Une dizaine de frappes russes sur l'est de l'Ukraine, «nouvelle phase» de la guerre

Les forces russes concentrent leurs efforts sur la prise de contrôle total de la région du Donbass. (Archive/Reuters)
Les forces russes concentrent leurs efforts sur la prise de contrôle total de la région du Donbass. (Archive/Reuters)
Un homme regarde le cratère d'une explosion à la suite d'une attaque russe tôt le matin, à Kramatorsk, en Ukraine, le lundi 18 avril 2022. (AP Photo/Petros Giannakouris)
Un homme regarde le cratère d'une explosion à la suite d'une attaque russe tôt le matin, à Kramatorsk, en Ukraine, le lundi 18 avril 2022. (AP Photo/Petros Giannakouris)
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Publié le Mardi 19 avril 2022

Une dizaine de frappes russes sur l'est de l'Ukraine, «nouvelle phase» de la guerre

  • Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé qu'une «nouvelle phase de l'opération» militaire russe avait commencé
  • Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a demandé aux deux parties d'arrêter les combats pour une «pause humanitaire» de quatre jours à l'occasion de la Pâque orthodoxe

KRAMATORSK/ NATIONS UNIES: La Russie a déclaré mardi avoir mené une dizaine de frappes sur l'est de l'Ukraine qu'elle entend "libérer", le chef de la diplomatie russe évoquant le début d'une "nouvelle phase" de la guerre qui dure depuis bientôt deux mois.  

Au lendemain de l'annonce par Kiev d'une nouvelle offensive d'ampleur de Moscou dans l'est de l'Ukraine, les forces armées ukrainiennes ont confirmé que les Russes avait "intensifié leur offensive" tout le long de la ligne de front dans l'est du pays. 

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé qu'une "nouvelle phase de l'opération" militaire russe avait commencé. "Je suis convaincu que cela sera un moment très important pour cette opération spéciale", a-t-il déclaré à la presse indienne. 

Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a dit suivre le "plan de libération" des "républiques" séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk (est de l'Ukraine), établi par le président russe Vladimir Poutine qui a reconnu leur indépendance. 

Les forces aériennes russes ont tiré des "missiles de haute précision" et neutralisé 13 places fortes de l'armée ukrainienne, a affirmé son ministère, appelant les Ukrainiens à la reddition. 

Les autorités locales ukrainiennes ont appelé les habitants à fuir cet "enfer", malgré l'absence de couloirs humanitaires. 

Ces dernières semaines, après avoir échoué à prendre le contrôle de la région de Kiev, la campagne militaire russe s'est réorientée sur le bassin du Donbass, partiellement contrôlé par les forces prorusses depuis 2014. 

La "bataille pour le Donbass" a commencé, a affirmé lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Une très grande partie de l'ensemble de l'armée russe est désormais consacrée à cette offensive." 

Selon un haut responsable américain du département de la Défense, la Russie a augmenté sa présence militaire dans l'est et le sud de l'Ukraine, portant à 76 le total de bataillons dans le pays. 

 

Guterres dénonce l'offensive russe à l'est et demande 4 jours de «pause humanitaire» pour la Pâque orthodoxe

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé mardi l'offensive russe dans l'est de l'Ukraine et demandé aux deux parties d'arrêter les combats pour une "pause humanitaire" de quatre jours à l'occasion de la Pâque orthodoxe. 

"Je demande aujourd'hui une pause humanitaire de quatre jours pour la semaine sainte", de jeudi à dimanche, "pour permettre l'ouverture d'une série de couloirs humanitaires" en Ukraine, a déclaré le chef de l'ONU. 

Cette suspension des combats servirait à l'évacuation des civils "des zones de confrontations actuelles et attendues", avec l'aide de la Croix-Rouge, et à l'acheminement de l'aide humanitaires "dans les zones les plus touchées comme Marioupol, Kherson, Donetsk et Lougansk", avance-t-il. 

"Plus d'un tiers" des 12 millions de personnes qui ont besoin d'aide humanitaire en Ukraine se trouvent dans ces quatre villes, selon lui. 

"Nous prévoyons que ce chiffre va atteindre 15,7 millions -- soit 40% des Ukrainiens qui sont encore dans le pays", a-t-il ajouté. 

