à l'obtention de concessions significatives.

L'accord prévoit également un renforcement des pouvoirs des maires d'arrondissement.

Parmi les "marqueurs communs" figurent notamment la revalorisation du périscolaire, un service de garde d'enfant universel, l'objectif de 40% de logement public (dont 30% de logement social), ou encore la poursuite de la piétonnisation et du verdissement de la ville.

Parmi les points de divergence, on trouve l'avenir du Parc des Princes.

"C'est un rassemblement historique qui a un coût très important pour les socialistes", a reconnu une source à gauche, pour qui les écologistes en sortiront "renforcés" alors qu'ils "reculent partout en France".

"Avec cette liste d'union il y aura un effet vote utile (...) Ca va forcément ouvrir une dynamique", estime-t-on de même source.

A l'instar de Paris, la plupart des grandes villes dirigées par la gauche ont franchi le pas d'une alliance dès le premier tour.