Emmanuel Macron, le président qui voulait rester inclassable

Emmanuel Macron s'exprimant depuis l'Elysée lors d'un discours télévisé le 2 mars 2022 à Paris (Photo, AFP).
Emmanuel Macron s'exprimant depuis l'Elysée lors d'un discours télévisé le 2 mars 2022 à Paris (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 04 mars 2022

Emmanuel Macron, le président qui voulait rester inclassable

  • Les partisans du président s'extasient devant son intelligence ou sa capacité de travail. Ses ennemis le jugent arrogant et donneur de leçons, au point de susciter une forme de haine
  • Cinq ans après son irruption à l'Elysée, Emmanuel Macron continue de diviser les Français, intrigués par son hyperactivité, ses paris risqués et son exercice vertical du pouvoir

PARIS: Séducteur ou arrogant, protecteur ou distant : cinq ans après son irruption à l'Elysée, Emmanuel Macron continue de diviser les Français, intrigués par son hyperactivité, ses paris risqués et son exercice vertical du pouvoir.

Les électeurs, qui l'ont porté au pouvoir en 2017 sans vraiment le connaître, ont découvert peu à peu la personnalité aux multiples facettes, et la volonté de rester inclassable de celui qui qui s'était voulu candidat hors des partis. 

Propulsé au sommet de l'Etat à 39 ans -un record de jeunesse- avec 66% des suffrages exprimés, sa base était pourtant fragile puisque ses 20,7 millions de voix comportaient en partie un vote de rejet de Marine Le Pen, sur fond d'abstention record.   

Tour à tour proche et distant, cet énarque et ex-banquier d'affaires chez Rothschild, ex-ministre de l'Economie de François Hollande qu'il a supplanté, se révèle moins rationnel que prévu. 

Les Français le voient enclin à des entêtements surprenants, comme lorsqu’il refuse de licencier son homme de confiance Alexandre Benalla, auteur d'un coup de poing violent contre des manifestants. 

Capable aussi de coups de poker, comme lorsqu'il lance ses grands débats marathon après les émeutes des "Gilets jaunes", où cet hypermnésique jongle des heures durant avec les questions les plus techniques. 

Il refuse aussi un nouveau confinement réclamé par experts et ministres en janvier 2021. Et il impose en juillet 2021, le premier en Europe, un pass sanitaire pas loin d'une obligation vaccinale.

Les Français le voient aussi s'enferrer dans des maladresses à répétition, ces petites phrases assassines sur les chômeurs qui n'auraient qu'à "traverser la rue" pour trouver un emploi, sur des aides sociales qui coûtent "un pognon de dingue", contre des Français "Gaulois réfractaires" ou des journalistes "qui ne cherchent plus la vérité".

Ses partisans s'extasient devant son intelligence ou sa capacité de travail. Ses ennemis le jugent arrogant et donneur de leçons, au point de susciter une forme de haine. Comme chez ces "Gilets jaunes" qui le pendaient en effigie ou lui criaient des menaces de mort au Puy-en-Velay en 2018.

Il reste en décalage avec les Français. Sa vie privée, ce couple fusionnel qu'il forme avec son épouse Brigitte de 24 ans son aînée, continue d'étonner certains d'entre eux. 

Brouiller les cartes

Les Français ont eu du mal à cerner tant sa personnalité que son "en même temps" politique, mélange d'ingrédients libéraux, comme la suppression de l'ISF, et de flots d'aides sociales déboursées après les "Gilets jaunes" ou l'épidémie de Covid. Mais lui, qui se veut pragmatique, y voit justement une action tous azimuts.  

Inclassable, il veut l'être, en prônant le dépassement du clivage gauche-droite et en brouillant les cartes, au risque de favoriser des opposants extrêmes.

Pour l'ancienne figure de la gauche Jean-Pierre Chevènement, qui a appelé ces derniers jours à voter pour lui, "le macronisme n’existe pas. Il y a Emmanuel Macron, qui est un être libre, qui pense par lui-même et qui décide."

En cinq ans, le jeune homme a changé, marqué par une succession de crises, de l'épidémie de Covid jusqu'au conflit russo-ukrainien qui chamboule les dernières semaines de son quinquennat. Ses traits se sont creusés, ses mots sont plus prudents. Il garde pourtant intactes ses ambitions pour des réformes en France comme en Europe, ainsi que son credo de la réussite individuelle par le travail. Mais avance moins brusquement.