"Cette année, la semaine sainte orthodoxe est observée à l'ombre d'une guerre qui représente la négation totale du message de la Pâque", "une saison pour le renouveau, la résurrection et l'espoir", a regretté Antonio Guterres, appelant encore au dialogue entre Russes et Ukrainiens. 

"Cette Pâque coïncide avec une offensive russe dans l'est de l'Ukraine. L'intense concentration des forces et de la puissance de feu rend cette bataille inévitablement plus violente, sanglante et destructrice", a encore dit le secrétaire général. 

« L'enfer » 

L'AFP a vu des bus transportant des militaires ukrainiens se diriger vers Kramatorsk, la capitale du Donbass, tandis que les autorités locales appelaient la population civile à évacuer. 

"C'est l'enfer", s'est ému lundi soir sur Facebook le gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï. Les combats "sont incessants" dans plusieurs villes. 

"Partez!", a-t-il ordonné mardi à ses concitoyens. "Des milliers d'habitants de Kreminna n'ont pas eu le temps de partir et maintenant, ils sont otages des Russes." 

Kreminna, qui comptait environ 18 000 habitants avant la guerre et est située à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Kramatorsk, est tombée aux mains des Russes, selon lui.  

Des combats ont lieu également à Roubijné (15 km à l'est de Kreminna) et à Popasna (75 km au sud), selon M. Gaïdaï, qui a évoqué un bilan de 200 morts. 

L'armée russe "concentre ses efforts" pour s'emparer de Marioupol (sud-est), Popasna, Roubijné, Severodonetsk --tout près de Lyssytchansk, dont le maire Oleksandr Zaïka a qualifié sur Telegram la situation de "très, très tendue". 

"Je vous en supplie: partez tant qu'il existe cette possibilité", a-t-il lancé. 

Dans la région voisine de Donetsk, celle de Lougansk, les Russes bombardent "en direction de Mariïnka, Otcheretyne et Avdiïvka", a signalé mardi son gouverneur, Pavlo Kyrylenko, sur Telegram. 

Lundi, huit civils sont morts dans ces régions - dont une famille voulant fuir Kreminna - et une personne au moins mardi, selon les autorités locales. 

Faute d'accord avec les Russes, aucun couloir d'évacuation de civils n'a pu être organisé mardi dans le pays, et ce pour la troisième journée consécutive, avait indiqué mardi matin la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk. 

La Russie a cependant annoncé peu après avoir ouvert un couloir censé permettre aux forces ukrainiennes ayant décidé de se rendre de sortir de Marioupol, port stratégique sur la mer d'Azov, assiégé depuis début mars par les troupes russes. 

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Une image diffusée par le conseil municipal de Marioupol montrent des nuages de fumée s'élevant au-dessus de l'aciérie Azovstal et l'entrée détruite du chantier naval d'Azov, le 18 avril 2022. (Photo, AFP)

Nouvel ultimatum 

Dans cette ville où les autorités craignent la mort de 20 000 à 22 000 civils, les combats se concentrent autour du complexe métallurgique d'Azovstal. 

Des combattants ukrainiens y sont retranchés, mais aussi "au moins 1 000 civils, la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées, dans les abris souterrains" de l'usine, a affirmé mardi le conseil municipal de Marioupol sur Telegram. 

"Il y a des combats en cours, des combats de rue (...) mais aussi des combats de chars", a affirmé M. Kyrylenko sur la chaîne américaine CNN, assurant que les forces ukrainiennes résistaient toujours. 

La Russie, qui a appelé mardi les défenseurs de Marioupol à cesser "leur résistance insensée" après un premier ultimatum dimanche, est déterminée à s'emparer de ce port. 

Sa prise lui permettrait de consolider ses gains territoriaux le long des côtes de la mer d'Azov, en reliant le Donbass à la Crimée, et de libérer des troupes pour d'autres opérations. 

