Amour et empathie: le secret du succès de Sacha Jafri

M. Jafri compte parmi ses collectionneurs Bill Gates, la famille royale des Émirats arabes unis, la famille royale britannique, Richard Branson, George Clooney, Will Smith, Madonna, David Beckham, Rafael Nadal et bien d’autres célébrités mondiales. (Photo fournie)
M. Jafri compte parmi ses collectionneurs Bill Gates, la famille royale des Émirats arabes unis, la famille royale britannique, Richard Branson, George Clooney, Will Smith, Madonna, David Beckham, Rafael Nadal et bien d’autres célébrités mondiales. (Photo fournie)
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Publié le Jeudi 07 avril 2022

Amour et empathie: le secret du succès de Sacha Jafri

  • Arab News a rencontré l’artiste basé à Dubaï, qui revient sur sa carrière exceptionnelle et sur ses réalisations humanitaires
  • En 2022, il devrait devenir la première personne à voir ses œuvres d’art exposées sur la Lune

DUBAÏ: Sacha Jafri est l’un des artistes les plus célèbres au monde, et pas seulement en raison de son talent évident. Cet homme de 45 ans a le chic pour faire des choses qui n’ont jamais été tentées auparavant. Dans le courant de l’année, il devrait devenir la première personne à voir ses œuvres d’art exposées sur la Lune. Il détient le record mondial Guinness de la plus grande peinture sur toile (Journey of Humanity, dont la taille est de 1595,76 m2). Il est, semble-t-il, le plus jeune artiste à avoir effectué une tournée mondiale rétrospective s’étalant sur une période de vingt ans.

«Je ne le fais pas exprès», lance M. Jafri à Arab News. «En fait, c’est plutôt l’inverse. Ce sont les records qui viennent à moi. C’est assez spirituel, ce que je fais: je puise dans quelque chose de magique, je profite du moment et il en résulte quelque chose de beau. Ensuite, on me dit que personne n’a jamais réalisé ça auparavant», raconte-t-il. 

Nous avons rencontré à M. Jafri alors qu’il dévoile de son dernier projet, The Art Maze une autre première (la première exposition d’art organisée dans un labyrinthe d’acier construit sur mesure) – sur l’héliport de l’hôtel Bourj al-Arab de Dubaï, à 212 mètres au-dessus du niveau de la mer. L’œuvre célèbre les cinquante ans des sites du patrimoine mondial de l’Unesco.

 

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Première œuvre d’art officielle sur la Lune. (Photo fournie)

 

Notre interview s’est déroulé pendant un après-midi chaud de mars et le soleil tapait fort. M. Jafri, actuellement basé à Dubaï, venait de finir un programme épuisant de six semaines et avait passé les vingt-huit heures précédentes à peindre sans interruption. Cela ne l’a pas empêché d’être toujours aussi vif, autant passionné par son art que pour les causes pour lesquelles il peint.

«Le fait que les enfants n’apprennent pas l’histoire est un problème; ils ne savent pas d’où nous venons», observe-t-il. «Ils passent de plus en plus de temps en ligne. Je suis père de deux enfants et inquiet. Je pense que ce projet permettra de sensibiliser les gens à notre magnifique planète. Et quelle meilleure façon de le faire que de peindre les sites de l’Unesco?»

Comme pour la plupart des projets de Sacha Jafri, une partie des recettes de la vente des cinquante toiles de The Art Maze sera reversée à l’Unesco. M. Jafri a commencé à s’associer à des projets humanitaires après un voyage au Darfour en 2004 avec George Clooney, lors du tournage du documentaire Darfour: du sable et des larmes. Ce voyage l’a incité à visiter 42 camps de réfugiés dans le monde et à récolter des millions de dollars pour ces camps.

 

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M. Jafri détient le record mondial Guinness de la plus grande peinture sur toile (Journey of Humanity, dont la taille est de 1595,76 m2).

 

Décrit comme le pionnier du réalisme magique, M. Jafri compte parmi ses collectionneurs Bill Gates, la famille royale des Émirats arabes unis, la famille royale britannique, Richard Branson, George Clooney, Will Smith, Madonna, David Beckham, Rafael Nadal et bien d’autres célébrités mondiales. Ses œuvres ont été exposées dans la plupart des grandes institutions artistiques internationales et ont permis de lever plus de 140 millions de dollars (1 dollar = 0,86 euro) pour des organisations caritatives dans le monde entier. À elle seule, la toile Journey of Humanity a permis de récolter la somme astronomique de 62 millions de dollars lors de la vente aux enchères en 2021. Les recettes ont été versées à plusieurs organisations caritatives et organismes gouvernementaux, dont Dubai Cares, l’Unicef, l’Unesco et la Global Gift Foundation.

