Le prince Bandar d’Arabie saoudite met les pendules à l'heure sur la question palestinienne

Capture d’écran de l’interview d’Al Arabiya avec l’ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis.
Capture d’écran de l’interview d’Al Arabiya avec l’ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis.
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Publié le Mercredi 14 octobre 2020

Le prince Bandar d’Arabie saoudite met les pendules à l'heure sur la question palestinienne

  • L’interview avec Al-Arabiya a montré un contraste entre les échecs des leaders palestiniens et le soutien sans faille de l’Arabie saoudite
  • Les révélations cruciales font suite aux condamnations par les leaders palestiniens de la déclaration trilatérale États-Unis-EAU-Israël en août

RIYAD: En tant que figure phare de la diplomatie mondiale, le prince Bandar ben Sultan Al-Saoud d'Arabie saoudite a rencontré de nombreuses personnalités et assisté à de nombreux évènements qui ont façonné les décennies depuis le début des années 1980. Mais il aura fallu attendre ce mois-ci pour avoir un aperçu de certaines des décisions et des actions dont il a été témoin, et qui ont décidé du sort de millions de personnes au Moyen-Orient, des Palestiniens en particulier.

Sans surprise, l’interview d’Al Arabiya avec l’ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis, qui était également le chef de l’agence de renseignement saoudienne et du Conseil national de sécurité, a alimenté le débat politique comme aucun autre dans l’histoire récente. Ses souvenirs sont une étude de contrastes, entre la position ferme de l’Arabie saoudite sur la cause palestinienne et les blessures et les «échecs» autoinfligés par les leaders palestiniens, y compris leur critique des États du Golfe sur l’accord de paix entre les Émirats arabes unis (EAU) et Israël.

Ce qui est mis en lumière, ce ne sont pas seulement les nombreuses bévues des dirigeants palestiniens au cours des décennies, mais aussi leurs hésitations, dont les conséquences mises bout à bout ont coûté cher à leur peuple et fait reculer leur cause. De façon étrange cependant, c'est la condamnation par les leaders palestiniens de l'accord trilatéral États-Unis-EAU-Israël en août dernier qui a poussé le prince Bandar à faire ces révélations.

Il admet que sa réaction initiale aux déclarations palestiniennes a été la colère. Elle s’est ensuite muée en tristesse et en douleur. «Je me suis souvenu des événements dont j'ai été témoin, liés à la cause palestinienne de 1978 à 2015», explique-t-il avant de livrer un fascinant et personnel tour d'horizon historique tout en détaillant le soutien multidimensionnel – moral, matériel, militaire, diplomatique et économique fourni par les leaders saoudiens et le Royaume aux Palestiniens à partir de 1939.

Le prince Bandar rappelle le rôle de l'Arabie saoudite au lendemain de la guerre de 1948, lorsque les pays de la Ligue arabe ont décidé d'aider le peuple palestinien en détresse. «Combattant aux côtés de leurs frères égyptiens, l'armée saoudienne est entrée en terre palestinienne et sa mission a été bien accomplie. Trois mille soldats saoudiens se trouvaient sur le front égyptien et en Palestine. Dans cette guerre, 150 Saoudiens sont morts en martyrs. À l'époque, l'armée saoudienne venait d'être créée et avait des capacités limitées, comme ses adversaires.»

Le président américain George Bush (C) se réunit à la Maison Blanche avec l'Ambassadeur d'Arabie Saoudite le Prince Bandar ben Sultan (G) et l'Ambassadeur du Koweït Sheikh Saud Nasir Al-Sabah pour discuter de l'état actuel de la crise du Golfe Arabique le 21 décembre 1990 à Washington. (Photo, Kevin LARKIN/AFP).
Le président américain George Bush (C) se réunit à la Maison-Blanche avec l'ambassadeur d'Arabie saoudite le prince Bandar ben Sultan (G) et l'ambassadeur du Koweït Cheikh Saud Nasir Al-Sabah pour discuter de l'état actuel de la crise du golfe Arabique le 21 décembre 1990 à Washington. (Photo, Kevin LARKIN/AFP).