Un pétrolier russe saisi en Grèce

Un pétrolier russe a été saisi en Grèce en vertu des sanctions européennes liées à la guerre en Ukraine, a-t-on appris mardi auprès des gardes-côtes grecs.
Le Pegas, qui devait se rendre au port turc de Marmara, se trouve actuellement ancré à Karystos, dans le sud de l'île grecque d'Eubée, selon le site internet de circulation maritime internationale Marine Traffic.
"Le pétrolier a été saisi le 15 avril en vertu des sanctions européennes, avec 19 Russes à bord", a déclaré une porte-parole des gardes-côtes grecs.
Elle a précisé que la saisie du bâtiment ne portait pas sur sa cargaison, qui devrait être transvasée sur un autre pétrolier, sans donner plus de détails sur la date de l'opération.
Selon des médias grecs, le tanker russe a rencontré des problèmes de moteur et était escorté par un remorqueur vers la péninsule du Péloponnèse, dans l'ouest de la Grèce, quand il a été contraint de mouiller à Karystos en raison des mauvaises conditions météorologiques.

Combats sur tous les fronts 

Dans l'est toujours, des divisions de missiles antiaériens Tor ont été transférées dans la région de Kharkiv et des systèmes antiaériens S-400 et S-300 ont été déployés dans la région russe de Belgorod près de la frontière avec l'Ukraine, selon l'état-major ukrainien. 

A Kharkiv même, deuxième ville d'Ukraine, de nouveaux bombardements ont fait mardi trois morts et 16 blessés. 

La Russie a aussi fait état de dizaines d'autres frappes de missiles dans le sud de l'Ukraine, autre ligne de front. 

Moscou, qui occupe déjà la ville de Kherson, "concentre ses forces" pour avancer vers la région de Mykolaïv, plus à l'ouest, où les bombardements se sont intensifiés, a indiqué mardi Natalia Goumeniouk, porte-parole du commandement sud des forces armées ukrainiennes. "La situation est tendue." 

"Tout le monde s'attendait à une offensive comme le 24 février avec une grande force terrible", a cependant souligné mardi le conseiller de la présidence ukrainienne, Oleksiy Arestovytch à la télévision ukrainienne. "Or, elle se déroule prudemment. Ce sont des unités russes qui tentent d'avancer. Dans le sud, ils tentent de nous encercler, cela a commencé avant-hier." 

La ville occidentale de Lviv, proche de la frontière polonaise et longtemps épargnée, a aussi subi de "puissantes" frappes lundi qui ont fait sept morts, d'après les autorités locales. 

Non loin de Lviv, un important dépôt d'"armements étrangers", provenant des Etats-Unis et de l'Union européenne, a été détruit, selon Moscou. 

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Derniers développements de la guerre en Ukraine lancée par la Russie, avec photos. (Graphique, AFP)

Prisonniers libérés, diplomates expulsés 

Soixante-seize Ukrainiens ont été libérés dans un nouvel échange de prisonniers avec la Russie, a annoncé Kiev mardi, sans révéler le nombre de Russes libérés. Moscou n'a pas confirmé cet échange.  

La Russie a en revanche indiqué avoir expulsé 36 diplomates belges et néerlandais, en représailles à une mesure similaire prise par Bruxelles et La Haye.  

Alors que les Etats-Unis ont annoncé lundi l'arrivée aux frontières ukrainiennes des premières cargaisons de leur nouvelle tranche d'aide militaire (d'un montant de 741 millions d'euros), le ministre russe Choïgou a accusé les Etats-Unis et les Occidentaux de "tout faire pour faire durer au maximum" la guerre, poussant Kiev à "se battre jusqu'au dernier des Ukrainiens".  

Le président américain Joe Biden devait participer mardi à une réunion virtuelle consacrée à l'Ukraine avec ses "alliés et partenaires", dont la liste n'a pas été dévoilée, selon un responsable de la Maison Blanche. 

« Ondes sismiques » économiques  

La guerre en Ukraine, qui a poussé près de cinq millions d'Ukrainiens à fuir leur pays, a déclenché des "ondes sismiques" pour l'économie mondiale, a prévenu Pierre-Olivier Gourinchas, chef économiste du Fonds monétaire international (FMI). 

La croissance de l'UE devrait notamment ralentir à 2,8% cette année, celle des Etats-Unis à 3,7% (-0,3 point). L'économie russe, soumise à des sanctions occidentales inédites, devrait elle se contracter de 8,5%, et le PIB ukrainien chuter de 35%. 

Le président ukrainien espère néanmoins obtenir pour son pays "dans les semaines à venir" le statut de candidat à l'adhésion à l'UE. 

