Pakistan: la Cour suprême sonne probablement la fin du Premier ministre Imran Khan

Les Pakistanais regardent Imran Khan faire un discours à la nation. (Reuters)
Les Pakistanais regardent Imran Khan faire un discours à la nation. (Reuters)
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Publié le Jeudi 07 avril 2022

Pakistan: la Cour suprême sonne probablement la fin du Premier ministre Imran Khan

Les Pakistanais regardent Imran Khan faire un discours à la nation. (Reuters)
  • La plus haute instance judiciaire du pays a estimé que la dissolution de l'Assemblée nationale obtenue dans la foulée par M. Khan, était également illégale
  • Imran Khan, 69 ans, dont l'opposition n'a cessé de dénoncer la mauvaise gestion de l'économie et des maladresses en politique étrangère, semble désormais n'avoir aucune chance de survivre à la motion de censure

ISLAMABAD: Le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, semble plus proche que jamais de la sortie après que la Cour suprême a annulé jeudi la dissolution de l'Assemblée nationale et ordonné qu'une motion de censure à son encontre soit soumise au vote. 

Cette décision surprise est un coup très dur pour l'ancienne star du cricket, qui avait été élu en 2018. Son stratagème de dernière minute pour éviter d'être renversé par l'opposition n'a finalement pas fonctionné. 

Les cinq juges de la Cour suprême siégeant pour l'occasion ont considéré à l'unanimité que le refus du vice-président de l'Assemblée nationale, un fidèle de M. Khan, de soumettre dimanche cette motion de censure au vote était "contraire à la Constitution et sans effet légal". 

La plus haute instance judiciaire du pays a estimé que la dissolution de l'Assemblée nationale obtenue dans la foulée par M. Khan, qui entraînait automatiquement la convocation de législatives anticipées sous 90 jours, était également illégale. 

"L'Assemblée nationale continue à rester en session", a tranché la Cour, qui a ordonné qu'elle se rassemble à nouveau samedi pour soumettre la motion au vote. 

Le jugement a été accueilli avec effervescence à Islamabad par les partisans de l'opposition, qui ont envahi les rues dans des voitures, au son des klaxons. Une forte présence policière pouvait aussi être observée dans la capitale. 

"Cette décision a sauvé le Pakistan et sa Constitution", a réagi le chef de l'opposition à l'Assemblée, Shehbaz Sharif, leader de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) et pressenti pour devenir Premier ministre si la motion de censure est approuvée. 

« Ingérence étrangère »

"La démocratie est la meilleure revanche", a également savouré Bilawal Zardari Bhutto, le fils de l'ancienne Première ministre assassinée Benazir Bhutto et chef du Parti du peuple pakistanais (PPP), allié de la PML-N. 

Imran Khan, 69 ans, dont l'opposition n'a cessé de dénoncer la mauvaise gestion de l'économie et des maladresses en politique étrangère, semble désormais n'avoir aucune chance de survivre à la motion de censure. 

L'opposition avait annoncé dés la semaine dernière avoir rallié suffisamment de voix pour lui faire perdre sa majorité parlementaire.  

Selon les derniers chiffres communiqués devant la Cour suprême, elle dispose maintenant de 177 voix. Il en faut 172 pour obtenir la majorité. Ceci sans compter des dissidents du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice), le parti du Premier ministre, qui seraient aussi prêts à voter avec elle. 

Le vice-président de l'Assemblée avait refusé de faire voter la motion de censure en arguant qu'elle était inconstitutionnelle car résultant d'une "ingérence étrangère". 

Imran Khan avait plusieurs fois ces derniers jours accusé les Etats-Unis de s'immiscer dans les affaires intérieures pakistanaises avec la complicité de l'opposition, dont il a dénoncé la traîtrise. 

Il reprochait à Washington, qui a nié toute implication, de vouloir obtenir son départ, en raison de son refus de s'aligner sur les positions américaines concernant la Russie et la Chine. 

Dégradation de la situation économique 

Le chef du gouvernement avait ensuite obtenu dimanche du président de la République, Arif Alvi, un autre de ses alliés, la dissolution de l'Assemblée. 

Imran Khan s'était fait élire en 2018 en profitant de la lassitude des électeurs à l'égard du PPP et de la PML-N, deux partis organisés autour de grandes dynasties familiales qui ont dominé la vie politique nationale pendant des décennies, mais devenus le symbole de la corruption des élites. 

Mais les réformes sociales entreprises par M. Khan et sa popularité auprès des Pakistanais pour avoir mené le pays à sa seule victoire en Coupe du monde de cricket en 1992, n'ont pas suffi face à la dégradation de la situation économique. 

L'inflation (10% en 2021), la forte dépréciation de la roupie (moins 18 % depuis juillet) et le creusement de la dette ont rendu sa position vulnérable. 

Le Pakistan, une république islamique de 220 millions d'habitants dotée de l'arme nucléaire, qui fête cette année ses 75 ans d'existence, est habitué aux crises politiques. 

Aucun Premier ministre n'est jamais allé au bout de son mandat dans ce pays depuis son indépendance en 1947. L'armée, clé du pouvoir politique, qui avait été accusée de soutenir M. Khan en 2018, n'a pas publiquement pris position ces derniers jours. 

Le pays a connu quatre putschs militaires réussis et au moins autant de tentatives de coups d'Etat, et a passé plus de trois décennies sous un régime militaire. 


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.