L’esprit ensoleillé du ramadan à Saïda dans un pays assombri par les crises

Un stand de marchands ambulants vendant des fruits et légumes frais dans les souks de Saïda, dans le sud du Liban. Photo : Hoda Rizk
Un stand de marchands ambulants vendant des fruits et légumes frais dans les souks de Saïda, dans le sud du Liban. Photo : Hoda Rizk
Une vue de l'intérieur du vieux souk de Saïda pendant le mois de Ramadan, avec des magasins ambulants de vêtements et de souvenirs. Photo : Hoda Rizk
Une vue de l'intérieur du vieux souk de Saïda pendant le mois de Ramadan, avec des magasins ambulants de vêtements et de souvenirs. Photo : Hoda Rizk
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Publié le Lundi 02 mai 2022

L’esprit ensoleillé du ramadan à Saïda dans un pays assombri par les crises

  • La vie dans le pays semble suspendue en attendant les élections législatives du 15 mai, mais Saïda reste aussi animée que d'habitude
  • Sous un soleil radieux, malgré la profonde crise économique, des vendeurs ambulants vendent sucreries, vêtements, fruits, légumes et pâtisseries spéciales ramadan

SAÏDA: S’adapter à une nouvelle réalité. Partout dans le monde, le mois sacré du ramadan est synonyme de spiritualité, de partage, mais aussi de la célébration à venir de l’Aïd el-Fitr. Pourtant, avec la crise économique que traverse le Liban, les habitudes du mois sacré ont changé, en partie en raison de l’inflation des prix des matières premières, des coupures d’électricité et d’un moral des ménages au plus bas. Arab News en français s'est rendu à Saïda, une ville sur la côte sud du pays, pour comprendre comment les habitants vivent ce mois sacré malgré le contexte que l’on connaît.

Alors que l’ambiance dans la plupart du Liban est tendue, particulièrement en cette période préélectorale (les élections législatives sont prévues le 15 mai prochain), Saïda reste très animée. Sous un soleil printanier, des marchands ambulants vendent sucreries, vêtements, fruits, légumes et pâtisseries spéciales ramadan. 

Nous faisons la connaissance de Mahmoud el-Shamiyye, propriétaire d’un stand de légumes et de fruits locaux, dits baladi, qui nous donne ses impressions. «Vous seriez surpris. Je passe le ramadan aussi bien que d'habitude. Je me suis installé à cet endroit, au souk, depuis plus de quarante ans», explique-t-il en souriant.

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Mahmoud el-Shamiyye, propriétaire d’un stand de légumes et de fruits locaux. Photo : Hoda Rizk

«Les gens achètent toujours autant qu'avant, mais avec la crise, demandent souvent ʺCombien coûte ce fruit?ʺ. Je leur dis que c’est encore plus cher que la veille. Alors, au lieu de ne rien acheter, ils finissent par prendre le double. Beaucoup de personnes à Saïda, comme dans tout le pays, comptent sur leurs proches à l'étranger pour survivre. Les expatriés envoient quelques centaines de dollars par mois à leurs parents. Avec 200 dollars mensuels, on peut vivre dans des conditions acceptables», soutient-il.

Depuis 2020, les prix sur le marché libanais flambent en raison de l'effondrement de l'économie. Le taux de change est passé de 1 500 livres libanaises (LL) pour un dollar avant la crise à un taux d'environ 24 000 LL sur le marché noir en avril 2022. Les personnes qui sont payées en «dollars frais» ou qui reçoivent de l'argent de leurs proches à l'étranger, profitent de la situation.

Mahmoud poursuit: «Les Libanais ont l'habitude de se faire plaisir, quelque soient les circonstances. Les moins aisés consomment plus que les riches, car ils ne veulent pas priver leurs enfants de nourriture, l'une des joies de la vie. Nous sommes un peuple qui a l'habitude de manger des repas de fête très variés, des feuilles de vigne farcies, les waraq enab, la fameuse salade libanaise, le fattouch, la soupe aux lentilles… La générosité est un élément essentiel de notre culture», explique-t-il, en décrivant la table de l'iftar à laquelle la plupart des Libanais sont habitués, mais dont beaucoup sont aussi privés.

