De Beyrouth à Paris, retour sur le parcours de Léa Salamé

La journaliste française Léa Salame à l'émission politique qu'elle anime "Vous avez la parole", le 17 octobre 2019, sur le plateau de France 2, à Saint-Cloud, en périphérie de Paris. JACQUES DEMARTHON / AFP
La journaliste française Léa Salame à l'émission politique qu'elle anime "Vous avez la parole", le 17 octobre 2019, sur le plateau de France 2, à Saint-Cloud, en périphérie de Paris. JACQUES DEMARTHON / AFP
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Publié le Mercredi 20 avril 2022

De Beyrouth à Paris, retour sur le parcours de Léa Salamé

  • Fille d’un ancien ministre de la Culture libanais et d’une mère arménienne, Léa Salamé est prénommée Hala à sa naissance
  • Présentatrice, animatrice ou chroniqueuse politique, la Franco-Libanaise a porté toutes les casquettes

PARIS: Sa voix est facilement reconnaissable, son visage est partout, son style est souvent qualifié d’«incisif». Léa Salamé, 43 ans, journaliste, présentera aux côtés de Gilles Bouleau le débat présidentiel de l’entre-deux-tours qui opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen le soir du mercredi 20 avril.

Mais qui est Léa Salamé? Quel est son parcours et qu’est-ce qui justifie sa contribution à la modération d’un débat aussi important?

De Beyrouth à Paris, de Hala à Léa

Léa Salamé naît à Beyrouth le 27 octobre 1979. Fille de Ghassan Salamé, politologue et ancien ministre de la Culture libanais,  et de Mary Boghossian, libanaise d’origine arménienne, elle est prénommée Hala à sa naissance. Elle quitte le Liban à l’âge de 5 ans, fuyant la guerre, pour s’installer à Paris. Elle est naturalisée française cinq années plus tard.

Après une scolarité secondaire au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, puis à l'École alsacienne, Léa Salamé décroche un diplôme en droit à l’université Panthéon-Assas, puis un autre à Sciences Po Paris en 2002.

C’est auprès de Jean-Pierre Elkabbach, sur recommandation de son père, qu’elle effectue son premier stage en journalisme dans l’émission Paroles du Monde, sur La Chaîne parlementaire. Elle intègre en 2007 France 24 pour y présenter, avec Antoine Cormery, La Soirée, mais aussi Une semaine aux Amériques.

 

Léa Salamé et les attentats du 11 septembre 2001

Dans On est en direct, l’émission qu’elle présente avec Laurent Ruquier, Léa Salamé a livré son témoignage sur la journée du 11 septembre 2001; elle a été d’ailleurs superficiellement blessée lors de ces attentats: «J’étais à trois blocs du World Trade Center», raconte-t-elle. «Vous, vous avez tous vu devant vos écrans de télévision les avions rentrer dans les tours et s’effondrer, sauf que, quand on était en bas, nous, on ne comprenait rien. On pensait qu’il y avait un incendie», explique-t-elle. «On a tous été propulsés par terre, jetés par terre, éraflés partout.» Elle a alors pensé qu’on lui tirait dessus. «Je vais courir vers mon université pendant quarante-cinq minutes», poursuit-elle. Là-bas, la journaliste de France Inter a rejoint sa colocataire qui lui a expliqué la situation et lui a annoncé que les tours étaient tombées.

Carrière professionnelle
Journaliste polyvalente, Léa Salamé est aussi à l’aise à la radio qu’à la télévision. Présentatrice, animatrice ou chroniqueuse politique, la Franco-Libanaise a porté toutes les casquettes.

Son CV parle pour elle: de 2006 à 2010, elle travaille sur la toute jeune chaîne d'information internationale française en continu France 24. Elle la quitte à la fin de l’année 2010 pour rejoindre I-Télé en janvier 2011; elle y présente Élysée 2012. À la rentrée 2012, elle anime l'émission de débat On ne va pas se mentir, et, l'année suivante, Ça se dispute, sur la même chaîne, où elle arbitre les débats entre Éric Zemmour et Nicolas Domenach.

Depuis le 25 août 2014, elle tente l'expérience radiophonique et mène l’interview de 7h50 sur France Inter dans la matinale de Patrick Cohen. Parallèlement, de 2014 à 2016, elle prend la succession de Natacha Polony dans le duo de chroniqueurs formé avec Aymeric Caron (saison 2014-2015) puis avec Yann Moix (2015-2016) dans l'émission de Laurent Ruquier On n'est pas couché, diffusée sur France 2. Cette expérience révèle véritablement Léa Salamé au grand public.