Après les ambassades italienne et française qui se sont réinstallées à Kiev ces derniers jours, l'Espagne devrait bientôt les rejoindre et son Premier ministre, Pedro Sánchez, se rendra "bientôt" en Ukraine, ont indiqué des sources gouvernementales espagnoles. 


L'aide américaine n'est pas une «baguette magique» pour l'Ukraine

Des militants brandissent des drapeaux ukrainiens devant le Capitole américain à Washington, DC, le 23 avril 2024. (AFP)
Des militants brandissent des drapeaux ukrainiens devant le Capitole américain à Washington, DC, le 23 avril 2024. (AFP)
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  • «Cela a été un parcours difficile. Cela aurait dû être plus facile. Cela aurait dû arriver plus vite», a reconnu Joe Biden mercredi
  • Jake Sullivan a averti qu'il était "possible que la Russie réalise des avancées tactiques supplémentaires dans les semaines à venir", alors que Kiev s'attend à une nouvelle offensive russe prochaine

WASHINGTON: Un soutien massif, pas une "baguette magique": l'aide américaine à l'Ukraine ne résoudra pas tous les problèmes sur les fronts, et les Etats-Unis sont les premiers à le reconnaître.

"Cela a été un parcours difficile. Cela aurait dû être plus facile. Cela aurait dû arriver plus vite", a reconnu Joe Biden mercredi.

Il venait de promulguer une loi, âprement débattue pendant des mois au Congrès américain, qui prévoit 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique pour Kiev.

"C'est un montant important", mais "ce délai a coûté cher", souligne Garret Martin, chercheur à l'American University de Washington.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, en a convenu lui-même.

"Il va falloir du temps pour sortir du fossé creusé par les six mois d'attente" au Congrès, a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

Il a averti qu'il était "possible que la Russie réalise des avancées tactiques supplémentaires dans les semaines à venir", alors que Kiev s'attend à une nouvelle offensive russe prochaine.

"Le chemin qui est devant nous n'est pas facile", mais "nous pensons que l'Ukraine peut, et va, gagner", a encore indiqué" Jake Sullivan, en se gardant bien toutefois de définir ce que serait une "victoire" ukrainienne.

Au-delà du montant très conséquent voté par le Congrès, les Etats-Unis ont aussi décidé d'aller plus loin dans la nature des armes fournies.

Ils ont ainsi commencé, discrètement, à livrer aux Ukrainiens des missiles longue portée de type "ATACMS", et vont continuer à le faire.

Mobilisation

L'Ukraine avait utilisé pour la première fois en octobre contre la Russie des missiles américains ATACMS, mais ceux dont il est question désormais peuvent frapper plus loin, jusqu'à 300 km de distance.

"Cela aura un impact", mais "ce n'est pas un seul équipement qui résoudra tout", a dit le conseiller à la sécurité nationale.

Par ailleurs, "il y a une chose que cette aide ne peut pas faire, à savoir résoudre le problème du manque de combattants" de Kiev, souligne Garret Martin, même s'il estime que le vote du Congrès américain pourrait doper le moral des troupes ukrainiennes.

Ce sujet de la mobilisation a fait l'objet de discussions entre Joe Biden et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, selon la Maison Blanche.

L'Ukraine est confrontée à une pénurie de soldats volontaires, après plus de deux ans de guerre contre l'envahisseur russe, qui ont fait des dizaines de milliers de morts.

Kiev vient d'élargir la mobilisation, abaissant l'âge des Ukrainiens pouvant être appelés de 27 à 25 ans.

Le pays, qui cherche à faire revenir sur son territoire ses citoyens en âge de combattre, ne délivrera par ailleurs plus de passeports à l'étranger aux hommes âgés de 18 à 60 ans, selon un texte publié par le gouvernement mercredi.

Max Bergmann, Directeur au Centre des études stratégiques et internationales (CSIS), souligne lui que l'impact de l'aide américaine dépendra aussi, en partie, de l'attitude des Européens.

Ces derniers "doivent doper dès maintenant la production" d'armement, écrit-il dans une note récente, avec pour "objectif de pouvoir combler la lacune que laisseraient les Etats-Unis" si le financement américain devait s'arrêter pour de bon, par exemple en cas de victoire du républicain Donald Trump à la présidentielle de novembre.