Même si les déclarations des dirigeants palestiniens actuels inspirent peu de confiance, la réponse dominante suscitée par l’interview d’Al Arabiya semble être la suivante: si seulement ils pouvaient remonter le fil de l’histoire et faire d’une manière différente. Prenons le récit du prince Bandar sur les événements de 1986, lorsque le roi Fahd lui a demandé de proposer au président américain Ronald Reagan de faire quelque chose pour aider la cause palestinienne.

«Je suis allé rencontrer le président Reagan. Je l'ai informé que les Palestiniens acceptaient maintenant la résolution 242 de l'ONU, qu'ils avaient rejetée en 1973 ... Le secrétaire d'État américain George Shultz m'a alors remis un courrier qui indiquait que si les Palestiniens reconnaissaient la résolution 242 de l'ONU (…) dénonçaient le terrorisme et reconnaissaient le droit des États de la région à vivre en paix, Reagan était prêt à reconnaître l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et à s'entretenir avec elle.»

«Je suis parti et j'ai appelé le roi Fahd en lui annonçant l'offre. “Êtes-vous sûr?” demanda-t-il. Je lui ai dit que j'avais en main la lettre écrite et signée. Il m'a alors dit de continuer comme prévu en me demandant de me rendre en Tunisie pour remettre la lettre directement à Abu Ammar (Yasser Arafat). C'est ce que j'ai fait. J'ai rencontré Abu Ammar qui s'est levé comme d'habitude en disant : “La Palestine est libre!” Et il a commencé à danser, à m'embrasser et à me serrer dans ses bras.»

«Tout le monde sait bien qu'Abu Ammar aimait embrasser les gens. Quand je l’ai interrogé sur la date de l’annonce afin qu’il rencontre le roi Hussein de Jordanie et que, ensemble, ils fassent une déclaration commune, etc., il m’a répondu: “Ce n’est pas possible.” Je lui ai rappelé que nous avions réussi à obtenir ce qu’il souhaitait. “J’applique le code de déontologie arabe”, m’a-t-il dit. Ce à quoi j’ai répondu: “Absolument, allez-y maintenant et ne gâchez pas une nouvelle occasion.”»

«Il m'a ensuite expliqué qu'il devait d'abord se rendre en Arabie saoudite afin de remercier le roi Fahd pour ce qu'il avait fait avant d'aller chez le roi Hussein... quand il a demandé un avion, je lui ai dit qu'il pouvait utiliser l'avion avec lequel j’étais venu pour me rendre à Djeddah. Il l'a pris et nous ne l'avons pas revu pendant un mois. Il est allé au Yémen du Sud et en Corée du Nord, avec lesquels nous n'avions même pas de relations. Il a également visité des pays d'Afrique et d'Asie avant d'arriver dans le Royaume. Après tout ce temps, les Américains ont dit qu'ils n'étaient plus intéressés. Beaucoup de choses s'étaient produites et leur vision avait changé.»

Le prince Bandar a été tout aussi franc dans son verdict au sujet du rejet arabe de l’accord de Camp David de 1978: «C'est vraiment l'erreur qui a joué un rôle majeur dans l'aggravation de la tragédie palestinienne, alors que la nation arabe a boycotté l'Égypte, le centre du monde, parce que les Palestiniens ont rejeté les dispositions relatives à l'autonomie… et ont considéré ce traité de paix comme une trahison de la nation arabe.»

L'ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis, le prince Bandar ben Sultan (à droite) et l'ancien vice-président américain Dick Cheney participant à un gala de partenariat saoudo-américain à Washington, DC. (Photo, Bandar AL-JALOUD/Palais royal saoudien/AFP).
L'ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis le prince Bandar ben Sultan (à droite) et l'ancien vice-président américain Dick Cheney participant à un gala de partenariat saoudo-américain à Washington, DC. (Photo, Bandar AL-JALOUD/Palais royal saoudien/AFP).

Après les accords d’Oslo de 1993 et 1995, quand le prince Bandar «a sollicité le point de vue d’Arafat sur le traité de Camp David, ce dernier m'a dit: “Les dispositions d'autonomie de Camp David étaient dix fois meilleures que celles de l'accord d'Oslo.” J'ai répondu: “Eh bien, Monsieur le Président, pourquoi ne l'avez-vous pas accepté?” Sa réponse a été la suivante: “Je voulais, mais le président syrien Hafez al-Assad a menacé de me tuer et de creuser un fossé parmi les Palestiniens en les retournant contre moi.” J'ai pensé: "Il aurait donc pu être un martyr et donner sa vie pour sauver des millions de Palestiniens”, “mais c’était comme Allah l’a voulu.”»