We Rise Together with the Light of the Moon, qui sera placé sur la surface de la Lune au cours de l’année 2022, revêt également une dimension humanitaire importante. Les fonds collectés seront versés à des organisations caritatives qui se focalisent sur l’égalité pour tous, le développement durable, l’éducation et la santé. «À mon avis, nous n’avons pas vraiment besoin d’une œuvre d’art sur la Lune, mais c’est une énorme opportunité de lever des fonds pour des œuvres caritatives», estime M. Jafri. «En fin de compte, il s’agit de reconnecter l’humanité, de se connecter les uns aux autres, à notre Créateur et à l’âme de la terre», explique-t-il.

 

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Centre historique de Rome, les biens du Saint-Siège situés dans cette ville bénéficiant des droits d’extra-territorialité et Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, Italie. (Photo fournie)

 

L’œuvre d’art en forme de cœur représente deux figures humaines entrelacées et sera placée sur la Lune en association avec la Nasa dans le cadre de l’initiative Commercial Lunar Payload Services (Nasa CLPS). Le lancement de cette œuvre entraînera la sortie d’une collection caritative de cinq pièces de NFT («non fongible token», des certificats numériques) et permettra aussi de lancer la série Cryptonaut de Jafri. Outre son incursion dans le monde de l’art numérique, l’artiste a une fois de plus établi un record mondial (le plus grand nombre de NFT en édition ouverte vendus en moins d’une minute, soit 2 millions de dollars vendus en 45 secondes).

Même s’il adopte la technologie dans son travail, M. Jafri est prompt à mettre en garde contre ses pièges. «Notre avenir est humain», affirme-t-il. «La technologie peut être utilisée pour aider l’humanité, mais elle ne doit pas prendre le dessus.»

 

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M. Jafri est devenu l’un des investissements les plus rentables du monde de l’art. Comme il l’explique, il y a probablement peu d’artistes qui se sont immergés aussi profondément dans leur travail. Il est connu pour entrer dans un état de transe quand il peint, et lorsqu’il éprouvait des difficultés scolaires en tant qu’enfant souffrant de dyslexie sévère, l’art était, confie-t-il, «la seule chose qui avait un sens» pour lui. Les enseignants de l’école publique la plus prestigieuse du Royaume-Uni, Eton (qu’il a fréquentée en même temps que le prince William), ont heureusement remarqué cela et ont fourni à M. Jafri son propre studio dans un conteneur bureau. «Cela a changé ma vie», affirme-t-il.

Les scanners cérébraux montrent que M. Jafri entre dans un état thêta lorsqu’il peint, ce qui signifie qu’il est extrêmement détendu et que les tâches deviennent presque automatiques. Son implication dans son travail l’empêche souvent de manger ou de dormir pendant plusieurs jours. Pendant la création de Journey of Humanity, il travaillait souvent par tranches de dix-sept heures et ne dormait pas pendant quatre jours. Il a fini par souffrir d’une hernie discale et d’une luxation des chevilles. Avant l’inauguration de The Art Maze, il a peint sans interruption pendant vingt-huit heures.

 

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La Statue de la Liberté par Sacha Jafri. (Photo fournie)

 

«Pour un artiste, ce n’est pas le produit final ou le parcours qui compte, mais sa façon de vivre sa vie. Si vous créez quelque chose de beau mais que vous ne vivez pas dans la grâce, cela n’a pas de sens ou de signification», dit-il. «C’est l’intention avec laquelle vous créez qui compte. Tout l’intérêt de l’art, c’est qu’il représente l’âme d’un être humain qui s’est abandonné et connecté à quelque chose de plus grand que lui. Dès que notre ego entre en jeu et que nous devenons imbus de nous-mêmes, la magie s’arrête. C’est pourquoi je peux dire que j’aime ce que je fais, parce que ce n’est pas moi. Je me sens simplement honoré d’avoir fait partie du processus», poursuit-il.

«L’art consiste réellement en deux choses: l’amour et l’empathie», conclut-il. «Quand ces deux éléments se réunissent, une œuvre qui change le monde est ainsi créée.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com