À partir du 28 septembre 2016, Léa Salamé réalise enfin son rêve: animer une émission politique. Elle présente donc L'Émission politique sur France 2, avec David Pujadas de septembre 2016 à mai 2017, puis seule à partir de septembre 2017. Lors de la rentrée 2017, Léa Salamé reprend le 7/9 avec Nicolas Demorand après la démission de Patrick Cohen.

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La journaliste et animatrice de télévision franco-libanaise Lea Salame se prépare avant l'émission "L'Emission politique" dans les studios de la chaîne de télévision française France 2 à Saint-Cloud, à l'ouest de Paris, le 27 octobre 2016.
Eric FEFERBERG / AFP

Léa Salamé et les débats présidentiels

Pour son premier débat de l’entre-deux-tours, Léa Salamé est bien préparée.
En effet, en 2017 déjà, elle anime déjà avec David Pujadas l'émission 15 minutes pour convaincre, sur France 2, qui permet à tous les candidats de l'élection présidentielle de présenter leur projet en quinze minutes face aux deux journalistes.

Enfin, la journaliste s’est rodée à l’exercice en 2021, notamment avec l'émission Élysée 2022, dans laquelle elle reçoit, en compagnie de Laurent Guimier, plusieurs candidats à la présidentielle comme Éric Zemmour, Marine Le Pen ou encore Jean-Luc Mélenchon.

Le 19 septembre 2019, L'Émission politique est remplacée par Vous avez la parole. Léa Salamé la présente aux côtés de Thomas Sotto. Enfin, en 2021, la journaliste rejoint Laurent Ruquier pour coprésenter le talk-show du samedi soir On est en direct en deuxième partie de soirée sur France 2.

Cette énumération des faits d'armes n’est pas exhaustive, tant Léa Salamé s’est investie dans de nombreux projets.
On peut citer sa participation en 2016 à l'émission culturelle Stupéfiant!, diffusée sur France 2 (devenue sur France 5, à partir de septembre 2019, Le Doc stupéfiant). En 2019, France Inter lance une émission intitulée Femmes puissantes, qui propose des entretiens d'une heure, menés par Léa Salamé, avec des femmes de renom.

Léa Salamé est titulaire de deux prix, celui de la «Femme de l'année 2014 » décerné par le magazine GQ et celui de la «Meilleure intervieweuse de l'année 2015» (prix Philippe-Caloni).

Faits marquants et polémiques
Figure incontournable du paysage médiatique public en France, Léa Salamé est reconnue pour son sérieux, son professionnalisme et son assurance. La journaliste de 43 ans a eu face à elle de grandes personnalités de la scène politique françaises, que ce soient des présidents, des candidats à la présidentielle, des députés, entre autres; elle n’a jamais perdu son panache ni son ton provocateur.

Comme toute personnalité médiatique, elle a dû également faire face à un certain nombre de critiques. Ainsi, en 2016, alors qu'elle interviewe avec David Pujadas François Hollande dans l'émission Dialogues citoyens, sur France 2, la journaliste crée la polémique en rétorquant au président de l’époque, qui s’exprimait sur les réfugiés: «C'est une plaisanterie?»

lea salame
Le président français François Hollande dans un studio de France 2, au Musée de l'homme, alors qu'il se prépare à faire face à 90 minutes d'interview menée par David Pujadas et Lea Salame, et quatre électeurs français lors d'une émission intitulée "Dialogues citoyens" - "Dialogue citoyen" le 14 avril 2016, à Paris.

Le 8 janvier 2020, Léa Salamé est envoyée à Beyrouth par France Inter pour interviewer Carlos Ghosn, qui vient de quitter clandestinement le Japon. Cette interview est rapidement critiquée sur les réseaux sociaux et sur certains médias. On reproche à Léa Salamé «une mise en scène de connivence et de complaisance de la part d'une journaliste du service public envers un multimillionnaire qui a fui la justice».

En octobre 2021, dans l’émission On est en direct, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) l'a rappelée à l'ordre pour «son ton jugé irrespectueux et agressif» tout en rappelant que «les journalistes sont libres du ton et du style qu'ils adoptent, choix qui relève de l'éditorial, même si on peut déplorer qu'il varie en fonction des interlocuteurs». En revanche, il a suivi les saisines qui reprochent à la journaliste d'avoir manqué aux règles de déontologie en affirmant avec insistance «sans la moindre preuve» ni vérification des faits qu'il y a «des quartiers où les islamistes ont pris le pouvoir aujourd'hui en France».

«Une main de fer dans un gant de velours» est une expression qui définit bien Léa Salamé. Si certains admirent son caractère et sa manière de mener les débats, d'autres sont plus mesurés et déplorent son agressivité. Ce qui est certain, c’est que le rôle qui lui est confié ce mercredi 20 avril pour mener le débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle 2022 n’est pas donné à tout le monde. Encore une fois, ce n’est pas un hasard.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.