Pour l'expert, l'Ukraine devra s'attacher en 2024 à "tenir ses positions, fatiguer les forces russes, reconstruire et restaurer ses propres forces et ses capacités de défense civile", avant, éventuellement, de repartir "à l'offensive" l'an prochain.


Pakistan: Malala critiquée pour une comédie musicale produite avec Hillary Clinton

La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton. (AFP).
La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton. (AFP).
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  • Sur X, anonymes et commentateurs lui reprochent d'être apparue à Broadway aux côtés de l'ex-secrétaire d'Etat américaine -sous le mandat de laquelle des frappes de drones ont tué des civils au Pakistan- et de ne pas se prononcer sur la guerre à Gaza
  • Si Malala Yousafzai, 26 ans, est une militante obstinée des droits des femmes louée à travers le monde, les cercles islamistes et une partie importante de l'opinion publique pakistanaise voient en elle un "agent des Etats-Unis"

LAHORE: La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton.

Sur X, anonymes et commentateurs lui reprochent d'être apparue à Broadway aux côtés de l'ex-secrétaire d'Etat américaine -sous le mandat de laquelle des frappes de drones ont tué des civils au Pakistan- et de ne pas se prononcer sur la guerre à Gaza, y voyant un "deux poids, deux mesures".

Si Malala Yousafzai, 26 ans, est une militante obstinée des droits des femmes louée à travers le monde, les cercles islamistes et une partie importante de l'opinion publique pakistanaise voient en elle un "agent des Etats-Unis" créé pour corrompre la jeunesse.

Après la première représentation de "Suffs", le cercle des critiques semble s'être élargi à des figures du féminisme au Pakistan.

"J'ai défendu bec et ongle Malala toutes ces années mais, là, je ne la suis pas. C'est vraiment difficile de la défendre depuis six mois", écrit ainsi la militante Leena Ghani, en référence à la guerre lancée par Israël à Gaza en réponse à l'attaque meurtrière du Hamas sur son sol le 7 octobre.

"J'admire Malala depuis 2011", affirme l'éditorialiste Mehr Tarar sur X, mais "sa collaboration théâtrale avec Hillary Clinton -qui défend le soutien infaillible de l'Amérique au génocide des Palestiniens- est un vrai coup à sa crédibilité comme défenseuse des droits humains".

« Tu nous as laissés tomber »

Mme Clinton a dit soutenir la guerre contre le Hamas et rejeté des appels au cessez-le-feu à Gaza. Elle a aussi réclamé la protection des civils dans le petit territoire contrôlé par le mouvement islamiste depuis 2007.

"Quelle déception Malala, tu nous as laissés tomber", écrit de son côté la professeure et militante féministe Nida Kirmani.

De nombreuses voix au Pakistan ont accusé Malala Yousafzai de ne pas avoir exprimé sa solidarité avec les Palestiniens. La jeune femme avait pourtant précédemment publiquement condamné la mort de civils à Gaza et réclamé un cessez-le-feu.

Le New York Times rapporte qu'elle portait un pin's rouge et noir pour la première représentation de "Suffs", un signe de soutien au cessez-le-feu.

Après ces critiques, la jeune femme a affirmé mardi sur le réseau social X son soutien aux habitants de Gaza et condamné la guerre menée par Israël.

"Je veux qu'il n'y ait aucune confusion quant à mon soutien à la population de Gaza", a écrit Malala Yousafzai.

"Nous n'avons pas besoin de voir davantage de cadavres, d'écoles bombardées et d'enfants affamés pour comprendre qu'un cessez-le-feu est urgent et nécessaire".

"J'ai condamné et je continuerai à condamner le gouvernement israélien pour ses violations du droit international et ses crimes de guerre", a-t-elle ajouté.

La jeune fille originaire de la verdoyante vallée de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, avait été blessée par balle au visage en 2012 par des islamistes.

Soignée en urgence en Grande-Bretagne, elle est ensuite devenue un symbole mondial de résistance à l'extrémisme religieux et la porte-voix des filles privées d'instruction, puis en 2014 la plus jeune prix Nobel de la Paix de l'histoire.

Depuis qu'elle a été attaquée, elle n'est revenue que deux fois dans son pays.


Gaza: montée des tensions entre étudiants et la police sur les campus américains

La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie. (AFP).
La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie. (AFP).
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  • "Si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale"
  • Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus

AUSTIN: La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie.