«Cependant, il est vraiment devenu difficile de vivre au Liban en ce moment, avec des escrocs au pouvoir. Je vis parmi les gens, dans les souks, et je témoigne chaque jour de leurs souffrances. Nous vivons seuls. Le gouvernement ne se soucie pas de nous. La classe dirigeante a exactement su comment diviser et conquérir le pouvoir et sont heureux de nous voir comme ça. C'est notre faute, mais nous espérons changer notre destin avec les élections. Si les gens ne s'opposent pas à la classe dirigeante lors du vote, préférant rester chez eux, nous n'arriverons à rien», conclut le vendeur de fruits et légumes.

En continuant de sillonner le souk, nous faisons la connaissance de Hanadi, une dame assise juste devant son magasin de vêtements. «L'ambiance dans les souks cette année est bien meilleure que l'année dernière, malgré la crise du dollar. La Covid-19 a surtout affecté notre activité, mais les personnes ont l'air de bien gérer le reste de la crise. Il semble que le peuple dépense plus d'argent en considérant que notre monnaie n'a plus de valeur», explique la jeune femme.

«Même s’il n’y a peut-être pas autant de viande ou de poulet que les années précédentes sur notre table, nous veillons à ce que le choix reste varié. Ce qui compte, c'est que nos enfants soient heureux et ressentent toujours l'esprit du ramadan. Nous ne voulons en aucune façon qu'ils soient affectés par la crise», admet Hanadi, mère de deux enfants.

Plus loin dans les allées du souk, Ibrahim, marchand de pâtisseries, interpelle de sa voix chaleureuse les passants.  «Venez goûter aux douces qatayefs du ramadan!», lance-t-il.

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Ibrahim, un marchand de pâtisseries à Saïda. Photo : Hoda Rizk

En évoquant sa situation, il se montre cependant moins optimiste. «Les années précédentes, le magasin était toujours débordé. Nous étions surchargés de commandes. Mais maintenant, les familles achètent de plus petites portions, car chaque commande coûte presque six fois plus cher. Nous ne vendons plus 100 kg, il y a toujours des restes», assure-t-il à Arab News en français.

«En raison de la crise économique, nous ne sommes pas non plus en mesure d'offrir la même variété de pâtisseries qu’auparavant. La pénurie de blé affecte aussi considérablement notre production», continue Ibrahim, en nous offrant un morceau de qatayef, ces friandises traditionnelles du ramadan.

Au début de l'année, le gouvernement libanais a réduit les subventions sur le carburant, le blé, les médicaments et d'autres produits de base, sans mettre en œuvre un système de protection sociale adéquat pour protéger les habitants les plus vulnérables des conséquences des fortes hausses de prix. Selon l'ONU, le conflit en cours en Ukraine a également affecté la sécurité alimentaire dans le monde, notamment au Moyen-Orient.

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Amina, vendeuse au souk de Saïda. Photo : Hoda Rizk

Amina, une femme située à côté du marchand de qatayef, nous invite à venir acheter une belle robe pour la fête de l’Aïd. En regardant les vêtements, Arab News en français lui demande comment elle passe le Ramadan en pleine crise économique. Elle lève les yeux au ciel et répond: «Quand on veut jeûner, on le fait pour Dieu et on ne se soucie pas de cette crise. En fait, le jeûne nous aide à faire face à la crise et à trouver un objectif plus grand à travers la foi», raconte-t-elle. «Nous n'avons pas grand-chose au repas de l’iftar, mais cela n'a pas d'importance. L'être humain mange pour vivre, et non pas vivre pour manger. La patience est une vertu. Nous vivons pour voir l'autre côté et nous ne nous soucions pas des choses matérielles qui sont temporaires. Il n’est pas étonnant que l’on dise des Libanais qu’ils sont résilients», dit-elle fièrement, avant de nous souhaiter un «ramadan karim» .

Au Liban, ce sont les petites expressions de solidarité du peuple qui permettent à la population de rester debout, malgré une classe politique corrompue et un État qui ne parvient pas à répondre à leurs besoins fondamentaux. La célèbre «résilience» libanaise est une source de fierté dans le pays et permet d'expliquer la capacité du peuple à faire face à des crises de plus en plus fréquentes.


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.