"J'étais sabre au clair", a-t-il admis l'an dernier, "On a pu croire que je voulais réformer contre les gens. Il faut les embarquer".  

Son entourage aussi a changé, avec le départ des "Mormons", cette bande de trentenaires qui formaient son équipe de campagne, un à un éloignés de l'Elysée. Les seuls qui demeurent depuis ses débuts sont ses deux piliers : son épouse Brigitte, très influente, et son bras droit, l'indispensable et secret secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler.

En disciple de Machiavel, il laisse s'affronter les divers clans qui combattent pour son attention et pioche dans leur propositions pour son futur programme. Mais comme en 2017, il pense toujours, selon ses proches, qu'une élection présidentielle est une rencontre entre un homme et les Français. Et qu'il gagnera donc seul.


Reconnaissance de la Palestine par la France: normalisation du drapeau palestinien dans l’espace publique français?

Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre. Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête. (AFP)
Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre. Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête. (AFP)
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  • Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre
  • Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête

PARIS: Le 22 septembre 2025 restera comme une date symbolique de la diplomatie française : celle de la reconnaissance officielle de l’État palestinien.
Il est pourtant évident que cette reconnaissance, qui aura lieu dans le cadre d’une conférence internationale initiée par la France et l’Arabie saoudite, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, ne fait pas l’unanimité en France.

Ce geste, applaudi par une partie de la classe politique, toutes tendances confondues, a donné lieu à une bataille politico-juridique inattendue autour de la possibilité, ou non, de faire flotter le drapeau palestinien sur les mairies et dans l’espace public.

Quelques jours avant la date historique, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a appelé les maires de France à hisser le drapeau palestinien sur le fronton de leurs mairies le 22 septembre.
Pour le leader de gauche, l’initiative vise à donner un écho visible à la reconnaissance française de la Palestine, mais elle a aussitôt déclenché une tempête.

L’indignation a été immédiate, dans certains milieux de droite comme de gauche, ainsi qu’au sein d’une partie de la communauté juive, ce geste étant perçu comme une provocation dans un contexte de tensions sociales et de recrudescence des actes antimusulmans d’une part, et antisémites d’autre part.

Cette controverse se nourrit d’un vide législatif, car le pavoisement des édifices publics n’est pas strictement encadré par la loi.
Selon un ancien conseiller au ministère de l’Intérieur interrogé par Arab News en français, l’usage républicain veut que les mairies arborent en permanence le drapeau français, et souvent le drapeau européen, mais aucune loi n’interdit en théorie d’y ajouter d’autres bannières.
Néanmoins, en 2005, le Conseil d’État avait fixé une limite, stipulant qu’il est interdit d’apposer sur les bâtiments publics des symboles exprimant des opinions politiques, religieuses ou philosophiques.

Cette jurisprudence a conduit plusieurs tribunaux administratifs, ces derniers mois, à ordonner aux mairies de Gennevilliers, Saint-Denis ou Besançon de retirer le drapeau palestinien hissé sur leur parvis.

Le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau (personnalité de la droite républicaine), s’est saisi de ce principe de neutralité pour recadrer le patron des socialistes : « La justice a récemment ordonné à plusieurs reprises le retrait de drapeaux palestiniens », a-t-il rappelé, estimant qu’un tel geste violerait la neutralité des services publics.

Cette interprétation a immédiatement suscité des protestations et des accusations d’injustice. Ainsi, le maire communiste de Gennevilliers, Patrice Leclerc, a dénoncé un « deux poids, deux mesures ».
« Le drapeau israélien a flotté des mois durant sur plusieurs mairies, comme Antony ou Nice, sans réaction de l’État », s’est-il indigné, ajoutant que « dès qu’il s’agit du drapeau palestinien, les préfets attaquent en justice ».

Il est en effet avéré que la justice a longtemps toléré les drapeaux israéliens hissés en solidarité avec les otages détenus à Gaza. Ce n’est qu’en juin dernier que le tribunal de Nice a finalement ordonné leur retrait, jugeant que ce pavoisement constituait, par sa durée, un soutien politique explicite à Israël.

