Afghanistan: le revirement sur l'école met en évidence des tiraillements parmi les talibans

Sur cette photo d'archive prise le 23 mars 2022, des filles assistent à un cours dans leur école à Kaboul. L'interdiction talibane de l'éducation des filles montre que les ultra-conservateurs du mouvement conservent un contrôle étroit sur le groupe islamiste et révèle une lutte pour le pouvoir qui met en péril l'aide cruciale à la population désespérée de l'Afghanistan, selon les experts. (Ahmad Sahel Arman/AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 23 mars 2022, des filles assistent à un cours dans leur école à Kaboul. L'interdiction talibane de l'éducation des filles montre que les ultra-conservateurs du mouvement conservent un contrôle étroit sur le groupe islamiste et révèle une lutte pour le pouvoir qui met en péril l'aide cruciale à la population désespérée de l'Afghanistan, selon les experts. (Ahmad Sahel Arman/AFP)
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Publié le Vendredi 15 avril 2022

Afghanistan: le revirement sur l'école met en évidence des tiraillements parmi les talibans

  • Dans un volte-face inattendu, les talibans, au pouvoir depuis août, ont fait refermer le 23 mars aux filles les lycées et collèges, quelques heures à peine après leur réouverture, annoncée de longue date
  • Les ultra-conservateurs chercheraient ainsi à apaiser les milliers de combattants talibans issus des zones rurales les plus conservatrices du pays

KABOUL, Afghanistan : La fermeture aux filles des écoles secondaires montre que les orientations du mouvement taliban restent dictées par sa frange la plus radicale et expose ses divisions, qui se répercutent sur les chances de l'Afghanistan d'obtenir l'aide dont il a tant besoin, selon des experts.

Dans un volte-face inattendu, les talibans, au pouvoir depuis août, ont fait refermer le 23 mars aux filles les lycées et collèges, quelques heures à peine après leur réouverture, annoncée de longue date.

Ce revirement a suscité l'indignation de la communauté internationale mais a aussi laissé incrédule la composante la plus moderne des talibans, consciente que cela pourrait affecter sa capacité à obtenir de l'Occident l'aide financière que l'Afghanistan réclame.

«Cet ordre a été dévastateur. Le chef suprême lui-même est intervenu», affirme un haut responsable taliban, sous couvert d'anonymat comme toutes les sources talibanes interrogées par l'AFP.

Cette décision a été prise après une réunion secrète des dirigeants talibans à Kandahar (sud). Aucune raison officielle n'a été donnée pour la justifier, les talibans rappelant seulement que l'éducation des filles doit se faire en conformité avec la charia, la loi islamique, dont ils ont défendent une version ultra-rigoriste.

Le chef suprême du mouvement Hibatullah Akhundzada, et quelques autres, «sont ultra-conservateurs sur cette question» et ont eu le dernier mot, explique le même haut responsable taliban.

«Les ultra-conservateurs ont gagné cette partie», dit-il en se référant à un groupe de religieux qui inclut le président de la Cour suprême Abdul Hakim Sharai, le ministre des Affaires religieuses Noor Mohammad Saqeb et le ministre de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice Mohammad Khalid Hanafi.

- Restaurer l'influence de Kandahar -

Ceux-ci se sont jusqu'ici sentis maintenus à l'écart des décisions gouvernementales et s'opposer à l'éducation des filles est leur manière de restaurer leur emprise, estime Ashley Jackson, une spécialiste de l'Afghanistan.

«L'influence exagérée de cette minorité déconnectée de la réalité» a empêché le gouvernement d'appliquer une mesure approuvée par la vaste majorité des Afghans et la plupart des dirigeants talibans, ajoute-t-elle.

«Cela montre que Kandahar reste le centre de gravité de la politique talibane», souligne Graeme Smith, analyste pour l'International Crisis Group. Kandahar, deuxième plus grande ville d'Afghanistan, est le berceau des talibans qui en avaient fait l'épicentre de leur précédent régime (1996-2001).

Les ultra-conservateurs cherchent aussi à apaiser les milliers de combattants talibans issus des zones rurales les plus conservatrices du pays, souligne le même haut responsable taliban.

«Pour eux, dès qu'une femme sort de sa maison, c'est immoral. Alors imaginez ce qu'il en est de l'éduquer», dit-il.

A l'en croire, le chef suprême est lui-même opposé à une «éducation moderne, séculaire», qu'il associe à la vie sous les anciens présidents afghans, soutenus par l'Occident, Hamid Karzai et Ashraf Ghani.

Les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan en août, en mettant fin à vingt années d'occupation par les États-Unis et leurs alliés, qui les en avaient chassés en 2001.