Faisons en bond en avant jusqu'en février 2007, lorsque le roi Abdallah a amené le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le chef du Hamas Khaled Meshaal à La Mecque pour entamer des pourparlers de crise visant à mettre fin à la violence meurtrière entre le Fatah et le Hamas et pour former enfin une direction palestinienne unifiée.

«Après que le roi Abdallah a vérifié ce qu'ils avaient écrit, lu et demandé de promettre devant Allah et devant tout le monde qu'ils acceptaient cet accord, il leur a demandé de se serrer la main et les a félicités en disant: “Allah est notre témoin et nous sommes dans sa terre sainte.” Le prince Saud ben Fayçal, a ensuite accompagné les deux frères à la Kaaba pour qu'ils donnent leur parole devant Allah et devant le peuple palestinien. Quelques jours seulement après leur départ d'Arabie saoudite, nous avons reçu des informations selon lesquelles les deux parties palestiniennes avaient recommencé à conspirer et à comploter les uns contre les autres.»

Bien sûr, comme l’a clairement indiqué le prince Bandar, les folies de ces dirigeants ne signifient pas que le peuple palestinien a perdu le droit de retourner dans son pays ou d’exiger qu’Israël se retire des terres arabes. «La paix ne peut se faire au détriment des droits des Palestiniens», explique-t-il, ajoutant de manière poignante: «Une seule goutte de sang palestinien vaut tout l’or du monde.»

Ayant fait valoir ce point, le prince Bandar affirme que chaque fois que les leaders palestiniens demanderaient des conseils et de l'aide, l'Arabie saoudite les leur fournirait sans rien attendre en retour, mais malheureusement, ils accepteraient toujours l'aide et ignoreraient les conseils. «Ensuite, ils échoueraient et reviendraient vers nous, et nous les soutiendrions à nouveau, quelles que soient leurs erreurs», ajoute-t-il. Cet aspect de la relation, estime-t-il, aurait pu convaincre les leaders palestiniens qu'«il n'y a pas de prix à payer pour les erreurs qu'ils commettent envers les leaders saoudiens ou l'État saoudien, ou même les leaders et les États du Golfe.»

Notant que «les circonstances et les temps ont changé», le prince Bandar a ajouté: «Je pense qu'il est tout à fait juste pour le peuple palestinien de connaître certaines vérités qui n'ont pas été discutées ou qui ont été cachées.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Cisjordanie: des soldats israéliens tuent deux Palestiniens apparement en train de se rendre

Un homme marche dans la rue, devant un appartement détruit au lendemain d'une opération militaire israélienne au cours de laquelle un tireur palestinien a été tué, dans la ville de Naplouse, occupée par Israël, dans le nord de la Cisjordanie, le 25 novembre 2025. (AFP)
Un homme marche dans la rue, devant un appartement détruit au lendemain d'une opération militaire israélienne au cours de laquelle un tireur palestinien a été tué, dans la ville de Naplouse, occupée par Israël, dans le nord de la Cisjordanie, le 25 novembre 2025. (AFP)
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  • Deux Palestiniens ont été tués lors d’une opération israélienne à Jénine, une scène filmée sous plusieurs angles: l’Autorité palestinienne parle d’« exécution sommaire », tandis qu’Israël affirme que les forces ont agi face à une menace

Jénine, Territoires palestiniens: L'armée et la police israéliennes ont annoncé jeudi examiner les circonstances dans lesquelles deux Palestiniens ont été abattus lors d'une opération conjointe de leurs forces alors qu'ils étaient apparemment en train de se rendre à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

La scène a été filmée sous plusieurs angles, notamment par un journaliste de l'AFP, dans cette ville bastion de groupes armés palestiniens.

L'Autorité palestinienne a identifié les Palestiniens tués comme Montasser Billah Mahmoud Abdullah, 26 ans, et Youssef Ali Assassa, 37 ans, dénoncé les faits comme une "exécution sommaire" et accusé les forces israéliennes de "crime de guerre documenté et complet".

Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, figure de l'extrême droite, a dit apporter son "soutien total aux gardes-frontières et aux soldats de l'armée qui ont ouvert le feu sur des terroristes recherchés sortis d'un bâtiment à Jénine".

Des vidéos ayant largement circulé sur les médias sociaux montrent deux hommes sortir d'un bâtiment cerné par des soldats israéliens, les bras en l'air. On les voit ensuite se coucher à terre devant les soldats avant d'être redirigés vers l'intérieur du bâtiment. Des coups de feu retentissent. Les deux hommes gisent au sol.

Les images tournées par le JRI de l'AFP montrent les deux hommes sortir du bâtiment puis y rentrer avant les coups de feu. Un immeuble placé entre le journaliste et la scène obstrue une partie de l'image. On voit ensuite des soldats évacuer un cadavre.

- "Les terroristes doivent mourir !" -

Une fois la nuit tombée, un photographe de l'AFP a vu des Palestiniens nettoyer les lieux. Des flaques de sang maculaient encore le sol.

Dans un communiqué commun, l'armée et la police (dont dépend l'unité des gardes-frontières) indiquent que leurs forces ont procédé dans la soirée "à l'arrestation de deux individus recherchés pour des actes terroristes, notamment des jets d'explosifs et des tirs sur les forces de sécurité".

"Après leur sortie [du bâtiment où ils étaient cernés], des tirs ont été dirigés vers les suspects", ajoute l'armée, précisant que "l'incident est en cours d'examen".

Le mouvement islamiste palestinien Hamas a dénoncé dans un communiqué une "exécution de sang-froid".

"Les soldats ont agi exactement comme on l'attend", a estimé de son côté M. Ben Gvir. "Les terroristes doivent mourir!" a-t-il écrit sur son compte X.

Citant une source au sein des gardes-frontières, le journal de gauche Haaretz a indiqué qu'une enquête préliminaire mentionnait d'ores et déjà qu'un des deux hommes tués avait tenté de se relever après avoir été au sol et fait un "mouvement suspect", qui a décidé les policiers et les soldats à tirer.

- "Déshumanisation" -

"L'exécution documentée aujourd'hui est le résultat d'un processus accéléré de déshumanisation des Palestiniens et de l'abandon total de leurs droits par le régime israélien", a estimé B'Tselem, organisation israélienne de défense des droits de l'Homme dans les Territoires palestiniens occupés.

"Il est du devoir de la communauté internationale de mettre fin à l'impunité d'Israël et de traduire en justice les responsables de la planification et de l'exécution de sa politique criminelle contre le peuple palestinien", ajoute l'ONG.

Les violences ont explosé en Cisjordanie depuis le début de la guerre de Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas sur le sud d'Israël.

Elles n'ont pas cessé avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre. Mercredi, l'armée israélienne a annoncé le lancement d'une nouvelle opération contre les groupes armés palestinien dans le nord de la Cisjordanie.

Depuis le 7-Octobre, plus d'un millier de Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, ont été tués en Cisjordanie par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 44 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.


Israël frappe à nouveau le sud du Liban, un an après le cessez-le-feu

L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
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  • L’armée israélienne a mené de nouvelles frappes dans le sud du Liban, ciblant des infrastructures et des sites d’armes du Hezbollah, malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis un an
  • Le gouvernement libanais est accusé par Israël et les États-Unis de tarder à démanteler la présence militaire du Hezbollah dans la zone frontalière, tandis que Beyrouth dément toute faute et rejette les accusations israéliennes

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené de nouvelles frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, au moment où elle intensifie ses attaques sur le territoire libanais malgré un cessez-le-feu avec le mouvement pro-iranien qu'elle accuse de chercher à se réarmer.

"Il y a peu, l'armée israélienne a frappé et démantelé des infrastructures terroristes du Hezbollah dans plusieurs zones dans le sud du Liban", écrit l'armée dans un communiqué.

"Dans le cadre de ces frappes, l'armée a visé plusieurs sites de lancement où des armes du Hezbollah étaient stockées", ajoute le communiqué, qui précise que les frappes ont également touché des "postes militaires utilisés par des membres du Hezbollah pour mener des attaques terroristes".

