Guerre en Ukraine: les scientifiques russes isolés, la recherche déboussolée

Un coup dur pour la diplomatie scientifique, notamment dans le domaine spatial civil, où les puissances occidentales et la Russie avaient tissé des liens étroits depuis la fin de la Guerre froide (Photo, AFP).
Un coup dur pour la diplomatie scientifique, notamment dans le domaine spatial civil, où les puissances occidentales et la Russie avaient tissé des liens étroits depuis la fin de la Guerre froide (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Samedi 26 mars 2022

Guerre en Ukraine: les scientifiques russes isolés, la recherche déboussolée

  • Côté russe, l'isolement fait craindre un décrochage du pays dans la compétition scientifique mondiale
  • Début mars, 7 000 scientifiques travaillant en Russie signaient une pétition contre la guerre

PARIS: Il y a un mois "tout s'est écroulé" pour Boris, chercheur en neurosciences à Paris. Comme des milliers de ses pairs, il a vu sombrer ses projets de recherche bâtis en coopération avec la Russie, après la rupture avec Moscou.

L'ESA (l'Agence spatiale européenne), le CNRS (plus grand organisme français de recherche), le CERN (organisation européenne pour la recherche nucléaire), le MIT (prestigieux institut américain)... Dans les jours suivant l'invasion de l'Ukraine, plusieurs institutions scientifiques mondialement réputées ont coupé une grande partie des ponts les reliant aux Russes.

Un coup dur pour la diplomatie scientifique, notamment dans le domaine spatial civil, où les puissances occidentales et la Russie avaient tissé des liens étroits depuis la fin de la Guerre froide (début des années 1990).

"La décision fut douloureuse", commentait la semaine dernière Josef Aschbacher, le patron de l'ESA, dont les 22 Etats membres venaient d'acter la rupture avec leurs homologues de Roscosmos. 

Science sans frontières

Première victime: la mission ExoMars qui devait décoller avec une fusée russe depuis Baïkonour (Kazakhstan) à l'automne 2022, et se voit reportée d'au moins deux ans. 

Un naufrage pour des milliers des scientifiques d'Europe et de Russie investis depuis des années dans ce projet, crucial pour la quête d'une vie extra-terrestre; eux qui formaient une communauté mondiale ouverte, mue par un idéal d'une science sans frontières, et se remettaient tout juste de la pandémie de Covid. 

C'est dans ce même esprit que Boris, chercheur à l'Ecole normale supérieure et à l'Inserm, avait fondé un centre de sciences cognitives, à Moscou, adossé à la "Higher School of economics" - une école créée dans les années 1990 par des économistes russes "progressistes".  

Ses étudiants voyageaient dans différents laboratoires à travers l'Europe, lui partait donner des cours en Russie... "C'était un modèle transfrontalier unique dans le domaine des neurosciences", raconte à l'AFP cet Américain d'origine soviétique vivant en France - qui a préféré taire son patronyme.

Invasion de l'Ukraine: pourquoi la guerre n'épargne pas la science

Internationale par essence, la recherche ne peut qu'être touchée par un conflit mondial, comme le montre la mise au ban de la Russie par plusieurs organismes scientifiques occidentaux, en riposte à l'invasion de l'Ukraine. 

Depuis 1945, la Russie est considérée comme une grande nation scientifique, avec de grandes pointures notamment en physique, en chimie et en mathématiques.

En 1958, le CNRS signait une convention sur des échanges. On était au lendemain de Spoutnik (premier satellite envoyé dans l'espace, NDLR), qui fut un coup de tonnerre: les nations occidentales se sont rendues compte que la Russie était à la pointe, poussant De Gaulle à se démarquer des Etats-Unis. 

La France a depuis tissé des liens forts avec Moscou, même s'ils ne sont pas aussi intenses qu'avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l'Allemagne. A titre d'exemple, il y a environ 2 000 co-publications par an (dans des revues à comité de lecture entre équipes du CNRS et équipes russes, NDLR), sur environ 50 000. 

«La guerre nous dépasse»

Du jour au lendemain, dix années de travail ont coulé. Officiellement le projet n'est pas arrêté, sauf que de fait "tout est bloqué", ne serait-ce que parce que les thésards en Russie ne peuvent plus financer leurs travaux à cause des sanctions bancaires.

D'autres, menacés d'arrestation pour avoir protesté, ont fui en Arménie ou en Turquie. "On se parle tous les jours par Skype ou Zoom... mais on est perdus, la guerre nous dépasse", confie, dévasté, ce quinquagénaire dont les parents avaient quitté l'URSS dans les années 1980 après l'invasion de l'Afghanistan.

"Pour les étudiants qui n'ont pas connu l'époque soviétique, c'est inimaginable de vivre dans un pays coupé du monde. Ils étaient vraiment européens dans leur esprit".

Côté russe, l'isolement fait craindre un décrochage du pays dans la compétition scientifique mondiale. Début mars, 7 000 scientifiques travaillant en Russie signaient une pétition contre la guerre.

Ils venaient d'apprendre l'annulation du plus prestigieux congrès de mathématiques au monde et déploraient le "sabordage" des longues années passées "à renforcer la réputation" de leur pays comme un centre de mathématiques de premier plan.

Carole Sigman, du CNRS, note aussi que l'influente Académie russe des sciences "a appelé à l'arrêt des hostilités, et s'est adressée aux chercheurs étrangers pour éviter la rupture des relations scientifiques".

La chercheuse française témoigne d'un afflux de demandes de visa de chercheurs russes en sciences sociales pour venir en France, comme leurs confrères d'Ukraine ou du Bélarus. 

«Ne pas les abandonner»

Côté occidental, des professeurs d'universités de renom, dont Harvard et Cambridge, ont appelé à ne "pas abandonner" leurs confrères russes, dans une tribune à la revue Science jeudi. 

Une "persécution indiscriminée" serait selon eux "un sérieux revers pour les valeurs occidentales, fondées sur les progrès scientifiques et technologiques". A contrario, plusieurs chercheurs ukrainiens, comme le physicien Maksym Strikha, de l'Université Taras-Shevchenko de Kiev, réclament un "boycott complet" de la communauté académique russe.

Malgré tout, des liens persistent. "Le mur est encore perméable", observe Denis Guthleben, attaché scientifique au comité pour l'histoire du CNRS: l'organisme public a suspendu ses nouvelles collaborations avec Moscou, mais maintient l'activité dans ses laboratoires internationaux en territoire russe. 

Symbole de la diplomatie scientifique d'après Guerre froide, le programme de fusion nucléaire ITER, développé à Cadarache (Bouches-du-Rhône), n'a pas exclu la Fédération de Russie.


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Short Url
  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Short Url
  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.