Le monde doit prouver que la force ne fait pas le droit

La police retient des manifestants lors d'une action contre l'attaque de la Russie sur l'Ukraine à Saint-Pétersbourg, en Russie, lundi 28 février 2022. (AP)
La police retient des manifestants lors d'une action contre l'attaque de la Russie sur l'Ukraine à Saint-Pétersbourg, en Russie, lundi 28 février 2022. (AP)
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Publié le Mardi 01 mars 2022

Le monde doit prouver que la force ne fait pas le droit

Le monde doit prouver que la force ne fait pas le droit
  • La Russie, grande puissance nucléaire, a attaqué et envahi un pays voisin pacifique et démocratique qui ne lui a posé aucune menace et ne l'a pas provoqué
  • Avec le choix que le président russe a fait, ramener la guerre en Europe, nous assistons au retour de la «loi de la jungle», où la force fait le droit

La Russie, grande puissance nucléaire, a attaqué et envahi un pays voisin pacifique et démocratique qui ne lui a posé aucune menace et ne l'a pas provoqué

Avec le choix que le président russe a fait, ramener la guerre en Europe, nous assistons au retour de la «loi de la jungle», où la force fait le droit

En cette heure sombre où nous assistons à l'invasion non provoquée et injustifiée de l'Ukraine par la Russie ainsi qu’à des campagnes de désinformation massives et à la manipulation de l'information, il est essentiel de séparer les mensonges – inventés pour justifier ce qui ne peut l'être – des faits. Les faits sont les suivants: la Russie, grande puissance nucléaire, a attaqué et envahi un pays voisin pacifique et démocratique qui ne lui a posé aucune menace et ne l'a pas provoqué. En outre, le président russe menace de représailles tout autre État qui viendrait au secours du peuple ukrainien. Un tel usage de la force et de la coercition n'a pas sa place au XXIe siècle.

Avec le choix qu’il a fait, ramener la guerre en Europe, nous assistons au retour de la «loi de la jungle», où la force fait le droit. La cible n'est pas seulement l'Ukraine, mais la sécurité de l'Europe ainsi que l'ensemble de l'ordre international, fondé sur des règles et basé sur le système de l'ONU ainsi que sur le droit international.

Nous voyons une catastrophe pour l’humanité se développer. Pendant des mois, nous avons déployé des efforts inégalés afin de parvenir à une solution diplomatique. La Russie, quant à elle, a plutôt opté pour une invasion à grande échelle, une guerre à part entière.

Ce pays doit cesser ses opérations militaires immédiatement et se retirer sans condition de l’ensemble du territoire ukrainien. Il en va de même pour la Biélorussie, qui doit immédiatement cesser de participer à cette agression et respecter ses obligations internationales. L'Union européenne (UE) est solidaire pour offrir son ferme soutien à l'Ukraine et à son peuple. C'est une question de vie ou de mort. Je prépare un programme d'urgence destiné à soutenir les forces armées ukrainiennes dans leur combat.

En guise de réponse, la communauté internationale va maintenant opter pour un isolement total de la Russie. Nous sanctionnons ceux qui financent la guerre en paralysant le système bancaire russe et son accès aux réserves internationales.

L'UE et ses partenaires ont déjà imposé des sanctions massives à la Russie, contre ses dirigeants et ses élites ainsi que contre des secteurs stratégiques de l'économie dirigée par le Kremlin. L'objectif n'est pas de nuire au peuple russe, mais d'affaiblir la capacité du Kremlin à financer cette guerre injuste. Pour ce faire, nous sommes en étroite collaboration avec nos partenaires et alliés – les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée du Sud et l'Australie. Nous voyons également de nombreux pays du monde entier se rallier pour protéger l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine. Nous sommes unis du bon côté de l'histoire.

Le Kremlin et ses partisans se sont également engagés dans une campagne de désinformation massive qui a débuté il y a plusieurs semaines. Nous avons vu les médias d'État russes et leur écosystème colporter des contrevérités sur les réseaux sociaux dans le but de tromper et de manipuler.

Nous voyons de nombreux pays se rallier pour protéger l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine.

Josep Borrell

Les propagandistes du Kremlin qualifient l'invasion d’«opération spéciale», mais cet euphémisme cynique ne peut dissimuler le fait que nous assistons à une véritable invasion de l'Ukraine, qui a pour but d'écraser sa liberté, son gouvernement légitime et ses structures démocratiques. Il est absurde de qualifier le gouvernement de Kiev de «néonazi» et de «russophobe»; toutes les manifestations du nazisme sont interdites en Ukraine. Dans l'Ukraine moderne, les candidats d'extrême droite sont un phénomène marginal qui bénéficie d'un soutien minimal et ne parviennent pas à entrer au Parlement. Le gouvernement ukrainien n'a pas coupé le Donbass et n'a pas interdit l'utilisation de la langue et de la culture russes. Donetsk et Louhansk ne sont pas des républiques: ce sont des régions ukrainiennes contrôlées par des groupements séparatistes armés et soutenus par la Russie.

Nous le savons, et de nombreux Russes le savent. Des protestations courageuses ont eu lieu dans les villes de Russie depuis le début de l'invasion. Nous écoutons leurs voix et reconnaissons le courage dont ils font preuve en s'exprimant. Nous voyons également de nombreuses personnalités publiques russes protester contre cette invasion insensée.

Je continue à travailler avec nos partenaires du monde entier afin d’assurer l'action conjointe de la communauté internationale contre le comportement du Kremlin. Vendredi, seule la Russie a mis son veto à une résolution du Conseil de sécurité des nations unies sur l’invasion de l’Ukraine – la Chine, l'Inde et les Émirats arabes unis s'étant abstenus. Des pays du monde entier condamnent les attaques de la Russie et, à l'assemblée générale, l'ensemble de la communauté internationale doit unir ses forces et adopter la résolution correspondante des Nations unies. Nous remercions particulièrement l'Albanie, l’un des pays (avec les États-Unis, NDLR) qui ont rédigé la résolution.

Malheureusement, les peuples du monde arabe ne connaissent que trop bien la guerre et le fait que des citoyens innocents souffrent. Ils savent pourquoi il est si important de lutter pour la liberté. Lundi, nous avons célébré le 31e anniversaire de la libération du Koweït. Dans ce contexte particulier, je suppose que les habitants du Golfe comprennent parfaitement ce que vit le peuple ukrainien et pourquoi la solidarité internationale contre l'impunité est si importante.

Avec cette guerre contre l'Ukraine, le monde ne sera plus jamais le même. Il est temps pour les sociétés et les alliances, plus que jamais, de se rassembler afin de bâtir notre avenir sur la confiance, la justice et la liberté. Il est temps de se lever et de s'exprimer. La force ne fait pas le droit. Cela n'a jamais été le cas. Et cela ne le sera jamais.

 

Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est vice-président de la Commission européenne pour une Europe plus forte dans le monde.

Avertissement : Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.