L'agence de presse d'Etat libanaise ANI a annoncé une série de "raids aériens israéliens sur Al-Mahmoudiya et Al-Jarmak dans la région de Jezzine."

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, signé il y a un an jour pour jour, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Mercredi, le ministre israélien de la Défense Israël Katz avait averti qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré M. Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

La Présidence libanaise a publié mercredi une déclaration du président Joseph Aoun qui "a rejeté les allégations israéliennes qui portent atteinte au rôle de l'armée et remettent en question son travail sur le terrain, notant que ces allégations ne reposent sur aucune preuve tangible."


Un an après le cessez-le-feu au Liban, la paix reste fragile alors que les violations israéliennes se multiplient

Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
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  • Le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile : plus de 5 000 violations israéliennes, une frappe majeure à Beyrouth et un risque réel d’escalade malgré les appels internationaux à la retenue
  • Le Sud-Liban vit une crise humanitaire profonde, avec des villages détruits, jusqu’à 70 000 déplacés et une population abandonnée entre l’État libanais et le Hezbollah

BEYROUTH : Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah s'apprête à entrer dans sa deuxième année vendredi, les signaux d'alarme retentissent plus fort que jamais quant au risque d’une reprise du conflit au Liban.

L’assassinat dimanche dernier de Haytham Ali Tabatabai, chef militaire du Hezbollah et deuxième figure la plus puissante du mouvement après le secrétaire général Naim Qassem, lors d’une attaque audacieuse dans la banlieue sud de Beyrouth, a brisé les espoirs d’une stabilité durable.

La réponse du Hezbollah — qu’elle prenne la forme d’une action militaire ou d’un simple blâme diplomatique, comme certains cadres l’ont laissé entendre — pourrait déterminer si le cessez-le-feu survivra.

Cette frappe représente la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième menée sans avertissement préalable.

Les registres officiels font état de 5 350 violations israéliennes du cessez-le-feu en douze mois. Ces violations ont coûté la vie à plus de 340 personnes — principalement des combattants et commandants du Hezbollah, mais aussi des civils, dont des enfants et des femmes — et ont blessé plus de 650 autres.

Dans une escalade notable, les forces israéliennes ont frappé pour la première fois Aïn Al-Héloué, un camp de réfugiés palestiniens.

Les violations répertoriées comprennent 2 198 incursions terrestres, 2 983 opérations aériennes et 169 violations maritimes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU dressent un tableau encore plus sombre, rapportant plus de 7 500 violations aériennes et environ 2 500 violations terrestres au nord de la Ligne bleue depuis l’accord de l’an dernier, ainsi que la découverte et la saisie de plus de 360 caches d’armes abandonnées, remises à l’armée libanaise.

La stratégie d’Israël s’apparente à une campagne d’usure progressive contre le Hezbollah, visant à réduire systématiquement ses capacités tandis que l’armée libanaise s’emploie à désarmer le groupe au sud du fleuve Litani.

L’armée affirme avoir rempli plus de 80 % de ce mandat, avec une échéance fixée à la fin de l’année avant que les opérations ne s’étendent vers le nord — une zone dans laquelle le Hezbollah refuse catégoriquement de rendre ses armes, estimant que la décision revient aux dirigeants politiques libanais.

Le conflit lui-même a porté de lourds coups au Hezbollah, décimant ses rangs et infligeant des pertes catastrophiques à ses stocks d’armement. Mais le plus inquiétant est peut-être l’empiètement physique d’Israël sur le territoire libanais.

Les observateurs de l’ONU ont documenté la construction par l’armée israélienne de murs en T en béton près de la Ligne bleue. Des relevés confirment que ces barrières s’enfoncent dans le territoire libanais au sud-ouest de Yaroun, isolant plus de 4 000 m² de terres libanaises. Des constructions similaires sont apparues au sud-est de la même ville ces dernières semaines.

Plus largement, les forces israéliennes contrôlent cinq positions réparties sur 135 km de territoire libanais — des Fermes de Chebaa à Ras Al-Naqoura — situées 500 à 1 000 mètres au-delà de la Ligne bleue.