En visite à l'université Columbia à Manhattan -- d'où est parti cette dernière vague de manifestations étudiantes commencées en octobre -- le président républicain de la Chambre des représentants du Congrès, Mike Johnson, a menacé: "si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale".

Pour "rétablir l'ordre sur ces campus", a martelé le dirigeant conservateur.

Un avertissement qui résonne douloureusement aux Etats-Unis: le 4 mai 1970, la Garde nationale de l'Ohio avait ouvert le feu à l'université d'Etat de Kent sur des manifestants étudiants pacifiques, dont quatre avaient été tués.

M. Johnson, proche de l'ex-président républicain Donald Trump candidat à sa réélection, a averti qu'il exigerait du président démocrate Joe Biden d'"agir" et jugé que les manifestations pro-palestiniennes "mettaient une cible sur le dos d'étudiants juifs aux Etats-Unis", qui comptent le plus de juifs au monde (quelque six millions) après Israël.

« Liberté d'expression »

Depuis le début du conflit à Gaza en octobre, les universités américaines sont secouées par des débats parfois violents sur la liberté d'expression et des accusations d'antisémitisme et d'antisionisme qui ont coûté leurs postes cet hiver aux présidentes de Harvard et de l'université de Pennsylvanie.

"Profitez de votre liberté d'expression", a lancé, provocateur, M. Johnson, hué par des centaines d'étudiants de Columbia vent debout contre la guerre d'Israël contre le Hamas qui a tué quelque 34.200 personnes, la plupart des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien.

L'attaque sans précédent du 7 octobre 2023 menée par le Hamas a fait 1.170 morts, essentiellement civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles.

Mercredi, la Maison Blanche a réaffirmé que le président Biden, qui espère être réélu en novembre, "soutenait la liberté d'expression, le débat et la non discrimination" dans les universités.

Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus.

Alliance Etats-Unis-Israël 

Notamment dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre, dans le nord-est, où des prestigieuses universités ont demandé à la police d'interpeller des manifestants étudiants qui dénoncent l'alliance militaire, diplomatique et économique des Etats-Unis avec Israël et critiquent les conditions actuelles des Palestiniens.

"En tant que Palestinien, est-ce de ma responsabilité d'être là et de montrer ma solidarité avec la population de Gaza? Absolument!", a répondu à l'AFP Yazen, un Américain de 23 ans d'origine palestinienne qui campe depuis quelques jours dans des tentes montées sur le campus de Columbia.

La présidence de l'université a salué "des progrès importants" dans les discussions avec des étudiants pour évacuer ce campement d'ici vendredi.

Dans la nuit de lundi à mardi, 120 personnes avaient été brièvement interpellées devant l'université de New York (NYU), au coeur de Manhattan. A Yale, dans le Connecticut, une cinquantaine de manifestants ont aussi été interpellés.

Sa concurrente Harvard, la plus ancienne des Etats-Unis, en banlieue de la cité historique de Boston, a vu aussi mercredi se monter sur son campus arboré un campement.

Police anti-émeute 

A l'autre bout du pays, l'université du Texas à Austin a été le théâtre d'un face-à-face, finalement bon enfant, entre des centaines d'étudiants pro-palestiniens et la police, dont nombre d'officiers à cheval et en tenue anti-émeute.

Certains brandissaient des drapeaux palestiniens et portaient le keffieh, d'autres, encadrés par des policiers, s'étaient enveloppés dans des drapeaux d'Israël.

Et à l’université de Californie du sud (USC), plusieurs centaines d’étudiants ont manifesté aux cris de "libérez la Palestine", "révolution par l'intifada".

Dans la foule très diverse, certains agitaient des drapeaux palestiniens, d'autres portaient des keffiehs et des pancartes appelant à "arrêter le génocide" et à un  "cessez-le-feu".

Des centaines de manifestants s'étaient rassemblés mardi soir à Brooklyn, le plus grand arrondissement de New York, à l'appel de Jewish Voice for Peace, un groupe d'Américains juifs de gauche pro-palestiniens, à l'occasion du séder, le rituel de la Pâque juive. Nombre d'entre eux ont été interpellés.

"Nous sommes (les Américains) les instigateurs d'une telle violence, d'une telle haine, c'est terrible", a tonné sur place Rebecca Lurie.