Le régime iranien n'a pas l'intention d'arrêter la construction de la bombe atomique

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Publié le Dimanche 10 avril 2022

Le régime iranien n'a pas l'intention d'arrêter la construction de la bombe atomique

Le régime iranien n'a pas l'intention d'arrêter la construction de la bombe atomique
  • «Être présent dans les questions régionales est notre force stratégique; il s’agit d’un moyen en soi de renforcer le système et d’accroître le pouvoir du régime», indique Ali Khamenei dans son discours de Noruz
  • Que le régime iranien parvienne ou non à l'accord souhaité dans le PAGC n'a absolument aucune incidence sur son sort; l'explosion de la société iranienne est inévitable

Le comportement du gouvernement religieux de l'Iran est incompréhensible pour beaucoup. Par exemple, pourquoi le régime iranien n'essaie-t-il pas de conclure un accord nucléaire et la vente libre de pétrole et de gaz malgré son incroyable pauvreté, alors que l'Europe cherche à remplacer le pétrole et le gaz russes après l’agression contre l'Ukraine ? Pendant ce temps, la société iranienne explose de pauvreté extrême et de chômage. Et la fuite des capitaux et des cerveaux se poursuit sans relâche.

Le régime des mollahs a alloué des milliards de dollars pour financer son agenda de guerre au Moyen-Orient, alors que la majorité des Iraniens vivent dans la pauvreté. Comme l'ont admis les responsables du régime, si le régime ne parvient pas à mener des guerres à l'extérieur de l'Iran, il devra se battre pour sa survie à l'intérieur du pays.

L'actuel ministre iranien des Affaires étrangères qualifie le CGRI de «héros», et tous les efforts du régime iranien dans les pourparlers de Vienne visent à retirer cette incroyable force criminelle de la liste des groupes terroristes du département d'État américain. C'est le signe que le régime iranien ne renoncera pas à son influence régionale. Comme l’a déclaré Ali Khamenei dans son discours de Noruz, «être présent dans les questions régionales est notre force stratégique; il s’agit d’un moyen en soi de renforcer le système et d’accroître le pouvoir du régime. Comment pouvons-nous perdre cette ambition alors que nous pouvons et devons continuer à agir ainsi?»

Ebrahim Raïssi, dans son discours de Noruz, a qualifié la Grande Mosquée de Khorramchahr, dans le sud de l'Iran, première ville qui a combattu dans la guerre Iran-Irak, de «symbole de la guerre Iran-Irak». «Nous n'échangeons les intérêts et la sécurité du peuple pour rien», a-t-il déclaré. «Tout le monde a constaté que nous avons donné la priorité à l'augmentation des capacités de défense du pays, car la sécurité du pays est une priorité.» Téhéran est en train de mettre en place les installations et les équipements nécessaires à la fabrication et au lancement de missiles. 

Construire la bombe atomique

Le régime iranien n'a pas l'intention d'arrêter la construction de la bombe atomique. Dans un message aux membres de l'Assemblée des experts, le 23 mars 2022, M. Khamenei a déclaré que certains lui disent: «“Monsieur, mettez la question nucléaire de côté.” La question nucléaire a créé beaucoup de sensibilité ou de problèmes... Si le peuple avait été autorisé à interdire certaines des armes du pouvoir au fil des ans, le pays serait en grand danger aujourd'hui. La question centrale est une question scientifique; c'est notre futur progrès scientifique et technologique. Bientôt – dans peu de temps –, nous aurons besoin de produits électronucléaires. Aucune des branches du pouvoir ne doit être coupée au profit d'une autre, c’est très important. Nous n'avons pas le droit de couper l'un de ces éléments du pouvoir au motif que, par exemple, il entre en conflit avec un autre. Non, tout doit aller de pair, et c’est tout à fait possible. C'est vraiment gênant si on nous suggère de réduire notre défense pour que nos ennemis ne soient pas dérangés.»

Selon les médias officiels, la construction d'une bombe atomique a impacté l'économie iranienne à hauteur de deux milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro). Par conséquent, Ali Khamenei ne mène pas une politique qui va dans le sens de l'intérêt national, mais plutôt favorable à ce qu'il appelle «l'islamisme» ou «Velayat-e-Faqih», c'est-à-dire l'exportation du terrorisme sous une dimension religieuse qui garantit en réalité sa survie. À titre indicatif, on peut accepter l’intention du régime de renoncer à la construction de la bombe atomique si les intérêts nationaux l'emportent sur l'islamisme du régime iranien.