Pendant ces deux décennies, les Afghanes --privées de presque tout droit sous le précédent régime taliban-- ont acquis des libertés nouvelles, retournant à l'école ou postulant à des emplois dans tous les secteurs d'activité, même si le pays est resté socialement conservateur. 

- Coup dur pour l'aide humanitaire -

La militante Tafsir Siyaposh remarque que les filles afghanes ont toujours étudié dans des classes non-mixtes et suivi un curriculum islamique. Les interdire d'école montre que les talibans veulent seulement «opprimer les droits des femmes en donnant des excuses», accuse-t-elle.

Une autre source talibane, basée au Pakistan, confirme  ces différences d'opinion entre dirigeants talibans sur la question de l'éducation, mais en écartant tout risque de voir le groupe se fragmenter.

«Il y a un débat sur cette question (...), mais nous essayons de résoudre nos divergences», confie-t-elle.

Pour les analystes toutefois, ce revirement sur l'école est un coup dur porté aux efforts des talibans pour être reconnus par la communauté internationale et obtenir l'indispensable aide humanitaire.

Ni Hibatullah Akhundzada, ni ceux qui sont proches de lui, «n'ont pleinement compris et évalué «les conséquences de cette décision sur la communauté internationale, qui a lié une éventuelle reconnaissance du gouvernement taliban à son respect des droits des femmes, considère Ashley Jackson.

Même de hauts responsables talibans sont en accord avec cette analyse. «Nous leur disons (aux ultra-conservateurs) que diriger un pays n'est pas la même chose que gérer une madrassa», une école coranique, explique l'un de ceux-ci, originaire de Kandahar.

«Tout se passait bien jusqu'à ce que cette décision sévère ne tombe. Elle est venue de notre Emir, alors nous devons l'appliquer, mais nous essayons de la modifier», ajoute-t-il.

La position des talibans sur l'éducation rend les gouvernements étrangers moins indulgents à leur égard, juge Graeme Smith.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
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  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
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  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.

 


UE: quatre pays bénéficiaires de l'aide à la répartition des migrants

Des migrants, interceptés dans les eaux italiennes, débarquent après l'arrivée d'un navire transportant 49 migrants au port albanais de Shengjin, le 28 janvier 2025.(AFP)
Des migrants, interceptés dans les eaux italiennes, débarquent après l'arrivée d'un navire transportant 49 migrants au port albanais de Shengjin, le 28 janvier 2025.(AFP)
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  • La Commission européenne propose de relocaliser au moins 30.000 demandeurs d’asile depuis l’Italie, l’Espagne, la Grèce et Chypre vers d’autres États membres pour alléger la pression migratoire sur ces pays
  • Les 27 pays de l’UE doivent désormais négocier : chaque État devra soit accueillir des migrants, soit verser 20.000 € par personne — un débat déjà tendu entre pays réticents

BRUXELLES: La Commission européenne a annoncé mardi que l'Italie, l'Espagne, la Grèce et Chypre devraient recevoir de l'aide pour répartir ailleurs au moins 30.000 demandeurs d'asile et ainsi alléger la "pression migratoire" pesant sur ces pays.

Cette annonce va ouvrir des négociations délicates entre les 27 États membres de l'Union européenne (UE), dont nombre d'entre eux se montrent réticents à l'idée d'en accueillir.

L'UE a adopté en 2024 une réforme de sa politique sur la migration et l'asile, qui va bientôt entrer en vigueur.

L'élément clé est un nouveau système de "solidarité" visant à aider les pays méditerranéens considérés par Bruxelles comme étant sous "pression migratoire".

Les autres pays devront soit accueillir une partie des demandeurs d'asile en provenance de ces pays, soit leur verser une aide financière de 20.000 euros par migrant.

Les États membres ont cherché à influencer la décision de la Commission, ce qui a retardé son annonce d'un mois.

"La Grèce et Chypre subissent une forte pression migratoire du fait du niveau disproportionné des arrivées au cours de l'année écoulée", a déclaré mardi la Commission dans un communiqué.

"L'Espagne et l'Italie subissent également une forte pression migratoire du fait d'un nombre disproportionné d'arrivées à la suite d'opérations de sauvetage et de recherche en mer durant la même période", a-t-elle ajouté.

Cette annonce servira de base aux négociations entre États membres sur le nombre supplémentaire de demandeurs d'asile que chacun est disposé à accueillir, ou le montant de l'aide financière qu'il est prêt à apporter.

Certains pays ont déjà assuré qu'ils n'accueilleraient personne dans le cadre de ce dispositif et qu'ils se limiteraient à verser de l'argent.

Au moins 30.000 migrants devront être "relocalisés" chaque année dans le cadre du nouveau système. Le nombre définitif reste à déterminer, et la décision de qui ira où doit être prise d'ici fin décembre.