Le cas de l’Ukraine complique encore davantage la donne : depuis l’invasion russe, de nombreuses mairies ont hissé le drapeau ukrainien, et en décembre 2024, le tribunal administratif de Versailles a validé ce geste, y voyant « une marque de solidarité et non un message politique ».
C’est précisément cette interprétation qu’Olivier Faure a invoquée pour défendre le drapeau palestinien.

Toutefois, pour l’ancien conseiller au ministère de l’Intérieur, des nuances s’imposent. Brandir un drapeau étranger dans la rue relève de la liberté d’expression, à condition que ce geste ne trouble pas l’ordre public — auquel cas la justice est en droit de l’interdire. Mais la difficulté à qualifier le geste est plus grande lorsque ce drapeau est hissé sur un bâtiment public, censé incarner la neutralité de l’État.

La date du 22 septembre, qui coïncide cette année avec le Nouvel An juif, a aussi nourri la polémique, notamment sur les réseaux sociaux. Faure a répondu aux critiques en soulignant que « tant que vous penserez que vous ne pouvez fêter le Nouvel An juif et l’an 1 d’un État palestinien, vous ne sèmerez que la haine ».

Au-delà de la question juridique, le débat autour du drapeau palestinien révèle l’extrême sensibilité du conflit israélo-palestinien dans la société française.
Dans un pays qui accueille à la fois la plus grande communauté juive au monde après l’Argentine (environ 600 000 personnes) et une importante communauté issue de l’immigration arabe et musulmane, les symboles prennent une valeur explosive.

Là où certains voient une simple expression de solidarité internationale, d’autres redoutent un signe de partialité, voire une menace pour la cohésion nationale.

La reconnaissance de l’État palestinien par la France vise à redonner un élan diplomatique à la solution à deux États, après l’adoption à l’ONU de la « Déclaration de New York » portée par Paris et Riyad. Mais sur le plan intérieur, elle se traduit par une crispation politique et sociale, et d’autres polémiques à venir.


Financement libyen: la longue protestation d'innocence de Nicolas Sarkozy

L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive à l'audience de son procès pour financement illégal de sa campagne par la Libye lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, au tribunal de Paris, à Paris, le 25 mars 2025. (AFP)
L'ancien président français Nicolas Sarkozy arrive à l'audience de son procès pour financement illégal de sa campagne par la Libye lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, au tribunal de Paris, à Paris, le 25 mars 2025. (AFP)
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  • Nicolas Sarkozy clame son innocence depuis 15 ans dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007
  • Le parquet a requis 7 ans de prison pour corruption passive et financement illégal ; l’ancien président dénonce un dossier « vide » et l’absence de preuves, à quelques jours du verdict attendu le 25 septembre

PARIS: Dans des interviews, des communiqués, face aux enquêteurs: durant près de quinze ans, Nicolas Sarkozy n'a cessé de clamer son innocence dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Dans ce qu'il présente comme un complot ourdi par le clan Kadhafi pour lui faire payer son rôle déterminant dans sa chute à l'automne 2011, l'ancien président attend son jugement le 25 septembre. Le parquet national financier (PNF) a requis sept ans de prison, notamment pour corruption passive et financement illégal de campagne électorale.

Le temps des accusations

Le 12 mars 2012, un an après les accusations portées par le clan Kadhafi, Nicolas Sarkozy est questionné à la télévision, en pleine campagne présidentielle, sur des révélations de Mediapart: "C'est grotesque et je suis désolé que sur une grande chaîne comme TF1, on doive m'interroger sur les déclarations de M. Kadhafi ou de son fils."

Entre les deux tours, Nicolas Sarkozy dénonce "une infamie". "Quand je pense qu'il y a des journalistes qui osent donner du crédit au fils Kadhafi et aux services secrets de M. Kadhafi", réagit sur Canal + celui qui est encore président. "Vous croyez vraiment qu'avec ce que j'ai fait à M. Kadhafi, il m'a fait un virement ? Pourquoi pas un chèque endossé ?"