Le sort du régime ne sera pas décidé par le PAGC

Si le régime a tenté d'utiliser toutes sortes d'excuses depuis le début du deuxième cycle de négociations pour obtenir l'uranium enrichi nécessaire à la construction d'une bombe atomique (à la condition d’acquérir la technologie de déclenchement), le Guide suprême de l'Iran n’est pas sans savoir que son acceptation ou son refus n’aura que peu d'effet sur le sort du régime.

L'expérience de l'accord de 2015 montre que malgré l'afflux de milliards de dollars en Iran, deux soulèvements se sont formés en 2018 et 2019, provoqués par la pauvreté et la récession. Cette fois, l'expansion des Unités de résistance, comme la France au temps de Vichy, poussera le mécontentement jusqu’à l’explosion.

Les Unités de résistance

Après des décennies de lutte acharnée et sanglante contre un régime qui a massacré 30 000 prisonniers politiques – dont la plupart étaient des membres importants de l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI) –, et qui détient le record mondial d'exécutions par habitant, l’OMPI a pu quitter l'Irak, et s'est installée en toute sécurité en Albanie. Le régime iranien a cherché à éliminer ses membres en Irak ou à les forcer à se rendre, mais il a finalement échoué. Des terroristes mandatés par le régime irakien ont mené plusieurs attaques contre la base de l’OMPI au camp d'Achraf en Irak, tuant et blessant des centaines de personnes.

En 2013, le chef de la résistance iranienne, Massoud Radjavi, a formulé une nouvelle stratégie qui appelait à «la création d'un millier d'Achrafs (en tant que bastions de la résistance) et de groupes de résistance pour renverser le régime iranien». En pratique, cette stratégie a conduit à la création de petites équipes. En Iran, ces petites équipes, composées de plusieurs membres, sont appelées «Unités de résistance». Ces unités mènent diverses activités antirégime, notamment en brûlant des images d'icônes de la terreur et de la violence.

La destruction des symboles du régime, notamment les affiches du Guide suprême, Ali Khamenei, les graffitis, les incitations à la révolte contre le gouvernement clérical et l'organisation de manifestations sporadiques, servent ainsi d'étincelle initiale à des soulèvements généralisés. Ils sont l'esprit directeur et le moteur des soulèvements.

Les Unités de résistance organisent des manifestations et des soulèvements, et elles travaillent également avec ferveur pour que ces mesures de résistance contre la répression brutale du régime puissent se poursuivre. Par conséquent, la poursuite d’actions audacieuses est l'une des tâches principales des Unités de résistance. Cette stratégie appelle à un changement de régime en Iran dans le but de créer des unités actives au sein de la société et un lien permanent entre l'opposition organisée et les différents secteurs sociaux.

Cette idée est enracinée dans la ferme conviction de la résistance iranienne que tout changement en Iran doit venir de l'intérieur et doit être initié par le peuple iranien lui-même.

Alors que le régime voit son système se fissurer et une augmentation des soulèvements depuis janvier 2018, on recense plusieurs soulèvements nationaux depuis lors qui ont ébranlé les fondements du régime, notamment les soulèvements de novembre 2019, au cours desquels le régime des mollahs a brutalement massacré plus de 1 500 manifestants dans les rues. Des manifestants qui ont pourtant, à plusieurs reprises et ouvertement, averti le chef du régime, Ali Khamenei, et d'autres responsables de la nature des manifestations.

L'incendie de la statue de Qassem Soleimani – l'icône de l’ingérence régionale, connu en Iran comme le tortionnaire d’enfants (Syriens) –, l'opposition iranienne, le 5 janvier 2022, dans la ville kurde de la province de Charmahal-Bakhtiari, ainsi que l'infiltration des Unités de résistance dans les réseaux de radio et de télévision d'État iraniens et la diffusion du slogan «à bas Khamenei, vive Radjavi», ont démontré la grande capacité et efficacité des Unités de résistance.

Bien que de nombreuses Unités de résistance aient été arrêtées et soumises aux formes les plus brutales de torture ou d’exécutions depuis 2016, leurs convictions n’ont cessé de croître en quantité et en qualité. Elles croient à la séparation de la religion et de l'État ainsi qu’à l'égalité des sexes.

Que le régime iranien parvienne ou non à l'accord souhaité dans le PAGC n'a absolument aucune incidence sur son sort. L'explosion de la société iranienne est inévitable, et la présence large et croissante des Unités de résistance conduira cette explosion à de grands changements.

La résistance d'un petit nombre d’Ukrainiens contre l'occupation de leur pays a montré que la victoire appartient à ceux qui ont choisi de résister à tout prix.

 

 

Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années. 

TWITTER: @h_enayat

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.