L’Espagne soutient l’autonomie marocaine sur le Sahara

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez arrive avant un sommet extraordinaire de l'OTAN au siège de l'OTAN à Bruxelles le 24 mars 2022. Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez arrive avant un sommet extraordinaire de l'OTAN au siège de l'OTAN à Bruxelles le 24 mars 2022. Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
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Publié le Mercredi 30 mars 2022

L’Espagne soutient l’autonomie marocaine sur le Sahara

L’Espagne soutient l’autonomie marocaine sur le Sahara
  • Ce tournant espagnol est presque aussi important, aussi structurant que la reconnaissance américaine de l’intégrité territoriale du Maroc sur son Sahara
  • Quels leviers la diplomatie espagnole va-t-elle désormais utiliser pour tenter de convaincre le camp pro-Polisario de la nécessité d’accepter le compromis politique proposé par le Maroc à travers l’option de l’autonomie?

Alors que les relations entre Rabat et Madrid étaient au point mort depuis la déflagration du scandale de l’accueil clandestin du chef du Polisario pour raisons médicales, la question était sur toutes les lèvres: quand viendrait le temps de l’éclaircie et du retour à la normale? Il est venu à travers une missive adressée par Pedro Sanchez au roi Mohammed VI qui acte un saut qualitatif d’une ampleur inédite.
En effet, c’est une accélération significative de l’Histoire que celle que vient d’effectuer le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, à travers son soutien au plan d’autonomie du Maroc comme «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution» du différend sur le Sahara marocain. Un tournant qui rebat les cartes régionales et transforme les rapports de force dans cette région si sensible à la moindre secousse politique.
Les Marocains auraient tort de bouder leur plaisir. Ce tournant espagnol est presque aussi important, aussi structurant que la reconnaissance américaine de l’intégrité territoriale du Maroc sur son Sahara. L’Espagne, ancienne puissance coloniale, avait une forme de neutralité négative à l’égard de cette discorde. Elle constituait une caisse de résonance aux pulsions séparatistes du Polisario et de son parrain l’Algérie, et servait souvent de relais médiatiques et parfois diplomatiques à leurs lubies.

Ce nouveau positionnement espagnol est important, car il aura un double impact sur la région.


Le dernier épisode Benbattouche, alias Brahim Ghali, chef du Polisario, hospitalisé en Espagne, montrait à la fois l’ampleur des ambiguïtés au sein de la gouvernance espagnole ainsi que la zone grise dans laquelle naviguait Madrid, au risque d’avoir un double discours sur la nécessité d’entretenir des relations de bon voisinage avec le Maroc et de garder la carte du Polisario dans l’arsenal des pressions.
Cette dernière prise de position, qui reconnaît dans le fond comme dans la forme la souveraineté marocaine sur le Sahara, montre le chemin parcouru entre un État profond qui nourrissait une sourde hostilité à l’égard du Maroc et cette nouvelle donne diplomatique.
Ce nouveau positionnement espagnol est important, car il aura un double impact sur la région. Le premier est d’envoyer un message clair aux autres pays européens encore dans une attitude d’hésitation et de réticence par rapport à cette crise régionale. L’Espagne étant un pays influent et leader dans cette dispute, car ancienne puissance coloniale et pays frontalier du Maroc, son portail vers l’Europe.
L’autre impact décisif de cette nouvelle attitude espagnole se répercutera sur le parrain algérien du Polisario. Pour Alger, le dernier verrou a sauté, la plongeant dans une grande solitude. Désormais, la position algérienne est devenue inexplicable, d’autant plus qu’aux yeux d’une bonne partie de l’opinion publique et de la communauté internationale Alger serait en train d’utiliser les séparatistes du Polisario comme un instrument de déstabilisation régionale.

Avec l’Espagne voisine, le langage a été à la fois subtil et très ferme.

Beaucoup a été dit et écrit sur les raisons qui ont poussé les autorités espagnoles à décider de ce grand moment de lucidité stratégique. Certains ont parlé de l’influence américaine à de multiples niveaux sur les Espagnols. D’autres ont évoqué les conséquences politiques de cette alliance tripartite scellée récemment entre le royaume du Maroc, Israël et les États-Unis. Mais la réalité est tout autre. Ce tournant espagnol dans l’affaire du Sahara est le fruit d’une diplomatie marocaine performante qui a su formuler avec force, conviction et détermination ses postulats et défendre ses droits.
Le célèbre épisode de tension avec un puissant pays européen comme l’Allemagne qui a fini par se résorber au profit d’une compréhension allemande des intérêts vitaux du Maroc en est la parfaite illustration.
Avec l’Espagne voisine, le langage a été à la fois subtil et très ferme. Il s’agissait de demander à Madrid de clarifier ses positions et de sortir de cette zone grise qui autorise toutes les hypocrisies. La fermeté de la diplomatie marocaine doublée d’une main tendue pour le dialogue, régulièrement exprimée dans les discours du roi Mohammed VI, a fini par créer une situation dans laquelle l’Espagne n’avait d’autre choix qu’entre l’escalade de tensions et de ruptures et le réalisme politique.
La lettre de Pedro Sanchez au roi Mohammed VI illustre parfaitement cette prise de conscience espagnole à l’égard du voisin marocain. Cette nouvelle réalité est si évidente que le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a cru opportun de rappeler que «la stabilité et la prospérité de l’Espagne et du Maroc sont intimement liées».
Ce soutien espagnol à garantir «la souveraineté et l’intégrité territoriale» du Maroc est d’une telle importance qu’il est susceptible de créer d’autres dynamiques capables de changer toute la physionomie politique régionale. Avec cette interrogation essentielle: alors que Madrid estime qu’il n’y a pas d’autres destinées pour l’affaire du Sahara que sous souveraineté marocaine, quels leviers la diplomatie espagnole va-t-elle utiliser pour tenter de convaincre le camp pro-Polisario de la nécessité d’accepter le compromis politique proposé par le Maroc à travers l’option de l’autonomie?

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.