Le 20 mars 2014, dans le Figaro, il sort du silence observé depuis sa défaite de 2012: "Sans l'ombre d'une preuve et contre toute évidence, me voici accusé d'avoir fait financer ma campagne de 2007 par M. Kadhafi." Le 2 octobre, en meeting à Troyes, il assure des militants UMP de sa probité, et ajoute: "Ca commence à me chauffer dans le bas du dos."

Le retour politique parasité

En octobre 2016, candidat à la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy répond au Monde et à RFI sur l'affaire libyenne: "Mais combien de temps allez-vous vous rouler dans le caniveau ?". "On ne peut pas à la fois me reprocher d'avoir conduit au départ du colonel Kadhafi (...), et en même temps de m'accuser de... quoi ? C'est grotesque." Mi-novembre, il oppose sa colère froide à une question lors d'un débat entre candidats de la primaire sur France TV: "Quelle indignité. Nous sommes sur le service public. Vous n'avez pas honte?".

Le temps des enquêteurs

Lors de sa mise en examen en mars 2018, Nicolas Sarkozy dit aux juges être conscient que "les faits dont on (le) suspecte sont graves". "Mais (...) si c'est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, (...) alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l'injustice qui me serait faite." "J'ai déjà beaucoup payé pour cette affaire", "j'ai perdu l'élection présidentielle de 2012 à 1,5%", "depuis le 11 mars 2011, je vis l'enfer de cette calomnie."

Sur TF1, il dénonce encore l'absence de preuves: "il n'y a que la haine, la boue, la médiocrité, la malveillance et la calomnie." "Si jamais on m'avait dit qu'un jour j'aurais des ennuis à cause de Kadhafi, je me serais dit +Mais vous fumez monsieur+", dit encore l'ancien président.

Au printemps 2023, le parquet national financier demande son renvoi en correctionnelle. Nicolas Sarkozy tweete: "Je suis un combattant, la vérité finira par triompher." Il accorde aussi un entretien au Figaro: "Le dossier est vide." "Si on dit que je suis malhonnête, il faut le prouver", poursuit-il en septembre sur BFMTV.

Le procès

"Dix années de calomnie, 48 heures de garde à vue, 60 heures d'interrogatoire", énumère-t-il au début de son procès en janvier 2025. Et finalement, "on a trouvé quoi ? Rien", "pas un centime libyen", tranche-t-il, "lassé de (se) défendre d'un financement sans que personne ne me mette une preuve sous le nez". "Je dois rester bien sûr posé, calme, respectueux, mais quand même, y a un moment c'est fort quoi ! Les innocents ont le droit de s'indigner !"

Après les réquisitions, il fustige dans un communiqué "la fausseté et la violence des accusations", "l'outrance de la peine réclamée" et "la faiblesse des charges alléguées." "Je démontrerai mon innocence, ça prendra le temps qu'il faudra, mais on y arrivera", promet-il dans un entretien au Parisien.


Etat palestinien: la France au défi de transformer le symbole en actes

Face à la fuite en avant d'Israël à Gaza, l'élan suscité par la France en faveur d'une reconnaissance d'un Etat palestinien est un succès diplomatique, mais des défis majeurs demeurent pour l'imposer concrètement. (AFP)
Face à la fuite en avant d'Israël à Gaza, l'élan suscité par la France en faveur d'une reconnaissance d'un Etat palestinien est un succès diplomatique, mais des défis majeurs demeurent pour l'imposer concrètement. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a choisi une chaîne israélienne pour tenter de convaincre que cette reconnaissance, qui sera officialisée lundi à New York à l'assemblée générale des Nations unies, fait partie d'un vaste plan de paix
  • Pour les diplomates français, la dimension politique de la reconnaissance a pour l'heure "éclipsé" d'autres éléments de la feuille de route portée par la France et l'Arabie saoudite à l'ONU

PARIS: Face à la fuite en avant d'Israël à Gaza, l'élan suscité par la France en faveur d'une reconnaissance d'un Etat palestinien est un succès diplomatique, mais des défis majeurs demeurent pour l'imposer concrètement.

Le président français Emmanuel Macron a choisi une chaîne israélienne pour tenter de convaincre que cette reconnaissance, qui sera officialisée lundi à New York à l'assemblée générale des Nations unies, fait partie d'un vaste plan de paix qui doit à la fois mettre fin au désastre humanitaire à Gaza et assurer la sécurité d'Israël en isolant le groupe islamiste Hamas, auteur des attaques du 7 octobre 2023.

