Macron impose le front républicain

Un homme passe devant les affiches de campagne des candidats à l'élection présidentielle française, du président sortant Emmanuel Macron (à gauche) et de la candidate à l'élection présidentielle du parti d'extrême droite du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen à Denain, le 11 avril 2022. LUDOVIC MARIN / AFP
Un homme passe devant les affiches de campagne des candidats à l'élection présidentielle française, du président sortant Emmanuel Macron (à gauche) et de la candidate à l'élection présidentielle du parti d'extrême droite du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen à Denain, le 11 avril 2022. LUDOVIC MARIN / AFP
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Publié le Mercredi 13 avril 2022

Macron impose le front républicain

Macron impose le front républicain
  • La majorité des partis battus au premier tour ont déclaré qu’aucune voix ne devait aller à Marine Le Pen
  • Pourtant, la mission du front républicain paraît plus compliquée qu’en 2017, la candidate d’extrême droite ayant procédé avec un certain succès à une grande opération de lifting politique

Dès les résultats du premier tour de la présidentielle française connus, une petite musique, d’abord un murmure implicite, a commencé à s’installer, puis s’est transformée en spectaculaire affirmation. Aucune voix à gauche et au sein d’une grande partie de la droite ne doit bénéficier à Marine Le Pen. La dynamique du front républicain est en marche.

Cette clarification des choix politiques contredit ouvertement l’incertitude des uns et des autres à ne pas s’engager à ériger un barrage contre l’extrême droite dès le début de la campagne électorale. Un choix qui s’expliquait par les possibilités des différents candidats de se qualifier au second tour. Annoncer la couleur et rejoindre le front républicain dès le départ de la course aurait consisté à enterrer ses chances de réaliser la moindre performance.

Comment retrouver les intonations politiques pour remettre Marine Le Pen à sa véritable place, rappeler sa vraie identité politique?

Aujourd’hui, alors que la photo politique du second tour et de ses enjeux est limpide, il n’y a aucune place à l’hésitation et au clair-obscur. Il s’agit de barrer le chemin à l’extrême droite et de l’empêcher de s’emparer de l’Élysée.

Cependant, par rapport à 2017, la mission du front républicain paraît plus compliquée. Marine Le Pen, qui était le diable incarné, Satan ressuscité en 2017, a procédé avec un certain succès à une grande opération de lifting politique.

Son image s’est adoucie. Son verbe s’est arrondi. Sa démarche s’est assagie. Elle a beaucoup travaillé sur sa communication pour ne plus effrayer et choquer. Il faut dire qu’elle a énormément été aidée par le polémiste Éric Zemmour, dont les prises de position radicales ont fait apparaître Marine Le Pen comme une personnalité modérée, fréquentable, voire compatible avec la fonction présidentielle.

C’est la grande difficulté pour Emmanuel Macron d’ici au 24 avril. Comment retrouver les intonations politiques pour remettre Marine Le Pen à sa véritable place, rappeler sa vraie identité politique? Celle d’une extrémiste, raciste et xénophobe, qui porte un projet de grandes ruptures menaçant la paix sociale et civile françaises.

Il faut prévoir que les deux candidats vont croiser le fer sur le pouvoir d’achat des Français, la grande préoccupation du moment.

Il s’agira aussi pour le président sortant de dévoiler l’imposture des propositions de la candidate d’extrême droite sur le pouvoir d’achat des Français. Ce thème a déjà été traité par Emmanuel Macron lorsqu’il a accusé Marine Le Pen de vouloir «raser gratis», de faire des propositions fantaisistes non financées et de promettre monts et merveilles sans aucun sens de la responsabilité.

Il faut prévoir que les deux candidats vont croiser le fer sur le pouvoir d’achat des Français, la grande préoccupation du moment. Sur ce terrain, Emmanuel Macron possède des longueurs d’avance. Sa technicité affirmée, sa maîtrise des dossiers, son talent d’orateur et de débatteur feront mouche face à Marine Le Pen, à qui l’on reproche de ne pas maîtriser ses dossiers.
   
Porté par un front républicain qui ne dira sans doute pas son nom, Emmanuel Macron aura pour mission non seulement de battre Marine Le Pen, mais aussi de montrer que le projet politique de la candidate et ses idées sont dangereux pour les Français. En ligne de mire, les prochaines élections législatives et la nécessité de disposer d’une majorité pour gouverner un pays dont les clivages sont tels qu’il lui faut imaginer de nouvelles alliances et d’innovantes coalitions.

Toutes proportions gardées, la France d’aujourd’hui a un air de famille avec l’Amérique qu’a léguée le républicain populiste, Donald Trump, au démocrate Joe Biden.

Emmanuel Macron devra gérer un pays où le parti héritier du général De Gaulle ne parvient même pas à atteindre les 5% pour obtenir le remboursement de ses frais de campagne, où la formation politique de François Mitterrand, le parti socialiste (PS), avec sa candidate, Anne Hidalgo, peine à atteindre les 2% derrière le candidat de la ruralité, Jean Lassalle, et où le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a raté la seconde place de quelques miettes.

Si un second mandat paraît à portée de main, Emmanuel Macron devra composer avec un bloc d’électeurs profondément divisé entre un centre droit, pour lequel il doit assumer les choix présidentiels et des extrêmes, de gauche comme de droite, déterminées à imposer leurs agendas par tous les moyens, y compris celui de recours à la contestation dans la rue.

Toutes proportions gardées, la France d’aujourd’hui a un air de famille avec l’Amérique qu’a léguée le républicain populiste, Donald Trump, au démocrate Joe Biden. Un pays lourdement clivé, prompt à s’enflammer à importe quelle occasion, et dont les composantes sociales et communautaires se regardent en chiens de faïence. Tout indique que le second mandat d’Emmanuel Macron, une fois Marine Le Pen battue, ne sera ni une promenade de santé, ni un long fleuve tranquille.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.