Entre-deux tours: un débat, deux animateurs et des craintes de pressions

Léa Salamé, choix numéro 1 pour animer le débat, contrairement à Sophie Lapix dont aucun des deux candidats ne veut, selon TF1. A gauche, LAurent Guimier. (AFP).
Léa Salamé, choix numéro 1 pour animer le débat, contrairement à Sophie Lapix dont aucun des deux candidats ne veut, selon TF1. A gauche, LAurent Guimier. (AFP).
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Publié le Jeudi 14 avril 2022

Entre-deux tours: un débat, deux animateurs et des craintes de pressions

  • Comme c'est l'usage pour ce rendez-vous traditionnel depuis l'élection de 1974, les noms des présentateurs ont fait l'objet d'un accord entre les chaînes et les équipes de campagne.
  • "C'est vrai que c'est un peu archaïque", dit à l'AFP le journaliste Christophe Jakubyszyn.

PARIS: Moment symbolique de la présidentielle, le débat d'entre-deux tours a été précédé cette année de craintes sur un interventionnisme des deux candidats dans le choix de ses animateurs, après plusieurs polémiques de ce genre durant la campagne.


Organisé le mercredi 20 avril à 21h00, quatre jours avant le deuxième tour, le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen sera présenté par les journalistes Léa Salamé (France 2) et Gilles Bouleau (TF1), ont officialisé les chaînes jeudi.


Comme c'est l'usage pour ce rendez-vous traditionnel depuis l'élection de 1974, ces noms ont fait l'objet d'un accord entre les chaînes et les équipes de campagne.


Mais au sein de France Télévisions, certains jugent que ce choix n'aurait pas forcément été le même si les candidats n'avaient pas été consultés. Au centre des interrogations, la présentatrice du 20h00 de France 2, Anne-Sophie Lapix.


"On entend que ni Macron ni Le Pen ne voulaient d'elle depuis des jours voire des semaines", dit à l'AFP une reporter de la rédaction.


Une position que Jordan Bardella, président par intérim du RN, a publiquement assumée. 


"Marine Le Pen ne souhaite pas qu'Anne-Sophie Lapix anime le débat" car la journaliste "n'arrive pas à dissimuler son hostilité", a-t-il affirmé sur CNews lundi.

Un moment fort, depuis 1974

Le débat télévisé opposant les deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle est une tradition depuis 1974.

Moment fort de la campagne, il s'est souvent révélé crucial pour l'issue du scrutin.

Il a aussi donné lieu à des répliques qui sont restées dans la mémoire politique française.

Parmi elles, le "Vous n'avez pas le monopole du cœur" de Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand en 1974, le "Vous êtes l'homme du passif" du deuxième au premier sept ans plus tard, ou la répétition de la formule "Moi, président..." par François Hollande face à Nicolas Sarkozy en 2012.

Depuis 1974, l'élection de 2002 est la seule à s'être déroulée sans débat de l'entre-deux tours. Le président sortant Jacques Chirac avait refusé de débattre avec son adversaire d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, qualifié surprise.

Salamé «choix N.1»

La direction de France Télévisions, elle, réfute catégoriquement avoir cédé à des exigences des candidats.


"Personne n'a été retoqué, ceux qui diront le contraire mentiront", assure à l'AFP Laurent Guimier, directeur de l'information du groupe public.


"Léa Salamé, qui est une excellente intervieweuse, était le choix numéro un", poursuit-il au sujet de celle qui coanimait avec lui Elysée 2022, l'émission de première partie de soirée de France 2 sur la présidentielle.


"Il y a une logique" à ce qu'elle anime le débat après avoir présenté cette émission-phare, souligne M. Guimier.


De son côté, "TF1 a eu toute latitude dans le choix de son journaliste", a déclaré à l'AFP Thierry Thuillier, directeur général adjoint du pôle Information du groupe TF1.


"Nous n'avions qu'un seul devoir: la parité. Il était clair que si une femme devait représenter France Télévisions, c'était forcément un homme (pour TF1), et cet homme c'était forcément Gilles Bouleau", a-t-il ajouté.


Cet épisode a en tout cas nourri les critiques contre la pratique qui veut que les candidats aient leur mot à dire sur les animateurs du débat.


"Ce droit de véto ou de récusation d'un autre temps doit être aboli", a dénoncé le Syndicat national des journalistes (SDJ) de France Télévisions mercredi, après la parution d'articles des journaux Le Parisien et Le Monde mentionnant le cas Lapix.


"Ces choix devraient revenir aux équipes rédactionnelles et à elles seules", a renchéri jeudi un autre syndicat, le SNJ-CGT.

« Archaïque »

"C'est vrai que c'est un peu archaïque", dit à l'AFP le journaliste Christophe Jakubyszyn. Aujourd'hui à BFMTV, il avait coanimé pour TF1 le débat d'entre-deux tours de 2017, déjà entre M. Macron et Mme Le Pen.


Au-delà de ce débat symbolique, plusieurs polémiques de ce genre ont marqué cette campagne.


Dans la semaine précédant le premier tour, M. Macron avait été le seul des douze candidats à ne pas participer à Elysée 2022, son équipe mettant en avant des "problèmes d'agenda".


La Société des journalistes (SDJ) de France 2 lui avait reproché de "refuser les invitations" de la chaîne.


Pour respecter l'égalité des temps de parole, France 2 avait diffusé des images d'un de ses meetings, ce qui avait suscité des tensions dans la rédaction.


Et mardi lors d'une conférence de presse, Marine Le Pen a assumé de marginaliser les journalistes de l'émission Quotidien (TMC), accusés de faire du "divertissement" et non de l'information.


"Soirée électorale, événement de campagne, interview en plateau, conférences de presse... Ce n'est pas aux politiques de choisir les journalistes qui les interrogent", a protesté mercredi la SDJ de France 2 à la lumière de tous ces incidents.


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.