Pour les diplomates français, la dimension politique de la reconnaissance a pour l'heure "éclipsé" d'autres éléments de la feuille de route portée par la France et l'Arabie saoudite à l'ONU et endossée par une centaine de pays et d'organisations internationales, dont la Ligue arabe, mais pas par les Etats-Unis.

Outre la reconnaissance - point sur lequel la France doit être suivie par le Royaume-Uni -, ce projet comprend en effet la libération des otages encore aux mains du Hamas et la démilitarisation du groupe islamiste, deux conditions posées par le gouvernement israélien lui-même pour arrêter le conflit.

Mais le moyen d'y parvenir reste flou.

L'ambassadeur des Etats-Unis en France Charles Kushner a ainsi ouvertement questionné l'initiative française jeudi. "Ouvrez un navigateur et recherchez des images d''armes du Hamas'. La France accordera-t-elle d'abord la reconnaissance, puis attendra-t-elle le désarmement du Hamas?", a-t-il lancé sur X.

Sanctions? 

Reconnaître un Etat palestinien "est la meilleure manière d'isoler le Hamas", a défendu jeudi Emmanuel Macron sur la chaîne israélienne 12, disant vouloir "travailler" avec le Premier ministre israélien Benjanmin Netanyahu.

Cette initiative n'est pas un simple événement, c'est "un processus de maturation progressive associant les pays occidentaux et les pays arabes au sein de groupes de travail qui vont faire converger les visions des uns et des autres pour nourrir cette déclaration", a expliqué son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot à des journalistes.

"Qu'Emmanuel Macron entraîne d'autres pays dans son sillage, c'est formidable. Mais si cette déclaration n'est pas accompagnée de sanctions immédiates à l'égard d'Israël, pour avoir un impact sur le terrain, c'est +Kalam fadi+, +des mots pour rien+ comme on dit en arabe", estime Agnès Levallois, maîtresse de conférence à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris.

Il n'y a plus de temps à perdre alors que "le carnage continue à Gaza", souligne cette spécialiste du Moyen-Orient, en référence aux dizaines de milliers de morts et la catastrophe humanitaire dans le petit territoire en proie à la famine, selon l'ONU.

Pour la représentante de la Palestine en France, Hala Abou Hassira, la conférence de lundi est "un moment important qui porte l'espoir" de concrétiser la solution à deux Etats.

Mais elle prône aussi "des sanctions concrètes, telles qu'un embargo sur les armes à Israël, une rupture des relations avec Israël qui inclut l'arrêt total de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël".

Jusqu'à présent, les propositions de sanctions européennes, ciblant notamment les importations agricoles israéliennes, se sont heurtées à la réticence de certains Etats membres comme la Hongrie.

L'atout saoudien 

"Si on regarde l'ensemble, la reconnaissance est la seule chose qu'on puisse faire", estime Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël et aux Etats-Unis. Il prédit néanmoins un échec de l'initiative car le Premier ministre israélien, pour l'heure soutenu par le président américain Donald Trump, ne veut pas d'un État palestinien.

La feuille de route franco-saoudienne prévoit en outre que le futur Etat palestinien soit gouverné par une Autorité Palestinienne modernisée et réformée.

Pour David Khalfa, cofondateur du centre de recherches Atlantic Middle East Forum, si l'initiative est "pleine de bonnes intentions", "elle se heurte à un double obstacle: la réalité d'un système politique palestinien verrouillé de l'intérieur par la corruption et la concentration des pouvoirs entre les mains d'un dirigeant affaibli qui refuse de céder la place, mais aussi le rejet israélien massif, partagé par la coalition au pouvoir comme par l'opposition".

A court terme, rien ne va bouger sur le terrain, concède Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France au Qatar et en Arabie saoudite.

Mais il reste convaincu que le choix de la France "de travailler main dans la main avec l'Arabie saoudite" va payer à long terme.

Car c'est "aujourd'hui le seul pays qui peut inciter le président Trump à exercer les pressions nécessaires sur Netanyahu pour que soit prise en compte la revendication légitime du peuple palestinien", dit-il.