L’ONU a exigé des enquêtes rapides et impartiales sur les opérations militaires israéliennes, en particulier la frappe contre le camp de réfugiés palestiniens, évoquant des violations potentielles du droit international humanitaire et appelant à la reddition de comptes.

Vingt ressortissants libanais croupissent dans les prisons israéliennes, principalement à Ofer, parmi lesquels dix membres du Hezbollah capturés lors de combats près d’Aïta Al-Chaab, un officier de marine enlevé lors d’un raid commando, et neuf civils. Leurs familles n’ont reçu aucune information officielle du Comité international de la Croix-Rouge sur leurs conditions ou leur état de santé.

Une source officielle libanaise a estimé que « la libération des détenus fait partie des termes de l’accord de cessez-le-feu, tout comme le retrait des territoires occupés, et le Liban ne détient aucun prisonnier israélien en échange. »

La politique de la terre brûlée menée par Israël dans les villages frontaliers s’est poursuivie, les attaques visant toute tentative de reconstruction. La Banque mondiale estime le coût des travaux à environ 11 milliards de dollars.

« Entre 10 et 15 villages ont été complètement rayés de la carte », affirme Tarek Mazraani, ingénieur à Houla et coordinateur du « Rassemblement des villages frontaliers du Sud ».

Mazraani estime que 65 000 à 70 000 personnes restent déplacées de leurs maisons et de leurs villages détruits.

« Ceux qui sont revenus sont ceux qui ne peuvent littéralement aller nulle part ailleurs, principalement des personnes âgées vivant au milieu des décombres, exposées quotidiennement à l’horreur des bombardements et aux couvre-feux, sans aucun hôpital pour les soigner », a-t-il déclaré à Arab News.

Toute personne souhaitant enterrer un proche doit obtenir l’autorisation de la FINUL, qui informe ensuite Israël pour permettre l’inhumation.

« Malgré cela, l’armée israélienne bombarde à chaque fois les abords du cortège funéraire », ajoute Mazraani.

Il précise que les déplacés ont loué des logements à Nabatiyé, Tyr, Saïda, Iqlim Al-Kharroub, dans la banlieue sud de Beyrouth et au Mont-Liban. La plupart sont agriculteurs, mais on compte aussi des enseignants, des ingénieurs, des travailleurs indépendants et des membres des forces de sécurité.

« Depuis la fin de la guerre, ces gens sont laissés sans aucun soutien officiel ou partisan. L’un des habitants les plus riches de la région, qui a tout perdu, travaille désormais comme livreur », dit-il.

Les personnes déplacées sont prises entre l'État parallèle du Hezbollah et l'État libanais : « Tout le monde exploite leur tragédie, même au sein de notre propre communauté du sud. Les loyers sont extrêmement élevés et nous ne nous sentons jamais chez nous. »

L’un d’eux, qui souhaite rester anonyme, explique : « Ceux qui ne sont affiliés à aucun parti sont loin de la politique. Notre seule préoccupation est d’assurer notre subsistance et une couverture financière en cas d’hospitalisation. Nous nous sentons orphelins et abandonnés, surtout quand une institution du Hezbollah nous dit qu’elle n’a plus d’argent. »

Il ajoute : « Les habitants des zones détruites paient le prix fort. Certains en veulent au Hezbollah pour la guerre et les milliers de morts qu’elle a entraînés, tandis que d’autres craignent que l’autre camp se réjouisse de notre malheur sans jamais nous rassurer. »

Les attentes libanaises face aux menaces israéliennes de relancer la guerre — sapant l’accord de cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis et dont les termes ressemblent fortement aux points principaux de la résolution 1701 — restent contradictoires.

Certains observateurs politiques jugent ces menaces « exagérées », tandis que d’autres estiment qu’« une frappe est inévitable mais n’aboutira pas à une guerre totale ; elle vise à pousser le Liban à négocier ».

Plus tôt ce mois-ci, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : « Le Liban n’a pas d’autre choix que de négocier, et le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre. »

Le Premier ministre Nawaf Salam l’a confirmé, exprimant son espoir d’un « soutien américain à une solution diplomatique ».

Pour l’heure, cependant, des négociations directes entre le Liban et Israël restent totalement exclues.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com